CA Orléans, ch. des urgences, 6 novembre 2019, n° 19-01532
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Volkswagen Group France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blanc
Conseillers :
Mmes Meneau-Breteau, Grua
Avocats :
Mes Vogel, Oziol, Laval, Morin
Par acte en date du 28 novembre 2018, complété par conclusions ultérieures, X saisissait le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours afin de voir dire que l'ordonnance de référé du 17 avril 2018 ayant organisé une expertise confiée à l'expert Della Torre, remplacé par ordonnance du 6 juillet 2018 par Guy Puyot, soit déclarée commune à la SA Audi France, division de Volkswagen Group France, en sa qualité de constructeur du véhicule de marque Audi soumis à l'expertise, et à la SAS Intersport, qui était intervenue sur le véhicule le 16 décembre 2015 pour remplacer le séparateur d'huile et modifier le logiciel moteur.
Le demandeur s'estimait recevable à agir sur le fondement de l'article 145 du Code civil, dès lors que le délai de prescription de deux ans ne court qu'à partir de la découverte du vice, cette disposition s'appliquant aux vendeurs professionnels comme aux fabricants qui sont tenus de connaître les vices qui affectent la chose vendue.
La SAS Intersport s'en rapportait sur cette demande, émettant toutes réserves au fond.
La SA Volkswagen Groupe France concluait au débouté de la demande en l'absence de motif légitime, invoquant la prescription quinquennale, le véhicule ayant été mis pour la première fois en circulation le 22 juillet 2009.
À titre subsidiaire, elle faisait valoir que les opérations ne pourront être déclarées communes que sous réserve de l'absence de dépôt du rapport d'expertise, et formulait les protestations et réserves d'usage tant sur sa mise en cause au regard des règles de recevabilité et de prescription, que sur la mesure d'expertise, précisant que les opérations d'expertise antérieures ne pourront lui être déclarées opposables, sauf à les réitérer contradictoirement. Elle faisait valoir principalement que le délai de deux ans de l'action en garantie des vices cachés prévu à l'article 1648 du Code civil est enfermé dans un délai de droit commun de cinq ans prévu à l'article L. 110-4 du Code de commerce à compter de la vente initiale.
Par une ordonnance en date du 26 mars 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours donnait acte à la SA Volkswagen Groupe France de ses protestations et réserves et déclarait communes et opposables à la SAS Intersport, à la SA Fox, Groupe France l'ordonnance de référé du 17 avril 2018 et l'ordonnance changement d'expert du 6 juillet 2018 ainsi que les opérations d'expertise auxquelles elles devront désormais être appelées.
Ce magistrat considérait que la question de la prescription et la discussion qui oppose les parties quant au délai applicable relèvent de l'appréciation du juge du fond, et que cette discussion n'est pas de nature à supprimer le motif légitime justifiant la mesure d'expertise laquelle doit être diligentée au contradictoire du constructeur.
Par une déclaration en date du 25 avril 2019, la SA Volkswagen Group France interjetait appel de cette ordonnance.
Par ses dernières conclusions en date du 13 septembre 2019, elle en sollicite l'infirmation et demande à la cour de débouter X de sa demande d'extension des opérations d'expertise judiciaire à son encontre pour absence de motif légitime, le véhicule ayant une date de première mise en circulation le 22 juillet 2009 et l'assignation ayant été délivrée le 9 novembre 2018, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription quinquennale. Elle sollicite l'allocation de la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions en date du 4 juillet 2019, X demande la confirmation de l'ordonnance du 26 mars 2019 et l'allocation de la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture était rendue le 24 septembre 2019.
SUR QUOI :
Attendu que la partie intimée invoque l'existence d'un motif légitime à voir ordonner une expertise, expliquant que deux réunions d'expertise se sont déroulées en présence de la SA Volkswagen Groupe France et que cette présence avait été préconisée par l'expert judiciaire ;
Attendu que s'il est indiscutable que l'expert judiciaire peut estimer utile sur le plan technique la présence du constructeur aux opérations expertales, il n'en demeure pas moins qu'il n'a pas qualité pour apprécier la recevabilité des prétentions des parties au regard des délais de prescription pouvant être invoqués par ces dernières ;
Attendu que la partie intimée prétend que l'article 1645 du Code civil s'applique au vendeur professionnel comme au fabricant, qui sont tenus de connaître les vices affectant la chose vendue, et que la demande de dommages-intérêts présentée par l'acquéreur au titre de la garantie des vices cachés peut être présentée dans les deux ans qui suivent la découverte du vice ;
Que X prétend que s'il devait être considéré que le délai de prescription est enfermé dans un délai quinquennal, il y aurait lieu de considérer que la date de la première vente du véhicule, soit le 22 juillet 2009 ne lui est pas opposable ;
Attendu que le délai de deux ans éteint l'action en garantie ;
Qu'il y a lieu de distinguer de la durée quinquennale de l'existence de la garantie, qui est elle-même substantielle, obéissant à la règle de la prescription de cinq ans qui court à compter de la date de mise en circulation du véhicule ;
Qu'il est certain que l'action récursoire contre le fabriquant ne peut offrir à l'acquéreur final plus de droits que ceux qui ont été détenus par le vendeur intermédiaire ;
Que l'action du sous-acquéreur trouve en effet sa source dans le contrat conclu entre le vendeur originel et vendeur intermédiaire, et que c'est ce contrat qui constitue le cadre des références en vue d'en déterminer la mesure, le sous-acquéreur ne faisant exercer l'action dont disposait son auteur et ne peut obtenir plus de droits que ce dernier ;
Attendu que l'argument selon lequel la date de première vente du véhicule serait inopposable à X ne peut être retenu, puisqu'il en avait de toute manière connaissance en faisant l'acquisition du véhicule, la date de première mise en circulation figurant sur la carte grise ;
Attendu qu'il convient de retenir l'argumentation de la partie appelante, et de considérer que le délai de prescription quinquennale prévu à l'article L. 110-4 du Code de commerce était expiré à la date de délivrance de l'acte introductif d'instance, soit le 29 novembre 2018 ;
Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a accueilli la demande d'extension des opérations d'expertise judiciaire de X, Statuant à nouveau, Déboute X de sa demande d'extension des opérations d'expertise judiciaire à l'encontre de la SA Volkswagen Group France, Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne X aux dépens.