CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 novembre 2019, n° 17-11329
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sundis Production (SAS)
Défendeur :
Artplast (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mmes Soudry, Lignières
Avocats :
Mes Lallement, Laugier, de La Taille, Campagne
FAITS ET PROCEDURE :
La société Sundis Production (dite société Sundis ci-après) est une société spécialisée dans la conception et la fabrication d'articles en plastique pour l'équipement de la maison, qu'elle vend à une clientèle majoritairement composée de grands distributeurs.
Ses unités de production, logistiques et commerciales sont regroupées dans le Nord de la France.
La société Artplast exerce une activité de plasturgíe par injection de matière à travers des moules, propriété de sa clientèle dans différents secteurs tels que l'automobile, l'horticulture ou l'emballage.
La première facturation en direct entre les deux sociétés est intervenue en septembre 2008.
En 2012/2013, la société Artplast a facturé à la société Sundis un chiffre d'affaires de 503 212,00 euros.
Au mois de février 2015, la société Sundis a sollicité auprès de son cocontractant la reprise des deux moules qui, selon la société Artplast, constituaient une part importante de son activité.
Un différend s'élevait ensuite entre les deux sociétés sur l'état dégradé de certains moules.
Le volume des commandes de la société Sundis auprès de la société Artplast diminuait alors sans cesse.
Par lettre datée du 23 février 2016, la société Sundis s'est adressée à M. X en sa qualité de dirigeant de la société Artois Qualité Plastique (AQP) en ces termes : " Suite à des modifications de stratégie au sein de notre Groupe, nous avons décidé de réduire de manière significative notre volume de sous-traitance par incorporation de nouvelles presses à injecter sur notre site de production de Sars et Rosières dès avril 2016. Ces décisions stratégiques impliquent un arrêt des prestations avec certains de nos sous-traitants dont vous faites partie. Afin d'éviter une désorganisation de vos services, nous continuerons à utiliser vos services jusqu'au 30 avril 2017. Au cours de cette période de préavis, nous récupérerons progressivement nos moules et les éléments accessoires mis à votre disposition.
Nous espérons que sur cette période vous maintiendrez un niveau de qualité optimum et une conservation parfaite des biens mis à votre disposition ".
A ce courrier, ont répondu les sociétés Artois Qualité Plastique (AQP) et la société Artplast (toutes deux dirigées par M. X) par une lettre de leur conseil indiquant : " Les sociétés AQP et Artplast me transmettent votre courrier du 23 février 2016, annonçant la fin de vos relations commerciales débutées il y a plusieurs années, au terme d'un préavis que vous fixez au 30 avril 2017. Mes clientes m'avaient déjà chargé, il y a plusieurs semaines, de sanctionner votre attitude et de saisir la juridiction du tribunal de commerce de Lille Métropole d'une action indemnitaire, au visa de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ; sanctionnant la rupture brutale des relations commerciales établies. (...) Votre courrier du 23 février 2016 ne change rien à cette situation ".
Par acte introductif d'instance délivré le 19 avril 2016, la société Artplast a assigné la société Sundis devant le tribunal de commerce de Lille sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, et des articles 1382 et 1147 du Code civil.
Le tribunal de commerce de Lille, par jugement rendu le 18 mai 2017, a :
- débouté la société Sundis Production de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la société Sundis Production à payer à la société Artplast la somme de 137 798 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du jour d'assignation,
- dit que les intérêts seront assortis de l'anatocisme en application de l'article 1154 du Code civil,
- dit y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel et sans caution,
- enjoint à la société Artplast de tenir à disposition de la société Sundis Production les moules restant en sa possession dans le mois suivant la signi'cation du présent jugement,
- débouté la société Artplast du surplus de ses demandes,
- condamné la société Sundis Production à payer à la société Artplast une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Sundis Production aux entiers frais et dépens, taxes et liquides à la somme de 81,12 euros (en ce qui concerne les frais de Greffe). "
Par déclaration du 8 juin 2017, la société Sundis a interjeté appel de ce jugement pour l'intégralité de ses dispositions.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 5 juin 2019, la société Sundis demande à la cour de :
Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,
Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1880 et suivants du Code civil,
- constater, dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté,
Y faisant droit,
- réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
A titre principal,
- débouter la société Artplast de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- réduire à de plus justes propositions les dommages et intérêts éventuellement alloués, sans qu'ils puissent être supérieurs à la somme de 49 718 euros,
A titre reconventionnel,
- condamner la société Artplast à verser à la société Sundis Production la somme de 15 000 euros, au titre de la réparation des moules dégradés par la société Artplast,
- condamner la société Artplast à payer à la société Sundis Production la somme de 15 000 euros pour procédure abusive,
- condamner la société Artplast au paiement de la somme de 1 394,28 euros TTC au titre de la facture n° FACP0117070004
- condamner la société Artplast au paiement de la somme de 15 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Artplast aux frais et dépens d'instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Selarl BDL Avocats en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure pénale.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 18 juin 2019, la société Artplast demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
Vu les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil,
Vu les dispositions des articles 1142 et 1147 du Code civil,
Vu le jugement du tribunal de Lille Métropole en date du 18 mai 2017,
- juger recevable et bien fondée la société Artplast en ses demandes, fins et conclusions, et appel incident,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé la rupture des relations commerciales établies avec la société Sundis brutale et fautive, en l'absence d'un quelconque délai de préavis ou d'un délai de préavis suffisant, au regard du volume d'activités confiés antérieurement au mois de mars 2015,
- le reformer sur le montant des sommes allouées à la société Arplast,
Et statuant à nouveau,
- condamner la société Sundis au paiement de la somme de 347 218 euros à titre de la perte de marge brute subie par la société Artplast ladite somme portant intérêts au taux légal, majoré de cinq points, à compter du jour de l'assignation du 19 avril 2016,
- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil,
- la condamner en outre au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation de l'attitude dolosive et l'exécution de mauvaise foi des relations contractuelles,
- débouter la société Sundis de l'ensemble de ses demandes, dénués d'éléments probatoires ;
- la juger mal fondée en son appel,
- condamner la société Sundis au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en sus des sommes alloués en première instance, ainsi qu'aux entiers frais et dépens, de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 juin 2019.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.
La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.
Sur la relation commerciale établie :
En l'espèce, les parties ne contestent pas l'existence d'une relation commerciale établie entre elles, le débat portant sur le point de départ de cette relation.
La société Artplast prétend avoir d'abord travaillé pour la société Sundis en qualité de sous-traitant de la société AQP, dès mars 2005.
La société Sundis soutient que le début des relations avec la société Artplast date de septembre 2008, comme le prouveraient les facturations au nom de cette dernière.
Sur ce,
A défaut de preuve précise de la sous-traitance d'AQP au profit de la société Artplast, il conviendra de fixer, comme l'ont fait les premiers juges, le début de la relation commerciale entre les parties à septembre 2008, date de la première facturation directe de la société Artplast à la société Sundis.
Les parties s'accordent pour dire que toute relation commerciale entre elles cesse fin avril 2017, ce qui correspond à la date de fin du préavis octroyé dans la lettre de rupture du 23 février 2016.
Le point discuté est la période entre février 2015 et février 2016 (date de la lettre de rupture) pour laquelle la société Artplast invoque une rupture brutale partielle du fait du retrait par la société Sundis des deux moules " Clearbox Multimedia ".
Sur le caractère brutal de la rupture partielle à compter de février 2015 :
La société Artplast prétend que dès février 2015 du fait du retrait de deux moules " Clearbox Multimedia " qui représentaient une très importante part de son activité de fabrication pour la société Sundis, il y a eu une rupture brutale partielle de la relation commerciale établie.
La société Sundis conteste le caractère brutal de la rupture en faisant valoir que :
Le retrait des deux moules " Clearbox " en février 2015 était justifié par une baisse de son activité qui lui permettait une fabrication par ses propres machines, puis par l'obligation d'entretien de ces moules dont elle est propriétaire, des défaillances de la société Artplast dans l'exécution de ses obligations ont justifié sa décision de rompre notifiée le 23 février 2016.
Elle ajoute qu'en tous les cas la société Artplast a bénéficié d'un préavis de 14 mois entre le 23 février 2016 (lettre rupture) et fin avril 2017 (préavis octroyé dans lettre de rupture).
Sur ce,
Il ressort de l'email adressé par la société Sundis à la société Artplast le 6 février 2015 qu'elle indiquait récupérer les moules " Clearbox Multimedia " pour une durée déterminée du 10 février 2015 jusqu'à mi-mars 2015 au plus tard et s'engageait à les lui renvoyer pour reprise de la production avec conditions de prestations inchangées.
Ces moules n'ont jamais été restitués à la société Artplast.
Les chiffres indiqués dans le tableau intitulé " CA Sundis " produit en pièce 3 par la société Artplast ne sont pas contestés. Selon ce tableau, sur un chiffre d'affaires moyen annuel global HT pour les deux dernières années (du 1er septembre 2012 au 31 aout 2014) de 542 000 euros, près de 248 000 euros sont constitués par le chiffre d'affaires " CD/DVD " (les moules " ClearboxMultimedia "), c'est-à-dire près de 50 % du chiffre d'affaires de la société Artplast avec la société Sundis.
Le retrait de ces moules a donc engendré une réduction substantielle du courant d'affaires entre les parties.
Pour justifier le défaut de retour des moules " clear box Multimedia ", la société Sundis invoque l'état défectueux de ces derniers, qui serait dû à un défaut d'entretien de la part de la société Artplast.
L'appelante produit à cet effet un procès-verbal de constat établi par huissier de justice daté du 14 septembre 2015 mentionnant que le moule est " rouillé ", cependant, ce constat est relatif à un autre type de moule appelé " flexy bag ".
La société Sundis échoue donc à démontrer que la dégradation des moules " clear box Multimedia " serait due à un usage défaillant de la société Artplast, plutôt qu'à leur ancienneté.
La société Sundis est bien à l'origine du retrait des moules " clear box Multimedia " stoppant ainsi 50 % de la production confiée à la société Artplast. C'est la société Sundis qui a pris la décision de ne pas les restituer à la société Artplast, sans accorder un préavis pour que cette dernière ait le temps de se réorganiser après la perte de 50 % de sa production pour la société Sundis.
La lettre de rupture totale émanant de la société Sundis n'intervient qu'au 23 février 2016 avec un préavis accordé jusqu'au 31 avril 2017.
Les autres griefs invoqués par la société Sundis à l'encontre de la société Artplast ne sont opposés que pour justifier sa décision de rupture totale des relations concrétisée par sa lettre du 23 février 2016, soit :
- Commandes incomplètes ;
- Livraison de produits inutilisables ;
- Retards de livraison importants ;
- Défaut d'information sur ses difficultés à pouvoir produire dans les temps,
- Défaut de réponse à ses appels téléphoniques.
D'ailleurs, la société Sundis invoque ces griefs pour légitimer son choix de ne pas conserver la société Artplast en qualité de sous-traitante dans le cadre de la réorganisation de son activité consistant à réduire la sous-traitance par l'incorporation de nouvelles presses à injecter en interne.
Ces griefs ne sont donc pas pertinents pour justifier la rupture partielle sans préavis pour la période de février 2015 à février 2016, laquelle fait l'objet du présent litige.
Enfin, la société Sundis ne peut à bon droit se prévaloir du préavis octroyé dans sa lettre de rupture du 23 février 2016, alors que le litige porte sur la période antérieure d'arrêt partiel de production de février 2015 à février 2016.
Par conséquent, le caractère brutal de la rupture partielle de la relation commerciale intervenue de février 2015 (date de retrait des deux moules " Clear box ") à février 2016 (date de la lettre de rupture totale) est caractérisée en l'espèce, comme l'a jugé le tribunal de commerce.
Sur le délai du préavis :
La société Artplast prétend qu'un préavis de 12 mois était nécessaire pour sa réorganisation après le retrait sans préavis des moules " Clearbox " en février 2015, car elle n'a jamais retrouvé le chiffre d'affaires " Sundis " perdu.
La société Sundis fait valoir que s'agissant d'une rupture seulement partielle, le délai de préavis sollicité n'est pas justifié.
Sur ce,
La relation commerciale établie entre les parties a duré 6 années et demi.
Les soldes intermédiaires de gestion pour les exercices 2013 et 2014 produits par la société Artplast permettent de donner une situation économique objective du flux d'affaires existant avec la société Sundis début 2015. Il ressort de cette pièce comptable que la société Artplast réalisait 55 % de la moyenne de son chiffre d'affaires global avec la société Sundis (soit 578 697 euros sur 1 047 651 euros).
Concernant l'état de dépendance économique allégué par l'intimée, cet état n'était pas imposé par la société Sundis à la société Artplast, laquelle avait d'autres clients à hauteur de 45 % de son chiffre d'affaires global. Il s'agit donc d'un secteur d'activité dans lequel la société Artplast avait la possibilité de diversifier ses partenaires.
L'arrêt de production allégué porte sur 50 % du courant d'affaires avec la société Sundis. La rupture partielle brutale porte donc en l'espèce sur 27,5 % du chiffre d'affaires global de la société Artplast.
Au vu de tous ces éléments, un délai de 4 mois était nécessaire et suffisant pour permettre à la société Artplast de redéployer son activité en trouvant d'autres partenaires, après le retrait brutal des moules " clear box Multimedia " par la société Sundis.
Sur la réparation du préjudice :
Il convient de rappeler que l'on ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.
En l'espèce, la société Artplast sollicite une indemnisation pour son gain manqué à hauteur de l'équivalent de la marge brute sur une année du chiffre d'affaires tiré de sa relation avec la société Sundis sur l'année 2012/2013, ainsi qu'une indemnisation pour le préjudice subi du fait du défaut de loyauté allégué de la part de son partenaire commercial.
La société Sundis répond que l'indemnisation ne peut excéder la somme totale de 49 718 euros, en faisant valoir que la société Artplast ne se plaint pas d'une rupture totale des relations commerciales en février 2015 mais seulement d'une rupture partielle et que la perte de marge brute doit être calculée sur le chiffre d'affaires sur l'exercice 2014/2015 réalisé par la société Artplast avec elle.
Enfin, la société Sundis nie le manque de loyauté qui lui est reproché, prétendant avoir au contraire fait preuve de patience face à l'incurie de la société Artplast.
- Le gain manqué sur l'activité " moules Clearbox "
Pour le calcul du gain manqué sur l'activité de fabrication à partir des " moules Clearbox ", il sera pris en considération la perte de marge brute du fait de cette cessation durant la période de 4 mois du préavis qui aurait dû être respectée.
Au vu des pièces comptables versées au dossier et notamment des soldes intermédiaires de gestion indiquant les chiffres d'affaires des deux exercices précédents et une marge brute globale de l'intimée à hauteur de 58,78 %, c'est à bon droit que les juges du tribunal de commerce ont retenu les données suivantes :
- une moyenne des chiffres d'affaires de la société Artplast avec la société Sundis au cours des exercices 2012/2013 et 2013/2014 de (503 512 + 578 697) 541 105 euros, avec une marge brute de 60 % (taux non contesté par les parties), soit un total de 324 663 euros,
- sur la période de février 2015 à janvier 2016, le chiffre d'affaires réalisé par la société Artplast avec la société Sundis est de 196 611 euros générant une marge brute de 60 % de 117 966 euros.
La différence de marge brute entre les deux périodes prises en considération doit donc être fixée à (324 663 - 117 966) 206 697 euros, soit une perte mensuelle de 17 224 euros.
Le préjudice subi par la société Artplast du fait de l'arrêt brutal de l'activité "moules Clearbox Multimedia" sera donc fixé à la somme de 17 224 euros 4 mois, soit 68 896 euros.
Cette somme, s'agissant de dommages et intérêts, portera intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent arrêt.
La capitalisatisation des intérêts interviendra conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil.
- Le préjudice distinct dû à la mauvaise foi et au manque de loyauté
La société Artplast prétend que la société Sundis doit être condamnée à des dommages et intérêts supplémentaires couvrant l'attitude dolosive dont elle a fait preuve à l'égard de son cocontractant, partenaire de longue date qui a fait preuve selon elle, au vu des emails échanges (pièce 21 de la société Artplast) d'un manque total de loyauté et de bonne foi.
Les emails en pièce 21 échangés entre les parties courant mars 2016, sont postérieurs à la lettre de rupture totale émanant de la société Sundis, ils ne font que révèler le différend entre les parties sur les défaillances reprochées dans l'exécution des obligations contractuelles :
" Je fais suite au mail relatif à votre planning de production. Cette solution est inacceptable. (...) Je pense que vous vous moquez de nous. Je respecte le fait que vous défendiez votre business même si les raisons évoquées sont fallacieuses mais je n'accepte pas que vous mettiez à mal notre business par manque de professionnalisme ". (Email de la société Artplast à la société Sundis du 17 mars 2016)
" Vous avons passé des commandes dont vous ne respectez pas les délais et vous nous prévenez à la dernière minute de ce retard après de multiples relances (...) puisque votre ambition est de nous voir condamner, le plus simple est que nous récupérions nos moules... " (email de la société Artplast à la société Sundis du 21 mars 2016)
Ces propos écrits ne peuvent générer un préjudice distinct de celui engendré par la rupture partielle caractérisée de brutale.
Sur les demandes reconventionnelles de la société Sundis envers la société Artplast
- L'indemnisation du fait de la dégradation des moules :
Aux termes du présent arrêt, il ressort que la société Sundis échoue à prouver que la dégradation alléguée de ses moules a été causée par un comportement fautif de la société Artplast.
Par conséquent, il ne sera pas fait droit à la demande reconventionnelle de ce chef.
- La facture impayée :
La société Sundis sollicite le paiement d'une facture émise le 4 juillet 2017 à l'encontre de la société Artplast pour un total de 1 394,28 euros TTC au titre de la dernière production effectuée par cette dernière contenant 1291 couvercles défectueux et ce, conformément aux usages.
La société Artplast s'oppose au paiement en faisant valoir la défaillance probatoire de la demande.
Sur ce,
A l'appui de sa demande en paiement, la société Sundis produit une facture datée du 4 juillet 2017 émise par elle-même à l'encontre de la société Artplast intitulée " couv argent tango 50L " pour une quantité de 1291 pièces, ainsi qu'un l'échange d'emails entre les parties courant juin-aout 2017 (pièce 40 de la société Sundis), soit postérieurement à la fin du préavis pour rupture totale du 31 avril 2017.
M. Y de la société Sundis écrit ainsi à M. X, dirigeant de la société Artplast le 9 juin 2017 : " nous avons en stock des couvercles " tango " 50L défectueux. Nous allons les trier et les isoler. Nous vous refacturerons les qtés défectueuses. La marchandise sera à votre disposition si vous souhaitez la récupérer " et M. X lui répond le 2 aout suivant : " nous ne comprenons pas votre demande nous n'avons plus de relation commerciale entre nos 2 sociétés ".
Il en ressort que la société Artplast a toujours contesté la légitimité de cette facture et que la société Sundis ne peut prouver la réalité du stock défectueux que par sa demande par email et l'émission d'une facture de sa part à l'encontre de la société Sundis.
Ce chef de demande sera donc rejeté.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société Artplast
Concernant la demande reconventionnelle sur la procédure abusive, il résulte des dispositions de l'article 1240 du Code civil qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.
En l'espèce, la société Artplast n'a fait que se défendre sur l'appel interjeté par la société Sundis et a d'ailleurs été déclarée partiellement bien fondée dans ses demandes tant en première instance qu'en appel. En conséquence, la société Sundis sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les frais et dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Sundis aux dépens de l'instance et à verser à la société Artplast la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'espèce commande que la société Sundis qui reste débitrice prenne à sa charge les dépens et il est équitable que ce dernier participe à hauteur de 5 000 euros aux frais irrépétibles supplémentaires engagés en cause d'appel par la société Artplast pour se défendre.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, confirme le jugement déféré, sauf sur le quantum retenu pour indemniser la rupture brutale partielle ; Statuant à nouveau de ce seul chef, condamne la société Sundis à payer à la société Artplast la somme de 68 896 euros au titre de l'indemnité due pour la rupture brutale partielle des relations commerciales établies, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, avec capitalisatisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil ; Et y ajoutant, rejette la demande de la société Artplast en dommages et intérêts au titre du préjudice pour mauvaise foi et manque de loyauté, rejette les demandes reconventionnelles de la société Sundis sur l'indemnisation du fait de la dégradation de ses moules et en paiement de la facture du 4 juillet 2017, déboute la société Sundis de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, condamne la société Sundis à payer à la société Artplast la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles supplémentaires.