CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 novembre 2019, n° 17-16331
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
WSN Développement (SAS)
Défendeur :
Exalis GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Soudry, Moreau
Avocats :
Mes Boccon Gibod, Fauchoux, Azoulai, Régnier, Allemand
FAITS ET PROCÉDURE :
La société WSN Développement est spécialisée dans la création et l'organisation de manifestations et d'évènements commerciaux dans le domaine de la mode.
Elle organise notamment le salon Who's next (prêt-à-porter Paris) qui se déroule chaque année en janvier et juin à Paris.
Elle a racheté en 2011 la société Sodes qui était liée par un contrat d'agent commercial à durée indéterminée avec M. A conclu le 5 juin 2001 pour la promotion et la représentation en Allemagne du salon prêt-à-porter Paris. Ce contrat a été transféré le 4 avril 2004 à la société de droit allemand Exalis Y. Cette société s'est par la suite transformée en société Exalis GmbH (ci-après la société Exalis) ayant une activité de conseil et de prestation de services dans le domaine du textile et de la mode.
Par contrat du 10 octobre 2011, la société WSN Développement et la société Exalis ont décidé de poursuivre leur collaboration avec un nouveau contrat de trois ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives d'un an, par lequel la première a confié à la seconde mission de la représenter et de commercialiser et promouvoir le salon Who's next auprès des sociétés implantées en Allemagne et susceptibles d'y exposer.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 8 septembre 2015, la société WSN Développement a informé la société Exalis qu'elle mettait fin à leur collaboration à compter du 9 octobre 2015.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 décembre 2015, la société Exalis a, par l'intermédiaire de son conseil, contesté la régularité de cette résiliation et mis en demeure la société WSN Développement de lui régler la somme de 216 812,33 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que d'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial et de lui transmettre les relevés afférant aux opérations conclues postérieurement à la cessation du contrat.
Cette mise en demeure étant demeurée infructueuse, la société Exalis a, par acte en date du 7 mars 2016, assigné la société WSN Développement devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 28 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société WSN Développement à verser à la société Exalis une indemnité d'un montant de 190 000 euros du fait de la rupture du contrat d'agent commercial,
- condamné la société WSN Développement à verser à la société Exalis la somme de 24 000 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales,
- condamné la société WSN Développement à payer à la société Exalis la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire avec constitution de garantie chez une banque établie en France, à hauteur de la somme due en vertu de la présente décision, cette garantie devant être valable jusqu'à exigibilité du remboursement éventuel de ladite somme,
- débouté les parties pour leurs demandes autres plus amples et ou contraires,
- condamné la société WSN Développement à payer les dépens.
La société WSN Développement a interjeté appel de cette décision le 11 août 2017.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les dernières conclusions notifiées le 5 avril 2019 par la société WSN Développement par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
Sur la demande principale de la société Exalis pour rupture du contrat d'agent commercial :
À titre principal,
- infirmer le jugement déféré au motif que la société Exalis ne peut prétendre à l'application du statut d'agent commercial,
- débouter la société Exalis de l'ensemble de ses demandes indemnitaires fondées sur l'application du statut d'agent commercial,
À titre subsidiaire,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 190 000 euros au titre de la rupture du contrat du 10 octobre 2011,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Exalis au titre de la rupture anticipée,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Exalis de sa demande de commission sur retour d'échantillonnages,
- débouter la société Exalis de l'ensemble de ses demandes indemnitaires fondées sur l'application du statut d'agent commercial,
Sur la demande subsidiaire de la société Exalis pour rupture des relations commerciales établies :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 24 000 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales avec Exalis,
- débouter la société Exalis de sa demande indemnitaire au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,
Sur la demande infiniment subsidiaire de la société Exalis pour rupture anticipée :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Exalis de sa demande indemnitaire au titre du prétendu non-respect du préavis contractuel,
En tout état de cause,
- débouter la société Exalis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Exalis à lui verser la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Exalis aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Lexavoué paris-Versailles.
La société WSN Développement explique qu'elle organise chaque année un salon de prêt-à-porter dénommé Who's next au Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris aux mois de septembre et de janvier. Elle précise que pour commercialiser les stands du salon auprès d'exposants étrangers, elle a recours à des partenaires locaux qui la représentent dont fait partie la société Exalis chargée du territoire allemand.
La société WSN Développement critique le jugement en ce qu'il a alloué à la fois une indemnité au titre de la rupture du contrat d'agent commercial et une indemnité pour rupture brutale des relations commerciales établies. Or elle relève que ce faisant, les premiers juges ont statué ultra petita et ont méconnu les termes du litige tels que fixés par les parties puisque la demande d'indemnité pour rupture brutale des relations commerciales établies n'était formée qu'à titre subsidiaire par la société Exalis. Elle ajoute que les deux types d'indemnités sont exclusives l'une de l'autre.
L'appelante soutient également que le statut d'agent commercial n'est pas applicable à la société Exalis dès lors que celle-ci ne disposait d'aucun pouvoir de négociation des conditions de vente des stands notamment tarifaires. Elle précise en effet que la société Exalis était liée par les conditions contractuelles notamment tarifaires applicables aux exposants prévus dans un document contractuel dénommé " application form " que sa mandataire était chargée de remettre aux prospects allemands. Elle affirme ainsi que les tarifs des stands dépendaient d'un barème forfaitaire fixe et que la société Exalis n'avait aucune latitude pour accorder des remises ou effectuer des offres spécifiques à certains client. Elle prétend encore qu'il appartenait au comité de sélection du salon de choisir l'univers dans lequel le stand de l'exposant serait attribué ainsi que la surface et les caractéristiques du stand. Elle fait par ailleurs valoir que la perception de commissions par le mandataire ne suffit pas à caractériser l'existence d'un mandat d'agent commercial.
Si le contrat devait néanmoins être qualifié de contrat d'agent commercial, elle soutient que le droit à indemnité de rupture de la société Exalis n'en serait pas moins exclu dès lors que la cessation du contrat a été provoquée par la faute grave de cette dernière. Elle reproche à cet égard à la société Exalis une baisse brutale des résultat commerciaux sur la zone Allemagne au cours du premier semestre 2015 liée au départ de l'un de ses dirigeants et associés, M. A. Or elle relève que le contrat la liant à la société Exalis prévoyait une clause d'intuitu personnae et que sa cocontractante ne l'a pas informée de ce changement de dirigeant. En tout état de cause, elle prétend que l'indemnité de rupture doit être limitée à six mois de commissions sur la base des trois dernières années d'exécution du contrat. Elle affirme à cet égard que l'allocation d'une indemnité équivalente à deux années de commissions résulte d'un usage qui ne lie pas la cour. Or elle se prévaut de circonstances particulières justifiant l'exclusion de cet usage telles que les mauvais résultats commerciaux réalisés, la déloyauté de sa partenaire, la faible part de l'activité de celle-ci consacrée à la représenter ainsi que la reconversion immédiate après la rupture de ses deux uniques associés. Elle soutient encore que le calcul de l'indemnité ne peut avoir pour assiette que les commissions versées à l'exclusion de toute autre rémunération.
Par ailleurs, elle dénie le droit à toute indemnisation de la société Exalis du chef d'une rupture anticipée du contrat. Elle prétend à cet égard que le contrat la liant à la société Exalis était à durée déterminée et qu'elle a respecté l'article 9 prévoyant l'observation d'un préavis d'un mois avant le terme de chaque renouvellement annuel. Elle observe que la date à prendre en compte est la date d'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception et non la date de réception. En outre, elle estime avoir doublé son envoi postal d'une télécopie du même jour.
Elle conteste également la demande de la société Exalis au titre de " commissions sur retour d'échantillonnages " en affirmant que les articles 9§3 et 5-3 du contrat excluaient de telles commissions. En outre, elle prétend que la société Exalis, à qui incombe la charge de la preuve de son droit à commissions, ne démontre pas être à l'origine d'opérations commerciales conclues postérieurement à la rupture du contrat.
Elle s'oppose enfin à la demande subsidiaire de la société Exalis au titre de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. Elle soutient sur ce point que la rupture des relations était parfaitement prévisible puisqu'en vertu de l'article 11 du contrat, celui-ci pouvait être résilié sans préavis et sans indemnité en cas de modification du contrôle ou de la direction de la société Exalis. Elle ajoute que la forte baisse du chiffre d'affaires réalisé en Allemagne rendait cette rupture prévisible. Elle prétend qu'en tout état de cause, le préavis à observer pour une relation contractuelle de moins de quinze années ne peut excéder une durée de quatre à douze mois. Elle conteste toute exclusivité de la société Exalis à son égard. Elle affirme encore que la société Exalis ne justifie pas de la perte de marge alléguée et n'a pas déduit de ses calculs le mois de préavis effectué.
Sur la demande infiniment subsidiaire de la société Exalis, elle prétend avoir observé le délai de préavis contractuel de sorte que la demande d'indemnité pour rupture anticipée ne peut prospérer.
Vu les dernières conclusions notifiées le 16 mai 2019 par la société Exalis par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles L. 134-7, L. 134-12 et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,
Sur la demande principale,
- dire et juger qu'elle est fondée à bénéficier du statut d'agent commercial,
- constater que la société WSN Développement a rompu le contrat d'agent commercial du 10 octobre 2011 par courrier recommandé réceptionné le 16 septembre 2015,
- dire et juger que la rupture dudit contrat ne pouvait prendre effet que le 9 septembre 2016,
- dire et juger qu'elle n'a pas commis de faute grave de nature à justifier la résiliation du contrat d'agent commercial sans préavis ni indemnité,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que :
elle est fondée à bénéficier du statut d'agent commercial,
elle n'a pas commis de faute grave de nature à justifier la résiliation du contrat d'agent commercial sans préavis ni indemnité,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que :
la rupture dudit contrat avait pu prendre effet au 9 octobre 2015,
la société WSN Développement devait être condamnée à lui verser la somme de 190 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'agent commercial, elle n'était pas fondée à percevoir des commissions sur retour d'échantillonnage,
Et statuant à nouveau,
- condamner la société WSN Développement à lui verser la somme de 99 188,76 euros au titre de l'indemnité de rupture anticipée,
- condamner la société WSN Développement à lui verser la somme de 198 377,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'agent commercial,
- dire et juger qu'elle est foncée à demander le versement de commissions sur retour d'échantillonnage à hauteur de 21 483,07 euros,
Sur la demande subsidiaire,
- dire et juger que la rupture des relations commerciales est brutale et découle de l'insuffisance du préavis donnée par la société WSN Développement,
En conséquence,
- infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a dit que :
la société WSN Développement était tenue au versement d'une indemnisation sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce et l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la durée raisonnable du préavis qu'aurait dû respecter la société WSN Développement était de trois mois,
la société WSN Développement était tenue de l'indemniser hauteur de 24 000 euros sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce;
Et statuant à nouveau,
- fixer la durée du préavis qu'aurait dû respecter la société WSN Développement à 18 mois,
- condamner la société WSN Développement à lui verser la somme de 132 139,28 euros au titre de l'indemnité pour rupture brutale des relations commerciales établies,
Sur la demande infiniment subsidiaire :
- constater que la société WSN Développement n'a pas respecté le délai de préavis contractuel,
- dire et juger que la société WSN Développement aurait dû poursuivre les relations commerciales 12 mois supplémentaires,
En conséquence,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que :
la rupture dudit contrat avait pu prendre effet au 9 octobre 2015,
la société WSN Développement n'était pas tenue de lui verser une indemnité compensatrice de préavis,
Et statuant à nouveau,
- condamner la société WSN Développement lui verser la somme de 99 188,76 euros au titre de l'indemnité de rupture anticipée,
En tout état de cause,
- débouter la société WSN Développement de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société WSN Développement à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société WSN Développement aux entiers dépens.
A titre liminaire, la société Exalis n'entend pas contester l'appel formé par la société WSN Développement du chef de l'allocation cumulée à son profit par le jugement dont il est fait appel d'une indemnité au titre de la rupture du contrat d'agent commercial et d'une indemnité au titre de la rupture brutale des relations commerciales alors même qu'elle n'avait formé la demande d'indemnité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce qu'à titre subsidiaire.
En défense, la société Exalis revendique le statut d'agent commercial en faisant valoir qu'elle détenait un pouvoir de négociation et qu'en tout état de cause, la définition d'agent commercial ne saurait être trop restrictive. Elle soutient ainsi qu'elle avait le pouvoir de proposer des remises concernant la surface ou les angles des stands, ce qui selon elle revenait à modifier les prix du barème fixé par la société WSN Développement, de négocier l'attribution d'un stand dans l'univers de création le plus adapté et dans un emplacement stratégique sur le salon, de proposer des conditions préférentielles à certains clients, de proposer des modalités de paiement dérogatoires telles que des escomptes, de proposer des services additionnels (VIP, presse, personal shopper, communication digitale, mailing et pub dans le catalogue, personnalisation d'un bar, défilé d'une collection, diffusion d'une newsletter ciblée). Elle ajoute que la perception de commissions sur les ventes réalisées caractérise l'existence d'un contrat d'agent commercial.
Par ailleurs, elle dément toute faute dans l'exécution du contrat. Elle soutient que la baisse des résultats alléguée n'est pas démontrée et qu'en tout état de cause, elle ne peut être constitutive d'une faute grave. Elle conteste avoir caché le départ de M. A. Elle ajoute qu'aucune violation de la clause d'intuitu personae ne peut être invoquée alors que l'un de ses deux dirigeants en fonction au moment de la conclusion du contrat, Mme B, est demeuré à sa tête. Elle ajoute que Mme B était en outre l'interlocutrice privilégiée de la société WSN Développement.
Dans ces conditions, elle revendique, conformément à l'usage existant, le paiement d'une indemnité de rupture calculée sur la base de deux années de commissions et de l'ensemble des rémunérations perçues.
Elle prétend qu'outre l'indemnité de rupture, elle est fondée à réclamer le versement d'une indemnité en raison de la rupture anticipée du contrat imputable à la société WSN Développement. Elle précise que faute d'avoir été dénoncé dans le délai d'un mois précédant le terme annuel, le contrat a été reconduit pour une année le 9 octobre 2015. Elle affirme à cet égard que la lettre recommandée qui lui a été adressée pour dénoncer le contrat n'a pas été faite dans le délai imparti dans la mesure où seule la date de réception doit être prise en compte, soit le 16 septembre 2015. Elle ajoute que la télécopie qui lui aurait été adressée le 8 septembre 2015 ne peut utilement être invoquée dès lors qu'une télécopie vaut uniquement commencement de preuve par écrit et doit être confortée par d'autres éléments. En outre, le rapport d'émission de la télécopie produit par l'appelante ne peut suffire à établir qu'elle l'a effectivement reçue et en a pris connaissance. Dès lors, elle revendique le versement d'une indemnité équivalente aux commissions qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat, le 9 octobre 2016.
Elle réclame enfin le paiement de commissions sur retour d'échantillonnage en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce. Elle prétend ainsi avoir droit à commission sur la présence, aux salons Who's next de janvier et septembre 2016, de certains exposants qu'elle avait apportés à la société WSN Développement et fidélisés.
A titre subsidiaire, elle se prévaut des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et de relations commerciales établies avec la société WSN Développement du 5 juin 2001 au 16 septembre 2015, soit pendant quatorze ans. Elle prétend qu'au regard de cette ancienneté de relations, de l'exclusivité la liant à sa mandante et de l'importance du volume d'affaires qu'elle réalisait avec elle, la société WSN Développement aurait dû observer un préavis de 18 mois. Elle réclame ainsi une indemnité compensatrice de préavis sur la base d'un taux de marge brute de 91,92 % appliqué au chiffre d'affaires moyen réalisé au cours des trois dernières années.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2019.
MOTIFS :
Sur la qualification du contrat
L'article L. 134-1 alinéa 1er du Code de commerce dispose que : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. "
L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée. Il incombe à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve.
La qualité d'agent commercial suppose la capacité de négocier les contrats passés au nom du mandant et de disposer, à cet effet, de réelles marges de manœuvre par rapport à ce dernier pour influer sur les éléments constitutifs des contrats avant leur conclusion notamment quant aux tarifs pratiqués.
En l'espèce, la société WSN Développement et la société Exalis ont conclu le 10 octobre 2011 un contrat dénommé " convention ". Il est indiqué à l'article 2-1 de cette convention que : " WSN Développement confie à Exalis GmbH, qui l'accepte, la mission de la représenter sur le Territoire (Allemagne) et de commercialiser et promouvoir le salon Who's next prêt-à-porter Paris qui se déroule en janvier et juin de chaque année (1re session) auprès des sociétés basées sur le Territoire et susceptibles d'exposer. Dans le cadre de cette mission, Exalis GmbH agira pour le seul compte de WSN Développement, notamment, en mettant en œuvre, en coordonnant et en assurant le suivi des différentes actions de commercialisation du salon sur le Territoire.
La mission de Exalis GmbH pourra être étendue, sous réserve de l'accord express de WSN Développement.
Il est convenu que l'acceptation de chaque exposant devra se faire en étroite concertation et avec l'accord préalable de WSN Développement. En cas de refus par WSN Développement d'une société présentée par Exalis GmbH, Exalis GmbH ne sera pas commissionné et ne pourra prétendre à aucune rémunération concernant cette société. Ce refus par WSN Développement devra être notifié sous 15 jours à réception de la demande et devra être justifié. "
Il ressort de ces dispositions que la société Exalis avait pour mission de rechercher sur le territoire de l'Allemagne de nouveaux exposants pour le salon Who's next.
Toutefois contrairement à ce qu'elle soutient, la société Exalis ne rapporte pas la preuve qu'elle bénéficiait d'une marge de manœuvre pour influer sur les clauses des contrats souscrits par les exposants. En effet, il apparaît que ces contrats prenaient la forme d'une demande d'admission " application form " formulée par les candidats exposants pour chaque salon et que les seuls éléments variables du contrat étaient la surface du stand et le nombre d'angles ; le prix n'étant pas négociable et résultant de l'application d'un barème en fonction du nombre d'angles et de la surface du stand. Le règlement du salon annexé au formulaire de demande d'admission prévoit ainsi en son article VI que " Les tarifs sont fixés par l'organisateur pour chaque session et ne pourront faire l'objet d'aucun rabais ni d'aucune ristourne ". Si, à titre exceptionnel, pour des clients spéciaux, des remises concernant la surface ou les angles des stands ont été accordées ou encore des services additionnels ont été proposés dans le cadre d'offres préférentielles, il résulte des courriels versés aux débats que de telles remises et services supplémentaires étaient exclusivement accordées par la société WSN développement, la société Exalis se contentant de transmettre l'acceptation ou l'offre de la société WSN développement et ne disposant d'aucun pouvoir sur ces points. Le choix de l'univers du stand ainsi que de la surface et du nombre d'angles étaient soumis à l'acceptation du comité de sélection Who's next ainsi que cela résulte du formulaire de demande d'admission de sorte que la société Exalis ne pouvait véritablement influer sur ces éléments. Par ailleurs, l'octroi d'un escompte de 5 % était ouvert à tous les exposants en cas de paiement anticipé ainsi que cela ressort également du formulaire de demande d'admission.
Il s'en déduit que l'activité effectivement exercée par la société Exalis ne relève pas des missions d'un agent commercial et ce peu important le versement d'une rémunération sous forme de commissions sur les ventes réalisées. La convention liant la société WSN développement et la société Exalis doit en conséquence être qualifiée de mandat d'intérêt commun ; contrat dans lequel mandant et mandataire sont liés par une convergence d'intérêts, l'un et l'autre contribuant par leur activité réciproque et par leur collaboration régulière à l'obtention et à l'accroissement d'un résultat qui leur est commun.
Sur les demandes au titre des commissions sur retour d'échantillonnage et d'une indemnité de rupture
Dès lors que la société GLI ne possède pas la qualité d'agent commercial, ses demandes fondées sur les articles L. 134-7 et L. 134-12 du Code de commerce ne sauraient être accueillies. La cour confirmera la décision déférée en ce qu'elle a débouté la société Exalis de sa demande au titre des commissions sur retour d'échantillonnage et l'infirmera en ce qu'elle a condamné la société WSN Développement à verser à la société Exalis une indemnité d'un montant de 190 000 euros du fait de la rupture du contrat d'agent commercial.
Sur la demande d'indemnité au titre de la rupture brutale des relations commerciales
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu" engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (...) "
La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Force est de préciser par ailleurs que le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.
En l'espèce, l'existence de relations commerciales entre la société WSN Développement et la société Exalis du 5 juin 2001 au 16 septembre 2015, soit pendant quatorze ans, n'est pas discutée.
Il est également établi par une attestation d'un conseiller fiscal allemand (pièce 49 de l'intimée), qui sera retenue comme présentant un caractère probant, que la société Exalis a réalisé, avec la société WSN développement, un chiffre d'affaires de :
- 89 131 euros en 2013,
- 113 004 euros en 2014,
- 67 587 euros entre le 1er janvier et le 9 octobre 2015.
Ces éléments caractérisent un flux d'affaires important entre les deux sociétés.
En conséquence, la relation commerciale entre les deux sociétés était établie.
Il est constant que la société WSN Développement a mis en terme à cette relation à compter du 9 octobre 2015, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 8 septembre 2015 reçue le 16 septembre 2015, soit avec un préavis de 23 jours, seule la date de réception étant à retenir en application de l'article 668 du Code de procédure civile, s'agissant de tenir compte de la date à laquelle la société Exalis a effectivement été avisée du préavis.
Dès lors, force est de constater l'insuffisance de ce préavis au regard de l'ancienneté des relations et du courant d'affaires existant entre les deux sociétés. La responsabilité de la société WSN Développement pour rupture brutale des relations commerciales sera donc retenue.
Pour rejeter le versement de toute indemnité, l'appelante se prévaut de la faute de la société Exalis qui aurait consisté en une violation de la clause d'intuitu personae prévue au contrat d'une part, et en une chute brutale du chiffre d'affaires réalisé.
En effet, l'article 11 du contrat du 10 octobre 2011 stipule que " La mission objet de la présente convention est confiée à Exalis GmbH en considération de la personnalité de ses dirigeants ; en cas de modification du contrôle ou de la direction de Exalis GmbH, WSN Développement sera fondée à résilier la présente convention sans délai, ni indemnité. "
Il est établi que la convention du 10 octobre 2011 a été conclue par la société Exalis représentée par Mme B et M. A, qui étaient alors tous deux gérants, et que M. A a quitté ses fonctions de gérant au mois de décembre 2014, Mme B demeurant seule gérante.
Toutefois le départ d'un des co-gérants ne saurait caractériser une violation de la clause d'intuitu personae susvisée dès lors que l'autre co-gérant a conservé la direction de la société. En outre, il sera relevé, ainsi que l'ont fait les premiers juges, que Mme B était l'interlocutrice privilégiée de la société WSN Développement au sein de la société Exalis. Aucun violation contractuelle ou manquement à l'obligation de loyauté ne saurait donc être caractérisée de ce chef.
La société WSN Développement invoque encore une chute brutale du chiffre d'affaires réalisé par le biais de son mandataire. Toutefois la baisse du chiffre d'affaires ne saurait être constitutive d'une inexécution contractuelle dès lors qu'aucun objectif chiffré n'a été défini au contrat.
En conséquence, aucune inexécution contractuelle n'est établie à l'encontre de la société Exalis.
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.
En l'espèce, l'article 4 du contrat prévoit que : " 4.1 La mission, objet de la présente convention, est confiée à Exalis GmbH à titre exclusif.
4.2 Exalis GmbH s'engage à ne pas représenter un salon concurrent à Who's next prêt-à-porter Paris sans l'accord express de WSN Développement. "
Il résulte de ces dispositions que contrairement à ce que prétend la société Exalis, aucune exclusivité ne la liait à la société WSN Développement ; seule cette dernière s'étant engagée à lui conférer un mandat exclusif sur le territoire allemand, et que la société Exalis était seulement tenue d'une obligation de ne pas représenter un salon concurrent sans l'accord express de sa mandante.
Par ailleurs, la société Exalis ne verse aucun document comptable permettant de mesurer la proportion de son chiffre d'affaires réalisé avec la société WSN Développement.
Dès lors, compte tenu de l'ancienneté des relations (14 ans), du volume d'affaires peu important entre les deux sociétés, de la diminution du chiffre d'affaires réalisé ainsi que de l'absence de relations d'exclusivité, de spécificité des produits et de dépendance économique, le préavis qui aurait dû être observé par la société WSN Développement sera fixé à dix mois.
Le préjudice consécutif à la brutalité de la rupture est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis et s'évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période.
En l'espèce, les pièces versées aux débats permettent de retenir que le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé par la société Exalis avec la société WSN Développement s'élevait à 7 986,37 euros. Contrairement à ce qu'elle soutient, le taux de marge brute de la société Exalis ne saurait s'élever à 91,92 % correspondant à la seule déduction des dépenses réalisées au titre du plan média du chiffre d'affaires alors qu'il est avéré que la société Exalis employait des salariés et qu'elle exposait des frais de gestion. Eu égard, à ces éléments, il y a lieu de retenir un taux de marge brute de 50 %. En conséquence la société WSN Développement sera condamnée à payer à la société Exalis la somme de 36 858,53 euros ([7 986,48 x 50 %] x 9 mois et 7 jours) à titre d'indemnité résultant de l'insuffisance du préavis observé.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société WSN Développement succombe en son appel. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance ainsi qu'à régler une indemnité pour frais irrépétibles à la société Exalis. La société WSN Développement sera en outre condamnée à supporter les dépens de l'instance d'appel, qui pourront être recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile, et à régler à la société Exalis une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. La demande qu'elle ait formulée à ce titre sera rejetée.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 juin 2017 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Exalis de sa demande au titre des commissions sur retour d'échantillonnage et a condamné la société WSN Développement à payer à la société Exalis la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de première instance ; Statuant à nouveau, Dit que la société Exalis n'a pas la qualité d'agent commercial mais celle de mandataire d'intérêt commun ; dit qu'aucune faute n'est caractérisée à l'encontre de la société Exalis dans l'exécution du contrat du 10 octobre 2011 ; déclare la société WSN Développement responsable à l'égard de la société Exalis d'une rupture brutale des relations commerciales établies ; fixe la durée du préavis qui aurait dû être observé à 10 mois ; condamne la société WSN Développement à payer à la société Exalis la somme de 36 858,53 euros euros à titre d'indemnité résultant de l'insuffisance du préavis observé ; condamne la société WSN Développement à payer à la société Exalis la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la société WSN Développement aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure