CA Aix-en-Provence, 3e ch. sect. 3, 7 novembre 2019, n° 18-15120
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Max Mara Srl (Sté)
Défendeur :
SCP BR Associés (ès qual.), Boulevard 29 (SARL), Défile (Sarlu) , Rina (Sarlu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gerard
Conseillers :
Mmes Petel, Dubois
Avocats :
Mes Simon Thibaud, Lipari
La société Max Mara Srl est une société italienne, dont le siège social est situé à Reggio Emilia, qui fabrique des vêtements féminins qu'elle distribue dans différents pays dont la France, notamment via un réseau de commerçants détaillants indépendants.
Elle a, le 21 octobre 2010, conclu avec la SARL Boulevard 29, ayant son siège social à Toulon, représentée par Mme X, un contrat de franchise qui prévoyait notamment que le franchiseur s'engageait à approvisionner la société franchisée en vêtements et accessoires de la marque Week-end Max Mara.
Mme X et Mme Y ont constitué, le 20 avril 2011, une SARL Défile, domiciliée à Toulon, ayant pour activité la vente de vêtements de prêt-à-porter.
Elles ont également constitué en 2012 une SARL Rina, ayant pour activité la vente de prêt-à-porter hommes femmes enfants et accessoires.
Par acte du 10 août 2015, les SARL Boulevard 29, Défile et Rina ont fait assigner la société Max Mara Srl en responsabilité devant le tribunal de commerce de Toulon.
Par jugement avant-dire droit du 27 juin 2018, ce tribunal :
- a pris acte de l'intervention volontaire de :
- la SCP BR & Associés, prise en la personne de Me Z, ès qualités de mandataire judiciaire de la Sarlu Boulevard 29,
- la SCP BR & Associés, prise en la personne de Me Z, ès qualités de mandataire judiciaire de la Sarlu Rina,
- la SCP BR & Associés, prise en la personne de Me Z, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Défile,
- a débouté la société de droit italien Max Mara Srl de sa demande in limine litis de voir le tribunal de commerce de Toulon se déclarer incompétent au profit du tribunal de Reggio Emilia, Italie, ainsi que de sa demande de l'application de la loi italienne,
- s'est déclaré compétent afin de juger au fond du litige initié par les sociétés Sarlu Boulevard 29, Sarlu Rina et Sarlu Défile à l'encontre de la société de droit italien Max Mara Srl,
- a réouvert les débats à l'audience publique du mercredi 26 septembre 2018 à 14 heures afin d'entendre les parties au fond,
- a laissé aux parties la possibilité si elles le désirent, d'échanger de nouvelles conclusions avant l'audience,
- a réservé les dépens.
Suivant déclaration du 21 septembre 2018 la SARL Max Mara a interjeté appel de cette décision.
Elle a, par ordonnance sur requête du 27 septembre 2018, été autorisée à faire assigner à jour fixe pour le 15 janvier 2019 les intimées.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 28 août 2019, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 83, 84 et 643 du Code de procédure civile, 23 du règlement n° 44/2001 (CE) concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, 1134 ancien du Code civil, de :
- la recevoir en son appel,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon le 27 juin 2018, en ce qu'il a écarté la clause attributive de juridiction par elle opposée, et s'est reconnu internationalement compétent pour connaître au fond des actions et demandes des sociétés Boulevard 29, Défile et Rina dirigées à son encontre,
Le réformant :
- constater l'incompétence internationale du tribunal de commerce de Toulon,
- renvoyer les sociétés Boulevard 29, Défile et Rina à mieux se pourvoir, dans le strict respect des termes de la clause attributive de juridiction,
En toute hypothèse,
- condamner les sociétés Boulevard 29, Défile et Rina, prises solidairement, à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner les sociétés Boulevard 29, Défile et Rina aux entiers dépens de l'instance d'appel et de première instance.
Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 23 août 2019, auxquelles il y a lieu de se référer en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la SCP BR Associés, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Boulevard 29, de la SARL Rina et de la SARL Défile, demande à la cour, au visa des articles 48 du Code de procédure civile et 411-4 du Code de commerce, de :
- dire qu'il y a lieu de confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon en date du 27 juin 2018,
- dire que la SARL Max Mara prise en la personne de son représentant légal sera condamnée à lui verser, en sa qualité de mandataire liquidateur des sociétés Rina, Défile et Boulevard 29, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens.
MOTIFS
L'appelante fait grief au tribunal d'avoir rejeté l'exception d'incompétence par elle soulevée en écartant les clauses attributives de juridiction figurant dans les différents documents contractuels gouvernant les relations entre les parties, alors que lesdites clauses satisfont pleinement aux exigences de licéité et de validité posées par le Règlement Bruxelles 1 du 22 décembre 2000, dont les premiers juges avaient pourtant, à bon droit, reconnu l'applicabilité au présent litige.
La SCP BR Associés, en sa qualité de liquidateur de la SARL Boulevard 29, de la SARL Rina et de la SARL Défile, conclut à la confirmation du jugement au motif que les clauses dont se prévaut la SARL Max Mara doivent être réputées non écrites, comme n'étant pas spécifiées de façon très apparente, et la compétence de la juridiction française retenue sur le fondement des dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile.
Sur ce, en ce qui concerne les clauses litigieuses, il est ainsi prévu, dans le contrat de franchise signé entre la SARL Max Mara et la SARL Boulevard 29, un article 27 " tribunal compétent " rédigé comme suit : " Pour tout litige dans le cadre de ce contrat, le seul Tribunal compétent sera celui de Reggio Emilia si c'est le Franchisé qui entreprend une action judiciaire. S'il s'agit du Franchiseur, il pourra choisir entre le Tribunal de Reggio Emilia et celui du défendeur. "
Par ailleurs, sur tous les bons de commande, qui comportent les conditions générales de vente de la SARL Max Mara, dont chacune des sociétés intimées a, pour chaque commande passée, déclaré, en y apposant sa signature, approuver le contenu, figure un article 19 : " Compétence. Pour tout litige relatif à la Commande ou à la Vente, si l'initiative judiciaire est prise par l'Acheteur la compétence incombe de façon exclusive au Tribunal de Reggio Emilia (Italie). Si l'initiative judiciaire est prise par le Vendeur, en revanche, celui-ci est libre de choisir entre le Tribunal de Reggio Emilia et le Tribunal du domicile de l'Acheteur. "
S'agissant d'un litige concernant les relations commerciales entre une société domiciliée en Italie et des sociétés domiciliées en France, et dès lors que sont invoquées des conventions attributives de juridiction conclues antérieurement au 10 janvier 2015, s'applique le règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000, et la compétence judiciaire doit être examinée au regard de l'article 23 dudit règlement.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, ce n'est donc pas au visa des dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile que doit être appréciée la validité des clauses invoquées, mais à celui du texte précité.
Or, dans la mesure où, eu égard à la matière du litige, elles ne sont pas concernées par les articles 13, 17 ou 21 du règlement, et ne relèvent pas davantage de l'une des compétences exclusives prévues par son article 22, les clauses stipulées respectivement dans le contrat de franchise et les bons de commande ci-dessus rappelées ne sauraient être dépourvues d'effet.
Et le caractère potestatif des dites clauses, en raison d'une asymétrie du fait de l'option ouverte au bénéfice d'une seule des parties signataires, dont se prévaut la SCP BR Associés ès qualités pour voir écarter la prorogation de compétence soulevée n'a en l'espèce pas lieu d'être retenu.
En effet, l'objectif de prévisibilité auquel doit répondre une telle convention attributive de compétence n'est ici pas remis en cause, la juridiction que la partie devra saisir ou celle devant laquelle elle pourra être attraite étant clairement désignée.
Dans ces conditions, observation en outre faite que, contrairement à ce que prétend le liquidateur judiciaire, l'existence d'une procédure collective est sans incidence à cet égard, les clauses figurant dans les documents contractuels étant valables au regard de l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dit Bruxelles I, il ne peut qu'être constaté que seul le tribunal de Reggio Emilia (Italie) est conventionnellement compétent pour connaître de l'action engagée par les intimées à l'encontre de la société italienne Max Mara Srl, et que le tribunal de commerce de Toulon ne pouvait donc retenir sa compétence.
Le jugement est en conséquence infirmé, et la SCP BR Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Boulevard 29, de la SARL Rina et de la SARL Défile, renvoyée à mieux se pourvoir en application des conventions attributives de juridiction contenues dans les contrats de franchise ou de vente invoqués par les parties.
Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt de défaut, Infirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Constate que le tribunal de commerce de Toulon n'est pas compétent pour connaître du litige, Renvoie la SCP BR Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Boulevard 29, de la SARL Rina et de la SARL Défile, à mieux se pourvoir en application des conventions attributives de juridiction, Condamne in solidum les SARL Boulevard 29, Rina et Défile à payer à la société Max Mara Srl la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Les condamne aux dépens.