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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 7 novembre 2019, n° 16-05491

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

CNSE (SAS), FEMIL (SAS), Take Off Participations (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rachou

Conseillers :

Mmes Clément, Isola

T. com. Lyon, du 16 juin 2016

16 juin 2016

La société CNSE dont l'objet social est l'assemblage et la commercialisation de cabines de chantiers était en 2012 détenue en totalité par la société Cogefin.

Mme M., épouse P. L., détenait dans cette société 15 % des parts à la suite du décès de son père.

Le 10 décembre 2012, M. L., principal associé de la société Cogefin, et les autres associés ont cédé leurs parts à M. L. avec faculté de substitution.

En janvier 2013, la société Take off participations s'est substituée à M L..

L'article 13-1 du protocole de cession régularisé entre les cédants et le cessionnaire prévoyait un " engagement de non débauchage réciproque-loyauté ".

Lors de la cession, M. P. L., époux de Mme M., était directeur commercial de la société CNSE, Mme B. était directrice des ventes et M. J. responsable du bureau d'études.

En septembre 2013, M. P. L. a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Par jugement du 26 juin 2015, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 8 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le 8 octobre 2014, après une période de chômage, M. P. L. a pris la présidence de la SAS Femil dont le siège social est dans le Tarn et Garonne et l'objet social similaire à celui de la société CNSE.

Le 24 septembre 2014, Mme B. a démissionné de ses fonctions au sein de la société CNSE et a rejoint les effectifs de la société Femil.

Le 13 octobre 2014, M. J. a démissionné de ses fonctions et sollicité la réduction de son préavis au 3 novembre 2014 ce qui lui a été refusé par son employeur, la société CNSE.

Le 3 novembre 2014, M. J. ne s'est plus présenté à son poste de travail et a confirmé son départ par courrier du 21 novembre 2014.

Le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône, saisi par la société CNSE, l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts notamment dirigée contre M. J. pour démission abusive par décision du 24 octobre 2016.

La société CNSE, indiquant que la société Femil avait courant 2014

- tenté de débaucher une autre salariée, Mme F., lors d'un salon Pollutec se tenant à Lyon

- démarché des clients lors de ce salon

- ouvert une agence à Lyon,

- fait réaliser son site internet par la société Cap on line, société qui avait également réalisé le sien,

- commercialisé les mêmes cabines WC autonomes à l'anglaise référencées CS200,

A, par requête du 17 décembre 2014, saisi le président du tribunal de commerce de Lyon aux fins d'être autorisée à procéder à un constat d'huissier au siège social de la société Femil à Lombers (81120) et dans ses locaux de Lyon.

Le président du tribunal de commerce de Lyon a fait droit à la requête par ordonnance du 5 janvier 2015 et les constats ont été effectués simultanément à Lombers et à Lyon le 6 janvier 2015.

C'est dans ces circonstances que la société CNSE a assigné devant le tribunal de commerce de Lyon la société Femil et Mme M., épouse P. L., respectivement en paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et manquement à l'obligation contractuelle de débauchage contenue dans le protocole de cession du 10 décembre 2012.

Par jugement du 16 juin 2016, le tribunal de commerce de Lyon a :

- retenu sa compétence pour connaître du litige

- débouté la société CNSE de ses demandes dirigées contre la société Femil

- débouté la société Femil de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamné Mme P. L. à verser à la société CNSE l'indemnité forfaitaire prévue en cas de non-respect de la clause de non-engagement réciproque contenue dans le protocole de cession

* soit la somme de 127 655,99 euros pour engagement de Mme B.

* soit la somme de 99 712,62 euros pour engagement de M J.

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile

- déboute les parties de leurs plus amples demandes

- condamne les parties solidairement aux dépens.

Mme M., épouse P. L. a régulièrement interjeté appel de cette décision le 12 juillet 2016 et la société CNSE le 26 juillet 2016.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance de conseiller de la mise en état du 23 mai 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 mars 2018, Mme M., épouse P. L., demande à la cour de réformer la décision et de dire irrecevable et mal fondée la demande de la société CNSE, faute d'être cessionnaire et partie au protocole de cession, outre sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle conclut enfin au débouté de la société Take off participations qui n'a pas qualité à agir à son encontre.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 janvier 2018, la société CNSE et la société Take off participations demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CNSE de ses demandes dirigées contre la société Femil et la condamner à lui payer les sommes de :

* 350 525,75 euros correspondant à l'ensemble de coûts et pertes engendrés par le départ de M. J.

* 295 950,84 euros correspondant à l'ensemble de coûts et pertes engendrés par le départ de Mme B., notamment le détournement de clientèle au profit de la société Femil

* 200 000 euros correspondant au préjudice causé par le dénigrement de la société CNSE par la société Femil

* 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme P. L. à l'indemniser sur le fondement du protocole de cession

- subsidiairement dire l'intervention volontaire de la société Take off participations recevables

- condamner Mme P. L. à payer à la société Take off participations l'indemnité forfaitaire prévue en cas de non-respect de la clause de non-engagement réciproque contenue dans le protocole de cession

* soit la somme de 127 655,99 euros pour engagement de Mme B.

* soit la somme de 99 712,62 euros pour engagement de M. J., sur le fondement de l'article 1147 du Code civil

- condamner Mme P. L. à réparer l'ensemble des préjudices subis par la société CNSE, soit

* 350 525,75 euros correspondant à l'ensemble de coûts et pertes engendrés par le départ de M J.

* 295 950,84 euros correspondant à l'ensemble de coûts et pertes engendrées par le départ de Mme B., notamment le détournement de clientèle au profit de la société Femil

- en toute hypothèse, condamner Mme P. L. à payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à la société Take off participations et 10 000 euros sur le même fondement à la société CNSE.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 mai 2018, la société Femil soulève devant la cour l'irrecevabilité de la demande de la société CNSE au titre du préjudice correspondant à l'ensemble de coûts et pertes engendré par le départ de M. J. qui se heurte à l'autorité de la chose jugée et demande à la cour la confirmation de la décision qui a débouté la société CNSE de ses demandes dirigées contre elle.

Elle conclut en second lieu à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande en dommages et intérêts et à la condamnation de la société CNSE à lui payer 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Vu les dernières conclusions ;

Vu l'ordonnance de clôture du 26 juin 2018 ;

Par conclusions notifiées par RPVA le 12 septembre 2019, la société Take off participation immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Villefranche-Tarare sous le n° 841053515 intervient volontairement en lieu et place de la société Take off participation immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Villefranche-Tarare sous le n° 789 854 015 ;

Sur ce :

Sur les fins de non-recevoir soulevées par Mme M. :

- relative à la société CNSE :

Attendu que Mme M. soulève l'irrecevabilité de la demande de la société CNSE faute de qualité et d'intérêt à agir, n'étant pas partie au protocole de cession du 10 décembre 2012 ;

Attendu que la société CNSE soutient être partie au protocole de cession au regard de la définition du terme " parties " figurant en page 9 de l'acte et du fait qu'elle était signataire dudit protocole ;

Qu'en tout état de cause, elle est fondée à invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ;

Attendu que le protocole litigieux désigne en ses pages 2 et 3 comme parties à l'acte d'une part notamment M. L. et Mme P. L., née M., et de l'autre M. L., avec faculté de substitution ;

Que sont désignées comme intervenants aux présentes, la société Cogefin et la société CNSE, représentée par la société Cogefin, agissant en qualité de président, elle-même représentée par M. L. en sa qualité de président ;

Attendu qu'enfin, l'article 13 prévoit " un engagement de non débauchage réciproque-loyauté " à l'égard des salariés affectés aux sociétés Cogefin et CNSE qui rend de plein droit, en cas de non-respect de l'obligation, l'auteur du non-respect et les cédants, selon le cas, redevables envers le cessionnaire d'une somme forfaitairement fixée ;

Attendu qu'eu égard à la rédaction du protocole, il résulte que Mme M. conclut à juste titre que la société CNSE, d'une part n'est pas signataire de l'acte, et de l'autre n'est pas bénéficiaire de la pénalité prévue en cas d'infraction à l'engagement de non débauchage réciproque-loyauté sus visé, la seule définition des parties à la page 9 de l'acte, qui par ailleurs ne la mentionne pas en tant que telle, ne pouvant rendre la société CNSE partie à l'acte ;

Attendu qu'en revanche, la société CNSE, partie intervenante au protocole du 10 décembre 2012 qui lui est donc opposable, peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la cour appréciant le bienfondé de cette prétention ;

Que la fin de non-recevoir soulevée sera rejetée ;

- relative à la société Take off participations

Attendu que Mme M. soutient que l'intervention volontaire de la société Take off participations en cause d'appel est irrecevable ne pouvant sous couvert de cette intervention volontaire soumettre à la cour un litige nouveau et demander des condamnations non soumises aux premiers juges ;

Que par ailleurs, la société n'a pas davantage qualité à agir dans la mesure où elle ne pouvait se substituer à M. L. que pour l'exécution des obligations lui incombant ;

Attendu que la société Take off participations conclut à la recevabilité de son appel, étant substituée à M. L. ;

Attendu que le protocole du 10 décembre 2012 prévoyait la faculté pour M. L. de se substituer une société holding dénommée Take off participations, au plus tard à la date de réalisation, dont il demeurerait solidaire des engagements pris à l'acte ;

Attendu que cette société n'était pas partie en première instance et est intervenue volontairement en cause d'appel pour reprendre subsidiairement les demandes formulées en première instance à l'encontre de Mme M. ;

Qu'elle ne soumet pas à la cour un litige nouveau ;

Que par ailleurs, la société Take off participations, intervenante volontaire, s'est substituée à M. L. pour l'ensemble de ses engagements et pas seulement pour l'exécution des obligations de celui-ci ;

Attendu que son intervention est recevable ;

Au fond :

- sur les demandes dirigées contre Mme M.

Attendu que l'article 13 du protocole intitulé ' Engagement de non débauchage reciproque- loyauté ' est ainsi rédigé :

" 13.1 Les cédants s'engagent à n'exercer aucune action, directement, indirectement ou par personne interposée, à l'agard des salariés affectés aux sociétés Cogefin et CNSE, quel que soit leur statut, tendant à les débaucher, et s'engagent à ne pas les engager à leur service ou à leur allouer des rémunérations, gratifications ou avantages quelconques, et ce pendant une durée de cinq (5) ans à compter de la date de réalisation.

En cas de non-respect de cette obligation, son auteur et le(s) Cédant(S), selon le cas, seront de plein droit redevable envers le Cessionnaire d'une somme forfaitairement fixée, dès à présent, à douze (12) mois de salaire (majoré des charges sociales qui auraient été supportées par la société COGEFIN par salarié débauché. Cette somme devra être versée au Cessionnaire pour chaque infraction concernée.

13.2 Les Parties s'obligent à une loyauté réciproque. " ;

Attendu qu'à la seule lecture de la clause, Mme M. conclut avec justesse que la société CNSE n'est pas bénéficiaire de l'indemnité prévue en cas de violation de la clause, cette indemnisation ne pouvant être allouée qu'au cessionnaire ;

Attendu qu'en second lieu, les sociétés CNSE et Take off participations ne rapportent pas la preuve que Mme M. n'a pas respecté son engagement, la seule affirmation qu'elle est l'épouse de M. P. L. étant insuffisante pour ce faire, en l'absence de tout autre élément et de toute pièce versée aux débats ;

Qu'elles n'établissent pas davantage que Mme M. aurait agi par le biais d'une société écran, le seul fait que M. P. L. soit gérant de la société Femil dans laquelle elle n'a aucun intérêt étant également insuffisant pour ce faire ;

Qu'enfin, elles ne produisent aucune pièce à l'appui du comportement déloyal allégué de Mme M. et ne peuvent donc prétendre au paiement de l'indemnité sus visée ;

Attendu en conséquence que la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a alloué une indemnisation à la société CNSE ;

Que la société Take off participations, intervenante volontaire, sera déboutée de sa demande ;

Attendu que les intimées seront également déboutées de leur demande sur le fondement délictuel dans la mesure où aucune faute de Mme M. n'est mise en évidence ;

Attendu que Mme M. n'établissant aucune faute ayant fait dégénérer en abus le droit d'agir en justice des sociétés CNSE et Take off participations, il y a lieu de la débouter de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles engagés ; qu'il convient de lui allouer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à la charge de la société CNSE ;

Sur la concurrence déloyale :

Attendu que M. P. L. a été licencié par la société CNSE en septembre 2013 et a acquis, courant septembre 2014, les parts de la société Femil dont il est devenu le président le 8 octobre 2014 ;

Attendu qu'il est constant que les sociétés CNSE et Femil ont une activité similaire portant notamment sur l'assemblage et la commercialisation de cabines de chantiers ;

Attendu que la société CNSE reproche à la société Femil des actes de concurrence déloyale caractérisés par :

- le débauchage de Mme B., directrice des ventes, et de M. J., responsable du bureau d'études et la tentative de débauchage de Mme F.

- le détournement de clientèle

- le dénigrement de la société

- le comportement parasitaire ;

Attendu qu'il convient de reprendre ces points ;

* sur le débauchage de Mme B., directrice des ventes, et de M. J., responsable du bureau d'études et la tentative de débauchage de Mme F. :

Attendu que le débauchage de plusieurs salariés d'une société par une entreprise concurrente peut être constitutif d'un acte de concurrence déloyale dès lors que ces recrutements ont pour effet de désorganiser l'entreprise ;

Attendu que Mme B. a, dans une attestation produite par la société Femil et à laquelle la société CNSE se réfère explicitement, exposé les motifs de son départ de cette dernière ;

Que le seul fait qu'elle indique avoir joué un rôle important dans la société ou qu'elle parle de clients comme étant les siens doit être remis dans son contexte, soit, selon elle, l'attitude de M. L., ami de longue date du nouveau dirigeant de l'entreprise, qui l'a écartée de plus en plus et a été à l'origine de sa démission ;

Qu'aucun des mails annexés à cette attestation n'établit une attitude déloyale de Mme B., la cour observant que ces mails proviennent de salariés qui ont quitté l'entreprise courant 2014 et 2015 pour cause alléguée de mésentente avec M. L. ;

Qu'en outre, la société CNSE n'établit pas en quoi le départ de Mme B. a désorganisé l'entreprise ;

Qu'il est loisible à une salariée, qui plus est non liée par une clause de non concurrence, de transmettre son adresse et son téléphone personnels à un client de la société CNSE dans un message qui ne contient aucun élément relatif à un quelconque détournement de clientèle ou de préparatifs d'une démission ;

Que le fait d'avoir mandaté un cabinet de recrutement pour embaucher un(e) technico-commercial en remplacement de Mme B. ne démontre pas plus la désorganisation alléguée de l'entreprise du fait du départ de cette dernière ;

Attendu que s'il est constant que, par jugement du 24 octobre 2016, le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-saône a débouté la société CNSE de ses demandes de condamnation de M. J. et de la société Femil pour démission abusive, il n'en reste pas moins que la présente demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée, n'étant pas la même ni fondée sur la même cause et est recevable ;

Qu'en revanche, il est acquis aux débats que la démission de M. J. n'est pas abusive, le conseil de prud'hommes ayant jugé, par décision définitive, que la société CNSE ne rapportait pas la preuve que le départ précipité du salarié était prémédité et planifié de longue date et en connivence avec la société Femil ;

Attendu que M. J., comme Mme B., n'était lié par aucune clause de non concurrence, s'étant seulement engagé à travailler exclusivement pour la société CNSE et à n'exercer aucune activité concurrente à l'occasion de son travail dans l'entreprise ;

Qu'il a démissionné et s'est abstenu de revenir dans l'entreprise dès le 3 novembre 2014, date à laquelle il est entré dans la société Femil ;

Attendu que les premiers juges ont retenu avec justesse que tout salarié peut changer d'employeur et mettre son expérience acquise antérieurement au service de son nouvel employeur ;

Qu'en effet, la société CNSE affirme sans en rapporter la preuve que M. J. a eu un comportement déloyal à son encontre, alors que ce dernier l'a avisée de sa démission dans le délai requis et de son refus de traiter avant son départ certains dossiers qui selon lui ne pouvaient prospérer et étaient voués à l'échec ;

Que la société CNSE affirme également que son départ a désorganisé le bureau d'études, paralysé la sortie de projets en cours, ralenti l'intégralité de son activité et a permis à la société Femil de récupérer l'intégralité des retours sur investissement de recherche et développement réalisé en son sein ;

Qu'elle produit comme seul document à l'appui de ses assertions une attestation de M. M., salarié de la société, dans laquelle il indique avoir dû reprendre au pied levé les attributions de M. J. ce qui a engendré une surcharge de travail et retardé le planning prévisionnel de commercialisation du 5 SAS démontable, sans pour autant verser aux débats des éléments sur ce planning et le retard effectif pris du fait du départ de M. J. ;

Attendu enfin que l'attestation de Mme F., salariée de la société CNSE, rapportant que, lors du salon Pollutec en décembre 2014, M. P. lui a répondu, à sa question posée pour le " taquiner " " vous allez tous nous les piquer "

Il me répond

- Nous prenons tous ceux que nous aimons, tenez, voilà ma carte en ayant inscrit son numéro de portable au dos ' est insuffisante à elle seule pour établir la tentative de débauchage alléguée de nature à désorganiser l'entreprise ;

Attendu qu'en conséquence, la société CNSE ne démontre pas la réalité du grief invoqué ;

* sur le détournement de clientèle :

Attendu que l'huissier de justice, le 6 janvier 2015, dans les locaux lyonnais de la société Femil, constate que sur les 70 clients répertoriés de la société CNSE, la grande majorité ne se retrouve pas chez la société Femil et que pour ceux qui y figurent, le dossier au nom du client est vide, pas de facture, pas de commande, pas de devis et pas de correspondance ;

Attendu que le constat effectué au siège de la société Femil à Lombers fait état de quelques appels d'offre et que les sondages sur la liste des clients CNSE contrôlés font ressortir qu'aucun de ces clients ne figure dans le téléphone portable de M. P. L., observation faite que sa boîte mail est uniquement sur son téléphone ;

Attendu que les échanges de mail produits dans lesquels la société Femil démarche des clients qui sont également des clients de la société CNSE n'établissent pas non plus un quelconque détournement fautif de clientèle en l'absence de preuve de toute manœuvre frauduleuse et/ou déloyale, eu égard au principe de la liberté du commerce ;

* sur le dénigrement de la société :

Attendu que le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits, l'entreprise ou la personnalité d'un concurrent pour en tirer profit ;

Attendu que la société CNSE reproche à Mme B. de l'avoir ouvertement dénigrée dans un mail adressé à une société T. rédigé comme suit :

" J'avoue que je serais restée s'ils avaient été différents, mais il est compliqué de trouver une nouvelle Direction à la hauteur des gens extras avec qui on a pu travailler pendant des années !

Ça ne peut pas être les mêmes. Et moi j'aime bien travailler avec des gens que j'aime !

Bref, c'est la chance inouïe de l'être humain de se lever et partir lorsqu'on en a marre eh bien je l'ai fait ! Je dois avouer que ça a été assez rapide !

J'ai rejoint une équipe que je connaissais très bien, celle de FEMIL, l'ex sous-traitant de JCR pendant des années, et qui est basé dans le tarn, je m'occupe de l'agence commerciale de Lyon

Les produits sont vraiment beaux et les prix cohérents.. si je peux vous être utile, je suis à votre disposition, je vous laisse aller sur le site qu'on a relooké un peu, il était tristounet ! " ;

Attendu que ce mail qui est resté isolé ne saurait constituer à lui seul un acte de dénigrement, s'agissant plutôt de la relation d'un état d'âme d'une ancienne salariée de la société CNSE qui ne jette aucun discrédit sur les produits, en l'absence de toute comparaison avec les produits de la société CNSE, ni sur l'entreprise elle-même ;

* sur le comportement parasitaire :

Attendu que le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre pour tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ;

Que le parasitisme résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité ;

Attendu que la société CNSE reproche un tel comportement à la société Femil qui a :

- ouvert une agence commerciale à Lyon peu de temps après sa reprise par M. P. L. alors qu'elle était implantée dans le Tarn depuis plus de trente ans ce qui est en corrélation avec la captation de clientèle dénoncée et le savoir-faire technique de M. J. acquis alors qu'il était son salarié

- commercialisé des produits identiques, notamment la cabine WC autonome à l'anglaise référencée CS200 ainsi que l'abri de chantier référencé D402, un de ses produits phare, et un D 459 gaz et D 559 gaz

- fait appel pour la création de son site internet à la société Cap réalisations qui est intervenue pour son propre site internet, démontrant la volonté de l'imiter dans ses démarches publicitaires

- utilisé la plate-forme professionnelle Hellopro, spécialisée dans la mise en relation directe des sociétés entre elles sur laquelle elle est référencée depuis longtemps ;

Mais attendu que la cour observe que les sociétés CNSE et Femil sont des sociétés qui ont près de trente ans d'existence et interviennent sur le même marché des cabines de chantier ;

Que le fait d'ouvrir une agence commerciale à Lyon n'est pas en soi caractéristique d'un comportement déloyal, le nouveau président de la société ayant exercé professionnellement dans la région Rhône-Alpes, et aucune captation de clientèle ni de débauchage déloyal n'ayant été mis en évidence par la société CNSE ;

Que la société Femil soutient à juste titre que les produits litigieux existaient déjà dans son catalogue avec des prix supérieurs à ceux commercialisés par la société CNSE comme le démontre le mail du 9 décembre 2014 cité par la société CNSE elle-même relatif à l'appel d'offre Loxam sur la 402 ;

Que la société CNSE ne produit aucun élément de nature à établir que la société Femil cherche à la concurrencer en adaptant son catalogue produits à celui de son concurrent ;

Que la société Femil produit des catalogues d'autres sociétés spécialisées dans le même domaine contenant des produits similaires ;

Que le mail susvisé par la société CNSE du 9 décembre 2014 n'établit pas davantage que la société Femil profite des créations et du savoir-faire de la société CNSE, étant en outre observé que ces éléments de chantier ne sont pas protégés au titre des droits des marques ;

Attendu que pareillement, la société CNSE ne justifie pas d'une clause d'exclusivité avec la société Cap online réalisations et ne rapporte pas la preuve que la société Femil, comme soutenu, a une volonté d'imiter la société CNSE dans ses démarches publicitaires, les extraits de site internet produit ne révélant pas une telle volonté, le site de la société Femil énumérant les matériels avec photo et le site de la société CNSE ne les présentant qu'en miniature avec la possibilité de télécharger le catalogue ;

Qu'enfin, la société CNSE est malvenue à reprocher à la société Femil d'être référencée sur le site Hellopro, s'agissant d'une plate- forme professionnelle répertoriant un grand nombre de sociétés ;

Que dans le mail du 14 octobre 2014 adressé en interne à la société Femil, Mme B. ne compare pas la société Femil à la société CNSE mais émet un avis sur la proposition de référencement Hellopro en ces termes " les prix et prestations sont mieux que celles faites dans le passé à CNSE et beaucoup plus modernes (liens sur le site ... etc), site qu'alain fait la semaine prochaine avec les photos qu'il a ramenées sur une clé [...] " ;

Attendu qu'en conséquence, la société CNSE n'établit pas que l'ensemble de ces éléments doive s'analyser en du parasitisme, ne rapportant pas la preuve qui lui incombe de la volonté systématique de la société Femil de se comparer à elle et de la concurrencer de manière déloyale en cherchant à imiter son catalogue de produits et sa stratégie publicitaire ;

Que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société CNSE de sa demande fondée sur la concurrence déloyale ;

Attendu que la société Femil n'établissant aucune faute ayant fait dégénérer en abus le droit d'agir en justice de la société CNSE, il y a lieu de confirmer la décision qui l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles engagés ; qu'il convient de lui allouer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Par ces motifs LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit l'intervention volontaire de la société Take off participations, Dit recevables les sociétés Take off participations et CNSE en leurs demandes, Infirme la décision en ce qu'elle a condamné Mme M., épouse P. L., à payer à la société CNSE l'indemnité forfaitaire prévue en cas de non-respect de la clause de non-engagement réciproque contenue dans le protocole de cession : * soit la somme de 127 655,99 euros pour engagement de Mme B. * soit la somme de 99 712,62 euros pour engagement de M J. et statuant à nouveau de ce chef, Déboute la société CNSE de ses demandes, Y ajoutant, Déboute la société Take off participations de ses demandes, Confirme la décision déférée pour le surplus, Condamne la société CNSE à payer à Mme M., épouse P. L., la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société CNSE à payer à la société Femil la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés CNSE et Take off participations aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.