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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. A, 7 novembre 2019, n° 18-02529

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hebrard

Conseillers :

Mme Chiclet, M. Carlier

Avocats :

Mes Saiz Meleiro, Merico, Demersseman, Evezard

TGI Montpellier, du 17 mars 2018

17 mars 2018

EXPOSE DU LITIGE :

Y X et G Z son épouse ont vendu à E F et D B, par acte sous seing privé du 25 août 2017, un bien immobilier sis à la Grande Motte (34) moyennant un prix de 550 000 € payable comptant incluant la commission de l'agence d'un montant de 30 000 €.

L'acte prévoyait un dépôt de garantie de 58 500 € payable dans les huit jours de la signature du compromis qui n'a jamais été versé par les acquéreurs.

Reprochant aux acquéreurs le non-respect de leur engagement, les époux X les ont fait citer à jour fixe, par acte d'huissier du 15 janvier 2018, devant le tribunal de grande instance de Montpellier en résolution judiciaire de la vente et condamnation solidaire à leur payer les sommes de 58 500 € au titre de la clause pénale, 30 000 € au titre des frais d'agence et 10 000 € de dommages et intérêts.

Par jugement réputé contradictoire du 27 mars 2018, ce tribunal a :

- prononcé la résolution judiciaire de la vente du bien, sis ..., à la Grande Motte, conclue le 25 août 2017, entre Y X et G Z épouse X et E F et D B ;

- condamné E F et D B solidairement au paiement de la somme de 58 500 € au titre de la clause pénale ;

- débouté les époux X de leur demande de paiement de la somme de 30 000 € au titre des frais d'agence ;

- débouté les époux X de leur demande de paiement de la somme de 10 000 € au titre de dommages et intérêts ;

- condamné solidairement E F et D B à payer la somme de 2 000 € aux époux X par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné E F et D B aux entiers dépens de l'instance ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le 15 mai 2018, E F a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 9 avril 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation formée par les époux X.

D B bien que régulièrement assignée n'a pas constitué avocat.

Vu les conclusions de E F remises au greffe le 2 novembre 2018 et signifiées le 30 octobre 2018 à D B (659 CPC) ;

Vu les conclusions des époux X remises au greffe le 10 septembre 2018 et signifiées le 6 juillet 2018 à D B (659 CPC) ;

Vu l'ordonnance de clôture du 6 septembre 2019 ;

MOTIFS :

Sur les chefs du jugement non critiqués :

Aucune des parties ne discute les chefs du jugement ayant débouté les époux X de leur demande de paiement de la somme de 30 000 € au titre des frais d'agence et de leur demande de paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ces chefs.

Sur la demande de nullité du compromis de vente :

E F conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire de la vente et demande à la cour de prononcer la nullité du compromis de vente sur le fondement du dol et de l'absence de cause.

E F soutient avoir été trompé par D B qui a été sa compagne pendant plusieurs mois et qui lui a fait croire qu'elle était médecin et qu'elle détenait un patrimoine mobilier et immobilier personnel conséquent lui permettant d'acquérir la maison sans recourir à un emprunt, ce qui était faux ainsi que cela résulte de ses investigations entreprises après le départ de D B et des nombreux chèques tirés par cette dernière (chirurgie esthétique, achat d'un véhicule) et revenus impayés.

Le dol ne peut être une cause de nullité de la convention que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée, à savoir en l'espèce les vendeurs.

Les réticences et tromperies émanant de D B n'ont pas pu vicier le consentement de l'appelant puisque le contrat de vente n'a pas été conclu entre eux.

Le moyen tiré d'un prétendu dol de D B au préjudice de l'appelant doit être écarté.

Par ailleurs, nul ne plaidant par procureur en France, E F ne peut solliciter la nullité du contrat en invoquant un dol commis au préjudice des époux X.

Il ne peut davantage invoquer l'absence de cause liée à l'impossibilité absolue pour le couple B F de régler le prix convenu dès l'origine (page 10 des conclusions d'appelant) pusique ce moyen de nullité ne peut être soulevé que par les vendeurs, seuls bénéficiaires du prix de vente.

Dans ces conditions, la demande de nullité de la vente ne peut qu'être rejetée.

Sur la demande de résolution judiciaire de la vente :

En dehors de la demande de nullité qui a été rejetée précédemment, E F n'invoque aucun moyen de contestation de la résolution judiciaire prononcée par le premier juge.

Les intimés concluent à la confirmation du jugement sur ce point.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire de la vente de l'immeuble, sis ..., conclue le 25 août 2017.

Sur la demande au titre de la clause pénale :

A titre subsidiaire, l'appelant conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné solidairement avec D B à payer la somme de 58 500 € en règlement de la clause pénale et sollicite une réduction de cette dernière à 1€ symbolique ou à tout le moins à de plus justes proportions.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'immeuble du ..., vendu par les époux X aux consorts B F était bien leur domicile ainsi que cela résulte des mentions figurant dans l'acte sous seing privé des 6 et 21 septembre 2017 par lequel les époux X ont acquis des consorts A une maison située également à la Grande Motte.

Les consorts B F s'étant engagés, dans la promesse du 25 août 2017, à payer le prix de 585 000 € comptant, sans recours à un emprunt, les époux X ont cru pouvoir s'engager à payer comptant le prix d'achat de leur nouvelle maison d'un montant de 498 300 €.

Les consorts B F ne s'étant pas présentés aux rendez-vous fixés pour la réitération authentique le 14 novembre 2017 puis le 27 novembre 2017 et enfin le 19 décembre 2017, malgré une sommation signifiée le 6 décembre 2017, les époux X n'ont pas été en mesure de payer le prix de vente pour l'achat de leur nouvelle maison lors de la réitération authentique du 30 novembre 2017.

La carence des consorts B F les a donc contraints à solliciter le bénéfice d'un prêt relais de 370 000 € remboursable sur 12 mois au taux nominal de 0,88 % l'an qu'ils ont obtenu le 8 décembre 2017 (page 5 de l'attestation notariée du 16 janvier 2018).

En outre, la carence des consorts B F est à l'origine, pour partie, du versement par les époux X d'une indemnité de 20 000 € à leurs propres vendeurs.

En effet, il résulte des termes de la transaction passée entre les époux X et leurs vendeurs que ces derniers ont consenti à reporter la réitération de l'acte authentique, prévue initialement le 30 novembre 2017, au 16 janvier 2018 puis au 23 janvier 2018 pour permettre aux acquéreurs d'obtenir le financement auquel ils avaient pourtant renoncé dans la promesse.

Ainsi, le préjudice des vendeurs résultant du retard pris dans la régularisation de la vente et dans le paiement du prix est réparé par une partie de l'indemnité précitée.

En revanche, une autre partie de l'indemnité de 20 000 € répare un préjudice exclusivement imputable aux époux X puisque ceux-ci ont cru pouvoir prendre possession du bien avant la réitération authentique et sans l'autorisation de leurs vendeurs afin d'y effectuer d'importants travaux de démolition des ouvertures existantes et de la terrasse (pages 3 et 4 de la transaction).

Le préjudice subi par les époux X du fait de l'inexécution contractuelle des consorts B F est réel mais il n'excède pas la somme de 30 000 € (10 000 € pour l'obligation de souscrire un prêt relais de 12 mois au taux de 0,88 % l'an, 10 000 € pour les tracasseries et l'immobilisation de 3 mois et demi, et 10 000 € d'indemnité aux vendeurs pour le retard pris dans la régularisation de la vente et dans le paiement du prix).

La clause pénale est donc manifestement excessive, compte tenu du préjudice effectivement subi par les époux X, pour la portion excédant les 30 000 €.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de garantie contre D B :

E F sollicite la condamnation de D B à le garantir de toute condamnation prononcée ou confirmée à son encontre et ce sur le fondement de l'article 1240 du Code civil en raison des mensonges dont il a été victime.

Il résulte des nombreuses attestations produites par l'appelant que D B a, de manière très habile, menti à E F sur la composition de sa famille, sa profession et sur son patrimoine et l'a convaincu de s'engager à ses côtés dans l'achat d'une maison à la Grande Motte.

Cette attitude mensongère de D B est constitutive d'une faute délictuelle à l'endroit de E F qui n'avait aucune raison d'imaginer que sa compagne s'était inventée une vie, une profession (médecin oncologue à l'hôpital de Lyon) et un patrimoine.

Cette faute est à l'origine de la décision de E F, qui ne détient aucun patrimoine, de s'engager aux côtés de sa compagne dans l'achat d'une maison à la Grande Motte payé comptant.

D B sera par conséquent condamnée à garantir E F de toutes les condamnations prononcées contre lui par le présent arrêt en principal, intérêts, frais et dépens.

Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive :

Les époux X ne démontrent pas en quoi l'appel interjeté par E F procéderait d'une intention de nuire et constituerait un abus de droit et ils seront déboutés de leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement ; Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné solidairement E F et D B à payer aux époux X la somme de 58 500 € au titre de la clause pénale ; Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant ; Rejette la demande de nullité de la vente formée par E F ; Dit que la clause pénale prévue au contrat de vente du 25 août 2017 est manifestement excessive au regard du préjudice subi par les époux X ; Réduit cette clause pénale à la somme de 30 000 € ; Condamne solidairement E F et D C à payer cette somme de 30 000 € aux époux X ; Dit que D B a engagé sa responsabilité envers E F ; Condamne D B à garantir E F de toutes les condamnations confirmées ou prononcées contre lui par le présent arrêt en principal, intérêts, frais et dépens ; Rejette la demande de dommages intérêts pour procédure abusive formée par les époux X ; Condamne solidairement E F et D C aux dépens de l'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle, ainsi qu'à payer aux époux X la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour leurs frais engagés en cause d'appel.