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Décisions

CA Aix-en-Provence, 3e ch. sect. 1, 14 novembre 2019, n° 17-07326

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Coliko (Sté)

Défendeur :

Alesia Minceur (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Ermeneux, Salmon, Le Gall

TGI Marseille, du 16 mars 2017

16 mars 2017

FAITS - PROCEDURE - DEMANDES

Le 2 janvier 2001 la SARL Alésia Minceur s'est immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés avec son siège à Paris, comme activité " exploitation de centres d'amincissement avec vente de produits minceur ", et pour unique associé et gérant Monsieur X. Ce dernier a le 18 octobre 2010 déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle la marque "Radical'Epil" sous le n° 3775484 et en classes 3, 10 et 44.

Madame Y a obtenu en 2008 un CAP d'esthétique et cosmétique.

La société Alésia Minceur " donneur de licence " a conclu le 11 mai 2011 avec la SARL Coliko " licenciée " immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 10 juin suivant avec son siège à Brignoles (83), pour unique associée et gérante Madame Y, et comme activité soins de beauté un contrat de licence exclusive d'exploitation de la marque précitée, pour une durée de 5 ans et le territoire de Brignolles, avec un droit d'entrée de 6 000 euros HT soit 7 176 euros TTC facturé le 28 mai, outre une redevance mensuelle forfaitaire de 130 euros HT ; à ce contrat était joint le Document d'Informations Précontractuelles [le DIP] conformément à l'article L. 330-3 du Code de commerce. Ce contrat stipule notamment que la société Alésia Minceur " exploite et anime un réseau d'instituts de dépilations ", et que " le concept Radical'Epil est en partie basé sur l'utilisation de matériels liés à tous types d'épilations ".

La société Coliko a subi une perte de résultat :

- pour la période du 13 mai au 31 décembre 2011 de 5 598 euros 60,

- et pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 de 15 518 euros 25,

Et sa liquidation judiciaire a été ouverte le 27 novembre 2012 à sa demande, avec désignation comme liquidateur judiciaire de Maître Z

Le 8 octobre 2013 Maître Z ès qualité et Madame Y, ont fait assigner la société Alésia Minceur devant le tribunal de commerce de Draguignan, qui par jugement du 21 juillet 2015 s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Marseille ; ce dernier par jugement du 16 mars 2017 a :

* rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité pour agir de Madame Y, et déclaré ses demandes recevables ;

* débouté Maître Z ès qualité de sa demande de requalification du contrat conclu le 11 mai 2011 entre la société Alésia Minceur et la société Coliko ;

* annulé le contrat (...) ;

* condamné la société Alésia Minceur à payer à Maître Z ès qualité les sommes de:

- 6 000 euros 00 HT au titre du remboursement du droit d'entrée,

- et 1 950 euros 00 au titre du remboursement des redevances payées par la société Coliko ;

* dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

* débouté Maître Z ès qualité du surplus de ses demandes indemnitaires ;

* débouté Madame Y de sa demande de dommages et intérêts ;

* condamné la société Alésia Minceur aux dépens ;

* débouté Madame Y de sa demande d'indemnité de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

* dit n'y avoir lieu d'assortir le jugement de l'exécution provisoire.

Maître Z agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Coliko et Madame Y ont régulièrement interjeté appel le 12-13 avril 2017, et par conclusions n° 2 du 7 novembre 2017 soutiennent notamment que :

- Madame Y est tiers au contrat du 11 mai 2011 conclu par la société Alésia Minceur et par la société Coliko, ce qui lui permet d'invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel de la première société qui lui a causé un dommage ;

- le contrat de franchise se définit par deux éléments : la transmission d'un savoir-faire, et la mise à disposition de signes de ralliement de la clientèle ; ces éléments sont contenus dans le contrat 11 mai 2011, peu importe sa dénomination de licence exclusive d'exploitation de la marque " Radical'Epil " ; existe également une assistance de la société Coliko par la société Alésia Minceur, qui caractérise la franchise ;

- la même est diplômée d'un CAP d'esthétique et de cosmétique ; elle a suivi la formation dispensée sur 2 jours par la société Alésia Minceur franchiseur ; celle-ci lui a indiqué les chiffres d'affaires mensuels qu'elle pouvait réaliser (en moyenne 6 666 euros), mais ceux effectifs ont été très inférieurs (2 493 euros) ; 25 des 63 instituts du réseau Radical'Epil ont été placés en liquidation judiciaire ; la société Alésia Minceur n'a effectué aucune visite dans le centre de Madame Y, et s'est désintéressée totalement du sort de celle-ci ;

- le contrat est nul pour objet impossible et illicite dans sa totalité :

La dépilation par lumière pulsée, qui envoie une lumière se transformant en chaleur ce qui brûle la racine fabriquant le poil, est réservée aux médecins et interdite aux esthéticiennes, lesquelles ne peuvent pratiquer que l'épilation à la pince ou à la cire sous peine d'exercice illégal de la médecine (article 2-5° de l'arrêté du 6 janvier 1962, qui reste, en vigueur à ce jour) ;

Cette impossibilité est antérieure à la conclusion du contrat ;

- le contrat est nul pour illicéité de la cause ;

- le contrat est nul pour dol de la société Alésia Minceur caractérisé par une réticence à communiquer les risques afférents à la mise en œuvre du concept, réservée aux médecins ;

- la société Alésia Minceur a manqué à son obligation précontractuelle de renseigner Madame Y sur la rentabilité de ce concept et partant de son entreprise ; la durée de vie moyenne d'un franchisé de ce réseau est de 14 mois, ce qui exclut la rentabilité du concept ;

- la même a manqué à son obligation contractuelle essentielle de franchiseur d'assister Madame Y tout au long du contrat en lui dispensant des conseils verbaux ou par écrit ; la société Alésia Minceur n'a pas réagi aux demandes d'assistance de sa franchisée et ne s'est pas déplacée dans les locaux de celle-ci ;

- la société Alésia Minceur n'a pas exécuté le contrat de bonne foi, ce qui constitue une faute grave justifiant la résiliation à ses torts exclusifs.

Les appelants demandent à la cour, vu les articles L. 721-3 du Code de commerce ; 14 du contrat de licence de marque ; 1108, 1109, 1110, 1116 du Code civil, 1126, 1130, 1131, 1133, 1134,1147, 1149 et 1184 du même, 1382 et 1383 dudit ; L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, de :

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir de Madame Y ;

- annulé le contrat conclu le 7 mai 2011 entre la société Alésia Minceur et la société Coliko ;

- condamné la société Alésia Minceur à payer à Maître Z ès qualité les sommes de 6 000 euros HT au titre du remboursement du droit d'entrée et de 1 950 euros au titre du remboursement des redevances payées par la société Coliko ;

- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation ;

- condamné la société Alésia Minceur aux entiers dépens ;

* infirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté Maître Z ès qualité de sa demande de requalification du contrat conclu le 7 mai 2011 entre la société Alésia Minceur et la société Coliko ;

- débouté Maître Z ès qualité du surplus de ses demandes ;

- débouté Madame Y de sa demande de dommages et intérêts ;

- débouté Madame Pallin de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu d'assortir le jugement de l'exécution provisoire ;

* statuant de nouveau :

- requalifier le contrat de licence de marque en contrat de franchise ;

- dire et juger que le contrat est nul pour objet impossible et illicite ;

- dire et juger que le contrat de franchise est nul pour illicéité de la cause ;

- dire et juger que le contrat de franchise est nul pour dol ;

- dire et juger que le consentement de Madame Y a été vicié aux motifs que :

La société Alésia Minceur n'a pas permis à la candidate de s'engager en toute connaissance de cause ;

La société Alésia Minceur n'a pas remis un état du marché local conforme à la Loi et n'a pas défini les perspectives de développement ;

La société Alésia Minceur n'a pas remis un document contenant " la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation ", conformément aux prescriptions du 6° de l'article R. 330-1 du Code de commerce ;

La société Alésia Minceur a communiqué des chiffres totalement irréalistes qui ne correspondaient pas à la rentabilité de son concept et de son réseau ;

La société Alésia Minceur n'a pas fourni de renseignements loyaux sur la rentabilité de son concept et de son réseau ;

- dire et juger que Madame Y a été victime d'une erreur sur la rentabilité de son entreprise ;

- dire et juger que la société Alésia Minceur a manqué à son obligation de bonne foi ;

- dire et juger que la société Alésia Minceur a commis de nombreux manquements et n'a pas répondu aux attentes légitimes de Madame Y ;

- dire et juger que la société Alésia Minceur a gravement manqué à son obligation d'assistance et n'a pris aucune mesure face au manque de rentabilité de l'Institut de Madame Y ;

En conséquence :

* à titre principal :

- prononcer la nullité du contrat de franchise ;

- replacer les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la signature du contrat de franchise ;

- condamner la société Alésia Minceur à payer à Maître Z ès qualité les sommes suivantes :

* 6 000 euros HT au titre du remboursement du droit d'entrée ;

* 1 950 euros, sauf à parfaire, au titre du remboursement des redevances versées en cours de contrat ;

* 29 204 euros 42 au titre du passif de la liquidation judiciaire ;

- condamner la société Alésia Minceur à payer à Madame Y la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au manque à gagner en termes de rémunération et à la perte de chance de mieux investir ses capitaux, au manque à gagner en termes de rémunération et aux conséquences de la liquidation judiciaire sur son avenir professionnel ;

* à titre subsidiaire :

- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Alésia Minceur ;

- en conséquence : condamner la société Alésia Minceur à payer à Maître Z ès qualité la somme de 29 204 euros 42 au titre du passif de la liquidation judiciaire ;

- condamner la société Alésia Minceur à payer à Madame Y la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au manque à gagner en termes de rémunération et à la perte de chance de mieux investir ses capitaux, et aux conséquences de la liquidation judiciaire sur son avenir professionnel ;

* en tout état de cause :

- débouter la société Alésia Minceur de l'ensemble de ses demandes ;

- prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- dire et juger que les sommes allouées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation ;

- condamner la société Alésia Minceur à payer à Madame Y la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions n° 1 du 8 septembre 2017 la SARL Alésia Minceur répond notamment que :

- la demande de Madame Y a un caractère patrimonial, et rentre nécessairement dans le cadre du monopole du liquidateur judiciaire de la société Coliko ; les prétentions de la même sont indissociables de celles de ce mandataire ; Madame Y est dessaisie du droit d'agir vu sa qualité de gérante de la société Coliko en liquidation judiciaire ;

- Madame Y n'est pas tiers au contrat de licence de marque du 11 mai 2011, qui a été signé avant l'immatriculation de la société Coliko le 10 juin suivant ;

- il s'est écoulé un délai de plus de 3 mois entre la remise du D.I.P., et la signature du contrat de licence de marque ;

- le contrat du 11 mai 2011 n'est pas une franchise vu son intitulé " contrat de licence exclusive d'exploitation de la marque " Radical'Epil " ", l'absence de transmission d'un savoir-faire, et la non-obligation de formation et d'assistance ;

- il y a absence de dol de la société Alésia Minceur, et parfaite réalisation de l'information de Madame Y pour le compte de la société Coliko dans la phase précontractuelle ; la première a remis par le DIP un état du marché conforme à son obligation légale, a communiqué les informations nécessaires, sincères et réalistes sur les perspectives de développement de ce marché ;

- la marque " Radical'Epil " est parfaitement régulière et licite, tout comme le contrat de licence de marque qui ne mentionne à aucun moment la dépilation à la lumière pulsée et porte sur tous types d'épilations ; Madame Y était parfaitement informée du domaine de compétence des soins esthétiques, vu son CAP d'esthétique et cosmétique nécessaire pour exercer son activité d'esthéticienne au sein de la société Coliko ;

- il y a absence totale de démonstration d'une quelconque relation causale exclusive entre le passif de la société Coliko et les prétendues fautes de la société Alésia Minceur.

L'intimée demande à la cour de :

* in limine litis et avant toute défense au fond, vu l'article L. 641-9 du Code de commerce :

- constater que le liquidateur judiciaire a seul qualité pour agir pour la société Coliko;

- en conséquence : infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de Madame Y ;

* au fond, vu l'article 9 du Code de Procédure civile :

- sur l'absence de fondement de la demande de requalification du contrat de licence de marque :

Constater que l'accord des parties porte sur un contrat de licence de marque ;

Constater que le jugement a jugé qu'il s'agit bien d'un contrat de licence de marque ;

Constater que la demande repose sur un travestissement du contrat de licence de marque ;

En conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Maître Z ès qualité de sa demande de requalification du contrat conclu le 11 mai 2011 ;

- sur l'absence de dol et la licéité du contrat de licence de marque :

Constater que la société Alésia Minceur a respecté son obligation d'informations précontractuelles ;

Constater l'absence de vice du consentement dont aurait été victime la société Coliko ;

Constater le respect par la société Alésia Minceur de l'ensemble de ses obligations contractuelles au titre du contrat de licence de marque ;

Constater l'absence de preuve du préjudice invoqué qui rend la demande nécessairement infondée ;

Constater la parfaite licéité du contrat de licence de marque puisque l'activité objet du contrat n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté du 6 janvier 1962 car il s'agit d'une activité de soin esthétique ;

Constater que la résiliation ne peut être prononcée puisque le contrat de licence de marque a été rompu par le placement de la société Coliko en liquidation judiciaire ;

Constater que la demande de résiliation du contrat de licence de marque est infondée ;

- en conséquence :

Confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le contrat conclu le 11 mai 2011 entre la société Coliko et la société Alésia Minceur ;

Infirmer par voie de conséquence le jugement en ce qu'il a condamné la société Alésia Minceur à payer à Maître Z ès qualité les sommes de 6 000 euros HT au titre du remboursement du droit d'entrée et de 1 950 euros au titre du remboursement des redevances payées par la SARL Coliko, et dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Maître Z ès qualité du surplus de ses demandes indemnitaires relative à la prise en charge du passif de la société Coliko par la société Alésia Minceur ;

* sur l'absence de fondement des demandes indemnitaires de Madame Y :

- constater que Madame Y a le diplôme d'esthéticienne et qu'elle ne pouvait ignorer le débat sur la lumière pulsée ;

- constater que Madame Y ne prouve pas que les préjudices qu'elle invoque seraient dus à des manquements de la société Alésia Minceur ;

- en conséquence :

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame Y de sa demande de dommages et intérêts ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame Y de sa demande d'indemnité de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

* débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;

* condamner solidairement les appelants à payer à la société Alésia Minceur la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Le 6 juin 2019 Maître Z ès qualité et Madame Y ont communiqué leur 24e pièce, soit un jugement du tribunal de commerce d'Evry rendu le 16 novembre 2017.

Par conclusions n° 2 avec demande de report de la clôture du 6 septembre 2019 la société Alésia Minceur a complété ses conclusions précitées du 8 septembre 2017 en précisant qu'elle entend répondre à la dernière communication de ses 2 adversaires. Le 4 octobre 2019 Maître Z ès qualité et Madame Y ont par conclusions de procédure demandé à la cour, vu l'article 16 du Code de Procédure civile, de rejeter les dernières conclusions et pièces notifiées le vendredi 6 septembre 2019 à 16 h 30 par la société Alésia Minceur, alors que l'ordonnance de clôture a été fixée le lundi 3 précédent, et qu'eux-mêmes avaient conclu le 7 novembre 2017 soit presque 2 ans plus tôt.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2019.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la procédure :

L'article 15 du Code de Procédure civile impose aux parties de " se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait (...), les éléments de preuve (...) et les moyens de droit (...) ".

La société Alésia Minceur a conclu le 8 septembre 2017, et Maître Z ès qualité comme Madame Y lui ont répondu par conclusions du 7 novembre suivant. La première, en concluant à nouveau le vendredi 6 septembre 2019 soit 22 mois plus tard, et alors que l'ordonnance de clôture lui avait été annoncée le 12 mars 2019 comme intervenant le lundi 9 septembre, n'a pas respecté le "temps utile" précité. C'est donc à bon droit que le deuxième et la troisième ont conclu au rejet des conclusions et pièces notifiées ce 6 septembre.

Sur la recevabilité des demandes de Madame Y :

Aux termes de l'article L. 641-9-I du Code de commerce : " Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit (...) dessaisissement pour le débiteur (...). Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ".

La société Coliko a été mise en liquidation judiciaire le 27 novembre 2012 avec désignation de Maître Z ès qualité de liquidateur judiciaire ; seul ce dernier peut donc exercer les droits et actions de cette société concernant son patrimoine, ce qui exclut toute action engagée par la gérante de la société Coliko qu'est Madame Y à titre personnel.

Cette dernière reproche à la société Alésia Minceur de lui avoir causé un manque à gagner en termes de rémunération, une perte de chance de mieux investir ses capitaux, et les conséquences de la liquidation judiciaire sur son avenir professionnel ; toutes ces demandes sont de nature patrimoniale, et leur auteur était de plus la seule associée ainsi que la gérante de la société Coliko.

Le jugement est donc infirmé pour avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité pour agir de Madame Y, et pour avoir déclaré ses demandes recevables.

Sur le contrat du 11 mai 2011 :

Ce dernier, qui a été précédé de la remise du DIP à Madame Y unique associée et gérante du licencié la société Coliko, est intitulé contrat de licence exclusive d'exploitation de la marque "Radical'Epil"; il ne stipule pour la société Alésia Minceur, donneur de licence, aucune transmission de savoir-faire, ni aucune obligation de formation et d'assistance technique et commerciale au profit du licencié.

Le paiement par la société Coliko d'un droit d'entrée (article 4 du contrat), comme la remise par la société Alésia Minceur de pochettes " Radical'Epil " (article 6), ne suffisent pas à caractériser l'existence du contrat de franchise invoqué par Maître Z ès qualité.

Il en est de même pour les documents publicitaires et/ou commerciaux (la franchise New Lifting est étrangère à la marque " Radical'Epil " ; cette dernière n'est jamais présentée comme une franchise).

Au surplus le donneur de licence n'a pas l'obligation même contractuelle de garantir au licencié la rentabilité de la licence de marque concédée.

C'est donc à juste titre que le tribunal a débouté Maître Z ès qualité de sa demande de requalification du contrat de licence exclusive d'exploitation de la marque " Radical'Epil " conclu le 11 mai 2011 entre la société Alésia Minceur et la société Coliko.

Sur le fond :

L'arrêté du 6 janvier 1962, fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d'analyses médicales non médecins, réserve aux docteurs en médecine les actes médicaux tels que " Tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire " (article 2-5°).

Le Règlement (UE) 2017/745 du Parlement Européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, indique dans son article 1.2 qu'il s'applique également " aux groupes de produits n'ayant pas de destination médicale, dont la liste figure à l'article XVI ", lequel inclut notamment : " 5. Equipements émettant des rayonnements électromagnétiques à haute intensité (infrarouge, lumière visible, ultraviolet par exemple) et destinés à être utilisés sur le corps humain y compris les sources cohérentes et non cohérentes, monochromes et à large spectre, tels que les lasers et les équipements à lumière intense pulsée utilisés pour le resurfaçage cutané, la suppression de tatouages, l'épilation ou d'autres traitements cutanés ". Cependant ce texte, comme le dispose son article 123, est entré en vigueur le 25 mai 2017 et est applicable à compter du 26 mai 2020 ; ces 2 dates étant largement postérieures tant au contrat de licence exclusive d'exploitation de la marque " Radical'Epil " du 11 mai 2011, qu'à la liquidation judiciaire de la société Coliko du 27 novembre 2012, le Règlement ci-dessus est inapplicable au litige.

L'utilisation des équipements et de la technique de la lumière pulsée pour procéder à des épilations était donc lors de ce contrat interdite aux non-médecins tels que Madame Y et la société Coliko ce que celles-ci ne pouvaient ignorer vu la formation notamment d'esthéticienne de la première récompensée par un CAP, ce qui rend illicite tant l'objet que la cause de la convention signée entre cette dernière et la société Alésia Minceur.

Le jugement est par suite confirmé pour avoir annulé le contrat du 11 mai 2011, ce qui dispense la cour d'examiner le problème du dol reproché à la société Alésia Minceur.

Maître Z ès qualité, qui a la charge de prouver que le passif de la liquidation judiciaire de la société Coliko a pour origine une faute de la société Alésia Minceur, ne démontre pas ce lien de causalité ; en effet le passif d'une entreprise dépend également du dynamisme et de la compétence de son dirigeant ; et Madame Y, vu son diplôme d'esthéticienne, ne pouvait ignorer le débat relatif à l'article 2-5° de l'arrêté du 6 janvier 1962. C'est donc à juste titre que le Tribunal a débouté Maître Z ès qualité de ses demandes indemnitaires.

DECISION

LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire. Ecarte des débats les conclusions n° 2 et les pièces notifiées le 6 septembre 2019 par la SARL Alesia Minceur. Infirme le jugement du 16 mars 2017 pour avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité pour agir de Madame Y, et pour avoir déclaré ses demandes recevables. Juge irrecevables l'action et les demandes formées par Madame Y. Confirme tout le reste du jugement. Condamne la SARL Alesia Minceur aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure civile. Rejette toutes les autres demandes.