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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 12 novembre 2019, n° 18-06617

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Santé Port Royal (SAS)

Défendeur :

Laboratoires Crinex (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

Mmes Lelievre, Lauer

Avocats :

Mes Ricard, Souchet, Dontot, Ngo

T. com. Paris, du 30 mars 2015

30 mars 2015

Vu le jugement rendu le 30 mars 2015 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

- ordonné à la SAS Santé Port Royal, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 2e jour après la signification du présent jugement, dans la limite de 45 jours, durée au-delà de laquelle il sera à nouveau fait droit, de :

- supprimer l'article " D : un complément inquiétant pour vos enfants ", publié sur le site internet " Alternative santé " www. alternativesante.fr ainsi que tous les commentaires publiés sur le site, relatifs à cet article,

- cesser la diffusion du bulletin d'information intitulé " D, un poison pour vos enfants " adressé à tous les abonnés en date du G novembre 2014 fait injonction à la SAS Santé Port Royal de cesser tout acte de dénigrement à rencontre de l'D et de la société la SA Laboratoire Crinex,

- condamné la SAS Santé Port Royal à payer à SA Laboratoire Crinex la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la SAS Santé Port Royal à payer à SA Laboratoire Crinex la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, en toutes ses dispositions, condamne la SAS Santé Port Royal aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Vu l'appel de ce jugement interjeté le 13 avril 2015 par la société Santé Port Royal,

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 26 avril 2017 qui a :

- confirmé le jugement rendu le 30 mars 2015 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a ordonné à la société Santé Port Royal, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du deuxième jour après la signification de la décision, dans la limite de quarante-cinq jours, durée au-delà de laquelle il sera à nouveau fait droit, de :

Supprimer l'article " D : un complément inquiétant pour vos enfants ", publié sur le site internet " Alternative santé ", ainsi que tous les commentaires publiés sur le site, relatifs à cet article,

Cesser la diffusion du bulletin d'information intitulé " D, un poison pour vos enfants " en date du 8 novembre 2014,

- infirmé le jugement, d'une part, en ce qu'il a fait injonction à la société Santé Port Royal de cesser tout acte de dénigrement à l'encontre de l'D et de la société Laboraoires Crinex, d'autre part, quant au quantum des dommages intérêts,

Et statuant à nouveau, a :

- condamné la société Santé Port Royal à payer à la société Laboratoires Crinex la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts, ainsi que celle de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 juillet 2018 qui a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles ;

- condamné la société Laboratoires Crinex aux dépens,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Laboratoires Crinex à payer à la société Santé Port Royal la somme de 3 000 euros ;

Vu la déclaration de saisine de la cour d'appel de Versailles déposée le 24 septembre 2018 par la SAS Santé Port Royal et l'avis de fixation de l'affaire en date du 8 novembre 2018, conformément aux dispositions de l'article 1037-1 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2018 par lesquelles la SAS Santé Port Royal qui demande à la cour de :

Vu les articles 10 de la CEDH, 1240 et 1302 al 1 du Code civil, L. 111-10 al 2 du Code des procédures civiles d'exécution,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

- débouter la SA Laboratoires Crinex de toutes ses demandes,

- condamner la SA Laboratoires Crinex à payer à la SAS Santé Port Royal :

* 14 800 euros (en restitution de l'astreinte et de l'indemnité de procédure relative à sa liquidation)

* 11 000 euros (en restitution de l'exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 avril 2017)

- condamner la SA Laboratoires Crinex à payer à la SAS Santé Port Royal la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SA Laboratoires Crinex aux entiers dépens de 1ère instance y compris d'exécution, de la présente et précédente instance d'appel, et de l'instance devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 4 janvier 2019 par lesquelles la société Laboratoires Crinex demande à la cour de :

Vu l'article 1382 (devenu article 1240) du Code civil,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 mars 2015,

- constater que la société Santé Port Royal n'a pas correctement exécuté le jugement de première instance ;

- condamner la société Santé Port Royal à payer à la société Laboratoires Crinex une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont le recouvrement sera effectué, pour ceux-là concernant, par l'AARPI JRF Avocats représentée par Me Oriane Dontot , avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

FAITS ET PROCÉDURE

Les Laboratoires Crinex sont des laboratoires pharmaceutiques qui fabriquent et commercialisent des médicaments, et notamment, sous la dénomination " D ", un complément en vitamine D destiné aux nourrissons, décliné en D D ou D Adec.

La société Santé Port Royal est une société commerciale qui édite des revues et des périodiques sous la direction de M. B, et notamment un magazine intitulé " Alternative Santé ", consacré aux méthodes alternatives de traitement des maladies.

Reprochant à la société Santé Port Royal d'avoir publié, le 25 février 2014, sur le site internet de la revue Alternative Santé, qu'elle édite, un article d'abord intitulé " D : un complément empoisonné pour vos enfants " , puis modifié sous le titre " D : un complément inquiétant pour vos enfants " dont l'auteur est M. C Y, et d'avoir diffusé, le 8 novembre suivant, auprès de ses abonnés, un bulletin d'information électronique sous le titre " D, un poison pour vos enfants ", les laboratoires Crinex ont saisi le tribunal de commerce de Paris par acte d'huissier du 30 janvier 2015 aux fins d'obtenir la suppression de l'article litigieux et des commentaires l'accompagnant, la cessation de la diffusion du bulletin d'information et la réparation de leur préjudice sur le fondement d'une concurrence déloyale par dénigrement.

Le tribunal de commerce de Paris a retenu sur le fondement e l'article 1382 du Code civil, l'existence d'une attitude dénigrante de la société Santé Port Royal à laquelle il a fait injonction sous astreinte sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, de supprimer l'article " D : un complément inquiétant pour vos enfants ", publié sur le site internet " Alternative santé " www. altemativesante.fr ainsi que tous les commentaires publiés sur le site, relatifs à cet article et de faire cesser la diffusion du bulletin d'information intitulé " D, un poison pour vos enfants " adressé à tous les abonnés en date du 8 novembre 2014. Il a fait également injonction à Santé Port Royal de cesser tout acte de dénigrement à rencontre de l'D et des Laboratoires Crinex et condamné Santé Port Royal à réparer le préjudice subi par les laboratoires Crinex qu'il a fixé à 30 000 euros.

La cour d'appel de Paris a confirmé que les écrits poursuivis s'analysaient en un dénigrement fautif de l'D qui avait créé un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser en ordonnant la suppression sous astreinte de l'article ainsi que la cessation de la diffusion du bulletin d'information.

Elle a infirmé le jugement en ce qu'il avait fait injonction à la société Santé Port Royal de cesser tout acte de dénigrement à l'encontre de l'D et de la société Crinex et sur le quantum des dommages et intérêts devant être alloués aux laboratoires Crinex qu'elle a réduits à la somme de 5 000 euros.

Par l'arrêt susvisé, la Cour de cassation a, au visa des articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 1382 devenu 1240 du Code civil, retenu " que même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre, peut constituer un acte de dénigrement ; que, cependant, lorsque l'information en cause se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d'expression , qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait , dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure " et jugé que la cour d'appel , qui pour accueillir les demandes des laboratoires Crinex, avait énoncé qu'en matière de dénigrement il importait peu que la société Santé Port Royal ait ou non disposé d'une base factuelle suffisante pour s'exprimer, avait violé les textes susvisés ; que la Cour a également retenu une seconde violation des textes susvisés par la cour d'appel qui avait retenu que l'affirmation de la dangerosité du produit était péremptoire et sans nuance et excédait le droit d'exercice normal d'une critique, alors qu'il résultait d'une part de ses propres constatations que les publications litigieuses s'inscrivaient dans un débat d'intérêt général portant sur la santé publique et que d'autre part, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé avait à la suite de malaises de nourrissons, pris des décisions de suspension de l'D puis émis une note d'information de pharmacovigilance relative à ce médicament, de sorte que les critiques en cause, même sévères, ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression ;

Au soutien de son appel, la société Santé Port Royal fait valoir en substance que les demandes formulées par les laboratoires Crinex dépassent le cadre d'un litige de concurrence déloyale ou dénigrante et visent à lui interdire l'usage de son droit à la liberté d'expression reconnue et garantie par l'article 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1789 de valeur constitutionnelle et par l'article 10 de la Convention Européenne des droits de l'homme.

Elle expose que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que dès lors que les propos litigieux s'inscrivent dans le cadre d'un débat d'intérêt général comme c'est le cas en l'espèce, il importe peu que celui qui s'exprime ait un intérêt personnel à défendre dans ce débat ; que c'est ce que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 11 juillet 2018 en indiquant qu'indépendamment de la situation de concurrence entre les parties, lorsque l'information critique se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante cette information relève du droit à la liberté d'expression qui inclut le droit de libre critique et ne saurait dès lors être regardée comme fautive.

Elle ajoute que l'état de concurrence entre les parties évoquées par les laboratoires Crinex n'existe pas dès lors qu'il n'y a pas de produit équivalent identifié de l'D.

Elle soutient que les restrictions au libre exercice de son droit à la liberté d'expression consacrée par l'article 10 § 1 de la CEDH et à la liberté du public de recevoir des informations ne peuvent être retenues que si elles répondent aux conditions posées par le § 2 du même article lequel prévoit que l'exercice des libertés visés au §1 comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires (...).

Elle précise qu'à la lumière des principes d'appréciation résultant des principes fondamentaux posés par la Cour européenne des droits de l'homme, il convient d'examiner si les demandes des laboratoires Crinex remplissent les conditions posées par le §2 de l'article 10 de la Convention EDH à savoir si elles sont prévues par la loi, inspirées par un ou des buts légitimes au regard dudit paragraphe et nécessaires dans une société démocratique.

Elle observe en premier lieu qu'en l'espèce, les laboratoires Crinex fondent leurs demandes sur l'article 1382 devenu 1240 du Code civil et sur la jurisprudence développée à partir de ce texte en matière de concurrence déloyale ou dénigrante et soutient que par son caractère très général, l'article 1240 du Code civil ne présente pas une précision suffisante pour constituer une loi au sens de l'article 10§2 de la CEDH.

Elle fait valoir que la jurisprudence invoquée par les laboratoires Crinex sur la concurrence dénigrante n'est pas pertinente soit parce qu'elle ne tranche pas un litige où le principe de la liberté d'expression et l'article 10 de la CEDH étaient invoqués, soit parce que les agissements poursuivis n'avaient pas pour but l'information du public mais uniquement la captation de la clientèle d'un concurrent direct.

Elle souligne qu'en l'espèce l'article litigieux n'a pour but que d'informer le public sur la présence d'excipients chimiques dans le médicament en cause dans le cadre de la politique générale de défense des produits naturels qui constitue sa ligne philosophique.

Elle se défend donc d'un quelconque détournement ou abus du droit à la liberté d'expression.

Elle invoque l'arrêt Hertel/Suisse de la Cour européenne des droits de l'homme du 25 août 1998 dont il résulte que l'appréciation de l'ampleur de l'atteinte à la liberté d'expression est réduite dans le cas d'un " discours strictement commercial " par rapport au cas d'un " débat touchant à l'intérêt général, comme par exemple à la santé publique ".

Elle conclut que l'article 1382 du Code civil et la jurisprudence relative au dénigrement de produits ne constituent pas une loi au sens de l'article 10 de la CEDH en ce qu'ils ne constituent pas un droit positif suffisamment précis et stable.

La société Santé Port Royal soutient en second lieu que les restrictions à la liberté d'expression ne peuvent être instaurées que pour répondre à l'un des motifs visés à l'article 10 § 2 de la CEDH et que les laboratoires Crinex revendiquent la protection de leur réputation et de l'image de leur produit ; que s'il est mentionné comme motif légitime à la restriction à la liberté d'expression, la réputation et les droits d'autrui, il n'est pas prévu de protéger la réputation d'un produit.

Elle ajoute que depuis l'arrêt Hertel de 1998, la jurisprudence de la Cour EDH n'a fait qu'accroître le champ de la liberté d'expression. Elle soutient que les laboratoires Crinex n'ont pas qualité pour défendre la compétence et l'honneur des médecins et qu'ils ne font que défendre leurs intérêts pécuniaires propres.

Elle fait encore valoir que la restriction à la liberté d'expression doit, dans une société démocratique, avoir un caractère nécessaire ; que cette restriction doit répondre à un besoin social impérieux ou être justifiée par des raisons particulièrement importantes et cite divers arrêts de la Cour EDH pour illustrer son argumentation. Elle souligne que l'article et le bulletin d'information en cause portent sur la santé publique qui est reconnue comme un domaine d'intérêt général par la Cour européenne des droits de l'homme et fait valoir que lesdits écrits ont pour objet les qualités ou les dangers d'un médicament vendu à bas prix librement et sans prescription médicale destiné aux plus fragiles, des prématurés et des nouveaux nés et que l'utilisation de ce médicament a entrainé des accidents depuis plusieurs années. Elle expose que l'article en cause s'inscrit dans un débat de société plus large que le seul produit en cause et porte sur le choix d'un type de médecine.

Elle soutient que les mesures de restriction de la liberté d'expression sont proportionnelles au but légitime poursuivi et justifiées seulement si les propos litigieux dépassent les limites de la critique admissible au regard de l'article 10 de la CEDH ; que la forme d'expression, même virulente, des articles ne dépassait pas les limites admissibles compte tenu du cadre de leur publication ; que les circonstances l'autorisaient à user de termes traduisant une certaine dose de provocation comme le permet la jurisprudence de la Cour EDH ; que le site " alternativesanté.fr " revendique une activité militante dans la défense des pratiques naturelles de santé justifiant l'utilisation d'un ton véhément dans le cadre d'une rubrique intitulée " coup de gueule " qui correspond à un billet d'humeur ; que l'emploi du terme " poison " pour qualifier des produits chimiques est ancien et habituel ; que les laboratoires Crinex ont répondu sur le même ton en qualifiant MM. B et Y de " personnes dangereuses pour la santé publique " ; qu'elle a accepté de modifier plusieurs phrases et d'édulcorer le titre de son article ;

Elle soutient qu'elle a seulement tenu son rôle social d'organe de presse qui consiste à communiquer des faits et des opinions sur tous les sujets et que la critique d'un médicament ou de ses composants n'est pas réservée aux médecins ou pharmaciens. Elle fait valoir que la mise en cause de l'D était déjà largement publique et repose sur de nombreux faits autorisant l'expression publique de sa critique ; que les dangers du médicament évoqués par les propos litigieux étaient déjà connus du public pour avoir été dénoncés par la presse depuis 1996 et qu'en 2005 les laboratoires Crinex ont été sanctionnés par une fermeture d'un an par l'Afssaps à la suite de la défaillances dans la fabrication du produit ; qu'en 2006, à la suite de multiplications de malaises de nourrissons, les laboratoires Crinex ont émis une note de pharmacovigilance diffusée par l'Afssaps ; qu'une autre note a été diffusée en 2011 à l'Afssaps sur la méthode d'administration de l'D ; que d'autres articles de presse se sont fait l'écho en 2012 de la persistance des effets nocifs de l'D ; qu'il s'agit bien d'un sujet réel et sérieux d'information dans le débat public depuis plusieurs années.

Elle relate que par la suite, les laboratoires Crinex ont modifié leur produit.

Elle fait valoir que les propos litigieux s'interrogent sur le nombre et la nature des excipients comme cause de nocivité de l'D, que l'information repose sur une base factuelle suffisante qui n'est pas synonyme de preuve absolue mais d'indices sérieux, à partir d'un ouvrage de Mme X Z intitulé " les dangers des additifs alimentaires " qui constitue une référence reconnue ; que d'autres ouvrages soulignent également les dangers des additifs alimentaires tels que ceux contenus dans l'D ; que des études mentionnent certains risques en creux de certains excipients, même s'ils sont minimisés ; que la nocivité des additifs chimiques dans les produits alimentaires et de consommation humaine tel un médicament, est un débat ancien et récurrent ; que les propos litigieux reposaient en conséquence sur des faits suffisamment établis pour qu'ils puissent être publiés ; que son action s'inscrivait donc dans un débat contradictoire dans lequel les lecteurs conservaient leur libre arbitre ; qu'elle a accepté de modifier le texte, et que les termes antérieurement critiqués ont été " adoucis " de sorte qu'appréciés dans leur ensemble ils ne dépassent pas les limites admissibles de la critique et ne constituent pas un abus de la liberté d'expression.

La société Santé Port Royal invoque subsidiairement l'absence de préjudice des laboratoires Crinex. Elle soutient que Crinex ne démontre l'existence d'aucun préjudice financier notamment quant à des mesures de restauration de la réputation de son produit ou de baisse des ventes, étant rappelé que le prix est de 2,20 euros ttc en officine ; que la réputation de l'D était déjà largement écornée par les publications officielles effectuées par l'ANSM (ex. Afssaps) sur les dangers de l'D et les articles de Presse publiés depuis près de 20 ans que Crinex ne semble pas avoir poursuivis ; que si les articles avaient eu un impact commercial réel pour Crinex, celle-ci devrait être en mesure de justifier d'une baisse des ventes de son produit.

Les Laboratoires Crinex répliquent que son produit D a bien fait l'objet d'un dénigrement qui est l'un des aspects de la concurrence déloyale ; ils précisent à cet égard que le site " Alternative santé " appartient au groupe de presse Santé Port Royal dont fait également partie le site de vente de produits " naturels " www.lavienaturelle.com, qui vend comme Crinex, de la vitamine D et que d'ailleurs l'article litigieux ainsi qu'un autre article publié sur le site renvoient directement vers ce site marchand.

Ils soutiennent donc que la vitamine D vendue sur ce site est un produit concurrent de l'D et qu'il existe donc un lien direct de concurrence entre Crinex et le groupe Santé Port Royal mais qu'en tout état de cause, l'auteur d'un dénigrement n'est pas nécessairement un concurrent de la victime de ce comportement ; que le dénigrement d'un produit constitue en soi un acte de concurrence de nature à influencer le marché.

Ils font valoir que le produit dénigré est identifié, qu'il ne fait pas de doute que l'article, publié sur le site d'Alternative Santé, vise précisément le produit D comme en atteste notamment le titre de l'article litigieux " D : un complément inquiétant pour vos enfants " ; que le terme D est ensuite repris à plusieurs occasions dans le corps du texte de l'article litigieux.

Les laboratoires Crinex exposent que le caractère dénigrant des propos n'est pas non plus contestable ; que l'article indique notamment que l'D est " bourré d'excipients dangereux " qu'il s'agit d'un " soit disant produit de santé " ; qu'ils citent d'autres extraits de l'article faisant référence aux médecins prescripteurs devenus de dangereux zombis irresponsables des grands labos, et mentionnant que " le supplément de vitamine est la toute dernière mode inventée par le trust pharmaceutique, à coup de fausses études ( comme d'habitude) prétendant que l'on a découvert que la plupart des misères de santé des enfants proviennent d'une carence en vitamine D' alors que les fruits crudités (...) devraient être suffisants pour ne pas avoir à dépenser bêtement de l'argent pour engraisser des systèmes pour qui leur chiffre d'affaires compte bien plus que votre santé ".

Les laboratoires Crinex prétendent qu'il s'agit de propos infondés, basés sur l'ouvrage non scientifique de Mme Z alors que les articles de la revue Prescrire mettent en cause de mauvais usages et des difficultés dans l'administration du produit, ayant conduit à des cas de pharmacovigilance. Elle fait valoir que la revue Prescrire qui alertait sur les données de pharmacovigilance s'adresse aux professionnels de santé, ce qui n'est pas le cas du site Alternative santé, qui s'adresse au grand public et ne dispose pas de la formation ou des connaissances nécessaires pour évaluer un médicament.

Ils rappellent que les spécialités D sont des médicaments évalués de façon régulière par l'ANSM ; qu'à chaque évaluation, les conclusions ont été identiques et ont confirmé un Service Médical Rendu du produit comme important ; l'D est donc un médicament surveillé et validé par les autorités sanitaires ; que ni l'auteur de l'article litigieux, ni Madame X Z ne sont médecins, ils n'ont ni l'un ni l'autre de diplômes scientifiques ; que leur avis ne peut et ne doit en aucun cas servir de base pour éclairer les consommateurs de l'D ; que l'étude très détaillée du Docteur A infirme scientifiquement l'intégralité des propos tenus par M. C Y et Mme X Z ; que contrairement à l'article litigieux, jamais les autorités sanitaires n'ont contesté la composition de l'D.

Ils ajoutent que quand bien même les propos seraient avérés, ils n'en constitueraient pas moins un acte de dénigrement qui a été porté à la connaissance du public en étant largement diffusés sur le site internet d'alternative santé et par l'envoi du bulletin d'information électronique du 8 novembre 2014 ;

Ils soutiennent que sanctionner des actes de dénigrement n'est pas contraire à la liberté d'expression prévue par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; qu'il est de jurisprudence constante que l'article 1382 du Code civil devenu l'article 1240, peut servir de fondement à la restriction de la liberté d'expression et citent plusieurs arrêts de la Cour de cassation et notamment l'un rendu par la chambre commerciale le 2 juillet 2014 aux termes duquel la Cour a retenu que la liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, sauf dénigrement de produits ou services ;

Ils font valoir qu'en demandant la suppression de l'article litigieux, ils poursuivent un but légitime.

Ils prétendent que dans l'arrêt Hertel c/Suisse auquel se réfère la société Santé Port Royal, la Cour EDH a considéré que les tribunaux suisses n'auraient pas dû sanctionner les propos litigieux car ils étaient nuancés du fait de l'emploi du mode conditionnel et du choix de formules non affirmatives, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que les termes de l'article litigieux ne sont pas nuancés mais, bien au contraire, extrêmement virulents du fait notamment de l'emploi de termes comme " poison " et " empoisonnement " ; qu'il est dès lors parfaitement adapté d'en demander la suppression complète.

Ils observent que dans la présente instance, l'arrêt rendu par la Cour de cassation, rappelle que l'information se rapportant à un sujet d'intérêt général, doit, pour n'être pas fautive, reposer sur une base factuelle suffisante ; que l'article litigieux n'est pas sérieusement documenté et ne repose que sur des affirmations infondées et non scientifiques ; que l'auteur de l'article n'a aucun diplôme scientifique ; que la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de sanctionner une société de presse pour des propos dénigrants tenus à l'encontre de produits vendus par un laboratoire scientifique ; que si les juridictions étatiques doivent veiller au respect des termes de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, elles disposent d'une certaine marge d'appréciation pour apprécier l'existence et l'étendue de la nécessité d'une restriction à la liberté d'expression en particulier dans un domaine aussi complexe et fluctuant que celui de la concurrence déloyale. Ils rappellent que l'article litigieux critique la composition chimique de l'D en ne se fondant que sur l'ouvrage de Mme Z ; que les articles de la revue Prescrire n'ont mis en cause que le mauvais usage et des difficultés dans l'administration du produit ; que de même, lors de la suspension de mise sur le marché de l' D, la Ministre de la santé a précisé que c'est éventuellement le mode d'administration spécifique par pipette qui était remis en cause, mais non la composition du médicament ; qu'enfin si l'Afssaps leur a retiré l'autorisation de fabriquer l' D sur le site de production, ce n'est qu'en raison d'une non-conformité des installations industrielles du site , motif sans rapport avec la composition du produit.

Ils en concluent que l'article de M. Y ne repose pas sur une base factuelle suffisante ni même sur des indices sérieux et que la suppression de l'article et de tous propos dénigrants ne va pas à l'encontre de la liberté d'expression mais est justifiée par l'abus commis par Santé Port Royal.

S'agissant de leur préjudice, ils exposent que de nombreux commentaires ont été publiés à la suite de l'article litigieux, témoignant du nombre important de lecteurs ; que l'article a donc eu une influence notable sur les consommateurs et les prescripteurs de l'D et que les ventes de l'D ADEC et de l'D D ont chuté, d'abord en 2013, puis en février 2014. Ils invoquent la mauvaise foi et le comportement dilatoire de Santé Port Royal qui n'a exécuté le jugement du tribunal de commerce qu'après plusieurs lettres de mise en demeure et qui a maintenu le titre de l'article, qui fait pourtant partie intégrante de l'article litigieux et le lien Url de l'article sous son ancien titre " Vitamine D : l'D est un poison " ; ils font valoir que l'article est toujours référencé sur google sous son ancien titre et que Santé Port Royal a publié un autre article dont le titre est particulièrement dénigrant " Combien de morts a-t-il fallu avant d'interdire l'D ".

Ils sollicitent la confirmation du jugement du tribunal de commerce en ce qu'il leur a alloué la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes des laboratoires Crinex

Considérant que le dénigrement consiste à porter atteinte à l'image de marque d'une entreprise ou d'un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d'argument répréhensibles, ayant ou non une base exacte, diffusé ou émis en tout cas de manière à toucher les clients de l'entreprise visée, concurrente ou non de celle qui en est l'auteur ; que si Santé Port Royal conteste être un concurrent des laboratoires Crinex , la Cour de cassation a cependant précisé dans l'arrêt susvisé du 11 juillet 2018, que même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation par l'une d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre peut constituer un acte de dénigrement ;

Qu'en l'espèce, il n'est pas douteux que les informations divulguées par Santé Port Royal dans les articles incriminés, dont l'auteur est M. Y, jettent le discrédit sur l'D qui est qualifié de " complément empoisonné " pour les enfants, " bourré de produits nocifs " et qualifié de " produit de santé criminel " ;

Que pour étayer son propos, l'auteur énumère les excipients de l'D dont il dénonce les risques, en précisant que certains sont cancérigènes, particulièrement dangereux, interdits dans d'autres pays, pouvant provoquer " la perte de vue, de graves problèmes de reins et même la mort " ; qu'il se réfère à l'ouvrage publié par Mme X Z intitulé " Danger additifs alimentaires " ;

Considérant que Santé Port Royal , qui est une société commerciale, prône au sein de son magazine sur internet intitulé Alternative Santé, des méthodes alternatives de traitement des maladies et ne conteste pas l'affirmation des laboratoires Crinex selon laquelle elle détient un site de vente de produits " naturels " ; que les articles incriminés ne renvoient pas expressément aux produits qui seraient commercialisés par le groupe Santé Port Royal ; qu'ils argumentent surtout la critique des excipients de l' D qu'ils présentent pour certains comme dangereux et plus généralement, dénoncent l'utilisation des vitamines de synthèse en expliquant que la synthèse chimique ne peut aboutir à reconstituer la formule moléculaire des vitamines naturelles et présentent des propriétés très différentes ; que l'article pose la question de la nécessité de se supplémenter en vitamine D, présente le soleil comme la meilleure source naturelle de cette vitamine, et indique que cette vitamine est également présente dans certains poissons, qu'il énumère, " les fruits, les crudités et les légumes cuits à basse température ", et expose que la flore intestinale est capable de synthétiser toutes les vitamines nécessaires, y compris la C, le soleil faisant le reste, " à condition que la flore ne soit pas détruite en partie par la chimie et les antibiotiques que la plupart des gens absorbent à longueur d'année " ;

Considérant que selon l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à la liberté d'expression, qui comprend notamment la liberté de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérences d'autorités publiques ;

Que selon l'alinéa 2 de ce texte, l'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, (...), à la protection de la santé (...) ;

Que la Cour de cassation juge que le dénigrement est sanctionné sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 qui constitue une loi au sens de l'article 10 alinéa 2 susvisé ;

Que quel que soit l'éventualité d'une situation de concurrence, entre les parties, la nécessité d'assurer une concurrence libre et loyale doit se concilier avec le droit à la liberté d'expression laquelle comprend la libre critique des produits ; qu'il est admis par la Cour européenne des droits de l'homme que des informations à caractère commercial puissent entrer dans le champ d'application de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Que selon la Cour européenne des droits de l'homme, si la presse ne doit pas franchir certaines limites tenant notamment à la protection de la réputation et des droits d'autrui, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et responsabilités, des informations et des idées sur toutes les questions d'intérêt général ;

Qu'il est constant qu'un niveau élevé de protection de la liberté d'expression est accordé lorsque les propos tenus relèvent d'un débat d'intérêt général ;

Considérant que les propos tenus par Santé Port Royal s'inscrivent dans un débat d'intérêt général portant sur la santé publique limitant les restrictions à la liberté d'expression ; que la critique d'un médicament est ouverte à la presse, dont le rôle social est de communiquer des informations et des faits sur tous les sujets ; qu'il existait d'ores et déjà un débat d'intérêt général de santé publique relatif à l'D et à son mode d'administration depuis plusieurs années ;

Qu'il convient de procéder à un examen de proportionnalité des propos litigieux au but poursuivi ;

Que le but poursuivi par Santé Port Royal est d'informer le public sur un sujet d'intérêt général , à savoir la présence d'excipients chimiques dans la composition du produit en cause et sur leurs dangers pour la santé des nourrissons et des jeunes enfants ; que la publication de Santé Port Royal relève d'une action militante, en faveur des pratiques naturelles de santé dans le cadre d'une rubrique intitulée " coup de gueule " correspondant à un billet d'humeur, justifiant l'emploi de termes véhéments ou provocateurs que le lecteur est en mesure de relativiser au regard du contexte ; que Santé Port Royal fait à juste titre valoir que le terme " poison " est usuellement employé pour désigner des substances toxiques introduites dans des produits de consommation ; qu'il est avéré qu'à la suite de l'intervention des laboratoires Crinex, plusieurs phrases et le titre de l'article ou du bulletin ont été amendés de sorte que le texte a perdu de sa virulence ;

Considérant, s'agissant de la base factuelle sur laquelle les propos se fondent que la mise en cause de l'D remontait déjà à plusieurs années et reposait sur des faits avérés de malaises de nourrissons revêtant pour certains une gravité réelle, dénoncés par la revue médicale " Prescrire " depuis 1996 ; que le produit a fait l'objet d'une information importante de pharmacovigilance en 2006 , diffusée par l'Afssaps, relatif à un risque de malaise vagal des nourrissons auxquels est administré le produit afin d'attirer l'attention sur le respect du protocole d'administration du produit et sur l'existence d'un nouveau dispositif d'administration de celui-ci devant être mis en œuvre à la fin de l'année considéré ;

Qu'une autre note a été diffusé à l'Afssaps en 2011, compte tenu de la persistance de malaises de jeunes enfants liés à l'administration du produit afin d'insister sur l'importance du respect de son mode d'administration ; qu'au cours de cette même année, tant la revue Prescrire a dénoncé des demi mesures prise par l'Afssaps pour remédier aux cas de malaises, en déplorant que celle-ci ne tire pas les leçons du maintien sur le marché d'autres médicaments et " attende que des décès surviennent ", que le journal le Parisien, dans un article daté du 5 juin 2011 qui a titré " l'D dans le collimateur " en évoquant le chiffre de 23 cas de malaises graves depuis 2006 précisant que les fausses routes sont dues à une administration trop rapide du produit de composition huileuse et précisant que l'Afssaps souhaitait que le laboratoire révise son produit ; qu'un article de santé Blog posait également la question de l'interdiction de l'D ; que les laboratoires Crinex ont modifié leur produit et ont préconisé de nouvelles recommandations de son utilisation en décembre 2014, postérieurement aux articles litigieux, afin de minimiser le risque et ont proposé une nouvelle formulation du produit afin de diminuer le volume à administrer ;

Que la notice du médicament elle-même met notamment en garde contre les risques de malaise vagal et les cas de fausses routes rapportés chez les nouveaux nés et nourrissons, sans pathologie connue lors de l'administration de l'D, indiquant que la cause de ces cas n'a pas été clairement établie ;

Considérant que la mise en cause de l'D pour des motifs autres que ceux dénoncés par les articles litigieux était donc déjà largement répandue avant la publication de ces derniers qui eux, dénoncent le nombre, la nature et les effets néfastes possibles des excipients contenus dans ledit produit ;

Considérant qu'alors que les laboratoires Crinex mettent en doute le sérieux et la compétence de l'auteur de l'article, il est constaté que M. Y est un ancien ingénieur chimiste et naturothérapeute ayant eu des fonctions d'enseignement durant dix ans au sein d'un institut de naturopathie puis de rédacteur en chef de revues de santé défendant la santé naturelle et l'alimentation biologique ;

Que c'est ainsi de manière erronée que les laboratoires Crinex prétendent que l'auteur des articles est dépourvu de toutes compétences scientifiques ;

Considérant que M. Y ne fait qu'énumérer les excipients figurant sur la notice de l'D en en indiquant les effets nocifs qui sont révélés par le livre de Mme Z " dangers additifs alimentaires " en précisant qu'il s'y réfère ; que le sujet des additifs alimentaires fait l'objet d'autres ouvrages et que leur emploi est un sujet de santé réel et récurrent ;

Que pour contredire la nocivité des excipients dénoncée par les articles litigieux, les laboratoires Crinex ont fait procéder à une analyse de l'article par le Dr A, expert en toxicologie ; que celui-ci dénonce un mélange des genres et une non connaissance des sujets abordés, mais n'exclut pas tout risque de santé des excipients composant l'D, affirmant seulement que " la toxicité est faible en administration unique " ou que " les substances ne sont pas cancérigènes chez le rat ou la souris " ; qu'il est en outre observé que les deux études du Dr A sont évolutives entre mai 2013 et septembre 2014, et qu'il ne peut être accordé à leur auteur, qui a occupé des fonctions à l'Afssaps puis à l'Ansm ayant autorisé la vente de D, toute l'objectivité nécessaire pour qu'un total crédit soit reconnu à sa critique ;

Considérant que l'ouvrage intitulé " additifs alimentaires, danger " de Mme X Z auquel s'est référé l'auteur des articles a été publié en 2007 ; qu'il a connu un succès certain en librairie et constitue le premier ouvrage de référence sur le sujet ; qu'il n'est pas sérieusement contesté dans sa teneur par les laboratoires Crinex qui ne font que mettre en doute les compétences scientifiques de son auteur ;

Considérant que M. Y, ingénieur chimiste, a pu se référer à cet ouvrage en connaissance de cause ;

Que comme l'affirme Santé Port Royal, la nocivité des additifs chimiques dans les produits alimenatires et de consommation humaine, tels les médicaments, est un débat ancien et récurrent ;

Que les utilisateurs d'un médicament sont en droit d'être informés de l'éventuelle toxicité des excipients de celui-ci, d'autant plus lorsque l'utilisation de ce médicament fait déjà débat pour d'autres motifs et que les articles en cause fournissent un élément supplémentaire sur l'appréciation de l'opportunité de son usage ;

Considérant que les articles en cause reposaient ainsi sur une base factuelle suffisante ou en tout cas des indices sérieux et que les propos litigieux, même sévères et de nature à susciter la polémique, ne sont pas disproportionnés par rapport au but légitime d'information de leur éditeur, dans le cadre d'un débat d'intérêt général de santé publique ;

Que dans ces conditions, il ne sera pas fait droit aux demandes des laboratoires Crinex tendant à la suppression de l'article et de ses commentaires et du bulletin d'information critiqués publiés sur le site internet alternative santé, ni tendant à faire injonction à Santé Port Royal de cesser tout acte de dénigrement, ni à leur demande de dommages et intérêts ; que les laboratoires Crinex seront déboutés de toutes leurs demandes ;

Sur les demandes de restitution de l'astreinte et des paiements

Considérant que Santé Port Royal expose que les laboratoires Crinex, poursuivant l'exécution provisoire dont le jugement dont appel était assorti, a fait liquider l'astreinte prononcée ; qu'en raison de l'infirmation par l'arrêt à intervenir des condamnations pécuniaires prononcées par le jugement dont appel, le paiement effectué par elle se trouve dépourvu de tout fondement et elle sollicite en application de l'article 1302 al 2 du Code civil de condamner les laboratoires Crinex à lui payer 14 800 euros correspondant à une astreinte de 13 300 euros et 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que Santé Port Royal sollicite également la restitution de la somme de 11 000 euros qu'elle a payée en exécution de l'arrêt cassé ;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 111-10 du Code des procédures civiles d'exécution que si l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire, l'exécution forcée est poursuivie aux risques du créancier ; que celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié ;

Que par jugement du 21 septembre 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a condamné Santé Port Royal à payer aux laboratoires Crinex la somme de 13 300 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ordonnée outre la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que Santé Port Royal justifie également avoir payé la somme de 11 000 euros en exécution du jugement du tribunal de commerce et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant fait l'objet de l'arrêt de cassation susvisé ;

Considérant que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement ; que selon l'article précité l'obligation de restitution des sommes perçues en vertu d'une décision assortie de l' exécution provisoire résulte de plein droit de sa réformation ; qu'il en résulte que Santé Port Royal dispose en vertu du présent arrêt d'un titre exécutoire pour obtenir la restitution des sommes versées ; qu'en l'absence de restitution, le litige relèverait de la compétence exclusive du juge de l'exécution ;

Sur les dépens et sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que les laboratoires Crinex, partie perdante, doivent être condamnés aux dépens de première instance ainsi qu'à ceux d'appel ;

Qu'ils seront également condamnés à payer à Santé Port Royal la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que les laboratoires Crinex sont déboutés de leur demande présentée sur ce même fondement ;

Par ces motifs LA COUR statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau et y ajoutant, Déboute les laboratoires Crinex de toutes leurs demandes, Constate que le présent arrêt constitue le titre exécutoire permettant la restitution des sommes versées par la société Santé Port Royal en exécution du jugement entrepris et de l'arrêt cassé, Condamne les laboratoires Crinex à payer à la société Santé Port Royal la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties, Condamne les laboratoires Crinex aux dépens de première instance ainsi qu'à ceux d'appel.