Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 12 septembre 2019, n° 17-16758

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

PGT - 100% English (SARL)

Défendeur :

M&L Distribution France l'Occitane (SARL), M&L Distribution Melvita (SAS), Laboratoires M&L (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Avocats :

Mes Convain, de Permentier, Guizard, Baillis

T. com. Marseille, du 20 juin 2017

20 juin 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société PGT 100% English exerce l'activité de formation continue aux langues étrangères.

La société M&L Distribution France L'Occitane est une société du groupe L'Occitane chargée de la distribution en France des produits issus dudit groupe.

La société Laboratoires M&L, qui appartient également au groupe L'Occitane, a pour activité la fabrication des produits du groupe tels que des parfums.

La société M&L Distribution Melvita est une société du groupe L'Occitane qui a fusionné avec la société M&L Distribution France l'Occitane en 2015.

A compter de 2005, les sociétés du groupe L'Occitane ont souhaité optimiser la communication en anglais de leurs collaborateurs et sont entrées progressivement en relation avec divers prestataires de formation.

Les sociétés du groupe L'Occitane ont noué une relation commerciale avec la société PGT 100% English, en lui commandant des cours de langue individuels ou collectifs à destination de leurs employés.

La relation entre les parties était fondée sur le droit individuel à la formation (le DIF) établi par la loi du 4 mai 2004, au titre duquel l'employeur avait l'initiative de la formation de ses salariés et en assurait le financement.

La loi du 5 mars 2014, entrée en vigueur le 1er janvier 2015, a instauré le compte personnel de formation en remplacement du DIF. Ce nouveau mécanisme laisse aux salariés le choix de leur organisme de formation.

Les sociétés du groupe l'Occitane ont cessé toutes commandes auprès de la société PGT 100% English.

Considérant être victime d'une rupture brutale de la relation commerciale établie nouée depuis 2005 avec les sociétés du groupe l'Occitane, la société PGT 100% English a, par actes des 8 et 12 septembre 2016, fait assigner les sociétés M&L Distribution France L'Occitane, Laboratoires M&L, et M&L Distribution Melvita devant le tribunal de commerce de Marseille en réparation de son préjudice.

Par jugement rendu le 20 juin 2017, le tribunal de commerce de Marseille a :

- donné acte à la société PGT 100% English ce qu'elle accepte la mise hors de cause de la société M&L Distribution Melvita,

- débouté la société PGT 100% English de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société PGT 100% English à payer à la société M&L Distribution France L'Occitane et à la société Laboratoires M&L la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles occasionnés par la présente procédure,

- conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, laissé à la charge de la société PGT 100% English les dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction seront liquidés à la somme de 122,52 euros,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

Par déclaration du 28 août 2017, la société PGT 100% English a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Prétentions et moyens des parties :

Par dernières conclusions notifiées le 13 mars 2018, la société PGT 100% English, appelante, demande à la cour, au visa des dispositions de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, de :

Sur la mise hors de cause de la société M&L Distribution Melvita,

- lui donner acte de ce qu'elle accepte la mise hors de cause de la société M&L Distribution Melvita,

- confirmer la décision entreprise de ce chef et mettre hors de cause la société M&L Distribution Melvita ;

Sur le fond de la demande,

- réformer la décision entreprise de ce chef et débouter les sociétés M&L Distribution France L'Occitane, et Laboratoires M&L de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- dire que les sociétés défenderesses ont commis un manquement en procédant à une rupture brutale des relations commerciales,

- dire qu'en considération de la durée des relations de neuf années, le préavis de rupture aurais dû être de 24 mois,

- réformer la décision entreprise de ce chef et condamner solidairement les sociétés M&L Distribution France L'Occitane, et Laboratoires M&L à lui payer la somme de 121 121,92 euros en réparation de son dommage,

- dire que cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- Dans l'hypothèse où la cour s'estimerait insuffisamment informée, ordonner avant dire droit la commission d'une mesure d'expertise comptable afin de déterminer le préjudice, aux frais avancés des sociétés défenderesses ;

- réformer la décision entreprise de ce chef et condamner solidairement les sociétés M&L Distribution France L'Occitane et Laboratoires M&L à lui payer la somme de 8 500 euros au titre de la procédure de première instance et par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner solidairement les sociétés M&L Distribution France L'Occitane, et Laboratoires M&L à lui payer la somme de 6 500 euros au titre de la procédure d'appel et par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- réformer la décision entreprise de ce chef et condamner solidairement M&L Distribution France L'Occitane, et Laboratoires M&L à lui payer les entiers dépens de première instance et d'appel, par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société PGT 100% English fait valoir la rupture brutale de la relation commerciale établie nouée depuis 2005 avec les sociétés du groupe L'Occitane, celle-ci ayant été effectuée sans préavis, et n'étant pas justifiée par un cas de force majeure ni par un défaut d'exécution de sa part.

Elle soutient à ce titre que la dernière commande officielle des intimées date du mois d'octobre 2013 et que les commandes ont cessé depuis 17 février 2014. Elle précise que la cessation des commandes, intervenue 11 mois avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014, en date du 1er janvier 2015, laquelle loi a remplacé le droit individuel à la formation par le compte personnel de formation, est indépendante de cette modification législative. Elle ajoute qu'au vu des nouvelles dispositions de l'article L. 6323-17 du Code du travail prévoyant que les salariés doivent demander l'accord préalable de l'employeur sur le contenu et le calendrier de la formation lorsque celle-ci est suivie en tout ou partie pendant le temps de travail, les salariés ne choisissent pas seuls leur organisme de formation. Elle relève qu'entre 2007 et 2013, 593 salariés du groupe L'Occitane ont suivi des formations et que ceux-ci n'ont pas repris les commandes abandonnées en février 2014, seul un salarié du groupe ayant suivi une formation en 2014 durant son temps de travail, ainsi qu'un autre en 2016 et un salarié en 2017, mais hors de leur temps du travail, donc sans l'accord de leur employeur. Elle en déduit que les salariés ont reçu des consignes pour ne pas lui commander de formation et ont été orientés vers d'autres centres de formation, le catalogue de formation mis à leur disposition par les intimées ne mentionnant d'ailleurs plus ses services.

Elle fait valoir que les critères de l'exclusivité, de la dépendance économique et du maintien ou non de son chiffre d'affaires sont indifférents à la caractérisation de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Elle souligne que contrairement aux allégations des intimées, son activité n'a pas été meilleure en 2015. Elle explique qu'étant exposée à une perte de chiffre d'affaires de 60 % et à un risque de faillite, elle a ouvert en 2014 un point de restauration rapide dénommé "Coffee house"' pour pallier à cette baisse d'activité, mais également renoncé à l'embauche d'une apprentie et procédé à la mise au chômage partiel d'un salarié.

Elle précise qu'elle a vainement relancé à diverses reprises les sociétés du groupe l'Occitane, sans leur adresser de lettre comminatoire, ce afin de renouer la relation commerciale.

Elle considère que compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale, de 9 années, et de l'importance du chiffre d'affaires généré les trois dernières années pleines ayant précédé la rupture, elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 2 ans, correspondant à une indemnité de 121 121,92 euros sur la base d'un taux de marge moyen de 62 %.

Elle sollicite, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise afin de déterminer l'ampleur de son préjudice.

Par dernières conclusions notifiées le 12 avril 2019, les sociétés M&L Distribution France L'Occitane, M&L Distribution Melvita et Laboratoires M&L, intimées, demandent à la cour, au visa des articles 32 du Code de procédure civile, L. 442-6 I, 5 du Code de commerce et 1382 du Code civil, de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable la demande formée la société M&L Distribution Melvita,

- débouté la société PGT 100% English de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société PGT English au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de 1re instance ;

Y ajoutant,

- condamner la société PGT 100% English au paiement de la somme de 10 000 euros pour procédure abusive,

- condamner la société PGT 100% English au paiement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;

A titre subsidiaire,

- dire qu'il ne saurait être dû qu'un préavis de 3 mois,

- constater que la société PGT 100 % English ne justifie pas de sa marge brute ni de la réalité de son préjudice,

- la débouter de ses demandes.

Les sociétés du groupe L'Occitane contestent la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Elles soutiennent que les commandes n'ont pas cessé à compter de février 2014, et que la relation n'a pas été rompue au milieu de l'année 2014 telle qu'allégué par l'appelante. Elles précisent à ce titre que les commandes étaient pour l'essentiel passées par téléphone et que la relation a été poursuivie directement avec les salariés à compter du 1er janvier 2015.

Elles font valoir que du fait de l'entrée en vigueur, à compter du 1er janvier 2015, de la loi du 5 mars 2014, il leur était impossible d'avoir directement recours à la société PGT 100% English ou à tout autre organisme de formation, le choix du formateur appartenant désormais aux seuls salariés. Elles précisent que s'agissant des formations durant le temps de travail, l'accord de l'employeur est seulement requis sur le contenu et la date de la formation, et non pas sur le choix du formateur, et qu'en aucun cas elle ne peut choisir le formateur à la place du salarié, dont la démarche d'inscription aux formations revêt un caractère personnel et confidentiel. Elles indiquent s'être bornées à éditer un catalogue de formation à l'attention de leurs salariés précisant leurs attentes et les modalités d'inscription.

Elles contestent les allégations de l'appelante, non démontrées, selon lesquelles elles auraient délibérément dissuadé leurs salariés de suivre les formations proposées par la société PGT 100% English.

Elles ajoutent que ladite société connaissait la contrainte légale leur interdisant de signer les contrats de formation à compter du 1er janvier 2015, l'appelante ayant gardé le silence dès cette date et même en 2014, date à laquelle elle situe la rupture brutale de la relation commerciale établie. Elles relèvent que la société PGT 100% English a seulement adressé un courriel à la responsable de formation le 9 juillet 2015, sans motiver sa demande d'entretien, n'a jamais évoqué un risque de faillite et ne leur a envoyé aucune lettre de mise en demeure avant la délivrance de l'assignation en justice. Elles ajoutent que l'appelante a pris l'initiative de démarcher personnellement leurs salariés.

Elles soulignent que le chiffre d'affaires de l'appelante a été maintenu en 2015, ce qui signifie que les commandes de formation se sont nécessairement poursuivies pour partie avec leurs salariés directement démarchés par la société PGT 100% English. Elles relèvent que l'activité de restauration rapide Coffee Shop, à la supposer réelle, aurait débuté en 2014 selon l'aveu de l'appelante, alors que les relations commerciales étaient toujours en cours, et ne présente qu'un caractère résiduel sur le bilan 2015 de la société PGT 100% English.

A titre subsidiaire, elles soutiennent que les relations commerciales s'étant nécessairement poursuivies par l'intermédiaire de leurs salariés dans le nouveau contexte légal, l'absence de préavis écrit ne saurait être fautif, l'appelante ayant eu connaissance des nouvelles dispositions légales et anticipé leur entrée en vigueur en démarchant leurs salariés.

Elles font valoir qu'au vu de la relation commerciale nouée entre 2009 et 2014, soit d'une durée de 6 ans, de l'absence d'exclusivité, d'état de dépendance économique et d'investissements réalisés par la société PGT 100% English à leur seul profit, le maintien du chiffre d'affaires de celle-ci démontrant que les investissements ont été réutilisés, de l'absence de démonstration de l'impossibilité pour l'appelante de diversifier son chiffre d'affaires, la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé ne saurait excéder 3 mois.

Elles considèrent la demande indemnitaire non justifiée, faute pour l'appelante d'établir sa marge brute arbitrairement fixée à 62 %.

A titre reconventionnel, elles estiment la procédure abusive, car engagée deux ans après la rupture alléguée, sans qu'il ait été formé à leur encontre un quelconque grief ni qu'ait été effectuée une tentative de rapprochement, et présentant un caractère téméraire, et font valoir à ce titre un préjudice de 10 000 euros.

MOTIFS

Sur la mise hors de cause de la société M&L Distribution Melvita,

Les parties s'accordant sur ce point, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré la société M&L Distribution Melvita hors de cause.

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie :

Selon l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure (...)".

La rupture, pour être préjudiciable et ouvrir droit à des dommages et intérêts, doit être brutale c'est-à-dire effectuée sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords professionnels.

Aucune rupture brutale n'est caractérisée si elle est justifiée par l'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou un cas de force majeure.

Les parties ne discutent pas l'existence d'une relation commerciale établie, mais son ancienneté et sa rupture brutale.

Sur l'ancienneté de la relation commerciale établie :

Pour justifier de l'existence d'une relation commerciale établie nouée depuis 2005 avec les intimées, la société PGT 100% English produit aux débats un contrat conclu le 12 mai 2006 avec la société L'Occitane pour une formation devant se dérouler du 23 mai au 15 juillet 2006, deux factures adressées les 29 novembre 2006 et 13 décembre 2006 aux sociétés C2P (L'Occitane) et L'Occitane en Provence, la liste des cours donnés aux salariés de la société L'Occitane en Provence en 2006, 2007, 2008, la liste des salariés présents ou absents lors des formations en mars 2006, décembre 2006, avril 2007 et septembre 2007, le relevé des sommes perçues au titre des formations diligentées entre 2007 et 2015, des courriels échangés avec les intimées en 2012 et 2013 au titre de formations, ainsi que son grand livre de compte clients de 2007, dans lequel figure la société L'Occitane.

Ces pièces, qui ne sont pas discutées par les intimées qui se bornent à faire valoir une relation commerciale établie nouée depuis 2009, établissent l'existence d'un courant d'affaires stable et durable entretenu entre les parties depuis 2006, et non pas 2005 tel qu'allégué par l'appelante.

Il est ainsi justifié de l'existence d'une relation commerciale établie nouée entre les parties depuis 2006.

Sur la rupture de la relation commerciale :

Ainsi que le font valoir les intimées sans être contredites par l'appelante, la majorité des commandes se faisaient par téléphone, les quelques courriels échangés entre les parties entre 2012 et 2013 dont justifie l'appelante ne permettant pas à eux seuls d'expliquer le chiffre d'affaires réalisé par celle-ci durant ces années. Compte tenu du mode de passation des commandes, les courriels échangés en février 2014 produits aux débats par la société PGT 100% English ne suffisent pas à établir que la dernière commande passée par les intimées date du 12 février 2014.

Le chiffre d'affaires de la société PGT 100% English est de 152 340 euros en 2012, 160 124 euros en 2013, 141 389 euros en 2014 et 142 608 euros en 2015. Ce chiffre d'affaires, dont l'appelante prétend qu'il était composé en moyenne de 60 % du chiffre d'affaires réalisé avec les intimées, a donc été globalement maintenu, en particulier en 2014, date à laquelle la société PGT 100% English soutient avoir subi la rupture brutale de la relation commerciale établie.

La société PGT 100% English, qui produit aux débats le relevé des sommes perçues au titre des diverses formations données aux salariés des sociétés du groupe L'Occitane, entre 2008 et 2015, et qui portent notamment sur toute l'année 2014 puis sur la période de février 2015 à juin 2015, ne justifie pas ses allégations selon lesquelles les intimées auraient mis fin à la relation commerciale établie par une dernière commande datée du 17 février 2014.

Ces éléments confirment au contraire les affirmations des intimées selon lesquelles elles ont poursuivi les commandes jusqu'au 31 décembre 2014 et que leurs salariés se sont ensuite substitués à elles dans la passation des commandes auprès de l'appelante à compter du 1er janvier 2015. La diversification alléguée de l'activité de l'appelante en 2014, par l'instauration d'un restauration rapide dénommé "Coffee house" et qui présente un caractère résiduel dans ses comptes de 2015, ne peut à elle seule justifier le maintien de son chiffre d'affaires, alors que la société PGT 100% English prétend que les commandes des intimées représentaient 62 % de son chiffre d'affaires en 2013.

La baisse des commandes directes des salariés des intimées n'est nullement démontrée par le seul tableau établi par l'appelante sans être accompagné d'une attestation de son expert-comptable. En outre, à la considérer établie, la diminution des commandes directes des salariés des intimées ne saurait être imputable aux intimées, dès lors que l'appelante a adressé aux salariés de celles-ci son catalogue de formation et que ces derniers sont libres de choisir leur formateur, même lorsque la formation est diligentée durant leurs heures de travail.

L'appelante invoque vainement ne pas figurer sur le nouveau catalogue de formation communiqué par les intimées à leurs salariés, ce catalogue recensant les formations disponibles sans mentionner les sociétés les diligentant.

Ainsi que l'ont relevé avec pertinence les premiers juges, la loi du 5 mars 2014, entrée en vigueur le 1er janvier 2015, ayant instauré le compte personnel de formation en remplacement du DIF, nouveau mécanisme laissant aux seuls salariés le choix de leur organisme de formation, constitue une contrainte légale impérative les obligeant à ne plus commander directement de formation et à en laisser l'initiative à leur personnel, et donc un cas de force majeure empêchant les intimées de commander les formations auprès de la société PGT 100% English.

Ce cas de force majeure imposé par le respect de la législation en vigueur a contraint les intimées à se désengager progressivement auprès de la société PGT 100% English, sans brutalité subie par cette dernière, celle-ci ayant reconnu dans ses premières écritures en appel que pour tenir compte du passage au CPF, elle avait directement envoyé aux salariés du groupe l'Occitane son catalogue de formation, et faisant valoir avoir anticipé la baisse de son chiffre d'affaires en diversifiant son activité en 2014.

Les intimées n'étant plus en mesure passer commande auprès de la société PGT 100% English à compter du 1er janvier 2015 en application des nouvelles dispositions législatives, aucune rupture brutale de la relation commerciale établie ne saurait leur être imputée du fait du respect de cette législation, dont l'entrée en vigueur a également été anticipée par la société PGT 100% English qui a pris l'initiative d'adresser directement son catalogue aux salariés des intimées et de diversifier son activité.

La rupture brutale de la relation commerciale établie n'étant pas caractérisée, les premiers juges ont à bon droit débouté la société PGT 100% English de l'ensemble de ses demandes de ce chef.

Sur la procédure abusive :

La société PGT 100% English ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, et l'absence d'échanges entre les parties avant la délivrance de l'assignation, ainsi que la tardivité de celle-ci ne suffisant pas à établir la témérité de l'action, aucun abus du droit d'ester en justice n'est caractérisé. Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté les intimées de leur demande indemnitaire au titre de la procédure abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Les dispositions du jugement entrepris seront confirmées s'agissant des dépens et de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il convient, en outre, de condamner la société PGT 100% English, échouant en ses prétentions, aux dépens exposés en cause d'appel, et à payer aux intimées une somme totale de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 20 juin 2017 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, condamne la société PGT 100% English à payer aux sociétés M&L Distribution France L'Occitane, M&L Distribution Melvita et Laboratoires M&L, une indemnité totale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la société PGT 100% English aux dépens exposés en cause d'appel.