Cass. 2e civ., 14 novembre 2019, n° 18-22.008
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Tempion
Défendeur :
Zimmer Biomet France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Jollec
Avocat général :
M. Girard
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Thiriez, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano
LA COUR :- Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 mai 2018), que le 20 février 2006, la société Biomet France, SARL a conclu avec la société BRA, dont M. Tempion est le président, un contrat d'agent commercial comportant une clause de non-concurrence ; que ce contrat a fait l'objet de plusieurs avenants, dont deux signés au nom de la société Biomet SAS ; qu'après la résiliation de ce contrat par la société BRA, un litige relatif aux conditions de cette résiliation a donné lieu à un jugement rendu le 1er juin 2016 ; qu'à la suite d'une fusion-absorption le 30 septembre 2016, la société Zimmer Biomet France vient aux droits de la société Biomet SAS ; que suspectant la société BRA de ne pas respecter la clause de non-concurrence prévue au contrat d'agent commercial et d'agir de manière déloyale avec la société Amplitude, société concurrente, la société Zimmer Biomet France a saisi le président d'un tribunal de grande instance à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures au domicile de M. Tempion sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile ; que la requête ayant été accueillie le 20 avril 2017 et les opérations de constat effectuées le 1er juin 2017, M. Tempion a saisi un juge des référés pour obtenir la rétractation de l'ordonnance ; que par une ordonnance du 18 septembre 2017, le juge des référés a rejeté cette demande ; que M. Tempion a interjeté appel ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen et les première, deuxième et troisième branches du troisième moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen : - Attendu que M. Tempion fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rétractation de l'ordonnance du 20 avril 2017 et celle d'annulation des opérations de constat effectuées le 1er juin 2017 à son domicile ainsi que la demande de restitution de l'ensemble des pièces et documents saisis lors de cette mesure d'instruction alors, selon le moyen : 1°) que si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état de pièces susceptibles d'être détenues par un tiers, la mesure d'investigation destinée à obtenir ces pièces doit être sollicitée du juge saisi de l'affaire ; qu'il importe peu à cet égard que cette demande soit également susceptible de servir une éventuelle action à l'encontre de ce tiers ; qu'en l'espèce, M. Tempion faisait valoir que la mesure d'investigation qu'il a subie à son domicile avait notamment pour objet d'étayer l'argumentation de la société Zimmer Biomet France en défense à l'action en résiliation introduite contre elle par la société BRA ; qu'en opposant que cette mesure d'instruction avait ensuite permis à la société Zimmer Biomet France d'agir en responsabilité contre la société BRA, d'une part, et contre son dirigeant, d'autre part, sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette mesure n'avait pas d'abord pour objet de résister à l'action en résiliation déjà introduite par la société BRA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 138 et 145 du Code de procédure civile ; 2°) que si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état de pièces susceptibles d'être détenues par un tiers, la mesure d'investigation destinée à obtenir ces pièces doit être sollicitée du juge saisi de l'affaire ; qu'il importe peu à cet égard que cette mesure soit sollicitée pour soutenir une demande ou pour fonder un moyen de défense ; qu'en opposant également qu'il n'était pas établi que la société Zimmer Biomet France avait formé à l'encontre de la société BRA une demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour concurrence déloyale, quand M. Tempion, dirigeant de la société BRA, expliquait que la volonté de prouver l'existence de faits de concurrence déloyale de sa part visait pour la société Zimmer Biomet France à démontrer le mal-fondé de la demande de résiliation du contrat d'agent commercial et de dommages-intérêts formée contre elle par la société BRA, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et à nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles 138 et 145 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu'une cour d'appel avait été saisie d'un litige relatif aux conditions de résiliation d'un contrat d'agent commercial entre, d'une part, la société BRA, et, d'autre part, les sociétés Biomet France et Biomet devenue Biomet Zimmer France sans qu'aucune demande reconventionnelle sur le fondement d'actes de concurrence déloyale n'ait été formée par ces dernières, et que la mise en cause de la responsabilité personnelle de M. Tempion, président de la société BRA, était également recherchée par la société Zimmer Biomet France compte tenu des éléments recueillis avant l'exécution de la mesure contestée, ce dont elle a déduit une absence d'identité de parties, de cause et d'objet entre la requête et le procès en cours, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche qui critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche : - Attendu que M. Tempion fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que le juge saisi sur requête ne peut ordonner que des mesures d'instruction légalement admissibles ; qu'à cet égard, la dérogation au principe de la contradiction doit être strictement proportionnée à la nécessité de recueillir les éléments de preuve dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; qu'en l'espèce, l'ordonnance rendue sur requête le 20 avril 2017 a donné à l'huissier de justice le pouvoir d'investiguer au domicile de M. Tempion partout où étaient susceptibles de se trouver des documents professionnels, à sa seule appréciation ; qu'en estimant que cette disposition de l'ordonnance était suffisamment délimitée dans son étendue au regard du respect dû à la vie privée et à la protection du domicile, la cour d'appel a violé les articles 143 et 145 du Code de procédure civile, ensemble l'article 9 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la mise en cause de la responsabilité personnelle de M. Tempion, président de la société BRA, était recherchée par la société Zimmer Biomet France, ce qui justifiait que des investigations soient menées à son domicile personnel dans lequel il était susceptible d'avoir réalisé des agissements ou conservé des documents relatifs au litige, que l'ordonnance avait limité ces investigations à certains horaires, à certaines pièces et meubles et aux documents pouvant avoir un lien avec la société Amplitude et retenu que la recherche étant limitée dans le temps, les investigations ne portant que sur les documents postérieurs au 1 juillet 2015, l'atteinte portée au respect de la vie privée de M. Tempion avait été strictement limitée aux mesures nécessaires à la recherche des preuves en lien avec le litige et ainsi proportionnée au but poursuivi, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a rejeté la demande de rétractation ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.