CA Fort-de-France, ch. civ., 12 novembre 2019, n° 18-00400
FORT-DE-FRANCE
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Somafi-Soguafi (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Paris
Conseillers :
Mmes Lacassagne, Cormier
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant acte du 31 décembre 2013, Madame X a souscrit auprès de la Somafi-Soguafi un contrat de crédit d'un montant principal de 47 900 euros affecté à l'acquisition d'un véhicule de marque Audi type Q3 de numéro de série WAUZZZ8U1DRO31765 immatriculé DA 986 BH.
Le contrat prévoyait une clause de réserve de propriété avec subrogation au profit du prêteur de deniers.
Des incidents de paiement sont survenus à compter du mois d'août 2017.
Le 28 novembre 2017, la Somafi-Soguafi a adressé à Madame X une mise en demeure d'avoir à régler les sommes dues avant déchéance du terme.
Le 27 décembre 2017, sans réponse de la part de Madame X, la Somafi-Soguafi lui a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception emportant déchéance du terme.
Par jugement en date du 9 avril 2018, le tribunal d'instance de Fort-de-France a :
- condamné Madame X à payer à la société Somafi-Soguafi la somme de 24 822,53 au titre du capital restant dû et des échéances impayées, avec intérêts au taux contractuel de 8,90 % sur la somme de 20 692,98 à compter du 1er février 2018, date de l'assignation, ainsi que la somme de 1 euro, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, au titre de l'indemnité légale réduite,
- ordonné à Madame X de restituer le bien de marque Audi de type Q3 de numéro de série WAUZZZ8UDR031765 immatriculé DA 986 BH ainsi que les clés et documents administratifs,
- dit qu'à défaut de restitution dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, l'huissier instrumentaire pourra procéder à l'appréhension forcée dudit véhicule entre les mains des débiteurs ou de tout tiers détenteur, en tout lieu et si besoin avec le concours de la force publique,
- rejeté le surplus des demandes,
- rejeté la demande de délais de paiement,
- rejeté la demande d'exécution provisoire,
- mis à la charge de Madame X les dépens y compris ceux relatifs à la procédure de restitution du véhicule.
Madame X a interjeté appel de cette décision suivant déclaration reçue au greffe le 9 juillet 2018.
La SA Somafi-Soguafi, intimée, s'est constituée par acte du 10 août 2018.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 octobre 2018, Madame X demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement rendu le 9 avril 2018 par le tribunal d'instance en ce qu'il a retenu au titre du capital restant dû la somme de 24 822,53 au lieu de la somme de 19 822,53 ,
- constater que suite aux paiements intervenus depuis, la créance de la Somafi-Soguafi s'élève désormais à la somme de 16 822,53 ,
Statuant de nouveau,
- condamner Madame X à payer à la Somafi-Soguafi la somme de 16 822,53 ,
- infirmer le jugement rendu le 9 avril 2018 par le tribunal d'instance en ce qu'il a rejeté sa demande de délai de paiement en application de l'article 1244-1 du Code civil ;
Statuant de nouveau,
- Octroyer un délai de 2 ans à Madame X pour lui permettre de s'acquitter de sa dette auprès de la Somafi-Soguafi,
- infirmer le jugement rendu le 9 avril 2018 par le tribunal d'instance en ce qu'il a ordonné à Madame X de remettre à la société Somafi-Soguafi le bien de marque Audi de type Q3 de numéro de série WAUZZZ8UDR031765 immatriculé DA 986 BH ainsi que les clés et documents administratifs, et dit qu'à défaut de restitution dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, l'huissier instrumentaire pourra procéder à l'appréhension forcée dudit véhicule ;
Statuant de nouveau,
- dire que le jeu de la clause de réserve de propriété ne trouvera pas à s'appliquer durant le délai octroyé pour permettre à Madame X de s'acquitter de sa dette,
- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a fixé à la somme de 1 l'indemnité légale réduite,
- statuer sur les dépens comme de droit.
Au soutien de son appel, Madame X fait valoir qu'elle n'était pas assistée d'un avocat en première instance et que le décompte produit par la Somafi-Soguafi devant le premier juge n'était pas actualisé. Elle explique que déduction faite de tous les versements effectués, elle reste redevable à ce jour de la somme de 16 822,53 , montant qu'elle souhaite régler dans sa totalité. Elle sollicite pour cela un délai de paiement d'une durée de deux ans. Elle demande également à ce que le jeu de la clause de réserve de propriété soit différé jusqu'au complet paiement du prix, dans la limite du délai de deux ans sollicité.
En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 janvier 2019, la SA Somafi-Soguafi demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat aux torts de l'emprunteur et ordonné la restitution à la Somafi-Soguafi du véhicule de marque Audi de type Q3 de numéro de série WAUZZZ8UDR031765 immatriculé DA 986 BH ainsi que les clés et documents administratifs ;
En conséquence,
- condamner Madame X et tout détenteur de son chef à restituer à la Somafi-Soguafi le véhicule de marque Audi de type Q3 de numéro de série WAUZZZ8UDR031765 immatriculé DA 986 BH ainsi que les clés et documents administratifs,
- dire qu'à défaut de restitution dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, l'huissier instrumentaire pourra procéder à l'appréhension forcée dudit véhicule entre les mains des débiteurs ou de tout tiers détenteur, en tout lieu et si besoin avec le concours de la force publique,
- condamner Madame X à payer à la Somafi-Soguafi la somme de 20 823,53 euros avec intérêts au taux de 8,90 % l'an à compter de la mise en demeure en tenant compte des acomptes versés après la déchéance du terme et l'acte introductif d'instance mais non justifiés en première instance,
- condamner Madame X qui succombe à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La SA Somafi-Soguafi fait valoir que le contrat de crédit a été résilié à juste titre par le premier juge pour inexécution en application de l'article 1224 du Code civil. Elle expose que les sommes retenues par le tribunal sont exactes, sauf à déduire les deux versements intervenus depuis, en février, mars et avril 2018 pour un montant total de 4 000 euros, de sorte que Madame X reste redevable de la somme de 20 823,53 euros. Elle demande la confirmation de l'application de la clause de réserve de propriété, d'autant plus que le véhicule litigieux est également affecté d'un gage conformément aux dispositions contractuelles.
La procédure a été clôturée le 7 mai 2019.
L'affaire a été fixée à l'audience du 20 septembre 2019 et l'arrêt mis en délibéré au 12 novembre 2019.
MOTIFS
1°) Sur la condamnation en paiement ;
Conformément aux dispositions de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, applicable en l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Par ailleurs, l'article 1315 du Code civil, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 applicable en l'espèce, dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Madame X a souscrit un crédit affecté auprès de la Somafi-Soguafi le 31 décembre 2013, pour un montant de 47 900 euros sur une durée de 72 mois, au taux contractuel de 8,90 %, destiné à l'acquisition d'un véhicule neuf de marque Audi type Q3.
En application des conditions générales du contrat (page 3/8 exécution du contrat) le prêteur peut, après en avoir avisé l'emprunteur par lettre recommandé avec avis de réception, résilier le présent contrat de crédit et exiger le règlement immédiat du capital restant dû, majoré des sommes prévues en cas de défaillance, le cas échéant en cas de défaut de paiement partiel ou total d'une seule échéance.
La Somafi-Soguafi a mis en demeure Madame X de lui régler les sommes dues et l'a informée de la déchéance du terme dans les formes et les délais prescrits.
C'est donc à bon droit que le tribunal d'instance, saisi à la demande de la Somafi-Soguafi, a condamné Madame X a régler le montant des sommes dues à l'organisme de financement.
Le principe de la dette n'est d'ailleurs pas contesté par Madame X.
Toutefois, le montant retenu par le premier juge, à hauteur de 24 822,53 euros au titre du capital restant dû et des échéances impayées sur la base du décompte produit par l'organisme prêteur, doit faire l'objet d'une actualisation pour tenir compte d'un virement de 2 000 euros effectué par Madame X le 01/12/2017 (Relevé bancaire du mois de décembre 2017), montant non pris en compte sur le décompte détaillé faisant état des sommes dues au 18 janvier 2018.
En conséquence, Madame X sera condamnée à payer à la Somafi-Soguafi la somme de 22 822,53 euros au titre du capital restant dû et des échéances impayées, outre les intérêts au taux contractuel de 8,90 % à compter du 1er février 2018, date de l'assignation en justice.
Par ailleurs, il conviendra de déduire de ce montant les virements effectués par Madame X postérieurement à la déchéance du terme et à l'acte introductif d'instance, au cours des mois de février, mars et avril 2018, pour un montant de 4 000 euros, ainsi que d'un virement effectué le 3 octobre 2018, la Somafi-Soguafi ne contestant pas avoir perçu le règlement de ces sommes.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur la condamnation en paiement comme il sera dit au dispositif.
L'appelante sollicite la confirmation de la réduction de l'indemnité légale de résiliation à un euro ; cette disposition n'étant pas critiquée par l'intimé dans ses écritures, sera donc confirmée.
2°) Sur les délais de paiement ;
L'article 1343-5 du Code civil, applicable au moment de l'assignation, dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.
Madame X sollicite un délai de paiement de deux années.
Or, compte tenu du caractère élevé de la dette et des revenus de Madame X, qui s'élevaient à 16 572 euros en 2018, soit 1 381 euros par mois, c'est à bon droit que le tribunal d'instance a rejeté la demande de délais de paiement, d'autant plus que l'intéressée ne justifie pas de ses charges mensuelles et ne formule aucune proposition viable de paiement.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
3°) Sur la restitution du véhicule ;
Madame X s'oppose à la restitution immédiate du véhicule de marque Audi type Q3 et demande à ce que le jeu de la clause de réserve de propriété soit différé au complet paiement du prix.
La Somafi-Soguafi sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule à l'organisme prêteur en application de la clause de réserve de propriété prévue au contrat.
L'offre de crédit acceptée le 31 décembre 2013 comporte la stipulation d'une clause de réserve de propriété avec subrogation conventionnelle au profit du prêteur : " conformément à l'article 1250, 1°) du Code civil, le prêteur qui a réglé le solde du prix de vente est subrogé dans tous les droits et actions du vendeur nés de la présente clause de réserve de propriété, et ce, jusqu'au remboursement complet de sa créance ".
Or, par un avis du 28 novembre 2016, la Cour de cassation a considéré que devait être réputée non écrite comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, la clause telle qu'interprétée par le juge, prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application de l'article 1250, 1° du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Une telle subrogation conventionnelle ne se conçoit qu'au bénéfice d'un tiers qui paie le créancier, de sorte qu'un paiement fait par le débiteur au moyen de deniers empruntés à un tiers, ne peut emporter subrogation.
En conséquence, l'application de la clause de réserve de propriété au profit de la Somafi-Soguafi devant être écartée d'office, la demande de restitution du véhicule formée par la Somafi-Soguafi ne se trouve plus justifiée par aucune disposition légale ou contractuelle.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de la Somafi-Soguafi de ce chef, étant précisé au surplus, que le prêteur bénéficie d'une inscription régulière de gage sur le véhicule financé pour garantir le paiement de sa dette.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule de marque Audi de type Q3 de numéro de série WAUZZZ8UDR031765 immatriculé DA 986 BH ainsi que les clés et documents administratifs, dit qu'à défaut de restitution dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, l'huissier instrumentaire pourra procéder à l'appréhension forcée dudit véhicule, entre les mains des débiteurs ou de tout tiers détenteur, en tout lieu et si besoin avec le concours de la force publique et mis à la charge de Madame X la totalité des dépens y compris les frais relatifs à la procédure de restitution du véhicule.
4°) Sur les autres demandes ;
Compte tenu de la solution apportée au litige, les parties succombant partiellement en leurs demandes, les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel de sorte que les demandes formées en application de l'article 700 du Code de procédure civile seront rejetées.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe ; Infirme le jugement du tribunal d'instance de Fort-de-France du 9 avril 2018 sauf en ce qu'il a condamné Madame X au paiement de la somme de 1 euro au titre de l'indemnité légale de résiliation à compter de la décision et rejeté la demande de délais de paiement ; Et statuant à nouveau, Condamne Madame X à payer à la Somafi-Soguafi la somme de 22 822,53 euros au titre du capital restant dû et des échéances impayées, outre les intérêts au taux contractuel de 8,90 % à compter du 1er février 2018, date de l'assignation, sous déduction d'un montant de 6 000 euros correspondant aux virements effectués en février, mars, avril et octobre 2018 ; Rejette la demande de restitution du véhicule de marque Audi de type Q3 de numéro de série WAUZZZ8UDR031765 immatriculé DA 986 BH ainsi que des clés et documents administratifs ; Condamne Madame X et la Somafi-Soguafi aux dépens de première instance et d'appel, chacune pour moitié ; Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.