CA Douai, 8e ch. sect. 1, 14 novembre 2019, n° 17-00249
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Nacc (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collière
Conseillers :
Mmes Billieres, Bimba Amaral
LA COUR,
La société GE Money Bank a interjeté appel le 6 janvier 2017 de l'ensemble des dispositions d'un jugement du tribunal d'instance de Douai du 28 novembre 2016 qui l'a déboutée de ses demandes formées contre Monsieur X au titre d'un crédit accessoire à la vente d'un véhicule automobile que celui-ci a souscrit auprès d'elle selon une offre préalable acceptée le 21 mars 2012 et qui a rejeté la demande qu'elle avait formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par un arrêt avant dire droit du 13 juin 2019 auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, la cour de céans a infirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Money Bank de sa demande en paiement et, statuant à nouveau de ce chef, a condamné Monsieur X à payer à cet établissement de crédit la somme de 2 400,15 euros avec intérêts au taux de 7,99 % l'an à compter du 13 juin 2016 et rejeté la demande de la société GE Money Bank fondée sur l'article 1154 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Avant dire droit sur les autres chefs du jugement, elle a :
- ordonné la réouverture des débats pour permettre à la société GE Money Bank de faire connaître ses observations sur le moyen relevé d'office du caractère abusif de la clause prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application des dispositions de l'article 1250, 1° du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de la clause autorisant ce même prêteur à réaliser le bien repris, sans permettre à l'emprunteur de présenter lui-même un acheteur faisant une offre ;
- dit que la société GE Money Bank disposerait pour présenter ses observations sur ce point d'un délai expirant le 15 août 2019 ;
- dit que l'affaire serait de nouveau évoquée à l'audience de plaidoirie du mercredi 11 septembre 2019 à 9 heures 15 ;
- sursis à statuer sur les autres demandes et réservé les dépens.
Par conclusions transmises au greffe de la cour le 2 août 2019, la société Négociations achat créances contentieuses, ci-après dénommée la société NACC, qui expose venir aux droits de la société GE Money Bank, devenue My Money Bank, en vertu d'une cession de créance intervenue le 25 juin 2019, observe que le moyen soulevé d'office par la cour résulte d'un avis de la Cour de cassation du 28 novembre 2016 et rappelle en conséquence le caractère facultatif dudit avis. Elle fait valoir ensuite que le contrat de crédit litigieux ayant été consenti le 21 mars 2012, il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas anticipé un avis simplement consultatif rendu plusieurs années après la rédaction et la signature du contrat alors qu'elle a fait une parfaite application de l'article 1250 1° du Code civil en vigueur au jour de la conclusion du contrat et de l'avis de la Commission des clauses abusives n° 05-04 émis le 23 juin 2005 et que nul ne saurait restreindre le droit de propriété absolu acquis par le prêteur avec l'accord exprès de l'emprunteur plusieurs années après la conclusion du contrat de prêt. Elle prétend que la clause de subrogation litigieuse est en tout état de cause dans l'intérêt de l'emprunteur dès lors que si elle est autorisée à reprendre le véhicule, celui-ci pourra être vendu et le fruit de la vente s'inscrira en déduction de la dette de Monsieur X à l'égard de la société de crédit.
Elle demande en conséquence à la cour de la déclarer recevable et bien fondée à venir aux droits de la société GE Money Bank, d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de condamner Monsieur X à lui restituer le véhicule de marque Hyundai dont elle est propriétaire, sous astreinte de 500 euros par jour ainsi qu'à lui payer une somme de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur X, auquel ces écritures ont été signifiées par acte du 6 août 2019 délivré par la voie d'un procès-verbal de recherches infructueuses, n'a pas fait valoir d'observation.
Il convient, à titre liminaire, de donner acte à la société NACC de ce qu'elle reprend l'instance aux lieu et place de la société GE Money Bank à la suite de la cession de créance intervenue le 25 juin 2019.
MOTIFS
Ceci étant précisé, au soutien de sa demande en restitution du véhicule pour le financement duquel la société GE Money Bank devenue My Money Bank avait accordé son concours, la société Nacc se prévaut de la clause de réserve de propriété qui assortit le contrat de crédit, souscrite le 21 mars 2012 tant par le vendeur, que le prêteur et l'acquéreur.
L'offre de crédit litigieuse prévoit en effet, en page 5, que " le vendeur et l'acheteur (emprunteur) conviennent expressément que la vente de ce véhicule est réalisée avec une clause de réserve de propriété au profit du vendeur " ; " le transfert de propriété à l'acheteur (emprunteur) est subordonné au complet paiement du prix par celui-ci " ; que " la réserve de propriété est considérée comme un accessoire de la créance du vendeur " ; qu' " elle peut donc être transmise avec celle-ci ".
Il y est ensuite indiqué que " conformément à l'article 1250, 1°, du Code civil, le prêteur qui a réglé le solde du prix de vente est subrogé dans tous les droits et actions du vendeur nés de la présente clause de réserve de propriété et ce, jusqu'au remboursement complet de sa créance " ; que " l'acheteur reconnaît avoir été informé de la subrogation ainsi stipulée ".
Il y est encore prévu qu'" en cas de défaillance de sa part, l'acheteur (emprunteur) s'engage à restituer le bien à première demande du prêteur " et que " le prêteur sera valablement fondé à engager toutes poursuites lui permettant de récupérer le véhicule et pourra le revendre aux enchères et affecter le prix de cette vente au règlement de sa créance totale, le surplus éventuel étant reversé à l'acheteur (emprunteur) ".
Mais, pour que la subrogation conventionnelle prévue à l'article 1250, 1°, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, soit valable, encore faut-il que le créancier subrogeant reçoive son paiement d'une tierce personne.
Or, le prêteur, en ce qu'il se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, n'est pas l'auteur du paiement, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, de sorte qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule.
La clause stipulée sur l'offre préalable du 21 mars 2012 selon laquelle la société GE Money Bank, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Nacc, est subrogée dans tous les droits et actions du vendeur nés de la clause de réserve de propriété en application de l'article 1250,1°, ancien du Code civil, en ce qu'elle laisse faussement croire à Monsieur X, emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, entrave l'exercice, par celui-ci de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Elle doit, partant, être réputée non écrite, peu important à cet égard qu'elle ait été stipulée dans un contrat conclu antérieurement à l'avis de la Cour de cassation du 28 novembre 2016
De même, la clause stipulée sur l'offre litigieuse qui prévoit que le bien faisant l'objet de la clause de réserve de propriété au bénéfice de la société GE Money Bank, prêteur, aux droits de laquelle se trouve la société Nacc, est, en cas de défaillance de Monsieur X, emprunteur, repris par la société de crédit, laquelle est autorisée à le réaliser, sans possibilité pour l'emprunteur de présenter lui-même un acheteur faisant une offre alors que le prix obtenu par le prêteur à l'occasion de cette revente est généralement inférieur à celui qui pouvait être escompté, a pareillement pour effet d'aggraver la situation financière du débiteur et de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée.
Elle doit, partant, être pareillement réputée non écrite, peu important encore qu'elle ait été stipulée dans un contrat conclu antérieurement à l'avis de la Cour de cassation du 28 novembre 2016.
S'il est exact à cet égard que, dans son avis n° 05-04 du 23 juin 2005, la Commission des clauses abusives a considéré que la clause de réserve de propriété assortie d'une stipulation organisant la subrogation du prêteur dans les droits du vendeur et précisant, notamment, que, "dans le cas de la défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra, en toute hypothèse, procéder à la vente du bien dont la propriété lui est réservée, soit à l'amiable, soit aux enchères et affecter le prix de cette vente au règlement du solde de sa créance", bien que ne permettant pas au consommateur de présenter un acheteur susceptible de faire une offre d'achat plus satisfaisante, exprimait le droit commun de la propriété sans créer de déséquilibre significatif à son détriment, cet avis, au même titre que ceux de la Cour de cassation, ne lie pas le juge.
Il suit de l'ensemble de ce qui précède qu'il ne peut, en ces conditions, être fait droit à la demande formée par la société Nacc en restitution du véhicule financé par le prêt litigieux ni davantage à la demande accessoire d'astreinte.
Il n'apparaît enfin pas inéquitable de laisser à la charge de la société Nacc les frais exposés par elle tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Par ces motifs : Donne acte à la société Nacc de ce qu'elle reprend l'instance aux lieu et place de la société GE Money Bank devenue My Money Bank ; Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en restitution sous astreinte du véhicule de marque Hyundai, objet du contrat de crédit du 21 mars 2012, ainsi que la demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; L'infirme en ses dispositions relatives aux dépens ; Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, Condamne Monsieur X aux dépens de première instance et d'appel.