CA Lyon, 8e ch., 19 novembre 2019, n° 19-01331
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Greenmotor France (SAS)
Défendeur :
Actions Commerciales & Vente (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chauve
Conseillers :
Mmes Defrasne, Zagala
La société Greenmotor est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'appareils de décalaminage de moteurs à combustion par injection d'hydrogène, à destination principalement de garages automobiles.
Le 8 mars 2017, la société Greemotor et la société ACV ont signé un contrat de partenariat d'une durée de trois ans aux termes duquel il était confié la commercialisation d'un minimum de 1 000 appareils par an à compter du mois d'avril 2018, Greemotor devant reverser à la société ACV une commission sur les ventes réalisées par son intermédiaire après encaissement.
Il était convenu qu'au cours des six premiers mois d'activité que la société ACV ne bénéficierait d'aucune exclusivité de commercialisation, la société Greenmotor pouvant continuer de commercialiser elle-même ses appareils. A l'issue de ces six mois, la société ACV se voyait attribuer l'exclusivité de la commercialisation sur toute la France.
Des différends sont intervenus entre les parties, notamment sur la rémunération et l'exclusivité.
Un avenant a été signé entre elles le 17 octobre 2017 comportant un arrêté comptable entre les parties, étendant le domaine des appareils commercialisés et le prix des commissions, prévoyant le retour de tous les encaissements par Greenmotor à compter du 17 octobre 2017 et le règlement des commissions d'AVC par Greenmotor après chaque vente et non plus mensuellement.
En suite de plusieurs mises en demeure demeurées infructueuses relative à la clause d'exclusivité, la société ACV a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon pour obtenir le respect de la clause et une provision à valoir sur la réparation de son préjudice lié à la violation de cette clause.
Par ordonnance rendue le 31 janvier 2019, le président du tribunal de commerce de Lyon, a :
- constaté la violation du contrat entre les parties et en particulier de la clause de distribution exclusive sur tout le territoire de France jusqu'au 8 septembre 2020 au profit de la société ACV,
- ordonné à la société Greenmotor France de fournir exclusivement à la société ACV les appareils de décalaminage visés au contrat du 8 mars 2017 et son avenant du 17 octobre 2017, conformément aux conditions de prix et de commissions qui y sont stipulées,
- ordonné à la société Greenmotor France de communiquer à la société ACV l'état récapitulatif exclusif de toutes les ventes de décalamineurs réalisées sur le territoire de la France entière, directement ou indirectement, du 8 mars 2017 à ce jour, ainsi que son compte client sur la même période,
- condamné la société Greenmotor France à payer à la société ACV la somme provisionnelle de 14 510 euros au titre des factures de commissions impayées à ce jour,
- condamné la société Greenmotor France à payer à la société ACV la somme provisionnelle de 75 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices de pertes financières et de chiffre d'affaire,
- condamné la société Greenmotor France à payer à la société ACV la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté tous autres moyens, fins et conclusions,
- condamné la société Greenmotor France aux dépens.
Par déclaration en date du 20 février 2019, la société Greenmotor France a interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de ses dernières conclusions, elle demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
- dire n'y avoir lieu à référé et renvoyer l'intimée à mieux se pourvoir,
- débouter la société ACV de toutes ses demandes,
- condamner la société ACV à lui payer la somme provisionnelle de 21 240 euros en règlement de sa facture du 18 novembre 2017, outre celle de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.
A l'appui de son appel, elle fait valoir que :
- la société ACV qui réclame des sommes au titre de prétendues commissions impayées ne justifie ni des ventes réalisées, ni des contrats effectivement signés par les clients ni de l'encaissement des factures par elle, lequel déclenche le paiement des commissions,
- elle a toujours gardé la faculté de commercialiser directement ses produits,
- elle a résilié le contrat compte-tenu de la découverte par elle de la falsification de chèques et de la commercialisation par le dirigeant de la société ACV sous une marque qu'il avait créée de copies serviles de ses produits,
- la seule production de factures alors que la réalité des prestations dont le paiement est réclamé constitue une contestation sérieuse,
- étant absente en première instance, elle n'a pu s'expliquer sur la résiliation du contrat et son imputabilité à l'intimée puisque celle-ci, alors qu'elle n'avait jamais reçu mandat d'encaissement des sommes qui lui étaient destinées, les encaissait directement sur son compte bancaire,
- l'avenant du 17 octobre 2017 n'autorisait nullement la société ACV à encaisser les règlements directement du client,
- elle a été informée par un de ses clients de ce que M. X, dirigeant de la société ACV, a entrepris de réaliser des copies de ses appareils sur la base des appareils Greenmotor qu'il avait encore en stock,
- elle précise que ses reproches concernent non pas le fait d'avoir représenté une société concurrente mais d'avoir commis des actes de concurrence déloyale ayant consisté en un détournement de son savoir-faire et de ses appareils,
- sa demande reconventionnelle de condamnation provisionnelle de la somme de 21 240 euros correspond au montant de sa facture pour les trois machines qui ont été remises à la société ACV et dont elle s'est servie notamment pour les copier.
En réponse, la société ACV conclut à la confirmation de l'ordonnance, et à la condamnation de l'appelante aux dépens ainsi qu'au paiement à son profit d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que :
- elle a saisi Monsieur le Premier Président de la cour d'appel d'une demande de radiation pour défaut d'exécution de l'ordonnance critiquée,
- le contrat de partenariat commercial la liant à la société Greenmotor contient une clause d'exclusivité à son profit sur l'ensemble du territoire national,
- la société Greenmotor a violé cette clause en effectuant la vente directe de ses produits,
- cette vente directe est établie par la production de deux constats d'huissier dressés les 9 et 15 novembre 2018,
- la société Greenmotor ne l'a pas payé dans les délais prévus des sommes contractuellement dues,
- le contrat ne prévoyait pas de quotas de vente ou d'objectifs, et ne lui interdisait pas de commercialiser des produits d'autres fabricants, y compris pour des appareils ayant une fonction équivalente,
- le contrat ne lui interdisait pas plus de développer ses propres matériels, concurrents ou non,
- le contrat d'exclusivité n'a jamais été résilié,
- les trois appareils dont le paiement est réclamé lui ont été remis pour lui permettre de former ses commerciaux et effectuer ses obligations contractuelles et ce jusqu'au 8 mars 2020.
Par ordonnance rendue le 16 septembre 2019, Monsieur le Premier Président de la cour d'appel a rejeté la demande de radiation pour défaut d'exécution sollicitée par la SAS ACV.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes des dispositions de l'article 873 du Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence de ce tribunal et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation doit perdurer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
La résiliation unilatérale d'un contrat à durée déterminée avant le terme de celui-ci est susceptible de créer un dommage imminent et de constituer un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, l'article 7 du contrat conclu entre les parties précise qu'il est conclu pour une durée déterminée de trois ans et qu'il sera ensuite renouvelé tacitement pour une ou plusieurs périodes successives d'une durée de trois ans, sauf à ce qu'une partie notifie à l'autre partie, par lettre recommandée avec accusé de réception, sa volonté de ne pas renouveler le contrat, et ce au moins six mois avant le terme contractuel. Il ne contient aucune disposition sur sa résiliation anticipée.
Si la société Greenmotor soutient l'avoir résilié du fait des manquements de son cocontractant tenant à l'encaissement de chèques et à la commission d'actes de concurrence déloyale, elle n'a pas formalisé cette résiliation et ne l'a pas portée à la connaissance de la société ACV. Aucun courrier de résiliation n'est produit aux débats.
L'avenant du 17 octobre 2017 ne saurait s'analyser comme une telle résiliation puisqu'au contraire il étend le domaine des appareils commercialisés par la société ACV et précise de nouvelles modalités de paiement entre les parties.
S'agissant de l'encaissement direct de chèques par la société ACV, celui-ci a été régularisé par l'arrêté signé entre les parties le 17 octobre 2017 faisant le compte entre les parties et prévoyant l'apurement à cette date des comptes, et précisant que les comptes "redémarreront de zéro". Il n'est pas justifié par la société Greenmotor d'encaissement direct par la société ACV postérieurement à cette date.
Concernant les actes de concurrence déloyale, il convient de relever que le contrat signé entre les parties ne comporte à l'égard de la société ACV aucune clause de non-concurrence et n'interdit pas à la société ACV de commercialiser d'autres produits ni même de fabriquer des produits concurrents. L'article 3 de ce contrat donne à l'expiration des six premiers mois du contrat, l'exclusivité de commercialisation sur la France à la société ACV, la société Greenmotor s'interdisant de commercialiser des sous-marques de ses appareils directement ou indirectement en France.
Les pièces produites par la société Greenmotor si elles établissent que le dirigeant de la société ACV tente de produire ou faire produire également des appareils de décalaminage pour les commercialiser ne démontrent pas avec l'évidence requise en référé une violation du contrat liant les parties.
Dès lors, la société ACV apparaît fondée à solliciter la poursuite des relations commerciales, le refus de poursuite de celles-ci apparaissant manifestement illicite.
Les constats d'huissier produits par la société ACV laissent apparaître que la société Greenmotor France commercialise directement ses produits, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas puisqu'elle se prévaut de la résiliation du contrat.
Les condamnations prononcées par le premier juge qui ordonne à la société Greenmotor France de fournir exclusivement à la société ACV les appareils de décalaminage visés au contrat du 8 mars 2017 et son avenant du 17 octobre 2017, conformément aux conditions de prix et de commissions qui y sont stipulées, et de communiquer à la société ACV l'état récapitulatif exclusif de toutes les ventes de décalamineurs réalisées sur le territoire de la France entière, directement ou indirectement, du 8 mars 2017 à ce jour, ainsi que son compte client sur la même période, sont bien fondées et de nature à faire cesser le trouble causé.
Elles seront donc confirmées.
Les parties ont également formé des demandes de condamnation provisionnelles auxquelles le premier juge a fait droit en faveur de la société ACV accueillant sa demande de provision au titre des commissions impayées à hauteur de 14 510 euros et lui accordant une provision de 75 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices de pertes financières et de chiffre d'affaire.
A titre reconventionnel, l'appelante non comparante en première instance, réclame en cause d'appel la somme provisionnelle de 21 240 euros en règlement de sa facture du 18 novembre 2017.
S'agissant de cette dernière facture, la société ACV explique qu'il s'agit de trois appareils confiés à des fins de démonstration par la société Greenmotor pour former les commerciaux et effectuer des démonstrations aux acquéreurs potentiels.
Dès lors que la poursuite des relations contractuelles a été ordonnée, cette demande se heurte à une contestation sérieuse qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher.
S'il n'est pas sérieusement contestable que le refus par la société Greenmotor d'honorer son contrat a généré un préjudice à la société ACV en termes de pertes financières et chiffre d'affaires, les documents produits à l'appui de sa demande à ce titre ne permettent de retenir qu'une somme provisionnelle non contestable de 10 000 euros à ce titre, la société ACV ne produisant pas ses bilans.
La condamnation prononcée à ce titre par le premier juge sera ramenée à ce montant.
La somme réclamée au titre des commissions impayées est contestée par l'appelante. L'intimée ne produit au soutien de cette demande que ses propres factures adressées à la société Greenmotor et ses mises en demeure mais non les factures des acquéreurs des appareils commercialisés.
Dès lors, la demande de provision apparaît contestable et l'ordonnance sera réformée en ce qu'elle y a fait droit.
L'appelante qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, Confirme l'ordonnance critiquée sauf en ce qu'elle a condamné la société Greenmotor France à payer à la société ACV la somme provisionnelle de 14 510 euros au titre des factures de commissions impayées à ce jour et celle de 75 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices de pertes financières et de chiffre d'affaire. Statuant à nouveau des chefs infirmés, Rejette la demande de provision au titre des factures de commissions. Condamne la société Greenmotor France à payer à la société ACV la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices de pertes financières et de chiffre d'affaire. Y ajoutant, Rejette les demandes de la société Greenmotor France. La condamne aux dépens d'appel et à payer à la société ACV la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.