CA Versailles, 14e ch., 21 novembre 2019, n° 19-01445
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Volkswagen Group France (SA)
Défendeur :
Morin, Chatelain
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guillaume
Conseillers :
Mmes Grison-Pascail, Le Bras
Avocats :
Mes Debray, Vogel, Nahmany
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon un acte sous seing privé en date du 7 octobre 2017, M. Ludovic Morin a fait l'acquisition auprès de Mme Emmanuelle Chatelain d'un véhicule automobile de marque Audi modèle Q5 comptabilisant 113 733 km au compteur, moyennant le prix de 17 850 euros. Ce véhicule a été mis pour la première fois en circulation le 17 septembre 2009.
A la suite d'une panne du véhicule survenue le 8 novembre 2017, il a été préconisé le remplacement de la boîte de vitesse et de l'embrayage pour un coût estimé de 6 088,87 euros.
L'expertise amiable du véhicule réalisée à l'initiative de son assurance protection juridique ayant révélé que la panne litigieuse serait susceptible d'être due à une défaillance interne d'une pièce de la boîte de vitesse automatique, M. Morin a fait assigner par acte du 26 septembre et du 16 octobre 2018, Mme Chatelain ainsi que la société Volkswagen Group Automotive Retail France devant le président du tribunal de grande instance de Versailles statuant en référé pour obtenir sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, une expertise judiciaire du véhicule.
Par ordonnance contradictoire en date du 22 janvier 2019, le juge des référés a :
- ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder M. Berthet, avec notamment pour mission de relever et décrire les désordres allégués, en détailler l'origine, les causes et l'étendue et dire s'ils existaient lors de l'acquisition du véhicule et s'ils étaient apparents ou cachés pour un acheteur profane,
- dit que M. Morin devra consigner la somme de 1 000 euros à valoir sur les frais et honoraires de l'expert,
- laissé à M. Morin la charge des dépens,
- laissé à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration reçue au greffe le 28 février 2019, la SA Volkswagen Group France venant aux droits de la défenderesse a interjeté appel de l'ensemble des dispositions de ladite ordonnance, intimant M. Morin et Mme Chatelain. La SA Volkswagen Group France et M. Morin ont conclu.
La SA Volkswagen Group France a fait signifier sa déclaration d'appel à Mme Chatelain par acte du 26 mars 2019 remis à étude d'huissier. Cette dernière n'a pas constitué avocat.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 16 septembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens et prétentions, la SA Volkswagen Group France demande à la cour, au visa des articles 122 et 145 du Code de procédure civile, de la loi du 17 juin 2008 et de l'article L. 110-4 du Code de commerce, de :
- constater que la société Volkswagen Groupe France sous l'immatriculation 832 277 370 au RCS de Soissons) vient aux droits de la société Volkswagen Groupe France sous l'immatriculation 602 025 538 au RCS de Soissons) suite à l'opération d'apport partiel d'actif intervenue,
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise judiciaire et débouter M. Morin de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la partie succombante à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la partie succombante aux dépens dont distraction au profit de Me Debray en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées le 26 septembre 2009 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses moyens et prétentions, M. Morin demande à la cour, au visa de l'article 145 du Code de procédure civile de :
- confirmer l'ordonnance entreprise,
- condamner la SA Volkswagen Group France à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera donné acte à la SA Volkswagen group France de son intervention aux droits de la société Volkswagen Group Automotive Retail France.
- sur la demande d'expertise :
Aux termes de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Ce texte suppose notamment que soit constaté qu'il existe un procès " en germe " possible, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée.
En l'absence de conclusions de Mme Chatelain, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 472 du Code de procédure civile, elle ne peut faire droit aux prétentions et moyens de M. Morin que si elle les estime réguliers, recevables et bien fondés au regard des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé.
Il est en l'espèce constant que le véhicule acquis par M. Morin auprès de Mme Chatelain le 7 octobre 2017 est tombé en panne peu de temps après cet achat, le garagiste qui a réceptionné le véhicule et l'expertise amiable initiée par l'assureur de l'acquéreur concluant à une défection de la boîte de vitesse automatique.
Devant le premier juge, Mme Chatelain a sollicité sa mise hors de cause en faisant valoir que M. Morin avait expressément renoncé dans l'acte de vente à la garantie des vices cachés. Toutefois, c'est à raison que le premier juge a écarté ce moyen, en retenant que l'interprétation et l'appréciation de la régularité d'une telle clause relève du juge du fond, sachant qu'elle peut être écartée comme le soutient M. Morin s'il est démontré par l'acquéreur que son vendeur avait connaissance du vice affectant le véhicule vendu.
M. Morin rapportant par ailleurs par les éléments relatifs à la panne litigieuse la preuve de l'existence de motifs légitimes au soutien de sa demande d'expertise au contradictoire de Mme Chatelain, l'ordonnance sera confirmée sur ce point.
Pour solliciter sa mise hors de cause, la SA Volkswagen Group France fait quant à elle valoir que la demande d'expertise de M. Morin est dépourvue de motif légitime à son encontre dans la mesure où sa future action au fond serait vouée à l'échec car prescrite depuis le 17 septembre 2014. Elle soutient que l'action directe en garantie des vices cachés dirigée par l'acheteur contre le fabricant est prescrite dès lors que l'action éventuelle du vendeur intermédiaire, qu'il soit professionnel ou profane, est également prescrite, l'action rédhibitoire du sous-acquéreur étant celle de son auteur à l'égard du vendeur originaire.
L'appelante précise qu'une telle action doit être exercée avant l'expiration de la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article L. 110-4 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, dont le point de départ est la date de la vente initiale, soit en l'espèce le 17 septembre 2009.
En réponse, M. Morin fait valoir que le point de départ de la prescription invoqué par l'appelante ne lui est pas opposable dans la mesure où il a acquis le véhicule à un vendeur intermédiaire non professionnel le 7 octobre 2017.
L'article 1648 du Code civil dispose que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice.
L'action directe en garantie des vices cachés doit toutefois être mise en œuvre à l'égard du constructeur dans le délai de la prescription quinquennale extinctive de droit commun prévue par l'article L. 110-4 du Code de commerce, s'agissant des litiges entre un commerçant et un non commerçant.
Il est constant qu'en l'espèce, la première vente du véhicule intervenue le 17 septembre 2009 constitue en application de l'article L. 110-4 du Code de commerce, le point de départ du délai de la prescription de droit commun à l'égard de la SA Volkswagen Group France, en sa qualité de constructeur, la qualité de vendeur intermédiaire profane de Mme Chatelain étant indifférente pour fixer ce point de départ, l'action récursoire contre le fabricant ne pouvant offrir à l'acquéreur final plus de droits que ceux détenus par le vendeur intermédiaire auquel ce délai de prescription de droit commun est opposable quelle que soit sa qualité.
Il en résulte que la future action directe de M. Morin contre la SA Volkswagen Group France qu'elle soit fondée sur la garantie des vices cachés ou sur la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur est vouée à l'échec dans la mesure où cette dernière est prescrite depuis le 17 septembre 2014.
M. Morin ne justifie dès lors d'aucun motif légitime à mettre en cause la SA Volkswagen Group France dans le cadre de son action aux fins d'expertise. L'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de l'appelante visant à être mise hors de cause, sa présence aux opérations d'expertise n'apparaissant pas justifiée pour les motifs précités.
- sur les demandes accessoires :
L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance en l'absence de critique de ces deux chefs.
Partie perdante, M. Morin ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.
L'équité commande en revanche de débouter la SA Volkswagen group France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR statuant par arrêt de défaut, Donne Acte à la SA Volkswagen Group France de son intervention volontaire aux droits de la société Volkswagen Group Automotive Retail France ; Confirme l'ordonnance entreprise en date du 22 janvier 2019 sauf en ses dispositions déboutant la demande de la SA Volkswagen Group France tendant à être mise hors de cause ; Statuant à nouveau du chef infirmé, Dit n'y avoir lieu à mise en cause de la SA Volkswagen Group France dans le cadre des opérations d'expertise; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit que M. Ludovic Morin supportera les dépens d'appel avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.