CA Aix-en-Provence, 1re ch. sect. 2, 21 novembre 2019, n° 18-17623
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Volkswagen Group France (SA)
Défendeur :
Berland, Buy Back Solutions Compagnie (Sasu), Aviva Assurances
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Touvier
Conseillers :
Mmes Perez, Brot
Avocats :
Mes Daval-Guedj, Guedj, Vogel, Besancon, Boulan, Minguet, Kaigl, Tarlet, Petit, Lanfranchi
EXPOSE DU LITIGE
Selon bon de commande du 20 août 2016, Monsieur François Berland a acquis auprès de la société Buy Back Solutions un véhicule Audi 55 cabriolet immatriculé AC- 863-TF.
A la suite de deux avaries survenues respectivement le 1er septembre 2016 et le 26 août 2017, une expertise amiable a été diligentée par l'intermédiaire de son assureur protection juridique, ayant donné lieu à un rapport de constatations en date du 13 juin 2018.
Par actes d'huissier des 6 et 25 juillet 2018, François Berland a fait assigner en référé la Sasu Buy Back Solutions et la SA Volkswagen Group France pour obtenir l'organisation d'une expertise et le paiement d'une indemnité provisionnelle. La Sasu Buy Back Solutions a appelé en garantie la compagnie Aviva Assurances.
Par ordonnance en date du 17 octobre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse a :
- ordonné la jonction des procédures ;
- ordonné une expertise du véhicule litigieux confiée à Monsieur Jean-Sébastien de Vathaire et fixé les modalités de cette mesure ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par François Berland et sur la demande en garantie de la société Buy Back Solutions ;
- laissé les dépens à la charge de François Berland ;
- débouté la société Volkswagen Group France de sa demande au titre des frais irrépétibles.
La SA Volkswagen Group France a interjeté appel de cette ordonnance le 8 novembre 2018.
Par dernières conclusions du 1er octobre 2019, la SA Volkswagen Group France demande à la cour :
- de constater que la SA Volkswagen Group France (RCS de Soissons n° 832 277 370) vient aux droits de la SA Volkswagen Group France (RCS de Soissons n° 602 025 538) suite à l'opération d'apport partiel d'actif intervenue ;
- d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné une expertise à son contradictoire ;
- de débouter Monsieur Berland de sa demande d'expertise à son encontre ;
- de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné une expertise au contradictoire de la société Buy Back Solutions et de la société Aviva Assurances, et en ce qu'elle a rejeté les demandes provisionnelles de Monsieur Berland à son encontre ;
- de débouter Monsieur Berland de toutes ses demandes ;
- de condamner la partie succombante à lui payer la somme de 1 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de son avocat.
Par dernières conclusions du 19 septembre 2019, François Berland sollicite :
- la confirmation de l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a rejeté sa demande d'indemnisation provisionnelle et celle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- la condamnation in solidum de la société Buy Back Solutions et de la société Volkswagen Group France à lui payer une provision de 3 801,20 dont 2 000 à valoir sur les dommages-intérêts et 1 801,20 au titre de la facture de la recherche de panne ;
- la condamnation des mêmes in solidum à lui payer la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de son avocat ;
- le débouté de la société Buy Back Solutions et de la société Volkswagen Group France de toutes leurs demandes.
Par dernières conclusions du 27 septembre 2019, la Sasu Buy Back Solutions demande à la cour :
- de débouter la société Volkswagen Group France de son appel portant sur la mesure d'expertise ;
- de débouter Monsieur Berland de son appel incident ;
- de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
- subsidiairement, au cas où il serait fait droit aux demandes provisionnelles de Monsieur Berland, de condamner in solidum la société Volkswagen Group France et la société Aviva Assurances à la relever et garantir ;
- en toute hypothèse, de débouter la société Volkswagen Group France et Monsieur Berland de toutes leurs demandes contraires ;
- de condamner in solidum la société Volkswagen Group France et Monsieur Berland à lui payer la somme de 2500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de son avocat.
Par conclusions du 27 février 2019, la société Aviva Assurances sollicite :
- la confirmation de l'ordonnance déférée sur l'organisation d'une expertise au contradictoire de toutes les parties et sur le rejet de la demande de provision de Monsieur Berland et de la demande de garantie formée à son encontre ;
- la condamnation de la société Volkswagen au paiement de la somme de 2 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
La SA Volkswagen Group France, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Soissons sous le n° 832 277 370, indique venir aux droits de la SA Volkswagen Group France, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Soissons sous le n° 602 025 538. Il convient de lui en donner acte.
1- Sur l'expertise
En application de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Le motif légitime n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action susceptible d'être engagée au fond, laquelle doit cependant être plausible et ne pas être manifestement vouée à l'échec. Cette appréciation relève bien des pouvoirs du juge des référés saisi de la demande d'expertise.
Pour s'opposer à l'organisation d'une expertise à son contradictoire, la société Volkswagen Group France invoque la prescription de l'action susceptible d'être intentée à son encontre en application de l'article L. 110-4 du Code de commerce.
Cet article dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par 5 ans. Le délai de prescription court à compter de la date de livraison de la marchandise, qui en l'espèce doit être fixée au 9 septembre 2009, date de la première mise en circulation du véhicule en cause.
Les intimés répliquent qu'en application de l'article 2224 du Code civil le délai de prescription court à compter du jour de la connaissance des faits permettant au titulaire d'un droit d'exercer son action et que le délai de deux ans prévu par l'article 1648 du Code civil pour exercer l'action en garantie des vices cachés court à compter de la date à laquelle l'acquéreur a eu connaissance du vice, soit en l'espèce à compter du 13 juin 2018, date de l'expertise amiable qui a révélé le vice dont est atteint le véhicule acquis par Monsieur Berland.
Mais si l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, elle est aussi enfermée dans le délai de prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce qui court à compter de la vente initiale.
La première mise en circulation du véhicule acquis par Monsieur Berland étant intervenue le 9 septembre 2009 et l'assignation en référé expertise ayant été délivrée le 6 juillet 2018, l'action de Monsieur Berland ou de la société Buy Back Solutions à l'encontre de la société Volkswagen Group France est manifestement prescrite, aucune cause d'interruption ou de suspension n'étant justifiée ni même alléguée.
Il n'existe dès lors aucun motif légitime à ce qu'une mesure d'expertise soit organisée au contradictoire de la société Volkswagen Group France qui doit être mise hors de cause, l'ordonnance déférée étant réformée sur ce point, étant observé que la mesure d'expertise au contradictoire des autres parties n'est pas contestée.
2- Sur la demande de provision
Le premier juge a, par des motifs que la cour adopte, justement retenu que la demande de provision de Monsieur Berland se heurte à une contestation sérieuse dès lors qu'une expertise est ordonnée pour déterminer l'origine des désordres invoqués au contradictoire des parties.
Le rapport de constatations établi le 13 juin 2018 par KPI Groupe à la demande de l'assureur de Monsieur Berland concluant à un défaut de fabrication du ressort de soupape ne saurait à lui seul fonder une condamnation à une indemnité provisionnelle au profit de Monsieur Berland, peu important que la société Buy Back Solutions et la compagnie Aviva aient été représentées à cette expertise amiable.
L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée sur ce point.
3- Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Au vu des circonstances de la cause, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont exposés pour leur défense.
Les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile seront ainsi rejetées.
Monsieur Berland supportera les dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par les avocats de la société Volkswagen Group France et de la société Buy Back Solutions, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Donne acte à la SA Volkswagen Group France, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Soissons sous le n° 832 277 370, de ce qu'elle vient aux droits de la SA Volkswagen Group France, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Soissons sous le n° 602 025 538. Confirme l'ordonnance déférée sauf en ce que l'expertise est ordonnée au contradictoire de la société Volkswagen Group France ; Réformant de ce chef, statuant à nouveau et y ajoutant, Met hors de cause la SA Volkswagen Group France ; Rejette les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; Dit que François Berland supportera les dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés directement par les avocats de la société Volkswagen Group et de la société Buy Back Solutions, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.