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Décisions

Cass. com., 20 novembre 2019, n° 18-12.817

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Equilibre implant chirurgical (SARL)

Défendeur :

Zimmer Biomet France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Sudre

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin

T. com. Lille, du 8 sept. 2015

8 septembre 2015

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2017), que la société Equilibre implant chirurgical (la société EIC), ayant pour activité la commercialisation d'articles médicaux, chirurgicaux et orthopédiques, a, le 14 mars 2007, conclu avec la société Biomet France, aux droits de laquelle est venue la société Zimmer Biomet France (la société Biomet), filiale d'un groupe américain, un contrat d'agent d'affaires d'une durée indéterminée, consistant, pour la première à rechercher des clients pour le compte de la seconde, moyennant le versement de commissions sur la réalisation des ventes intervenues en France métropolitaine ; que, reprochant à la société EIC un manquement grave à ses obligations contractuelles pour n'avoir pas renouvelé son adhésion et sa certification à la politique de lutte contre la corruption du groupe Biomet, à laquelle elle avait accepté de se soumettre, et omis de procéder à la déclaration de ses liens d'intérêts avec les professionnels de santé, prescrite par le décret n° 2013-414 du 21 mai 2013 en violation de l'article 14 du contrat, la société Biomet lui a, par lettre du 8 juillet 2013, notifié la résiliation de celui-ci, sans préavis ; que contestant cette résiliation, la société EIC a assigné la société Biomet en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ;

Attendu que la société EIC fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que la rupture immédiate de relations commerciales établies suppose qu'une partie manque à ses obligations de façon suffisamment grave, au point de rendre impossible le maintien du lien contractuel ; que pour dire justifiée la résiliation sans préavis du contrat d'agence d'affaires conclu six ans auparavant par les sociétés EIC et Biomet, la cour d'appel a relevé que la société Biomet pouvait engager sa responsabilité en cas de non-respect par ses partenaires des règles anti-corruption adoptées dans un accord transactionnel passé avec les autorités américaines ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si faute pour la société EIC d'adhérer à la politique anti-corruption de la société Biomet à la date qu'elle avait unilatéralement fixée, cette dernière risquait dès cet instant d'engager sa responsabilité envers les autorités américaines, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une faute d'une gravité telle qu'elle justifiait la rupture immédiate du lien contractuel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce et de l'article 1147 du Code civil, en sa rédaction applicable à la cause antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) que la gravité du manquement contractuel de nature à justifier la rupture immédiate des relations commerciales établies doit être appréciée en tenant compte de la tolérance antérieure du cocontractant à l'égard de comportements analogues ; que pour dire justifiée la résiliation sans préavis du contrat d'agence d'affaires décidée par la société Biomet le 8 juillet 2013, la cour d'appel a relevé qu'il appartenait à la société EIC de renouveler pour cette date son adhésion à la politique de lutte anti-corruption du groupe Biomet en signant des documents, en remplissant un questionnaire et en effectuant une formation en ligne, ce qui n'a pas été fait ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de la société EIC, si lors de précédents renouvellements la société Biomet ne s'était pas montrée beaucoup plus tolérante sur le respect des délais impartis, sans attacher de sanction particulière au dépassement des dates prévues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce et de l'article 1147 du Code civil, en sa rédaction applicable à la cause antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) que la rupture immédiate de relations commerciales établies suppose qu'une partie manque à ses obligations de façon suffisamment grave, au point de rendre impossible le maintien du lien contractuel ; que pour dire justifiée la résiliation sans préavis du contrat d'agence d'affaires, la cour d'appel a relevé que la société EIC n'avait pas transmis aux ordres professionnels compétents la déclaration de ses liens d'intérêts avec les professionnels de santé avant la date du 1er juin 2013 prévue par le décret n° 2013-414 du 21 mai 2013 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'omission imputée à la société EIC était susceptible de rejaillir sur la société Biomet et par conséquent de caractériser un manquement contractuel d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation immédiate du contrat d'agence d'affaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce et de l'article 1147 du Code civil, en sa rédaction applicable à la cause antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que la société EIC n'avait pas donné suite aux trois courriels des 26 avril, 30 mai et 4 juin 2013, par lesquels la société Biomet lui demandait, conformément à ses obligations, de renouveler son adhésion et sa certification à la politique anti-corruption du groupe avant l'échéance du contrat, le 8 juillet 2013, l'arrêt retient que la société EIC ne peut justifier son attitude par le fait que les documents transmis étaient rédigés en langue anglaise dès lors qu'en 2010, elle avait souscrit un engagement de même nature au vu de documents rédigés dans cette même langue et qu'elle ne démontre pas avoir réclamé la transmission des documents en langue française ; qu'il relève encore que le groupe de droit américain Biomet était soumis aux Etats-Unis aux règles, issues du "United States Foreign Corrupt Practices Act", interdisant aux sociétés visées de commettre des actes de corruption d'agents publics étrangers et qu'il avait, le 26 mars 2012, conclu avec les autorités américaines un accord dit de poursuites différées (APD), afin de mettre un terme aux enquêtes du Department of Justice and Securities and Exchange Commission, à la condition de mettre en place, pendant une durée de trois ans pouvant être prorogée d'un an, une coopération substantielle de ses employés, distributeurs et agents commerciaux avec les professionnels de santé ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que, compte tenu des règles fixées par le programme de "compliance" et de l'accord conclu, le manquement de la société EIC à ses obligations contractuelles, en ce qu'il était susceptible d'engager la propre responsabilité de la société Biomet, était suffisamment grave pour justifier la rupture de la relation commerciale sans préavis, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que, la décision étant justifiée par les motifs vainement critiqués par les première et deuxième branches, le moyen critique, en sa troisième branche, des motifs surabondants ; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.