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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 21 novembre 2019, n° 15-05385

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Atraconfort 42 (SARL); Atelier D. I. (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes Clerc, Stella

Juri. Prox. Montbrison, du 22 mai 2015

22 mai 2015

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

En novembre 2012, Serge M. a commandé auprès de la SARL Atraconfort 42 un poêle à bois à foyer ouvert pour le prix de 8.900 euros ttc. L'appareil a été livré et installé le 4 mars 2013 avec signature d'un procès-verbal de réception sans réserves.

Par la suite, M. M. s'est plaint du mauvais fonctionnement de l'appareil, avec un problème de refoulement des fumées, et a retenu la somme de 1.600 euros sur son prix.

Par acte d'huissier de justice du 22 mai 2015, la SARL Atraconfort 42 a fait assigner M. M. devant la juridiction de proximité de Montbrison pour, en principal obtenir paiement du solde de sa facture.

M. M. a sollicité reconventionnellement le remplacement de l'installation aux frais du vendeur et à défaut la résolution de la vente avec obligation pour le vendeur de procéder à la remise en état des lieux.

Par jugement du 22 mai 2015, le juge de proximité de Montbrison a :

- condamné M. M. à payer à la SARL Atraconfort 42 la somme de 1 600 euros au titre du solde de la facture,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné M. M. à payer à la SARL Atraconfort 42 la somme de 400 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. M. aux dépens de l'instance.

M. M. a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 1er juillet 2015.

Le juge de proximité a relevé que, dans un premier temps, M. M. n'avait pas remis en cause le fonctionnement du poêle à bois en dépit des relances effectuées par le vendeur les 18 juillet 2013 et 18 décembre 2013.

Le juge a aussi estimé que la société Atraconfort 42 a installé le poêle en conformité avec la fiche technique de l'appareil et que M. M. ne rapportait pas la preuve d'un défaut de conformité.

Par ordonnance du 5 novembre 2015 rendue sur la demande de l'appelant, le conseiller de la mise en état a :

- constaté que le jugement du 22 mai 2015 a été rendu en 1er ressort (et non en dernier ressort comme indiqué dans la décision),

- ordonné la suspension de l'exécution du jugement et déclaré l'appel recevable,

- et ordonné une expertise du poêle à bois confiée à Abdelaziz B..

L'expert a diffusé son pré-rapport le 8 août 2016.

Par acte d'huissier de justice du 23 août 2016, la SARL Atraconfort 42 a appelé en intervention forcée la SAS Atelier Dominique I., fabricant du poêle.

Par ordonnance du 23 janvier 2017, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent à connaître de la fin de non-recevoir soulevée par la société Atelier Dominique I. qui a contesté la recevabilité de la demande d'intervention forcée.

Par ordonnance du 11 janvier 2018 rendue sur requête de la société Atraconfort 42 en omission de statuer, le conseiller de la mise en état a déclaré l'expertise en cours commune et opposable à la société Atelier Dominique I..

M. B. a déposé son rapport définitif en date du 22 mars 2018, dans lequel il a confirmé un phénomène de retours de fumée auquel il a pu être mis fin par un allongement du conduit de cheminée de 0,90 m. Il a également relevé que le système ne comporte aucune entrée d'air spécifique.

L'expert a conclu à une double responsabilité :

- D'une part, la société Atraconfort 42 qui a livré l'installation en ayant connaissance de retour de fumées dans le salon et n'a pas proposé de rallonger le conduit de cheminée pour arrêter les désordres. Elle a également livré une installation de fumisterie sans amenée d'air neuf spécifique à la combustion du foyer.

- D'autre part, la société Atelier Dominique I. a préconisé dans son catalogue technique une hauteur de conduit de cheminée minimum insuffisante.

En ses dernières conclusions du 22 août 2018, Serge M. demande à la Cour ce qui suit, au visa des articles L. 211-4, L. 211-5, L. 211-9, L. 211-10, L. 211-11 et L. 211-12 du Code de la consommation et 700 du Code de procédure civile :

- déclarer recevable l'appel de Monsieur M. en date du 1er juillet 2015 ;

- déclarer l'appel fondé en ce que la cheminée livrée par la société Atraconfort 42 est affectée de dysfonctionnements graves ne permettant pas son utilisation (refoulement de fumées) ;

- juger à ce titre que le poêle de marque Focus modèle Ergofocus vendu et installé par la société Atraconfort 42 est affecté d'un défaut de conformité en ce qu'il ne permet pas une évacuation normale des fumées issues de la combustion ;

En conséquence,

- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du juge de proximité de Montbrison en date du 22 mai 2015 ;

Et statuant de nouveau,

- juger que M. M., consommateur profane, est fondé à solliciter condamnation de la société Atraconfort 42 au titre des défauts de conformité relevés par l'expert judiciaire et de la dangerosité du produit livré (cheminée Focus, modèle Ergofocus),

- condamner la société Atraconfort 42 à payer les sommes de :

- pour la réparation du préjudice matériel : 2 560 euros ttc

- pour la réparation du préjudice d'agrément : 2 000 euros

- débouter la société Atraconfort 42 de l'ensemble de ses demandes ;

- statuer ce que de droit sur l'appel en garantie de la société Atraconfort 42 à l'encontre de la société Atelier Dominique I. ;

- condamner la société Atraconfort 42 à payer et porter à M. M. la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, y compris les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de Me N., avocat, sur son affirmation de droit.

Par dernières conclusions du 17 septembre 2019, la SARL Atraconfort 42 demande à la Cour, visant de l'article 555 du Code de procédure civile, de :

- débouter la société Atelier Dominique I. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouter M. M. des demandes faites à l'encontre de la société Atraconfort 42 ;

- juger recevable et bien fondée la présente demande en intervention forcée en cause d'appel ;

- juger l'expertise en cours opposable à la société Atelier Dominique I. ;

- juger que la société Atraconfort 42 a parfaitement respecté les préconisations édictées par le fabricant,

- juger que la société Atraconfort 42 a respecté la norme EN 13384-1,

- juger que les dysfonctionnements constatés sur le poêle de marque Focus trouvent leur origine dans un défaut de conformité imputable à la société Atelier Dominique I. qui en est le fabricant,

- condamner la société Atelier Dominique I. à prendre en charge tous les frais de remplacement du poêle ou de toute solution de réparation qui serait préconisée par l'Expert et ce comme sollicité par M. M. dans ses conclusions d'appelant ;

- condamner la société Atelier Dominique I. à prendre en charge toute remise en état des lieux et remboursement du prix versé ;

- condamner la société Atelier Dominique I. à prendre en charge tous chefs de préjudices invoqués par M. M. ;

- en tout état de cause, condamner la société Atelier Dominique I. à relever et garantir la société Atraconfort 42 de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

- condamner la société Atelier Dominique I. à payer à la société Atraconfort 42 la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner " le même " aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise.

Par dernières conclusions du 16 septembre 2019, la SAS Atelier Dominique I. demande ce qui suit :

À titre principal,

Vu l'article 555 du Code de procédure civile,

- déclarer irrecevable la demande d'intervention forcée de la société Atraconfort 42 ;

- condamner la société Atraconfort 42 à payer à la société Atelier Dominique I. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Atraconfort 42 aux entiers dépens avec droit pour l'avocat, conformément à l'article 699 du même Code de recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

À titre subsidiaire,

- débouter la société Atraconfort 42 de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société Atelier Dominique I. ;

- condamner la société Atraconfort 42 à payer à la société Atelier Dominique I. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Atraconfort 42 aux entiers dépens au profit de la Selarl Lexavoué Lyon, conformément à l'article 699 du même Code de recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2019.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le paiement du solde de la facture

M. M. demande la réformation du jugement dans sa totalité mais n'expose aucun moyen de nature à mettre en cause son obligation au paiement du solde de la facture.

Il y a lieu de confirmer la condamnation de M. M. prononcée par le juge de proximité au paiement de la somme de 1 600 euros à la SARL Atraconfort 42.

Sur l'obligation de la société Atraconfort 42

Les conclusions techniques de l'expert B. ne sont pas contestées par les parties. Il ressort de son rapport que les désordres sont réels, le refoulement d'une partie des fumées causé par le défaut de tirage et l'absence d'amenée d'air neuf créent un danger d'intoxication au monoxyde de carbone.

L'installateur Atraconfort ne peut prétendre s'exonérer de sa responsabilité en se prévalant de la notice du constructeur qui prescrit une longueur de conduit de 3,25 mètres minimum alors qu'il lui appartenait de relever le conduit pour mettre fin au refoulement de fumées constaté.

L'expert lui reproche de n'avoir pas appliqué la norme européenne NF EN 13384-1 sur les méthodes de calcul thermo-aéraulique, en violation du DTU, au lieu de l'abaque Poujoulat (graphique à lecture directe), ce que conteste la société Atraconfort qui ajoute qu'elle a même rehaussé le conduit au-delà des prescriptions du fabricant et produit une note d'un bureau d'études techniques.

Ce débat technique est en réalité inutile au regard des dispositions des articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Ces dispositions, alléguées par M. M., fondent l'obligation du vendeur Atraconfort à prendre en charge le coût des travaux devant mettre fin au défaut de conformité du produit qui est avéré, dès lors que le phénomène de refoulement empêche la bonne utilisation du poêle.

Sans préjudice de son recours contre le fabricant de l'appareil, le vendeur est tenu contractuellement, en vertu de l'article L. 211-9 al.1er du Code de la consommation, d'indemniser l'acheteur du coût de la réparation dès lors que celui-ci a opté pour celle-ci plutôt que pour le remplacement du bien.

Le préjudice matériel de M. M., correspondant au montant du devis qu'il verse aux débats, d'un montant de 2 560 euros ttc, ne saurait faire sérieusement débat. Il convient toutefois d'en déduire le solde de facturation de 1 600 euros.

En outre, conformément à l'article L. 211-11 al.2 du même Code, M. M. est fondé à obtenir l'allocation de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'agrément, en l'occurrence la restriction à l'usage du poêle pendant 6 ans (risque d'intoxication), pour un montant de 2 000 euros.

Sur l'intervention forcée de la SAS Atelier Dominique I.

L'article 555 du Code de procédure civile permet d'appeler en cause d'appel des personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

La société Atelier Dominique I. soutient que son appel en cause est tardif dès lors qu'elle ne résulte pas de la révélation d'une circonstance de droit ou de fait postérieure au jugement et modifiant les données juridiques du litige.

La société Atraconfort 42 répond que les deux sociétés n'avaient pas déterminé la cause des dysfonctionnements qui ont été confirmés par le pré-rapport de l'expert à l'issue duquel elle a appelé en cause le fabricant.

Sur ce, il résulte des pièces versées aux débats que s'il est exact que les causes précises des refoulements de fumée n'étaient pas établies lors de la procédure suivie devant le juge de proximité, la question du défaut des dimensions insuffisantes du conduit d'évacuation était déjà soulevée.

Dans ses conclusions de première instance (pages 5 et 6), M. M. avait expressément fait valoir qu'il était vraisemblable, selon deux avis de professionnels, que le conduit n'était pas d'une dimension suffisante compte tenu du diamètre du foyer. Il faisait même état de la reconnaissance par le distributeur national des cheminées Focus d'un problème conceptuel sur le modèle litigieux.

A ce stade de la procédure, M. M. avait bien communiqué aux débats (pièce 17 du bordereau joint à ses conclusions) le courrier du 24 septembre 2014 de l'entreprise Cheminées Verihac qui, d'une part, confirmait le dysfonctionnement du poêle, d'autre part mettait en cause la hauteur et le diamètre insuffisants du conduit.

La société Atraconfort 42, qui avait proposé le remplacement de l'appareil, disposait alors d'informations suffisantes pour appeler en cause son fournisseur puisqu'elle estimait avoir suivi scrupuleusement ses indications et effectué une installation irréprochable, ce qui inférait bien une défectuosité de l'appareil ou un défaut de conception de l'installation recommandée par le constructeur.

Recherchant le paiement du solde de sa facture, la société Atraconfort 42 a en réalité fait choix devant le premier juge de nier ou minimiser la réalité des désordres ou, à tout le moins, de les imputer à des causes externes (bois humide...) en s'opposant aux demandes de M. M. qui sollicitait le remplacement de l'installation ou la résolution de la vente.

Les conclusions de l'expert, confirmant la dimension insuffisante du conduit pour l'évacuation des fumées, eu égard à la dimension du foyer, n'a fait que confirmer les allégations de M. M. et ne constitue pas une circonstance nouvelle modifiant les données du litige. L'appel en cause de la société Atelier Dominique I. est tardif et irrecevable.

Sur les demandes accessoires

La SARL Atraconfort 42, partie perdante, supporte les dépens de la procédure de première instance et d'appel, y compris le coût de l'expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats des autres parties qui en ont fait la demande.

Elle conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés et doit indemniser M. M. ses propres frais, à concurrence de 3 000 euros.

Tenant compte que la société Atraconfort 42 a été induite en erreur par les recommandations de la notice de la société Atelier Dominique I., il n'est pas inéquitable que celle-ci conserve pour partie la moitié de ses propres frais irrépétibles à concurrence de 1 500 euros.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement prononcé le 22 mai 2015 par le juge de proximité de Montbrison en ce qu'il a condamné Serge M. à payer à la SARL Atraconfort 42 42 la somme de 1 600 euros au titre du solde de la facture ; Réforme le jugement en ses autres dispositions et, statuant à nouveau, Condamne la SARL Atraconfort 42 à payer à Serge M. les sommes de : - 2 560 euros en réparation de son préjudice matériel, - 2 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément, - 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rappelle que ces condamnations se compensent de plein droit ; Déclare irrecevable l'intervention forcée de la SAS Atelier Dominique I. par la SARL Atraconfort 42 ; Condamne la SARL Atraconfort 42 aux dépens de première instance et d'appel, y compris le coût de l'expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct des dépens d'appel au profit de Me Sylvain N. et de la SELARL Lexavoué Lyon ; Condamne la SARL Atraconfort 42 à payer à la SAS Atelier Dominique I. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

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