CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 21 novembre 2019, n° 17-12428
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Kaizen Marketing Group (SARL)
Défendeur :
SEME (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mmes Soudry, Lignières
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Kaizen Marketing Group (ci-après la société Kaizen Marketing) exerce une activité d'agence de marketing et de publicité sur internet.
La société d'Exploitation Maison Energy (ci-après la société SEME) commercialise des appareils de chauffage, climatisation, ventilation, bains, douches, sanitaires et cuisines.
La société Kaizen Marketing a délivré pour la société SEME des prestations de gestion " web marketing ".
Par courrier daté du 25 septembre 2015 adressé à la société Kaizen Marketing, la société SEME a manifesté sa volonté de rompre leurs relations commerciales, et ce à compter du 30 septembre suivant.
En réponse, la société Kaizen Marketing a, par courrier en date du 5 janvier 2016, mis en demeure la société SEME de lui régler une somme de 11 289,80 euros au titre de factures impayées d'une part, et une somme de 7 200 euros au titre de l'indemnité de préavis, d'autre part.
Sa mise en demeure restant vaine, la société Kaizen Marketing a saisi, en date du 9 février 2016, le président du tribunal de commerce de Bordeaux d'une requête en injonction de payer aux fins d'obtenir paiement des factures litigieuses précitées.
Le président du tribunal de commerce de Bordeaux a rendu, en date du 16 février 2016, une ordonnance portant injonction à la société SEME de payer à la société Kaizen Marketing la somme de 11 289,80 euros. Cette ordonnance a été signifiée en date du 23 février 2016 à la société SEME laquelle a formé opposition en date du 9 mars 2016.
A la suite de l'opposition élevée par la société SEME, par jugement contradictoire rendu le 31 mars 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- condamné la société SEME à verser à la société Kaizen Marketing Group la somme de 1 400 euros (mille quatre cents euros) HT, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2016, au titre des factures impayées,
- ordonné la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 9 février 2016,
- débouté la société Kaizen Marketing Group du surplus de ses demandes, notamment au titre de l'indemnisation de rupture brutale au motif du défaut de relations commerciales établies entre les parties,
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 115,93 euros, dont TVA : 19,32 euros.
Par déclaration du 21 juin 2017, la société Kaizen Marketing a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 avril 2018, la société Kaizen Marketing, appelante, demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et 1343-2 du Code civil,
Vu les articles L. 442-6, I, 5°, L. 441-6, I, 8° et D. 441-5 du Code de commerce,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence précitée,
Vu les pièces produites,
- déclarer la société Kaizen Marketing Group recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
- infirmer la décision attaquée en ce qu'elle a :
- débouté la société Kaizen Marketing Group de sa demande visant à condamner la société SEME à lui payer le prix des prestations afférentes aux factures litigieuses au-delà de 1 400 euros HT,
- débouté la société Kaizen Marketing Group du surplus de ses demandes ;
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,
- confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a ordonné la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 9 janvier 2016,
En conséquence,
- condamner la société SEME à verser à la société Kaizen Marketing Group la somme de 11 289,80 euros au titre des factures impayées n° 20151205 du 4 janvier 2016, n° 20116854 du 2 septembre 2015, n° 20116862 du 2 septembre 2015 et n° 20116820 du 4 août 2015,
- dire que cette somme portera intérêts au taux légal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 5 janvier 2016,
- condamner la société SEME à verser à la société Kaizen Marketing Group la somme de 160 euros au titre de l'indemnité de recouvrement contractuellement prévue,
- dire encore que la société SEME s'est rendue auteur d'une rupture brutale des relations commerciales établies,
- condamner la société SEME à verser à la société Kaizen Marketing Group la somme de 15 280 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société SEME à verser à la société Kaizen Marketing Group la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société SEME aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions signifiées le 7 novembre 2017, la société SEME, partie intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Kaizen Marketing Group de sa demande sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce.
Pour le surplus statuer à nouveau
- dire la société Kaizen Marketing Group mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence l'en débouter,
A titre reconventionnel
- condamner la société Kaizen Marketing Group à payer à la société SEME la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2019.
MOTIFS
Sur les factures impayées :
La société Kaizen Marketing fait valoir qu'elle est fondée à solliciter de la part de la société SEME le paiement d'une somme de 11 289,80 euros au titre de factures impayées.
En premier lieu, à l'appui de sa demande en paiement, l'appelante fait valoir qu'il ne peut lui être reproché aucune inexécution contractuelle relative notamment au compte MCC Adwords, en ce que :
- les ventes de la société intimée ont progressé de manière satisfaisante sur l'année 2015,
- les synthèses des tableaux Excel versées au débat démontrent la réalité de l'activité exercée,
- l'intimée n'avait jusqu'à présent jamais formulé de plaintes relatives au taux d'intervention.
La société Kaizen Marketing en déduit qu'elle a exécuté ses obligations de webmarketing jusqu'à la fin de la collaboration avec la société SEME.
En second lieu, la société Kaizen Marketing prétend que les règles de facturation prévues au contrat ont été respectées, en ce que :
- même si la méthode de facturation peut présenter des variations, cela ne résulte pas de sa démarche unilatérale mais du contrat signé entre les parties,
- l'intimée a reconnu le principe de sa dette au titre des prestations de juillet et août 2015.
En réplique, la société SEME conteste devoir payer ces factures en prétendant que la société Kaizen Marketing n'a pas respecté les stipulations contractuelles définissant les modalités de facturation.
Elle reproche à la société Kaizen Marketing de :
- ne pas avoir retenu les flux Google pour calculer le pourcentage Adwords,
- sur les factures Bing, Critéo et Next, a été facturé un forfait de 200 euros au lieu de 100 euros,
- de ne pas lui avoir remboursé l'absence de prestation de la société Marin Software, alors qu'elle s'était engagée à le faire,
- avoir sollicité le paiement d'une prestation auprès de la société Lengow, alors que ce paiement avait été directement opéré par la société SEME
Enfin, pour s'opposer au paiement sollicité, la société SEME argue du fait que la société Kaizen Marketing ne justifierait pas des prestations relatives à ces factures.
Sur ce ;
A l'appui de sa demande en paiement, la société Kaizen Marketing verse aux débats les factures suivantes :
- facture F20116820 datée du 04-08-2015 pour les campagnes Adwords, Remarketing Display, Marin avec un total de 3 139,24 euros,
- facture F20116862 datée du 02-09-2015 pour la gestion des comparateurs Lengow avec un total de 2 870,56 euros,
- facture F20116854 datée du 2-09-2015 pour la gestion des comparateurs Lengow avec un total de 1.440 euros,
- facture F20151205 datée du 04-01-2016 pour la gestion des comparateurs Lengow, frais de gestion de campagne Adwords, avec un total de 3 840 euros.
Il est également produit la proposition contractuelle écrite que la société Kaizen Marketing a faite à la société SEME en date du 11 avril 2014 d'une durée de 12 mois renouvelable par tacite reconduction prévoyant des frais de gestion de 700 euros HT + 6 % des budgets Google gérés mensuel et des frais de gestion levier supplémentaire (Criteo/next perf) de 100 euros HT mensuel.
Un mandat de gestion visant les conditions générales de cette proposition contractuelle a été signé par les parties en date du 11-04-2014 pour une durée de 12 mois.
Dans ses conclusions, la société SEME conteste le bien-fondé des factures restées impayées, notamment sur les modalités de facturation en faisant valoir que les montants ne correspondraient pas aux frais prévus contractuellement, et que de toutes façons le mandat écrit signé pour 12 mois en avril 2014 n'était plus valable après avril 2015.
Cependant, il ressort d'un email du 23 septembre 2015 émanant de M. X, gérant de la société Kaizen Marketing, adressé à M. Y, gérant de la société Kaizen Marketing : " Comme tu as pu le constater au cours de ces 4 années, j'ai toujours scrupuleusement été un bon payeur. Aujourd'hui, je te dois la somme de 7 449,89 euros TTC sans compter la facturation de septembre qui sera bien entendu réglée dans les délais impartis. ", ce qui démontre que les modalités de facturation indiquées dans ces factures, soit les frais de gestion de base de 700 euros et 6 % de frais variables ainsi que les opérations supplémentaires de webmarketing spécifiques avec les solutions " Marin " (490 euros HT par mois) et " Lengow " (1 200 euros HT par mois) étaient acceptées par le gérant de la société SEME, et ce jusqu'au moment de la rupture des relations commerciales fin septembre 2015.
La contestation de la société SEME n'apparaît que le 16 décembre 2015, dans un contexte très contentieux quant aux conditions de la rupture intervenue entre les parties concernant essentiellement un préavis de trois mois demandé par la société Kaizen Marketing et refusé par la société Kaizen Marketing et la demande de la société SEME d'un avoir concernant l'application Marin software, comme le révèle l'e.mail adressé à cette date par le gérant de la société SEME au gérant de la société Kaizen Marketing.
Les modalités de facturation indiquées dans les trois premières factures litigieuses ont été acceptées et payées par la société SEME durant toute la durée des relations contractuelles, les points de désaccord sur le préavis et un avoir promis sur une prestation spécifique ne peuvent justifier le refus de paiement des prestations exécutées par la société Kaizen Marketing pour la société SEME.
Concernant la quatrième et dernière facture litigieuse datée du 4 janvier 2016 pour un total de 3 840 euros, celle-ci est relative à la gestion dite " Lengow exécutée courant septembre 2015.
Or, il n'est pas contesté que les relations contractuelles entre les parties ont continué jusqu'à fin septembre 2015. D'ailleurs, la lecture des e.mail échangés entre les sociétés Kaizen et Lengow (pièce 48 de la société Kaizen Marketing) démontre que la société Lengow a facturé sa prestation pour la société SEME directement à la société Kaizen Marketing jusqu'à fin septembre 2015, et que la migration de la solution Lengow vers le compte direct de la société SEME est intervenue le 28 septembre 2015 pour qu'elle soit directement facturée à partir du 1er octobre 2015 à l'intimée. La réalité de la migration de la solution Lengow effectuée le 28 septembre 2015 est confirmée par la société SEME elle même dans ses conclusions en page 20 en précisant que " Lengow " est un " outil essentiel pour l'activité de Maison Energy ; en acceptant de ne plus en disposer, Kaizen a, de fait, accepté de cesser d'exécuter ses prestations contractuelles au profit de celle-ci. ".
Par conséquent, les contestations élevées par la société SEME pour refuser le paiement des quatre factures litigieuses quant au défaut de preuve de l'exécution des prestations ou aux modalités de facturation ne seront pas retenues comme pertinentes.
Ces factures sont dues à la société Kaizen Marketing à hauteur de la totalité de la somme demandée soit 11.289,80 euros par la société SEME, la décision rendue en première instance qui n'avait accueillie la demande en paiement que partiellement sera donc infirmée sur ce point.
Sur les intérêts moratoires et les frais de recouvrement
Les dispositions de l'article L. 441-6-I al. 8 du Code commerce dans sa version applicable à la date des factures impayées prévoient que :
" Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due ".
En l'espèce, l'appelante sollicite que soit appliqué le taux d'intérêt moratoire contractuel et les frais de recouvrement prévus par le mandat de gestion du 11 avril 2014 qui vise les conditions générales de vente.
Au vu du dernier mandat de gestion signé par la société SEME le 11 avril 2014 dans lequel ce dernier a indiqué avoir pris connaissance des conditions générales de vente de la société Kaizen Marketing et au vu des mentions sur chacune des factures impayées litigieuses qui précisent le taux d'intérêt moratoire et les pénalités de recouvrement, il sera retenu l'application du taux d'intérêt moratoire contractuel de 3 x le taux d'intérêt légal, et ce à compter de la date de mise en demeure du 5 janvier 2016, ainsi que des frais de recouvrement de 40 euros pour chacune des quatre factures impayées, soit un total de 160 euros.
Il sera également prononcé la capitalisation des intérêts moratoires conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil qui est de droit quand elle est demandée.
Sur la rupture brutale de la relation établie
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.
La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.
Sur la relation commerciale établie :
Les juges du tribunal de commerce ont débouté la société Kaizen Marketing de sa demande en indemnisation pour rupture brutale au motif du défaut de preuve d'une relation établie entre les parties, estimant que la relation n'était prouvée que pour l'année 2015 au vu des factures produites.
La société SEME nie l'existence d'une relation stable avec la société Kaizen Marketing en arguant du fait que la relation contractuelle a été voulue sur une période annuelle par la société Kaizen Marketing laquelle a proposé un mandat de gestion écrit pour un an en novembre 2011.
Cependant, le premier contrat de mandat pour 12 mois est signé le 14 décembre 2010 par les parties (pièce 5 de la société Kaizen Marketing) et lors de la rupture fin septembre 2015, le gérant de la société SEME écrit au gérant de la société Kaizen Marketing par email du 23 septembre 2015 : " Comme tu as pu le constater au cours de ces 4 années, j'ai toujours scrupuleusement été un bon payeur. ".
En outre, l'examen des extraits du Grand Livre de la société Kaizen Marketing révèle un flux d'affaires régulier avec la société SEME pour tous les exercices de 2011/2012 à 2014/2015. (Pièce 49 de la société Kaizen Marketing).
Il est donc justifié de l'existence d'une relation établie entre les parties de début 2011 à fin septembre 2015, contrairement à ce qui a été décidé par les juges de première instance.
C'est par courrier par lettre recommandée avec accusé de réception daté du 25 septembre 2015 que le gérant de la société SEME a signifié la fin de leur relation à la société Kaizen Marketing en indiquant " nous vous informons par la présente que nous retirons nos comptes de votre agence à compter du 30 septembre au soir. ".
La société Kaizen Marketing se plaint d'une rupture brutale de la relation commerciale décidée unilatéralement et soudainement par la société SEME
Pour justifier la brièveté du préavis limité à 5 jours, la société SEME soutient que le contrat avait dépassé son terme et ne contenait aucune disposition en matière de préavis et que de surplus les nombreux manquements de la société Kaizen Marketing dans l'exécution de ses obligations tels que la facturation abusive et le défaut de réalisation des prestations contractuelles. Elle fait également valoir que la société Kaizen Marketing a accepté la rupture en demandant la migration de la solution Lengow sur un compte direct, et que cette rupture lui est imputable du fait de ses manquements contractuels.
Concernant les modalités de facturation alléguée d'" abusive ", le présent arrêt ayant décidé que les factures litigieuses étaient dues, il ne sera pas retenu qu'il s'agit d'une faute justifiant un défaut de préavis.
Concernant les manquements contractuels reprochés par la société SEME à la société Kaizen Marketing, il est prétendu que les engagements n'ont pas été respectés du fait de l'évolution de l'effectif de la société Kaizen Marketing à compter de juin 2015, notamment concernant des actions positives sur le compte MCC Adwords en août et septembre 2015 (cf tableau en pièce 10.1 de la société Kaizen Marketing), qui n'ont pas été quotidiennes. Il est également reproché une dégradation des performances des solutions " cCriteo " et " Next Performance ", de même que sur " Bing ou " Google shopping ", ce qui a engendré selon elle une perte de visibilité sur internet.
Ces griefs ne sont pas indiqués dans la lettre de rupture du 25 septembre 2015 mais dans un e-mail adressé deux jours avant, le 23 septembre, par le gérant de la société SEME au gérant de la société Kaizen Marketing.
En réponse, la société Kaizen Marketing reconnaît certains manquements en ces termes : " Je réalise parfaitement ce qui a pu t'agacer et de faire te sentir laissé pour compte et déconsidéré, principalement :
- le départ d'Anne-Catherine (chez un fournisseur de surcroît) donc un concurrent
- les données de référence/tracking (Analystics après AT Internet)
- Marin software "
" Loin de vouloir minimiser certains manquements qui ont pu t'être préjudiciables par le passé et dont Kaizen a pu être victime, je voudrais qu'on dresse un vrai bilan ''.
Il apparaît donc que le défaut de performance dans la qualité des prestations reproché à la société Kaizen Marketing n'a été indiqué expressément à son partenaire commercial que deux jours avant la lettre de rupture ; il s'agissait d'une dégradation dans la qualité des prestations qui ne peut constituer un grief d'une gravité telle qu'elle justifierait une rupture quasi-immédiate des relations contractuelles.
Il convient donc d'écarter le cas de manquements graves justifiant une résiliation sans préavis.
En rompant, par courrier du 26 février 2015, une relation commerciale établie depuis 4 années avec un préavis de seulement 5 jours, la société SEME est à l'origine d'une rupture brutale des relations commerciales.
Sur le délai du préavis :
La société Kaizen Marketing soutient qu'un préavis de 4 mois et 20 jours était nécessaire au vu de l'ancienneté et de l'intensité de la relation commerciale. Elle prétend avoir tiré de cette relation un chiffre d'affaires annuel mensuel de 46 000 euros sur la période de 2011 à 2015. Elle prétend, sur les trois dernières années de relations commerciales entre les parties, avoir facturé à la société SEME un montant annuel moyen de 39 350 euros HT s'analysant en sa marge brute, correspondant à une facturation mensuelle de 3 279 euros (cf Grand Livre en pièce 49).
La société SEME réplique que la société Kaizen Marketing ne prouve nullement ces chiffrages à défaut de la production de ses bilans, ou de justifier de sa marge brute. Elle relève également que la société Kaizen Marketing sollicitait en première instance devoir bénéficier d'un préavis de 6 mois alors qu'en appel elle ne demande que 4,66 mois.
Sur ce ;
Il ressort des extraits du Grand Livre Client que la société Kaizen Marketing a facturé à la société SEME sur les trois derniers exercices comptables de 2012 à 2015 un chiffre d'affaires annuel moyen HT de 39 350 euros, ce qui est confirmé par les dires du gérant de la société SEME dans son e-mail du 16 décembre 2015 : " je me permets de te rappeler que durant les 5 années en tant client de ta boite, j'ai payé en échange de tes services près de 150 000 euros ".
En revanche, à défaut de donner des éléments comptables sur le pourcentage du chiffre d'affaires tiré de sa relation avec la société SEME comparé à son chiffre d'affaires global, l'appelante ne démontre pas l'existence d'un état de dépendance économique de la société Kaizen Marketing vis-à-vis de la société SEME.
En outre, le marché de la gestion webmarketing permet une diversification facile et rapide de la clientèle. Aucune dépendance économique justifiant un allongement de la durée du préavis ne sera donc retenue.
Une relation commerciale stable a duré entre les parties 4 années.
Au vu de l'ancienneté et de l'intensité de la relation commerciale ayant existé entre les parties au moment de la rupture, un préavis de 3 mois était nécessaire et suffisant pour permettre à la société Kaizen Marketing de réorganiser son activité.
Sur la réparation du préjudice :
Il convient de rappeler que l'on ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.
Pour le calcul du gain manqué sur l'activité de la société Kaizen Marketing avec la société SEME sur la période de 3 mois du préavis qui aurait dû être respecté, l'appelante a sollicité que soit retenue une perte de marge brute mensuelle de 3 279 euros.
Cependant, comme le relève à bon escient l'intimée, la société Kaizen Marketing ne donne pas d'éléments comptables qui permettraient à la cour de chiffrer sa marge brute.
A défaut d'éléments d'espèce, au vu de la nature de l'activité exercée de " webmarketing " et des charges exposées notamment les salaires d'une équipe d'au moins trois personnes, le préjudice subi équivalent au gain manqué sera évalué sur la base de 60 % du chiffre d'affaires tiré de la relation commerciale avec la société SEME.
Le gain manqué subi par la société Kaizen Marketing du fait de l'arrêt brutal des relations sera donc fixé à la somme de : 60 % de (39 350 euros /12) x 3 mois, soit 5 902,5 euros.
Sur les frais et dépens
L'espèce commande que la société SEME qui succombe supporte la charge les dépens et il est équitable de la condamner également à payer une indemnité de 6 000 euros, au titre des frais irrépétibles engagés par la société Kaizen Marketing pour obtenir paiement des sommes sollicitées.
Par ces motifs LA COUR, Statuant contradictoirement, Infirme le jugement déféré ; Statuant à nouveau, Condamne la société SEME à payer à la société Kaizen Marketing la somme de 11 289,80 euros au titre des factures impayées n° 20151205 du 4 janvier 2016, n° 20116854 du 2 septembre 2015, n° 20116862 du 2 septembre 2015 et n° 20116820 du 4 août 2015 ; Dit que cette somme au principal est assortie du taux d'intérêt moratoire contractuel de 3x le taux d'intérêt légal, à compter de la date de mise en demeure du 5 janvier 2016 ; Prononce la capitalisation des intérêts moratoires conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ; Condamne en outre la société SEME à payer à la société Kaizen Marketing les frais de recouvrement à hauteur de 160 euros ; Condamne la société SEME à payer à la société Kaizen Marketing la somme de 5 902,5 euros au titre de l'indemnité pour rupture brutale de la relation commerciale établie ; Condamne la société SEME à payer à la société Kaizen Marketing la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles ; Condamne la société SEME aux entiers dépens.