CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 novembre 2019, n° 18-05952
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Educational Programs Master France (SAS)
Défendeur :
Eclade (SA), Cha.Yo.Li (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Bodard-Hermant, M. Gilles
FAITS ET PROCÉDURE
La société Educational Programs Master France (EPMF) est le franchiseur en France du réseau Wall Street Institute, spécialisé dans l'enseignement de la langue anglaise.
Les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li avaient pour activité l'exploitation de centres de franchise Wall Street Institute, situés à Nantes pour la société Eclade et à la Roche-sur-Yon pour la société Cha.Yo.Li.
Le contrat de franchise conclu entre EPMF et la société Eclade le 18 octobre 1999, modifié par avenant du 15 avril 2005, a expiré le 14 octobre 2014.
Par avenant signé en 2010, EPMF a accordé à la société Euclade le droit de céder à Cha.Yo.Li les droits et obligations né de ce contrat de franchise et de cet avenant pour le territoire de la Vendée.
Reprochant aux sociétés Eclade et Cha.Yo.Li divers manquements contractuels après le 17 octobre 2014, EPMF les a assignées devant le tribunal de commerce de Paris lequel, par jugement du 22 février 2018, a :
- débouté EPMF de sa demande de dommages et intérêts pour utilisation indue des signes distinctifs du réseau Wall Street Institute pour non-respect de l'engagement de transfert des contrats de formation ;
- condamné la société Eclade à lui payer la somme de 11 155,74 euros au titre des redevances sur les encaissements reçus postérieurement à la cessation du contrat ;
- condamné la société Cha.Yo.Li à lui payer la somme de 2 877,35 euros au titre des redevances sur les encaissements reçus postérieurement à la cessation du contrat ;
- dit qu'il n'y a pas lieu à article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie ;
- rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;
- condamné EPMF aux dépens.
EPMF est appelante de ce jugement suivant déclaration du 20 mars 2018 et par conclusions déposées et notifiées le 18 juin 2018, elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1145, 1304 du Code Civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
- infirmer le jugement entrepris sauf sur le principe de leur obligation à lui payer les redevances litigieuses ;
Et statuant à nouveau :
- condamner les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li à lui verser, respectivement :
* les sommes de 30 203 euros HT et 9 477 euros HT à titre de ces redevances ;
* les sommes de 40 170 euros, soit 65 euros par jour pour la période du 17 octobre 2014 au 27 juin 2016 19 776 euros, soit 32 euros par jour pour la même période du 17 octobre 2014 au 27 juin 2016, pour l'utilisation fautive de la marque et des signes distinctifs du réseau postérieurement à la cessation du contrat de franchise ;
* les sommes de 36 807 euros et 23 700 euros pour non-respect de l'engagement de transfert des contrats de formation à l'anglais en cours au jour de la cessation du contrat de franchise ;
- condamner les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li à lui verser une indemnité de procédure de 12 000 euros chacune ainsi qu'aux dépens distraits conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li, intimées, par conclusions des déposées et notifiées le 7 septembre 2018, demandent à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du Code civil, de confirmer le jugement entrepris et de condamner EPMF à leur payer une indemnité de procédure de 25 000 euros et aux dépens.
La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Sur l'utilisation prétendument fautive de la marque et des signes distinctifs du réseau postérieurement à la cessation du contrat de franchise
Les parties s'opposent sur l'existence d'une cause étrangère déliant les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li de leur obligation à ce titre.
Les premiers juges ont retenu par des motifs pertinents que la cour adopte que les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li étaient de bonne foi pour avoir diligenté, dès avant l'expiration du contrat en examen, les mesures nécessaires à la suppression des références Wall Street Institute sur les pages " Pages jaunes " des sociétés Eclade et Cha.Yo.Li et que le défaut d'effectivité de ces mesures avant le 27 juin 2016 était imputable à une cause étrangère, à savoir la défaillance technique relevée par les " Pages jaunes " dans leur courriel du 3 octobre 2016.
Il suffira d'ajouter qu'il résulte de cet email que les pages jaunes utilisent diverses données dont celles de l'INSEE qui gère le répertoire SIRENE, à l'origine de cette défaillance.
Or, les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li établissent avoir effectué dès octobre 2014 les démarches nécessaires à leur identification auprès de cet organisme, comme en attestent leurs pièces 403 à 405, étant observé qu'il n'est pas contesté que " la déclaration de modification " déposée pour ce faire vaut déclaration à l'INSEE.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur le non-respect prétendu de l'engagement de transfert des contrats de formation à l'anglais, en cours au jour de la cessation du contrat de franchise
Les parties s'opposent sur la portée de l'article 3 de l'avenant du 15 avril 2005 au contrat de franchise.
L'article 24 - 5 du contrat de franchise en examen, signé entre EPMF et la société Euclade, stipule à l'alinéa (a) que " les clients du franchisé seront transférés au Master avec son fichier ainsi que tous les contrats en cours avec le client ".
L'article 3 de l'avenant litigieux à ce contrat, intitulé " appartenance de la clientèle " prévoit que " le franchisé est propriétaire de sa clientèle locale avec laquelle il a traité ou avec laquelle il traitera à l'avenir " et son article 11 stipule sous le titre " portée du présent avenant " : " en cas de contradiction ou d'incompatibilité entre les stipulations du présent avenant et celles du contrat, les stipulations du présent avenant prévaudront ".
Par avenant signé en 2010, EPMF a accordé à la société Euclade le droit de céder à Cha.Yo.Li les droits et obligations nés de ce contrat de franchise et de cet avenant pour le territoire de la Vendée
En conséquence, les premiers juges ont retenu par des motifs pertinents que l'article 3 de l'avenant du 15 avril 2005, qui prime sur le contrat de franchise, délie les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li de leur obligation initiale de transfert des contrats en cours dès lors qu'il prévoit que le franchisé est propriétaire de sa clientèle locale, y compris pour les transactions futures, sans mentionner de dérogation pour les contrats en cours au moment de la résiliation.
EPMF, qui soutient que cette interprétation dénature le contrat et son avenant, n'apporte aucun élément utile en ce sens en appel, l'obligation de transfert des contrats en cours lors de la résiliation n'étant la conséquence de celle-ci que si le franchisé n'est pas propriétaire de sa clientèle locale dès lors que le transfert des contrats en cours revient au même que la communication du fichier client.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur les redevances restant prétendument dues sur les encaissements reçus postérieurement à la cessation du contrat
Les parties s'opposent sur la base de calcul pertinente.
Les premiers juges ont retenu par des motifs pertinents que la cour fait siens que la base de calcul de ces redevances ne peut pas être, comme le soutient EPMF, l'encours clients au 31 décembre 2014, en l'absence de transfert des contrats en cours et que les attestations comptables versées par les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li établissaient les sommes dues à ce titre.
Il suffira d'ajouter qu'il n'y a pas d'incohérence entre les chiffres avancés dans ces attestations qui ne sont relatives qu'aux clients Wall Street jusqu'au 17 octobre 2014 et ceux figurant aux comptes publiés par les sociétés Eclade et Cha.Yo.Li, qui leur sont logiquement supérieurs quant aux encours clients au 31 décembre 2014.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Conformément aux articles 696 et 700 du Code de procédure civile, EPMF, partie perdante doit supporter la charge des dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure et l'équité commande de la condamner à ce dernier titre dans les termes du dispositif de la présente décision.
Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement entrepris ; y ajoutant, Condamne la société Educational Programs Master France (EPMF) aux dépens d'appel et à payer aux sociétés Eclade et Cha.Yo.Li une indemnité de procédure globale de 10 000 euros.