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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 22 novembre 2019, n° 16-05127

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseiller :

M. Pothier

Avocats :

Mes Quemener, Donneve

CA Rennes n° 16-05127

22 novembre 2019

EXPOSE DU LITIGE :

Le 25 janvier 2013, X a vendu à Y, au prix de 22 000 euros, un véhicule de marque Porsche modèle 911 de type 996, qu'il avait acquis le 5 juin 2008. Le véhicule affichait un kilométrage de 128 455 km.

Le 30 mars 2013, après avoir parcouru 2 516 km depuis la vente, Y est tombé en panne. Le garagiste qui a réceptionné le véhicule, considérant que celui-ci présentait un certain nombre d'anomalies, a sollicité l'avis d'un technicien de la concession Porsche de Perpignan qui a constaté qu'une bielle était coulée et préconisé le remplacement du moteur. Le montant de cette réparation s'élevait à 22 839 euros.

Par acte d'huissier en date du 9 janvier 2014, Y a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise judiciaire. Par ordonnance du 10 mars 2014, M. Z a été désigné en qualité d'expert. Il a déposé son rapport le 6 octobre 2014.

L'expert ayant conclu à l'existence d'un vice grave du moteur dont l'origine était antérieure à la vente, Y a assigné X, par acte d'huissier en date du 29 décembre 2014, en garantie des vices cachés et en demande d'une réduction du prix.

Par jugement en date du 18 mai 2016, le tribunal de grande instance de Brest a condamné X à rembourser à Y la somme de 22 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision et à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Il a débouté Y du surplus de ses demandes et X de l'ensemble de ses demandes. Il a ordonné l'exécution provisoire.

M. X a relevé appel de cette décision le 30 juin 2016. Il demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement, de constater que le rapport d'expertise n'a aucune valeur probante et de débouter Y de l'ensemble de ses prétentions.

A titre subsidiaire, il demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a été condamné à payer la somme de 22 000 euros. Il demande à la cour de dire et juger que la fraction du prix à restituer correspond au quart d'un moteur neuf et donc de limiter sa condamnation à la somme de 5 710 euros. Il sollicite en outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamnation de M. Y aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par conclusions déposées le 3 septembre 2019, Y demande la confirmation partielle du jugement de première instance et de :

- dire et juger que la destruction des coussinets de la 6e bielle constitue un vice caché,

- dire et juger que M. X est de mauvaise foi,

- condamner X à lui payer les sommes de : 27 539,06 euros au titre des travaux de remise en état, 1 500 euros au titre des frais occasionnés par la vente, 6 065,19 euros au titre des réparations imputables au vice caché, 9 420 euros au titre des frais de gardiennage, 35 000 euros au titre du préjudice de jouissance et 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Après saisine du conseiller de la mise en état aux fins de radiation, X a réglé les sommes dues en octobre 2016. Par ordonnance en date du 9 décembre 2016, il a été constaté que Y se désistait de l'incident d'instance soulevé.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par celles-ci, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 septembre 2019.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur l'existence d'un vice caché :

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, " le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus. "

Pour établir l'existence d'un vice caché affectant le véhicule de marque Porsche modèle 911 de type 996 qu'il a acheté à M. X, M. Y se fonde sur les conclusions de l'expert désigné par ordonnance de référé, M. Z. Celui-ci a conclu dans son rapport que la détérioration des deux demi-coussinets de la 6e bielle avait provoqué la destruction du moteur. Il a émis deux hypothèses à l'origine du dommage :

- 1) un défaut de lubrification momentané (déjaugeage) lié obligatoirement à un manque d'huile dans le moteur,

- 2) et/ou une contrainte hydraulique provoquée par la fuite du liquide de refroidissement.

La panne ne pouvant provenir que de l'une de ses deux hypothèses, l'expert affirme que son origine est antérieure à l'achat du véhicule par M. Y.

M. X conteste les conclusions de l'expert au motif que celui-ci n'a pu déterminer avec précision l'origine de la panne. Il soutient que le rapport de M. Z ne peut avoir de valeur probante au motif que l'expert n'a pas pris le soin de vérifier le numéro de moteur qu'il a examiné de sorte qu'il est impossible de savoir si le moteur examiné est celui du véhicule qu'il a vendu à M. Y. M. X souligne également que les circonstances exactes de la panne n'ont pas été précisées par M. Y et que le véhicule a été présenté dès l'acquisition au garage Historic Racing Cars qui est intervenu très largement dans le moteur (notamment en procédant à son démontage) et n'a rien constaté. Selon l'appelant, le garagiste aurait dû voir le coulage de la bielle. M. X fait valoir que le coulage peut provenir d'un manquement de l'EURL Historic Racing Cars. Il met en avant également une faute de M. Y, 50 km avant la panne, qui a pu gravement endommager le moteur par des surrégimes. Il prétend aussi que la fuite du liquide de refroidissement était nécessairement apparente et que M. Y ou son garagiste auraient dû s'en apercevoir à l'achat.

Il convient de noter qu'une première expertise amiable contradictoire a été effectuée avant l'expertise judiciaire. Elle a été diligentée par l'assureur de M. Y, la Matmut. Les opérations d'expertise ont été menées en présence de l'expert mandaté par l'assureur au titre de la protection juridique de M. X et de l'expert de l'assureur du garage Historic Racing Cars dans les ateliers de ce dernier à Le Boulou le 17 septembre 2013. Les experts ont constaté la destruction des coussinets de la 6e bielle. L'expert de la Matmut a estimé que l'altération des coussinets pouvait découler d'un défaut d'entretien ou d'un défaut de lubrification lié à une fuite d'huile. Constatant sur les factures fournies par M. X l'achat d'une culasse située du même côté que le cylindre n° 6, l'expert a émis l'hypothèse qu'une porosité de la culasse avait pu générer des contraintes excessives sur les coussinets de bielle. Selon lui, le " process de dégradation des Coussinets " a pu être lent et progressif mais il était engagé lors de la cession du véhicule. Il a précisé que l'intervention du garage Historic Racing Cars n'avait pas de lien avec les dommages relevés.

L'expert judiciaire, M. Z, a procédé à des réunions d'expertise le 4 juin 2014. M. X était représenté par le même expert automobile mandaté par son assureur que lors de l'expertise amiable. Celui-ci n'a émis aucune réserve quant au moteur examiné qui apparaît être celui du véhicule Porsche qu'il a vendu à M. Y.

L'expert judiciaire a conclu que la destruction des coussinets de la 6e bielle n'était imputable ni à un vice de construction ni à l'usure normale liée à l'utilisation ni à une utilisation défectueuse. Cette destruction était due, selon lui, à un défaut d'entretien et/ou à un défaut d'investigation lors du remplacement de la culasse. M. Z a en effet vu une facture d'achat d'une culasse occasionné selon le garage qu'il a contacté par une fissure au niveau du ressort des soupapes. Ne parvenant pas à retrouver la facture de l'intervention de remplacement de la culasse et M. X ne produisant pas de facture relative à cette réparation qu'il aurait payée en espèces, M. Z a pu émettre l'hypothèse que la dégradation des coussinets était consécutive à une contamination de l'huile par le liquide de refroidissement lors de la dégradation d'une des deux culasses. L'expert a exclu que le surrégime constaté une heure ou 50 km avant la panne imputable à M. Y soit à l'origine de la panne en raison de sa faible intensité. Du fait des hypothèses émises pour l'origine de la panne, l'expert a conclu que le vice grave du moteur était antérieur à la date d'achat confirmant et précisant ainsi les conclusions de la première expertise. Enfin, M. Z a répondu à tous les dires de M. X, notamment ceux relatifs à la contenance en huile du moteur.

Enfin, l'expert a entériné le coût de la remise en état estimé par Alliance Auto, concessionnaire Porsche, le 24 mai 2013 à la somme de 22 829, 70 euros TTC et souligné que le coût de la réparation était supérieur à la valeur d'achat du véhicule.

En conséquence, il est établi par les pièces produites par M. Y que le véhicule Porsche 911 qu'il a acheté le 25 janvier 2013 à M. X était entaché d'un vice caché affectant le moteur et empêchant d'utiliser le véhicule sans procéder à une réparation plus chère que la valeur d'achat du véhicule. C'est à juste titre que le tribunal a dit que X devait garantir Y des défauts relevés dans le cadre de l'expertise judiciaire.

Sur la réduction de prix :

En application de l'article 1644 du Code civil, M. Y a choisi de garder le véhicule et de demander une réduction du prix. Il soutient que la réduction du prix demandée au titre de l'action estimatoire doit être égale au coût des travaux de remise en état. En l'espèce, le prix des réparations a été fixé à la somme de 22 879,70 euros par l'expert. M. Y produit un devis de réparation établi par le centre Porsche de Perpignan le 29 septembre 2015 à la somme de 27 539,06 euros qu'il réclame au titre des travaux de remise en état.

M. X demande à la cour de fixer la réduction du prix à la somme de 5 710 euros correspondant au quart du prix des réparations retenu par l'expert au motif que le véhicule qui valait, à l'état neuf, la somme de 80 000 euros, avait perdu les trois quart de sa valeur lors de la vente à M. Y.

Mais l'action estimatoire a pour objet de replacer l'acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'avait pas été atteinte de vices cachés de sorte que M. Y ne peut voir le prix d'achat réduit de seulement 5 710 euros alors qu'il a déboursé 22 000 euros pour un véhicule qui ne peut rouler sans effectuer des réparations d'un montant supérieur à son prix d'achat.

Cependant, lorsque le coût des travaux de réparation est supérieur à la valeur du bien tel qu'il résulte de la convention des parties et que l'acquéreur conserve la chose, il n'a le droit de se faire rendre qu'une partie du prix. En conséquence, la réduction du prix ne peut correspondre au prix de vente comme l'a décidé le tribunal. Il convient donc de réformer le jugement et de fixer la réduction du prix à la somme de 19 000 euros, compte tenu du prix de vente du véhicule et de la nature du défaut qui l'affecte.

Sur les autres sommes demandées par M. Y :

L'article 1646 du Code civil limite les obligations pesant sur le vendeur d'un bien affecté d'un vice caché dont il ignorait l'existence à la restitution du prix et des frais occasionnés par la vente. Il n'est nullement établi par l'acheteur que M. X avait connaissance du vice affectant le véhicule qu'il a vendu. Le défaut d'entretien du véhicule pendant 42 mois alors que le constructeur le préconise tous les 20 000 km ou tous les douze mois ne peut suffire à démontrer que M. X avait connaissance de l'altération des coussinets de la 6e bielle, comme le soutient M. Y. Les deux experts (amiable et judiciaire) ont noté que le processus de dégradation des coussinets dans l'hypothèse où celui-ci provenait d'une fuite du liquide de refroidissement avait été lent et progressif de sorte qu'il pouvait passer inaperçu pour le propriétaire du véhicule.

Sur l'ensemble des sommes réclamées par M. Y en réparation de son préjudice, seule la somme de 1 500 euros au titre des frais occasionnés par la vente se décomposant comme suit : 400 euros au titre des frais de déplacement pour récupérer le véhicule, 600 euros au titre des frais de carte grise et 500 euros au titre des frais d'assurance pour un semestre de l'année 2013, pourra être allouée à M. Y qui sera débouté de toutes ses autres demandes d'indemnisation.

M. X qui succombe dans ses demandes supportera la charge des entiers dépens de l'instance.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à M. Y la charge des frais qu'il a exposés en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. M. X sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement rendu le 18 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Brest sauf en ce qu'il a condamné M. X à verser à M. Y la somme de 22 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, Statuant à nouveau, Condamne M. X à payer à M. Y la somme de 19 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, Y ajoutant, Condamne M. X à payer à M. Y la somme de 1 500 euros au titre des frais occasionnés par la vente, Condamne M. X à payer à M. Y la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. X aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

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