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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 21 novembre 2019, n° 17-03686

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Prioult (SARL)

Défendeur :

Leroux (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mmes Heijmeijer, Gouarin

Avocats :

Mes Bot, Delalande

T. com. Caen, du 20 sept. 2017

20 septembre 2017

EXPOSE DU LITIGE

Suivant facture établie le 29 juin 2012, la SARL Leroux, qui exerce une activité de fabrication et de pose de charpentes et ossatures en bois, a acquis auprès de la SARL Prioult un ensemble de matériels roulants comprenant notamment un tracteur d'occasion de marque Iveco acquis pour un prix de 18 000 euros HT, tracteur sur lequel a été installée une grue hydraulique de chargement.

A la suite de problèmes mécaniques rencontrés avec le tracteur, une expertise amiable a été diligentée par l'assureur de la SARL Leroux et confiée à la SARL Alliance Expertise Automobile, qui a établi son rapport le 20 janvier 2014.

Par ordonnance de référé rendue le 30 septembre 2014, le président du tribunal de commerce de Coutances a ordonné une mesure d'expertise judiciaire à la demande de la SARL Leroux.

L'expert, M. X, a déposé son rapport le 1er juillet 2015.

Par acte d'huissier délivré le 22 décembre 2015, la SARL Leroux a fait assigner la SARL Prioult devant le tribunal de commerce de Coutances sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par jugement rendu le 1er février 2016, le tribunal de commerce de Coutances a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Caen au visa des dispositions de l'article 47 du Code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 20 septembre 2017, le tribunal de commerce de Caen a :

- déclaré non prescrite l'action en garantie des vices cachés engagée par la SARL Leroux ;

- débouté la SARL Prioult de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SARL Prioult à payer à la SARL Leroux la somme de 18 000 euros HT au titre de la restitution du prix de vente du véhicule ;

- condamné la SARL Prioult à payer à la SARL Leroux la somme de 12 944,52 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné la SARL Prioult à réaliser à ses frais la dépose de la grue hydraulique de marque Fassi et de la restituer à la SARL Leroux ;

- condamné la SARL Prioult à payer à la SARL Leroux la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour la pose de la grue hydraulique sur un nouveau matériel ;

- débouté la SARL Leroux du surplus de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné la SARL Prioult à payer à la SARL Leroux la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la SARL Prioult aux dépens, y compris les frais de la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire.

Par déclaration en date du 1er décembre 2017, la SARL Prioult a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions reçues le 24 septembre 2019, la SARL Prioult demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris ;

A titre principal

- constater la prescription de l'action de la société Leroux sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

A titre subsidiaire

- débouter la SARL Leroux de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire

- débouter la SARL Leroux de ses demandes de dommages et intérêts complémentaires ;

- si par impossible l'existence de préjudices était consacrée, les limiter à la somme de 10 556,26 euros TTC ;

- condamner la SARL Leroux à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par dernières conclusions signifiées le 24 septembre 2019, la SARL Leroux demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a déclaré non prescrite l'action engagée ;

- annuler la vente du tracteur ;

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la SARL Prioult à verser à la SARL Leroux la somme de 18 000 euros en remboursement du prix du tracteur ;

- dire que la SARL Leroux restituera le tracteur à réception du remboursement du prix de vente ;

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la SARL Prioult à procéder à ses frais à la dépose de la grue hydraulique et à restituer ladite grue à la SARL Leroux ;

- dire que cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard si la SARL Prioult ne procède pas à la dépose de la grue et à sa restitution dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt de la cour ;

- réformer le jugement rendu en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnisation à la somme de 12 944,52 euros ;

- condamner la SARL Prioult à lui verser la somme de 30 042,05 euros à titre de dommages et intérêts ;

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la SARL Prioult à lui verser la somme de 12 944,52 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la SARL Prioult à lui verser, sur présentation d'un justificatif de ces frais, les frais de pose de la grue hydraulique de marque Fassi sur le tracteur dont la SARL Leroux fera l'acquisition pour remplacer le tracteur vendu ;

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la SARL Prioult à lui verser la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour la pose de la grue hydraulique sur un nouveau matériel ;

- débouter la SARL Prioult de ses demandes ;

- condamner la SARL Prioult à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la SARL Prioult aux dépens de la procédure de référé, de la procédure avant dire droit ayant donné lieu au jugement rendu le 16 novembre 2016, de la procédure ayant donné lieu au jugement rendu le 20 septembre 2017, des frais d'expertise et de la procédure en appel.

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens de celles-ci.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 septembre 2019.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Aux termes de l'article 1648 du Code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

L'appelante soutient que la société Leroux a eu connaissance des désordres dès son acquisition et que l'action engagée par voie d'assignation du 22 juillet 2014 est irrecevable comme étant tardive.

En l'espèce, si la SARL Leroux déclare avoir rencontré des problèmes avec le tracteur dès son acquisition, elle précise que la première panne est survenue le 23 juillet 2012 et qu'elle n'a eu connaissance des vices que lors de l'expertise judiciaire.

Le point de départ du délai de prescription n'est pas caractérisé par les difficultés rencontrées avec le véhicule, qui remontent à la période de son acquisition, mais par la date de la connaissance par la SARL Leroux de la nature des vices affectant le véhicule, soit la date du rapport d'expertise amiable établi le 2014.

Il en résulte que l'action engagée par voie d'assignation en référé expertise le 22 juillet 2014 l'a été dans le délai de deux ans suivant la découverte du vice et a valablement interrompu le délai de prescription.

Un nouveau délai de prescription a donc commencé à courir, qui a été interrompu par l'assignation en annulation de la vente délivrée le 22 décembre 2015.

Il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu'elles ont écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action rédhibitoire.

Sur l'action en garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En l'espèce, les conclusions de l'expert judiciaire relatives aux désordres sont les suivantes :

- moteur fatigué, consommation d'huile trop importante

- les rapports de 5e et 6e " craquent " au niveau de la boîte de vitesses

- toit de cabine non étanche

- direction trop dure

- suspension peu souple

- utilisation du tracteur avec un plateau litigieux.

L'expert estime que " la plupart de certains de ces désordres trouvent leur origine dans les utilisations antérieures de ce véhicule " mais ne se prononce pas sur l'impropriété du véhicule examiné à sa destination.

S'agissant de la consommation excessive d'huile consécutive à l'usure prématurée du moteur, cette consommation, dont aucune pièce ne permet au demeurant d'établir qu'elle serait antérieure à la vente, ne constitue nullement un vice de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination ou à en diminuer l'usage, étant observé au surplus que l'usure du moteur d'un véhicule mis en circulation 17 ans plus tôt et ayant parcouru 340 000 kms est un phénomène normal qui ne saurait recevoir la qualification de vice caché.

S'agissant du défaut d'étanchéité du toit de la cabine, ce désordre n'est pas davantage de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination au sens de l'article 1641 du Code civil.

S'agissant de l'usage difficile de la boîte de vitesse, du caractère peu souple de la suspension et de la direction trop dure, il s'agit de vices apparents qui ne peuvent servir de fondement à l'action en garantie des vices cachés.

S'agissant du défaut de conformité du tracteur avec le plateau à la réglementation, il n'est nullement caractérisé par l'expert qui relève que " dans sa configuration actuelle le tracteur, sur route, pourrait éventuellement poser problème en cas de contrôle ".

Il en résulte que l'expertise judiciaire ne met en évidence aucun vice caché affectant le tracteur de nature à le rendre impropre à son usage justifiant l'action rédhibitoire exercée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de débouter la SARL Leroux de sa demande d'annulation de la vente et de ses demandes subséquentes en restitution du prix de vente et en dommages et intérêts.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront infirmées.

Partie perdante, la SARL Leroux devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL Prioult les frais irrépétibles exposés à l'occasion de la première instance et de l'instance d'appel.

Aussi la SARL Leroux sera-t-elle condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et déboutée de sa demande formée à ce titre.

Par ces motifs : Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Caen le 20 septembre 2017 dans toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant déclaré recevable l'action engagée par la SARL Leroux ; Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées ; Déboute la SARL Leroux de sa demande en annulation de la vente et de ses demandes subséquentes ; Condamne la SARL Leroux aux dépens de première instance et d'appel ; Condamne la SARL Leroux à verser à la SARL Prioult la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la SARL Leroux de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

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