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Décisions

Cass. com., 20 novembre 2019, n° 17-17.648

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Syndicat national des fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées

Défendeur :

Actis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Coutard, Munier-Apaire

T. com. Versailles, 4e ch., du 20 sept 2…

20 septembre 2002

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 janvier 2017), que reprochant à la société Actis, spécialisée dans la conception et la fabrication d'isolants minces multi-couches réflecteurs pour le bâtiment, d'avoir effectué une publicité comparative illicite et trompeuse en présentant ses produits dans la presse et dans sa documentation commerciale, entre 1995 et 2005, comme étant équivalents ou plus performants que les isolants traditionnels en laine minérale, le syndicat national des fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées (le syndicat) l'a assignée en paiement de dommages-intérêts pour actes de concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen - Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que la publicité comparative n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur ; que l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée assume la charge de prouver l'exactitude de ses allégations, indications ou présentations ; qu'au cas d'espèce, en rejetant toutes les demandes du syndicat, fondées sur la publicité comparative mise en œuvre par la société Actis entre les produits qu'elle fabriquait (isolants minces réfléchissants) et les produits isolants en laine minérale, motif pris de ce que les deux rapports d'expertise judiciaire ne permettraient pas de conclure que les produits isolants minces étaient moins efficaces que les isolants en laine minérale, quand la charge de la preuve de l'exactitude de ces allégations, indications ou présentations pesait sur la société Actis, qui devait donc supporter le risque de la preuve et par suite succomber en cas de doute sur la véracité et la loyauté de ses affirmations ainsi que sur l'absence d'erreur créée dans le chef du consommateur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 121-8 et L. 121-12 du Code de la consommation (dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable à l'espèce), ensemble les articles 1315 ancien (devenu 1353 nouveau) et 1382 ancien (devenu 1240 nouveau) du Code civil ; 2°) que dès lors que l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée assume la charge de prouver l'exactitude de ses allégations, indications ou présentations, l'action exercée contre l'auteur de la publicité comparative ne peut être repoussée qu'à la condition que les juges du fond vérifient la véracité du contenu de la publicité ; qu'au cas d'espèce, en ne vérifiant positivement à aucun moment que le produit isolant commercialisé par la société Actis, objet de la publicité comparative critiquée par le syndicat, présentait bien les performances qu'elle lui attribuait et qui auraient été équivalentes à celles des produits en laine minérale, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 121-8 et L. 121-12 du Code de la consommation (dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable à l'espèce), ensemble les articles 1315 ancien (devenu 1353 nouveau) et 1382 ancien (devenu 1240 nouveau) du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que le premier test ne pouvait être estimé significatif et pertinent, n'ayant pas été réalisé dans les conditions réelles de l'époque, et que le second test avait été pratiqué sans qu'une mesure effective et concrète de l'épaisseur de la laine minérale posée soit effectuée dans des conditions objectives et de manière contradictoire, ces circonstances découlant d'un manque de rigueur des opérations d'expertise, dont il écarte les conclusions, l'arrêt relève que les pièces saisies lors de l'instruction diligentée par l'Autorité de la concurrence établissent la crainte du syndicat de voir révéler que les performances thermiques de la laine minérale sont altérées sous l'effet d'un manque d'étanchéité à l'air et que les constatations de M. Patierno, sapiteur, dans sa note du 19 décembre 2008, contredisent les conclusions des experts sur le rôle infime de la perméabilité à l'air des bâtiments, ce sapiteur ayant constaté l'insensibilité de l'isolant Tri-iso super 9 par rapport à l'isolant en laine minérale face aux effets de la pression de l'air qui s'exerce sur la surface de l'isolant et qui en réduit le pouvoir d'isolation et ayant conclu que la résistance thermique de l'isolant en laine était réduite par l'influence des mouvements d'air qui s'exerce sur lui et que ses caractéristiques de conductivité thermique se dégradaient au point de rendre 200 mm de laine minérale thermiquement moins performants que le produit de la société Actis ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines des éléments de preuve produits par la société Actis, desquelles il ressort que les performances d'isolation de son produit étaient au moins équivalentes à celles des produits en laine minérale, la cour d'appel a pu, sans inverser la charge de la preuve, retenir que les allégations de publicité comparative fausse du syndicat n'étaient pas fondées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que le syndicat fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) qu'est interdite toute publicité comportant, sous quelle que forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ; que le caractère trompeur de la publicité doit s'apprécier aux yeux d'un consommateur profane, et non aux yeux d'un professionnel de la construction ; qu'au cas d'espèce, en repoussant les demandes du syndicat fondées sur la publicité trompeuse imputée à la société Actis relativement aux performances de son produit mince par rapport aux isolants en laine minérale, au seul regard des caractéristiques techniques des produits tels que mis en œuvre par des professionnels, sans rechercher à aucun moment, comme elle y était invitée, si les publicités de la société Actis n'étaient pas néanmoins trompeuses aux yeux d'un consommateur profane, dès lors que la prétendue équivalence des performances des produits isolants supposait l'existence de conditions d'utilisation correspondant à une situation anormale différente de la situation réelle de pose et d'utilisation des produits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 121-1 du Code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-300 du 14 mars 2016, applicable à l'espèce), ensemble l'article 1382 ancien (devenu 1240 nouveau) du Code civil ; 2°) qu'est interdite toute publicité comportant, sous quelle que forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ; qu'au cas d'espèce le syndicat soutenait que l'appréciation du caractère trompeur des publicités de la société Actis pour ses produits minces, comparés aux isolants en laine minérale, devait se faire au regard d'une pose des matériaux conforme aux règles de l'art de la construction, lesquelles supposent qu'une étanchéité à l'air soit assurée afin d'éviter des fuites d'air par les parois, auquel cas les performances des laines minérales étaient selon toutes les études, ainsi que selon les experts, sans équivoque nettement supérieures à celles des isolants minces ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de retenir que la moindre performance des isolants minces n'était pas démontrée dans le cadre d'une utilisation où l'étanchéité du bâtiment à l'air n'était pas garantie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 121-1 du Code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-300 du 14 mars 2016, applicable à l'espèce), ensemble l'article 1382 ancien (devenu 1240 nouveau) du Code civil ; 3°) qu'est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ; qu'au cas d'espèce, le syndicat faisait encore valoir que le caractère trompeur des publicités diffusées par la société Actis, relativement aux produits minces qu'elle produisait, était attesté par la falsification de leur résistance thermique, puisque la société avait inventé, pour ses propres besoins, un coefficient de résistance thermique dénommé " Rt ", n'obéissant pas aux mêmes règles que la résistance thermique notée " R " utilisée partout ailleurs, dont elle vantait la valeur prétendument supérieure à celle des produits concurrents et qui était de nature à créer la confusion dans l'esprit du consommateur ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de conclure à l'absence de caractère trompeur des publicités de la société Actis, la cour d'appel n'a pas davantage donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 121-1 du Code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-300 du 14 mars 2016, applicable à l'espèce), ensemble l'article 1382 ancien (devenu 1240 nouveau) du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que les poursuites du chef de publicité mensongère et de publicité comparative fausse imputés à la société Actis devaient être écartées, la cour d'appel n'était pas tenue, pour statuer sur les pratiques commerciales trompeuses également alléguées, de procéder à la recherche invoquée par la première branche, que ses appréciations rendaient inopérante ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt énonce qu'au début des années 2000, la réglementation thermique n'avait pas pris en compte les problématiques d'étanchéité ou de calfeutrage des habitations, que l'écran sous toiture n'était alors pas obligatoire et que la norme européenne permettant de déterminer la perméabilité à l'air des bâtiments n'a pris effet en France qu'en 2001, pour ne devenir obligatoire qu'à compter d'arrêtés de 2010 ou 2012 ; qu'il retient que, nonobstant les affirmations du syndicat dans les prescriptions de pose de laines minérales données à l'époque, le recours à des joints, pare-vapeur ou écrans sous toitures n'était pas présenté comme systématique et ne pouvait donc être estimé comme répondant aux conditions normales d'utilisation, de sorte que la laine minérale posée pouvait être ventilée ; que par ces motifs, faisant ressortir que l'exigence d'étanchéité n'était pas préconisée par la réglementation au moment de la commercialisation du produit Tri Iso super 9 ni ne relevait des règles de l'art de la construction alors existantes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.