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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 26 novembre 2019, n° 18-02624

REIMS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mécanique 2L (Sasu)

Défendeur :

Fonderie Hadoux (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

Mmes Maussire, Lefort

T. com. Reims, prés., du 5 déc. 2018

5 décembre 2018

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Fonderie Hadoux, qui exerce une activité de fonderie, sous-traitait depuis plusieurs années l'usinage des pièces mécaniques industrielles à la société Mécanique 2L. Elle a mis fin à leurs relations contractuelles selon courrier du 26 juillet 2017 avec un préavis de onze mois.

Souhaitant intenter une action en justice contre la société Fonderie Hadoux pour rupture brutale des relations commerciales et non-respect du préavis notifié, la société Mécanique 2L a, par requête du 30 avril 2018, parvenue au greffe le 3 mai 2018, demandé au président du tribunal de commerce de Reims de désigner un huissier de justice aux fins de mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 4 mai 2018, le président du tribunal de commerce de Reims a désigné la Selarl X, huissiers de justice, avec pour mission de se rendre au siège de la société Fonderie Hadoux et se faire communiquer un certain nombre de documents, notamment le carnet de commandes de la société Frisquet, l'extrait du grand livre fournisseurs et/ou sous-traitants 2017 et 2018 pour les prestations d'usinage confiées à des sous-traitants pour le compte du client Frisquet, les factures adressées à la société Frisquet depuis juillet 2017 et les factures des fournisseurs/sous-traitants intervenus pour des prestations d'usinage pour le client Frisquet depuis juillet 2017.

La Selarl X a accompli sa mission selon procès-verbal du 6 juin 2018 déposé au greffe du tribunal de commerce le 9 juillet 2018.

Par acte d'huissier en date du 19 juillet 2018, la société Mécanique 2L a fait assigner la société Fonderie Hadoux devant le juge des référés du tribunal de commerce de Reims aux fins d'ordonner la mainlevée des éléments et pièces recueillis lors des opérations de constat réalisées par la Selarl X et d'ordonner la communication de ces éléments et pièces à son profit.

La société Fonderie Hadoux a demandé au juge des référés de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Tourcoing (Lille Métropole) sur la demande de mainlevée de séquestre, de rétracter l'ordonnance sur requête du 4 mai 2018, et d'ordonner à la société Mécanique 2L de justifier de la destruction des scellés dans les huit jours de la signification de l'ordonnance, sous astreinte.

Par ordonnance de référé en date du 5 décembre 2018, le président du tribunal de commerce de Reims a :

- constaté que dans sa requête, la société Mécanique 2L indiquait expressément son intention d'assigner la SARL Fonderie Hadoux pour réparer le préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales au sens des dispositions de l'article L. 422-6 I 5° [sic] du Code de commerce et du non-respect du préavis notifié,

- constaté que le tribunal de commerce de Tourcoing avait compétence exclusive dans les litiges pour lesquels il était demandé de faire application des dispositions des articles D. 442-3, R. 420-3 et L. 442-6 du Code de commerce et de son annexe 4.2.1,

- constaté que le président du tribunal de commerce de Reims n'avait pas compétence pour rendre une ordonnance faisant référence aux articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce,

- rétracté l'ordonnance rendue le 4 mai 2018 par le président du tribunal de commerce de Reims, les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce étant de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Tourcoing,

- ordonné au greffier de faire parvenir à la Selarl X les éléments et pièces recueillis lors des opérations de constat réalisées le 6 juin 2018 en exécution de l'ordonnance sur requête du 4 mai 2018,

- ordonné à la Selarl X de justifier par un certificat de réception de l'envoi du greffier,

- ordonné à la Selarl X de détruire les scellés en sa possession à l'expiration du délai des voies de recours et sur la présentation d'un certificat de non appel,

- dit et jugé que les frais de destruction des scellés par la Selarl X seraient mis à la charge de la société Mécanique 2L,

- ordonné à la Selarl X de faire parvenir une expédition de procès-verbal de destruction des scellés à la SARL Fonderie Hadoux et au greffe du tribunal,

- condamné la société Mécanique 2L à payer à la société Fonderie Hadoux la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,

- condamné la société Mécanique 2L aux entiers dépens.

Par déclaration du 17 décembre 2018, la société Mécanique 2L a fait appel de cette ordonnance. Le dossier a été enregistré sous le numéro RG 18-2624.

Par acte d'huissier du 19 décembre 2018, la société Mécanique 2L a fait citer la société Fonderie Hadoux devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lille auquel elle a demandé notamment :

- d'ordonner à la société Fonderie Hadoux de lui communiquer, ainsi qu'à la Selarl X, un certain nombre de pièces (pièces demandées précédemment au président du tribunal de commerce de Reims), sous astreinte,

- de désigner la Selarl X à l'effet de rapprocher et confronter les pièces remises par la société Fonderie Hadoux avec celles qu'il détient en qualité de séquestre, et de dresser procès-verbal.

La société Fonderie Hadoux a demandé au juge des référés de Lille de se déclarer incompétent en raison de la litispendance et de la connexité et renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Reims déjà saisie. Subsidiairement, elle a conclu au débouté.

La société Mécanique 2L a conclu à l'irrecevabilité des exceptions de litispendance et de connexité et a demandé au juge des référés de se déclarer compétent sur ses demandes.

Par ordonnance de référé du 28 février 2019, le président du tribunal de commerce de Lille s'est déclaré incompétent sur le fondement de la litispendance et de la connexité et a renvoyé l'affaire à la cour d'appel de Reims.

Pour statuer ainsi, le juge de référés de Lille a constaté que la société Mécanique 2L sollicitait les mêmes pièces que celles sollicitées par requête du 30 avril 2018, et que la décision de la cour d'appel de Reims aurait pour conséquence de produire les mêmes effets que ceux sollicités à Lille. Il a fait application de l'article 100 du Code de procédure civile l'obligeant à se dessaisir au profit de la juridiction de rang supérieur.

Le greffe du tribunal de commerce de Lille a transmis le dossier à la cour d'appel de Reims par courrier parvenu au greffe de la cour le 18 mars 2018. Le dossier a été enregistré sous le numéro RG 19-858.

Par conclusions n° 2 du 17 avril 2019 (RG 18-2624), la SASU Mécanique 2L demande à la cour d'appel de :

- déclarer recevable et bien fondée la société Mécanique 2L en son appel,

Statuant à nouveau,

- constater que la société Fonderie Hadoux a demandé par voie reconventionnelle, au juge des référés saisi d'une mainlevée de séquestre, la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de commerce de Reims le 4 mai 2018,

- dire et juger que le juge des référés saisi d'une demande en mainlevée de séquestre n'a pas le pouvoir de se prononcer sur une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête au regard des règles de procédure civile,

- dire et juger que le juge des référés du tribunal de commerce de Reims a commis un excès de pouvoir et a outrepassé ses pouvoirs en statuant sur la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête,

En conséquence,

- annuler l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Reims le 5 décembre 2018 en ce qu'elle a ordonné la rétractation de l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Reims en date du 4 mai 2018 n° RG 2018002534,

- annuler en conséquence l'ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal de commerce de Reims le 5 décembre 2018 en ce qu'elle a ordonné la destruction des scellés en la possession de la Selarl X,

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Reims le 5 décembre 2018 en ce qu'il a condamné la société Mécanique 2L à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Et sur renvoi du président du tribunal de commerce de Lille :

- constater que le président du tribunal de commerce de Lille, saisi d'une demande de condamnation de la société Fonderie Hadoux à communiquer à la société Mécanique 2L des pièces comptables et commerciales en vue d'une action en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales entre les parties, s'est déclaré incompétent sur le fondement de la litispendance et de la connexité et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Reims,

A titre liminaire,

- dire si la cour d'appel de Reims est compétente pour statuer sur les demandes de la société Mécanique 2L formées devant le président du tribunal de commerce de Lille,

A titre principal,

- dans l'affirmative, ordonner à la société Fonderie Hadoux, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, la communication à la société Mécanique 2L et à la Selarl X, huissiers de justice à Reims, sur tout support (papier, informatique, etc) des pièces suivantes demandées devant le président du tribunal de commerce de Lille, à savoir :

- le carnet de commandes passées par la société Frisquet à la société Fonderie Hadoux de juillet 2017 à juin 2018 compris, soit depuis la date de notification d'arrêt des relations commerciales avec la société Mécanique 2L,

- le compte auxiliaire " Frisquet " 2017 et 2018,

- extrait du grand livre fournisseurs et/ou sous-traitants 2017 et 2018, notamment les comptes n° 604 et n° 611, pour les prestations d'usinage confiées à des sous-traitants pour le compte du client Frisquet,

- la copie de l'intégralité des factures adressées par la société Fonderie Hadoux à la société Frisquet pour la période de juillet 2017 à juin 2018 compris ;

- la copie de l'intégralité des factures des fournisseurs/sous-traitants de la société Fonderie Hadoux étant intervenus pour les prestations d'usinage se rapportant à des pièces pour le client final Frisquet, pour la période de juillet 2017 à juin 2018 compris,

- désigner la Selarl X, huissiers de justice à Reims, prise en la personne de Me Y, à l'effet de rapprocher et confronter les pièces remises par la société Fonderie Hadoux avec celles qu'il détient en sa qualité de séquestre,

- dire que la Selarl X, huissiers de justice à Reims, prise en la personne de Me Y, dressera un procès-verbal aux termes duquel il rendra compte de sa mission et fera état de toute divergence éventuelle entre ces pièces, constat qu'il remettra sous quinze jours à chacune des parties,

A titre subsidiaire,

- constater que ces demandes présentées devant la cour d'appel de Reims sur renvoi du président du tribunal de commerce de Lille produisent les mêmes effets que la mainlevée du séquestre des éléments et pièces recueillis lors des opérations de constat réalisés le 6 juin 2018 par la Selarl X,

En conséquence,

- ordonner la mainlevée des éléments et pièces recueillis lors des opérations de constat réalisés le 6 juin 2018 par la Selarl X, prise en la personne de Me Y, huissier de justice, en exécution de l'ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Reims du 4 mai 2018,

- ordonner la communication de ces éléments et pièces à la société Mécanique 2L,

En tout état de cause,

- débouter la société Fonderie Hadoux de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Fonderie Hadoux au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle formule les mêmes demandes relatives au renvoi du président du tribunal de commerce de Lille par conclusions du 21 juin 2019 dans le dossier RG 19-858 et sollicite également la jonction des deux dossiers.

Sur l'excès de pouvoir commis par le juge des référés du tribunal de commerce de Reims et la demande d'annulation de l'ordonnance de référé, elle fait valoir que la demande en rétractation d'une ordonnance sur requête relève de la compétence du juge qui a rendu la décision en application des articles 496 et 497 du Code de procédure civile, de sorte que le juge des référés saisi aux fins de mainlevée du séquestre est incompétent pour connaître de la demande de rétractation, et inversement le juge saisi d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ne peut statuer sur la demande reconventionnelle de mainlevée du séquestre. Elle explique qu'au lieu de saisir le juge compétent d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête, la société Fonderie Hadoux a demandé au juge des référés saisi d'une demande de mainlevée du séquestre de rétracter l'ordonnance et d'ordonner la destruction des scellés ; que ces demandes reconventionnelles auraient dû être déclarées irrecevables par le juge des référés ; qu'en statuant sur cette demande en rétractation pour laquelle il ne disposait d'aucun pouvoir, le juge des référés du tribunal de commerce de Reims a violé les règles du Code de procédure civile et a commis un excès de pouvoir, entachant la validité de l'ordonnance litigieuse.

Sur ses demandes présentées concurremment devant le président du tribunal de commerce de Lille, elle invoque, à titre liminaire sur la compétence de la cour d'appel, les dispositions des articles L. 442-6 I. 5° et III et D. 442-3 du Code de commerce et l'annexe 4.2.1 qui attribuent compétence à la cour d'appel de Paris et au tribunal de commerce de Tourcoing (Lille Métropole) pour les affaires du ressort de la cour d'appel de Reims relatives à l'application de l'article L. 442-6 I. 5° sur la rupture brutale des relations commerciales établies. Elle fait valoir que selon la Cour de Cassation le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du Code de procédure civile est le président du tribunal appelé à connaître du litige, c'est-à-dire celui ayant le pouvoir juridictionnel de statuer sur le litige. Elle explique qu'en l'espèce, elle a d'abord saisi le président du tribunal de commerce de Reims aux fins de mesure d'instruction ; que par ordonnance du 5 décembre 2018, le juge des référés n'a pas fait droit à sa demande de mainlevée du séquestre et a rétracté l'ordonnance du requête au motif que le président du tribunal de commerce n'était pas compétent; que c'est pour cette raison qu'elle a saisi le juge des référés de Lille ; que contre toute attente, ce dernier s'est déclaré incompétent sur le fondement de la litispendance et de la connexité, alors que la cour d'appel de Reims n'était pas saisie des mêmes demandes, puisque d'une part l'appel avait été formé au seul motif que le juge des référés de Reims avait outrepassé ses pouvoirs en rétractant l'ordonnance sur requête et qu'il n'était pas demandé à la cour de statuer sur la mainlevée du séquestre qui ne relevait pas de sa compétence, et d'autre part il était demandé au juge des référés de Lille la condamnation de la société Fonderie Hadoux à lui communiquer des pièces pour les besoins de son action en réparation du fait de la rupture brutale des relations commerciales ; qu'ainsi, la cour d'appel de Reims devra se prononcer sur sa compétence avant de statuer sur ses demandes.

Sur ses demandes de communication de pièces, elle invoque une chute considérable du chiffre d'affaire pendant la période de préavis en raison de la diminution des prestations confiées par la société Fonderie Hadoux alors que le préavis suppose le maintien de la relation commerciale. Elle explique que pour pouvoir assigner la société Fonderie Hadoux en indemnisation de son préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales au sens de l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce et prouver la faute de cette dernière dans le non-respect du préavis notifié, elle doit obtenir un certain nombre de pièces comptables et commerciales.

Par ordonnance du 29 avril 2019 (RG 18/2624), le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de la société Fonderie Hadoux en date du 10 avril 2019 en application de l'article 905-2 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 17 juillet 2019 (RG 19-858), la SARL Fonderie Hadoux demande à la cour d'appel de :

- procéder à la jonction des procédures RG n° 19-858 et n° 18-2624,

- se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce de Tourcoing (Lille Métropole),

- condamner la société Mécanique 2L au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur l'incompétence du tribunal de commerce de Reims et de la cour d'appel de Reims au profit du tribunal de commerce de Lille, elle invoque les dispositions des articles L. 442-6 III et D. 442-3 du Code de commerce et l'annexe 4.2.1 qui attribuent compétence au tribunal de commerce de Tourcoing (Lille Métropole) pour les affaires du ressort des cours d'appel d'Amiens, Douai, Reims et Rouen relatives à l'application de l'article L. 442-6, et ce même en référé selon la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle fait valoir qu'en l'espèce, la demande présentée au juge des référés de Reims par la société M2L se rapporte à une rupture brutale des relations commerciales au sens de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce, de sorte que c'est à juste titre que le juge des référés de Reims s'est déclaré incompétent au profit de celui de Tourcoing. En réponse aux conclusions adverses, elle explique que si le juge des référés de Lille s'est déclaré incompétent au profit de la cour d'appel de Reims c'est uniquement en vertu de la connexité et de la litispendance compte tenu de l'appel formé par la société M2L. Elle ajoute que la discussion sur la perte du chiffre d'affaires relève du débat au fond.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la jonction

Il convient, pour une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des dossiers RG n° 18-2624 et RG n° 19-858 et de dire que la présente affaire porte le n° 18-2624.

Sur le pouvoir du juge des référés s'agissant de la demande de rétractation

A titre liminaire, il convient de préciser que la cour d'appel de Reims est parfaitement compétente pour statuer sur la question de savoir si le juge des référés du tribunal de commerce de Reims, saisi d'une demande de mainlevée du séquestre, avait le pouvoir de rétracter l'ordonnance sur requête.

Il résulte de l'article 875 du Code de procédure civile que le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

Aux termes de l'article 493 du même Code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

L'article 496 du Code de procédure civile dispose :

" S'il n'est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel. Le délai d'appel est de quinze jours. L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ".

Aux termes de l'article 497 du même Code, " le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire ".

Il en résulte que la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête relève de la compétence du juge qui l'a rendue, saisi comme en matière de référé. Dans ce référé-rétractation, les règles de procédure (assignation, débat contradictoire, oralité des débats, ordonnance de référé...) sont les mêmes qu'en référé, mais le juge, qui est celui qui a rendu l'ordonnance sur requête, à savoir le président du tribunal, statue avec les pouvoirs du juge de la requête et non avec les pouvoirs du juge des référés ni ceux du juge du fond.

Inversement, le juge des référés ordinaire, saisi par la partie qui se prévaut d'une ordonnance sur requête rendue à son profit, n'a pas le pouvoir de statuer sur une demande reconventionnelle de rétractation de l'ordonnance.

En l'espèce, la société Fonderie Hadoux, qui sollicite la rétractation de l'ordonnance sur requête, n'a pas saisi le président du tribunal de commerce de Reims d'un référé-rétractation. Le juge des référés a été saisi par la société Mécanique 2L d'une demande de mainlevée du séquestre sur le fondement de l'article 872 du Code de procédure civile. La société Fonderie Hadoux a profité de cette instance engagée par la société Mécanique 2L pour demander à titre reconventionnel la rétractation de l'ordonnance sur requête.

Il résulte de l'article 872 du Code de procédure civile que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

C'est donc à tort que le président du tribunal, saisi sur le fondement de cet article et devant statuer avec les pouvoirs du juge des référés définis par ces dispositions, a ordonné la rétractation de l'ordonnance sur requête.

Il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande de rétraction.

Sur la compétence territoriale

L'article L. 442-6 du Code de commerce dispose :

" I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : [...]

5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ".

Aux termes de l'article L. 442-6 III, " les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ".

L'article D. 442-3 du Code de commerce dispose :

" Pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris ".

D'après le tableau de l'annexe 4-2-1, c'est le tribunal de commerce de Tourcoing (Lille Métropole) qui est compétent pour les affaires du ressort de la cour d'appel de Reims.

Dès lors, c'est à juste titre que la société Fonderie Hadoux invoque l'incompétence territoriale du juge des référés du tribunal de commerce de Reims et de la cour d'appel de Reims pour statuer sur les demandes de communication de pièces de la société Mécanique 2L en vue d'une action en responsabilité fondée sur l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce.

Il convient de préciser que c'est par un terme impropre que le juge des référés du tribunal de commerce de Lille s'est déclaré incompétent alors qu'il n'a fait que statuer sur des exceptions de litispendance et de connexité, seuls fondements à sa décision de renvoi, de sorte que les dispositions de l'article 81 alinéa 2 du Code de procédure civile ne peuvent trouver à s'appliquer à sa décision.

Il y a donc lieu de se déclarer incompétente au profit du juge des référés du tribunal de commerce de Lille (Tourcoing) et de lui renvoyer le dossier.

Sur les demandes accessoires

Au regard de la présente décision, il convient de réserver les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, Ordonne la jonction des dossiers RG n° 18-2624 et RG n° 19-858 et Dit que la présente affaire porte le n° 18-2624, Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 5 décembre 2018 par le président du tribunal de commerce de Reims, Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande reconventionnelle de rétraction de l'ordonnance sur requête en date du 4 mai 2018, Dit que le juge des référés du tribunal de commerce de Reims était incompétent territorialement pour statuer sur les demandes de la Sasu Mécanique 2L au profit du juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole (Tourcoing), Se Déclare également incompétente territorialement pour statuer sur les demandes de la Sasu Mécanique 2L, Renvoie l'affaire et les parties devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole (Tourcoing) territorialement compétent, Dit que le dossier sera transmis par le greffe de la cour au greffe du tribunal de commerce de Lille Métropole (Tourcoing), Reserve les demandes des parties fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, Reserve les dépens de première instance et de la procédure d'appel.

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