CA Nîmes, 1re ch. civ., 28 novembre 2019, n° 17-02908
NÎMES
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Equipadom (SARL), Association Nationale de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Handicapes, CPAM Herault venant aux droits de la CPAM du Gard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BRUYERE
Conseillers :
Mmes TOULOUSE, LEGER
Avocats :
Mes Comte, Autric, Saunier, Couturier
EXPOSE DU LITIGE
Après avoir accepté le 17 août 2015 le devis établi le 3 avril 2015, Monsieur B X a acquis auprès de la Sarl Equipadom un fauteuil roulant commandé le 30 octobre 2015.
Le 4 novembre 2015, Monsieur B X a écrit à la Sarl Equipadom pour lui indiquer qu'il refusait le fauteuil commandé au motif qu'il était trop lourd et qu'il avait des difficultés à le placer dans son véhicule.
La Sarl Equipadom a proposé d'effectuer des modifications sur le fauteuil ce que Monsieur B X a refusé.
Par actes des 29 juillet et 16 août 2016, Monsieur B X a assigné la Sarl Equipadom, le Rsi, la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault et l'Agefiph devant le tribunal d'instance de Nîmes afin principalement de voir prononcer la nullité du contrat de vente du fauteuil litigieux et subsidiairement sa résolution, d'obtenir la restitution du prix de vente ainsi que des dommages et intérêts.
Suivant jugement réputé contradictoire du 27 juin 2017, le tribunal d'instance de Nîmes l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la Sarl Equipadom la somme de 600 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Monsieur B X a interjeté appel de cette décision par déclaration du 18 juillet 2017.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2019, il demande à la cour de réformer le jugement du 27 juin 2017 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, principalement, de prononcer la nullité du contrat de vente du fauteuil roulant litigieux passé entre Monsieur B X et la Sarl Equipadom ou subsidiairement sa résolution, d'ordonner en conséquence la restitution du prix de vente à Monsieur B X, soit la somme de 5 645,41 euros, outre la somme de 2 000 euros au titre de dommages et intérêts, de débouter la Sarl Equipadom et l'Association Nationale de gestion du fonds pour l'Insertion Professionnelle des Handicapés de toutes leurs demandes, de déclarer commune et opposable la décision à venir à l'Association Nationale de Gestion du Fond d'Insertion Professionnelle des Handicapés, l'Urssaf, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Herault et de condamner la Sarl Equipadom au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'appelant considère que l'intervention forcée est justifiée par le fait que la décision à venir devra être jugée commune et opposable à sa mutuelle, l'Agefiph, la Caisse primaire d'assurance maladie et l'Urssaf étant donné qu'ils ont participé au financement du fauteuil roulant.
Il affirme que la réticence dolosive de la Sarl Equipadom est caractérisée notamment en ce qu'elle a manqué à son obligation précontractuelle d'information et que son silence l'a poussé à conclure alors qu'il ne l'aurait pas fait en ayant connaissance de toutes les données de fabrication du fauteuil litigieux. À titre subsidiaire, il soulève la non-conformité du fauteuil livré.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2019, la Sarl Equipadom demande à la cour de confirmer le jugement du 27 juin 2017, et en conséquence de débouter Monsieur B X de ses entiers chefs de demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'intimée conteste tout manquement à ses obligations contractuelles. Elle soutient que le défaut d'adaptation du fauteuil dont se prévaut à ce jour le demandeur procède de la seule dégradation de son état physique qu'elle ne pouvait connaître, sans que lui soit remis en amont, par le seul client, l'ensemble des justificatifs médicaux.
Elle précise que le rendez-vous commercial pour présentation du modèle de fauteuil s'est effectivement effectué au domicile de Monsieur B X mais que la signature du contrat de vente s'est faite à son siège social le 17 août 2015.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2017, l'association Agefiph demande à la cour de débouter Monsieur B X de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 700 euros en cause d'appel, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, lesquels seront recouvrés directement par la Scp Laick Isenberg.
La déclaration et les conclusions d'appel ont été signifiée à la CPAM et au RSI le 4 septembre 2017 et le 13 décembre 2017 ; l'AGEFIPH leur a fait signifier ses conclusions le 10 juillet 2018 ; les actes ont été à chaque fois par remis à une personne habilitée à les recevoir.
Par courrier du 10 octobre 2017, la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault a indiqué qu'elle n'entendait pas intervenir à l'instance.
L'organisme Rsi Languedoc Roussillon n'a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée le 19 septembre 2019 et l'affaire a été fixée à l'audience du 3 octobre 2019.
MOTIFS
Selon l'article L. 111-1, dans sa rédaction alors en vigueur, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations tenant notamment aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné.
Le premier juge a exactement rappelé qu'en vertu de l'article L. 111-4, la charge de la preuve de l'exécution de cette obligation pesait sur le vendeur, mais considéré à tort que celle-ci était en l'occurrence rapportée.
S'agissant d'un fauteuil roulant, qui est amené à être transporté, manipulé et chargé dans un véhicule par la personne à mobilité réduite, éventuellement seule comme c'est le cas pour M. X, le poids et l'encombrement de l'objet constituent des caractéristiques essentielles de celui-ci.
Il est constant que, le 16 janvier 2015, un essai du modèle dont l'achat était envisagé a eu lieu au domicile de M. X, à l'initiative et en présence du représentant du fournisseur, M. A C. Mais, l'unique attestation de celui-ci, intéressé au litige, ne peut suffire à établir que la documentation complète relative à ce modèle a bien été remise à M. X, qui le conteste.
L'essai réalisé par M. Z, écourté par celui-ci à qui il était proposé de le conserver quelques jours, pouvait le familiariser avec les dimensions du fauteuil et sa manipulation mais ne peut remplacer la fourniture des données objectives relatives notamment à son poids.
Au surplus, le modèle de base a été modifié et complété par plusieurs équipements et accessoires dont il est certain qu'ils l'alourdiraient dans une mesure dont M. X ne pouvait en tout état de cause pas se convaincre lors de l'essai du modèle de base. Il appartenait donc au vendeur d'indiquer à M. X le poids total de l'équipement qu'il souhaitait une fois celui-ci entièrement équipé. Ainsi, tandis que le poids du modèle de base est de 4,9 kg, celui de l'ensemble choisi par M. X s'avère être de 7,8 kg.
Or, les trois devis proposés à M. Y attestent d'une discussion sur les caractéristiques du produit et des options, mais aucun ne renseigne le poids de chaque composant de celui-ci pas plus que son poids final. Si, comme le dit la société Equipadom, le poids exact du fauteuil fabriqué sur mesure ne pouvait être donné ou garanti, cette information devait être communiquée de façon très claire à son client.
Il en résulte que la société Equipadom ne justifie pas avoir donné à M. X une information complète sur le poids du fauteuil dont il a passé commande et qui lui aurait permis de s'engager en toute connaissance de cause. Il ne peut lui être reproché d'avoir ultérieurement refusé de renoncer à certains accessoires afin d'alléger le fauteuil, alors qu'il recherchait une formule sur mesure qui n'a en définitive pu lui être fournie. Compte tenu de l'importance que représentait le poids du fauteuil à ses yeux, M. X aurait pu s'orienter vers une autre solution, ou contracter à d'autres conditions. Si aucun dol du vendeur n'est caractérisé, l'erreur provoquée par son manquement à son obligation précontractuelle d'information, d'ordre public, justifie dès lors l'annulation de la convention.
Le préjudice subi par M. X, qui a pris livraison d'un fauteuil inadapté à ses besoins et vécu de ce fait une situation anxiogène, sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 .
Partie succombante, la société Equipadom supportera la charge des dépens d'appel et sera condamné à payer à l'appelant la somme de 1 500 en remboursement de leurs frais irrépétibles. La demande présentée de ce chef par l'Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, simplement appelée en déclaration de jugement commun, sera quant à elle rejetée.
Dispositif
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort ; Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, Prononce la nullité du contrat de vente du fauteuil roulant conclu entre la société Equipadom et M. Mohamed Daikhi suivant devis du 3 avril 2015 accepté le 17 août 2015 ; Ordonne la restitution par la société Equipadom du prix de vente de 5 645,41 à M. B X ; Condamne la société Equipadom à payer à M. B X la somme de 1 000 à titre de dommages et intérêts ; Déclare le présent arrêt opposable à la CPAM de l'Hérault, au RSI Languedoc Roussillon, et à l'Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés ; Condamne la société Equipadom aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne la société Equipadom à payer à M. B X la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes.