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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 20 novembre 2019, n° 19-08947

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Fairlin'k (Sté)

Défendeur :

Bureau du Commerce International (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Mes Ortolland, Noel, Escard de Romanovsky, Zylberwasser-Rouquette

T. com. Paris, prés., du 20 mars 2019

20 mars 2019

La société Fairlin'k est une société qui détient en France la franchise Remax, réseau d'agences immobilières franchisées dans le monde. Elle souhaite développer et faire connaître cette franchise sur le territoire français. Le 26 mars 2018, elle a signé à cette fin avec la société Bureau du Commerce International dite BCI -ayant pour activité le conseil en gestion d'entreprises et en management, la vente d'espaces publicitaires, presse digitale et actualités sur les chambres de commerce - un " ordre de partenariat " moyennant la somme TTC de 10 800 euros payable le 30 septembre 2018.

Considérant ne pas avoir bénéficié de l'ensemble des prestations attendues et après avoir découvert sur les différents sites internet des Chambres du Commerce et de l'Industrie régionales " l'arnaque " à laquelle se livrait la société BCI par sa proximité trompeuse avec les CCI, la société Fairlin'k a, par courrier du 9 novembre 2018, dénoncé ce contrat de partenariat et a refusé d'honorer la facture émise d'un montant TTC de 10 800 euros.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 15 novembre 2018, la société BCI a mis en demeure la société Fairlin'k de régler cette facture.

Par acte du 11 janvier 2019, la société BCI a fait assigner en référé devant le tribunal de commerce de Paris la société Fairlin'k en paiement à titre provisionnel de la somme de 10 800 euros correspondant au solde de la facture, en résiliation du contrat et paiement de la somme de 3 240 euros à titre d'indemnité forfaitaire en application de l'article 13 des conditions générales de vente.

Par ordonnance de référé du 20 mars 2019, le président du tribunal de commerce de Paris a :

Vu les articles 872 et 873 du Code de procédure civile,

- condamné la SAS Fairlin'k, exerçant sous le nom commercial Remax, à payer à la SAS Bureau du Commerce International la somme de 10 800 euros avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 30 septembre 2018, et anatocisme,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de résiliation du contrat, sur l'indemnité qui en résulte et sur les autres demandes à titre de dommages et intérêts,

- condamné la SAS Fairlin'k, exerçant sous le nom commercial Remax, à payer à la SAS Bureau du Commerce International la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

- condamné en outre la SAS Fairlin'k, exerçant sous le nom commercial Remax, aux dépens de l'instance.

Suivant déclaration du 23 avril 2019, la société Fairlin'k a interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 août 2019, la société Fairlin'k demande à la cour de :

Vu les articles 1219 et suivants du Code civil,

Vu les articles L. 221-3, L. 221-18, L. 221-20 et L. 221-25 du Code de la consommation,

Vu les pièces versées aux débats,

- infirmer l'ordonnance rendue le 20 mars 2019 par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a :

* condamné la société Fairlin'k, exerçant sous le nom commercial Remax, à payer à la société Bureau du Commerce International la somme de 10 800 euros, avec intérêt au taux légal majoré de cinq points à compter du 30 septembre 2018, et anatocisme,

* dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de résiliation du contrat, sur l'indemnité qui en résulte et sur les autres demandes à titre de dommages et intérêts,

* condamné la société Fairlin'k, exerçant sous le nom commercial Remax, à payer à la société Bureau du Commerce International la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

* rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

* condamné la société Fairlin'k aux entiers dépens de l'instance,

* dit que la décision sera exécutoire de plein droit par provision,

Et statuant à nouveau,

- débouter la société Bureau du Commerce International de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- dire et juger que la société Fairlin'k disposait d'un droit de rétractation courant jusqu'au 26 avril 2019,

- constater que la société Fairlin'k s'est rétractée de ses engagements contractuels à l'égard de la société Bureau du Commerce International,

En conséquence,

- constater que le contrat conclu entre les parties n'a jamais existé,

- dire et juger n'y avoir lieu au paiement d'une quelconque somme par la société Fairlin'k à la société Bureau du Commerce International au titre du contrat conclu entre elles,

Subsidiairement,

- dire et juger que la société Fairlin'k peut légitimement refuser de régler les sommes qui lui sont réclamées au regard des manquements contractuels de la société Bureau du Commerce International à ses obligations,

- dire et juger que la société Bureau du Commerce International s'est livrée à des pratiques commerciales trompeuses,

En conséquence,

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de partenariat signé entre les parties aux torts exclusifs de la société Bureau du Commerce International,

- débouter la société Bureau du Commerce International de sa demande de paiement au titre de la facture n° 20180403-00194,

Très subsidiairement,

- constater l'existence de contestations sérieuses,

- dire et juger la juridiction des référés incompétente pour statuer sur les demandes de la société Bureau du Commerce International,

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

En tout état de cause,

- condamner la société Bureau du Commerce International à verser à la société Fairlin'k la somme de 5 000 euros à titre provisionnel, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société Bureau du Commerce International à payer à la société Fairlin'k la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Bureau du Commerce International à supporter les entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 juillet 2019, la société Bureau du Commerce International demande à la cour de :

Vu les articles 872 et 873 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1104, 1231-1 et 1343-2 du Code civil,

Vu le contrat de partenariat,

Vu les conditions générales de vente,

Vu la facture n° 20180403-00194,

Vu la jurisprudence applicable,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce le 20 mars 2019,

- recevoir la société Bureau du Commerce International en ses demandes, la déclarer bien fondée,

- débouter la société Fairlin'k de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- dire et juger que la créance de la société Bureau du Commerce International est certaine, liquide et exigible,

En conséquence,

- condamner à titre provisionnel la société Fairlin'k à payer à la société Bureau du Commerce International la somme de 10 800 euros TTC en principal, correspondant au montant du solde de sa facture n° 20180403-00194,

- dire et juger que l'intégralité des sommes dues portera intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 26 mars 2018, date de l'émission de la facture n° 20180403-00194,

- condamner la société Fairlin'k à verser à la société Bureau du commerce international la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du Code civil,

- condamner la société Fairlin'k aux entiers dépens, qui seront recouvrés selon les modalités fixées par l'article 699 du Code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 octobre 2019.

MOTIFS

Sur la demande de provision de la société Bureau du Commerce International :

Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile, " dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ".

En l'espèce, la société BCI expose que les prestations prévues au contrat de partenariat conclu le 26 mars 2018 ont toutes été normalement exécutées, la vidéo ayant été mise en ligne, la campagne e-mailing effectuée et la société Fairlin'k figurant bien sur le portail numérique actu-cci.com à la suite de la réalisation de la web vidéo en mai 2018 et de la parution d'articles, et qu'il lui est dû en exécution du contrat le prix convenu de 10 800 euros TTC.

A titre principal, la société Fairlin'k fait valoir qu'elle s'est valablement rétractée du contrat conclu le 26 mars 2018 avec la société BCI par courrier du 9 novembre 2018 - soit dans le délai de quatorze jours de la conclusion du contrat prolongé de douze mois -, si bien qu'en l'absence de contrat, elle n'est redevable d'aucune somme.

Elle se prévaut à cet effet des dispositions d'ordre public de l'article L. 221-18 du Code de la consommation qui institue un droit de rétractation de 14 jours en ces termes : " Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25 ", des dispositions de l'article L. 221-3 du même Code qui étendent les dispositions précédentes " aux contrats conclus hors établissements entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq " et des dispositions de l'article L. 221-20 du même Code qui prévoit la prolongation du délai de rétractation, à titre de sanction, à l'encontre du professionnel qui omet de fournir à l'autre partie les informations relatives à ce droit, " de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial déterminé conformément à l'article L. 221-18 ".

Toutefois, il est manifeste aux termes des caractéristiques du contrat de partenariat conclu entre les parties, à savoir :

" - réalisation d'une vidéo de 3 à 4 mn avec autorisation d'exploitation,

- 1 campagne e-mailing auprès d'environ 100 000 cadres et dirigeants et managers,

- présence de la vidéo pour une durée d'1 an sur la plate-forme : www.actu-cci.com qui comptabilise plus de 3,6 millions de visiteurs annuels,

- mise en relation directe et pendant toute la durée de l'opération, avec les cadres dirigeants et managers intéressés,

- présentation d'un article " Remax " sur le recrutement dans le secteur de la vente de biens immobiliers en France, "

Que l'objet de ce contrat destiné à promouvoir et développer la franchise Remax en France entre précisément dans le champ de l'activité principale de la société Fairlin'k qui, selon son extrait Kbis, est " la création, l'achat, la vente, la licence, et plus généralement toutes formes de commercialisation de marque, de modèles, savoir-faire, franchise et tout objet relevant de la propriété industrielle et artistique ".

En conséquence, la société Fairlin'k ne peut en aucune façon revendiquer le bénéfice des dispositions précitées relatives au droit de rétractation et il s'avère qu'elle n'a pas usé de son droit de rétractation contractuel qui, selon l'article 5 des conditions générales de vente, ne pouvait plus l'être après la validation de la vidéo intervenue à la suite d'un échange de mails du 15 mai 2018.

Subsidiairement, la société Fairlin'k se prévaut du non-respect par la société BCI de ses engagements contractuels d'une part et des pratiques commerciales trompeuses dont celle-ci a usé à son encontre d'autre part, justifiant la résolution du contrat aux torts de la société BCI et constituant, à tout le moins, des contestations sérieuses de nature à faire échec au paiement de la facture.

Il ressort notamment d'un courriel de la société Fairlin'k adressé à la société BCI le 21 mars 2018, avant la conclusion du contrat (" J'ai revu le bordereau que vous m'avez envoyé et je ne retrouve pas plusieurs éléments dont nous avons parlé, à savoir l'accès à la base des entrepreneurs auxquels seront envoyés les newslettter, la publication des communiqués de presse sur le site de la CCI et la possibilité d'être présent lors des réunions des entrepreneurs au niveau des CCI régionales "), que la société Fairlin'k pensait conclure un partenariat avec une émanation des CCI (Chambres de Commerce et d'Industrie) alors qu'il n'en est rien. Les éléments du dossier sur la communication de la BCI laissent apparaître à cet égard une certaine confusion, la dénomination de son site internet de diffusion et de promotion (actu-cci.com) et de ses documents pouvant sérieusement laisser croire à son appartenance au réseau des CCI, et ce d'autant que les formes d'intervention proposées sont de même nature que celles auxquelles les CCI ont recours pour valoriser les entreprises. Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le contrat et les conditions générales ne précisent pas clairement l'absence d'appartenance au réseau des CCI. Ainsi, le numéro de RCS et le siège social de la société BCI ne sont mentionnés qu'en petits caractères, en bas de l'ordre de partenariat établi sur un document à en-tête ACTU/CCI en gros caractères suivis de la mention " l'actualité des chambres de commerce et d'industrie dans le monde ", et les conditions générales de vente ne précisent qu'à l'article 10-2, au détour d'une proposition relative (" l'éditeur, qui n'est pas une émanation des Chambres de commerce et d'industrie, n'est pas responsable... "), que la société BCI n'a pas de lien avec les CCI.

Ces éléments, corroborés par des appels à la vigilance publiés par des CCI sur leur site concernant les méthodes employées par la société BCI que verse aux débats la société Fairlin'k, s'ils ne peuvent conduire en référé à la résolution judiciaire du contrat, constituent des contestations sérieuses. A défaut, pour la société BCI de justifier avec l'évidence requise en référé du bien-fondé de sa demande de provision, qui nécessite au vu des critiques circonstanciées de l'appelante l'appréciation du juge du fond, celle-ci ne saurait prospérer devant le juge des référés.

Sur les autres demandes :

La société Fairlin'k ne motive pas sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et par voie de conséquence ne caractérise pas une faute de la société BCI ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice. Elle sera déboutée de ce chef.

La société BCI, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à la société Fairlin'k la somme de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau et y ajoutant, Constate l'existence de contestations sérieuses, Dit en conséquence n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Bureau du Commerce International, Déboute la société Fairlin'k de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, Condamne la société Bureau du Commerce International aux dépens de première instance et d'appel, Condamne la société Bureau du Commerce International à payer à la société Fairlin'k la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.