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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 5 décembre 2019, n° 18-01821

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cofidis (SA) venant aux droits de la Groupe Sofemo (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boisselet

Conseillers :

Mme Clerc, Stella

Avocats :

Mes Ligier, Clerc, Leboucher

TI Lyon, du 19 janv. 2018

19 janvier 2018

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le 20 novembre 2013, monsieur B... A..., démarché à domicile par la SARL Universel Énergie, a signé un bon de commande pour la pose et l'installation complète d'un système photovoltaïque incluant la fourniture et la pose d'un système solaire photovoltaïque en intégration de toiture, le raccordement au réseau à la charge de l'entreprise, les démarches administratives, le tout moyennant le prix de 18 900 euros qui devait être financé par un crédit de même montant remboursable en 120 mensualités de 249 euros au taux annuel de 5,51 %, après report de 12 mois, le TAEG étant fixé à 5,96 %.

Monsieur B... A... et madame E... A... (les époux A...) ont signé ensemble, le 3 décembre 2013, un contrat de crédit affecté d'un montant de 17 900 euros avec le Groupe Sofemo, remboursable, après un différé de 12 mois, en 120 mensualités de 229,19 euros avec assurance, le TAEG étant fixé à 5,96 % et le taux débiteur annuel à 5,51 % ;

L'attestation de livraison et l'ordre de déblocage des fonds a été signée le 22 janvier 2014.

Le 29 janvier 2014, une facture acquittée d'un montant de 17 900 euros a été éditée par la SARL Universel Énergie.

La demande de mise en service de l'installation de production a été formulée le 6 mai 2014 ; le raccordement est intervenu le 8 septembre 2014.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 9 juin 2015, la SARL Universel Énergie a été placée en liquidation judiciaire et maître F... désigné aux fonctions de liquidateur judiciaire.

Alors que le système photovoltaïque avait été raccordé et mis en fonctionnement, et qu'ils remboursaient leur crédit, les époux A... expliquant avoir découvert un nombre grandissant d'arnaques dans le domaine du photovoltaïque et estimant que leur installation ne générait pas les économies promises, ni l'autofinancement annoncé, ont par courriers recommandés AR du 4 octobre 2016, mis en demeure la SARL Universel Énergie et le Groupe Sofemo d'annuler la commande et le crédit, de les rembourser des frais engagés et de leur communiquer leur entier dossier.

Les mises en demeure sont restées sans effet et ils ont cessé de rembourser le crédit à partir de novembre 2016.

Suivant actes extra judiciaires des 6 et 9 février 2017, les époux A... ont assigné devant le tribunal d'instance de Lyon, maître F..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Universel Énergie, et la SA Cofidis venant aux droits du Groupe Sofemo, aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, avant dire droit la suspension de l'exécution du crédit dans l'attente de la solution du litige, et sur le fond, la résolution des contrats de vente et de crédit, la fixation de leur créance de 17 900 euros au passif de la SARL Universel Énergie outre le coût de dépose du matériel et de remise en état des existants, la condamnation de la SA Cofidis à leur restituer les sommes déjà versées au titre du crédit, la condamnation solidaire des défendeurs à prendre en charge le coût des travaux de dépose des panneaux photovoltaïque et de remise en état des existants, sans préjudice des frais irrépétibles et des dépens.

Parallèlement à cette procédure civile, le tribunal de commerce de Lyon, suivant jugement du 9 novembre 2017, a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la SARL Universel Énergie.

Par jugement réputé contradictoire du 19 janvier 2018, le tribunal d'instance précité a, tout à la fois :

- déclaré l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la SA Cofidis irrecevable

- prononcé la résolution des contrats de vente et de crédit conclus entre les époux A..., la SARL Universel Énergie et la SA Cofidis venant aux droits de la SA Groupe Sofemo

- dit que la SA Groupe Sofemo a commis une faute dans la libération des fonds, la privant ainsi de son droit à restitution du capital prêté

En conséquence,

- débouté la SA Cofidis de sa demande en remboursement du crédit et/ou du capital prêté

- condamné la SA Cofidis à restituer aux époux A... toutes sommes d'ores et déjà versées par eux en règlement du crédit

- fixé la créance des époux A... à la liquidation judiciaire de la SARL Universel Énergie à la somme de 5 280 euros représentant le coût des travaux de dépose des panneaux photovoltaïques et de remise en état des existants

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire

- débouté la SA Cofidis de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles

- condamné la SA Cofidis à payer aux époux A... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Le tribunal a retenu notamment que

L'exception d'incompétence soulevée par la SA Cofidis au profit du tribunal de commerce ou subsidiairement au profit du tribunal de grande instance de Lyon, sans se prévaloir d'une option légale de compétence, n'était pas recevable comme méconnaissant les dispositions de l'article 75 du Code de procédure civile

le bon de commande comportait plusieurs irrégularités au regard des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation sanctionnées par la nullité relative du contrat de vente (non description des caractéristiques de l'équipement et des services offerts comme le nombre de panneaux solaires, leur marque, leur référence, démarches administratives non détaillées/ prix unitaire du matériel et des prestations non précisé/délai de livraison imprécis = janvier 2014/ pas d'indication sur le coût total du crédit)

Cette nullité ne pouvait pas être couverte au sens de 1338 du Code civil par l'exécution du contrat dès lors qu'il n'est pas démontré par la SA Cofidis que les époux A... avaient connaissance de ces irrégularités et avaient l'intention de les couvrir

La SA Cofidis ne pouvait pas obtenir paiement du capital prêté du fait des fautes commises, à savoir un déblocage prématuré des fonds avant l'achèvement des travaux (raccordement au réseau ERDF et démarches administratives inhérentes prévus au bon de commande) l'attestation de livraison-demande de financement étant insuffisamment précise et ne rendant pas compte de la complexité de l'opération

En l'absence de demande, il n'y avait pas lieu d'ordonner la restitution de l'installation photovoltaïque

La créance des époux A... devait être inscrite au passif de la SARL Universel Énergie pour la somme de 5 280 euros (devis dépose panneaux et remise en état des existants) car elle seule était débitrice des conséquences de l'annulation du contrat de vente, l'inscription de leur créance au titre du crédit de 17 900 euros n'ayant pas lieu d'être ordonnée dès lors qu'ils étaient dispensés de restituer le capital.

Le tribunal de commerce de Lyon, suivant jugement du 20 février 2019, a désigné maître F..., ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL Universel Energie.

La SA Cofidis a relevé appel du jugement précité du 19 janvier 2018 par déclaration du 9 mars 2019 enrôlée sous la référence RG 19/3166, en intimant les époux A... et maître F..., ès qualités de liquidateur de la SARL Universel Énergie désigné par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 9 juin 2015.

Par acte extra judiciaire délivré dans les formes de l'article 658 du Code de procédure civile, elle assigné en intervention forcée maître F..., ès qualités de mandataire ad hoc de la société venderesse, désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 20 février 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées électroniquement le 13 décembre 2018, la SA Cofidis venant aux droits du Groupe Sofemo (la SA Cofidis) demande à la Cour de statuer comme suit :

" Voir dire et juger que l'appel interjeté par la SA Cofidis venant aux droits de la SA Groupe Sofemo est recevable et bien-fondé

Voir constater la clôture pour insuffisance d'actif de la société venderesse et dire et juger que les consorts A... ont violé le principe du contradictoire en sollicitant et obtenant une décision alors que le vendeur n'était plus représenté, le tout en pleine violation des dispositions notamment des articles 14 et suivants du Code de procédure civile

Voir rappeler que nul ne peut être condamné sans avoir été entendu ou dûment convoqué,

Voir en conséquence forcément infirmer la décision entreprise après avoir constaté que l'instance était de plein droit interrompu,

Voir tirer toutes les conséquences du refus des consorts A... de verser aux débats les pièces objet des sommations de communiquer

Y faisant droit,

Voir infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sans exception ni réserve

Voir dire et juger que les différentes demandes, fins, conclusions et autres prétentions des consorts A... sont irrecevables et particulièrement mal fondées et débouter ces mêmes consorts A... de toutes leurs demandes, fins, conclusions et autres prétentions

voir, statuant à nouveau, dire que seules les dispositions du Code de commerce sont applicables et à défaut de textes spécifiques les dispositions du Code civil mais en aucun cas les dispositions du Code de la consommation et dire et juger que l'ensemble des demandes, fins et conclusions des consorts A... sont irrecevables et en tout cas particulièrement mal fondées et tout ceci notamment au visa des dispositions des articles L. 110-1 du Code de commerce, L. 311-1 2° du Code de la consommation et 1905 du Code civil et au regard de la jurisprudence visée ci-dessus

Voir rappeler et dire et juger que madame E... A... née C... n'est en aucun cas cocontractante du vendeur, et qu'elle n'a aucune qualité pour poursuivre la nullité ou la résolution du contrat de vente

Voir dire que tout au contraire, elle est tenue, quel que soit le cas de figure, d'honorer ses engagements vis-à-vis de la SA Cofidis

Voir, après avoir débouté purement et simplement les époux A... de toutes leurs demandes, fins, conclusions et autres prétentions et après avoir dit que seules les dispositions du Code de commerce sont applicables, dire que les demandes formées par la concluantes sont recevables et bien fondées,

Y faisant droit,

Voir condamner solidairement les époux A... à payer et régler normalement les échéances du prêt jusqu'au parfait remboursement de celui-ci,

Voir dire que toutes les échéances qui seraient impayées devront être remboursées, sous peine de déchéance du terme et d'exigibilité dans la quinzaine de l'arrêt à intervenir,

Voir pour le cas où par extraordinaire, la Cour venait à prononcer la nullité ou la résolution du contrat de crédit, par suite de la nullité ou de la résolution du contrat de vente, condamner alors, quel que soit le cas de figure, solidairement les époux A... à payer et rembourser à la SA Cofidis, le montant du capital prêté soit 17 900 euros,

Voir dire que les échéances qui ont pu être réglées resteront acquises à la concluante à titre de dommages et intérêts,

Voir condamner solidairement les époux A... à payer à la SA Cofidis :

2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire

2 000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Voir ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dans le cadre de l'anatocisme

Voir condamner solidairement les époux A... aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être directement recouvrés par l'avocat soussigné par application de l'article 699 du Code de procédure civile."

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées électroniquement le 8 août 2019, les époux Cali entendent voir la Cour :

" Vu l'article L. 311-32 du Code de la consommation

Vu les articles L. 121-21 suivants et L. 311-20 suivants et R. 121-3 et suivants du Code de la consommation (rédaction antérieure loi 17 mars 2014)

Vu les articles 1134 et 1184 du Code civil (rédaction antérieure au 1er octobre 2016)

Vu les pièces visées au débat

Confirmer le jugement du tribunal d'Instance de Lyon rendu le 19 janvier 2018 (RG 11-17-673), et plus précisément :

Débouter Cofidis, venant aux droits de Sofemo, de toutes ses demandes, fins et conclusions

Dire et juger que le présent litige est soumis aux dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile

Dire et juger que madame A... a toute qualité et intérêt pour agir dans la présente procédure

Sur la nullité des contrats :

Ordonner la nullité du contrat de vente conclu entre Universel Énergie et les époux A... au titre de la violation des lois régissant le démarchage à domicile

Ordonner la nullité consécutive du contrat de prêt affecté conclu entre les époux A... et Sofemo/Cofidis

Sur les conséquences au titre des restitutions :

En conséquence, condamner Sofemo/Cofidis à restituer toutes sommes d'ores et déjà versées par les époux A... au titre de l'emprunt souscrit, soit la somme de 9 855,17 euros, somme à parfaire au jour du jugement à intervenir

Dire et juger que Sofemo/Cofidis fera son affaire du remboursement du capital directement entre les mains de la société Universel Énergie, prise en la personne de son liquidateur

Constater les fautes imputables à Sofemo/Cofidis

Priver Sofemo/Cofidis de fait de tout droit à remboursement contre les époux A... s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Universel Énergie

Condamner solidairement les sociétés Universel Énergie et Sofemo/Cofidis à prendre en charge le coût des travaux de dépose des panneaux photovoltaïques, et de remise en état des existants, soit la somme de 5 280 euros

Condamner solidairement les requises à payer aux époux A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens."

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

Il sera statué par défaut, maître F..., ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL Universel Énergie, n'ayant pas été assigné à sa personne et n'ayant pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juillet 2019 et l'affaire plaidée le 5 novembre 2019, a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS

Attendu que le bon de commande ayant été signé le 20 novembre 2013, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi 2014-344 du 17 mars 2014, les articles du Code de la consommation visés dans le présent arrêt s'entendent dans leur version antérieure au 13 juin 2014 seule applicable en l'espèce.

Attendu que l'offre préalable ayant été régularisée postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, à savoir le 3 décembre 2013, les articles du Code de la consommation visés dans le présent arrêt s'entendent dans leur nouvelle version issue de ladite loi, applicable à l'espèce, tels que recodifiés par l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016 applicable au 1er juillet 2016.

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, que les contrats ayant été souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, l'action doit être jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel.

Sur la " violation du contradictoire "

Attendu que la violation du principe fondamental de procédure que constitue le principe de la contradiction, qui s'impose même au juge, n'est pas constitutif d'un excès de pouvoir, et ne saurait à ce titre justifier l'annulation du jugement déféré ; que l'effet dévolutif de l'appel purge en effet cette violation du contradictoire en ce qu'il permet aux parties de s'expliquer et de débattre contradictoirement des moyens soulevés en première instance ;

Que sous couvert d'une violation du contradictoire, la SA Cofidis entend en réalité dénoncer le fait que maître F..., liquidateur de la SARL Universel Énergie, régulièrement assigné ès qualités devant le tribunal d'instance de Lyon, a été privé du droit de représenter cette société en défense à compter de la clôture de la liquidation judiciaire prononcée le 9 novembre 2017 par jugement du tribunal de commerce de Lyon ;

Que ce défaut de pouvoir de maître F... constitue, au sens de l'article 121 du Code de procédure civile, une irrégularité de fond susceptible d'être couverte, étant rappelé que cet article ne distinguant pas entre la procédure de première instance et celle d'appel, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où la Cour statue ;

Que le jugement de clôture ayant mis fin aux fonctions du liquidateur judiciaire, partie en première instance, maître F... ne pouvait donc plus être intimé et la procédure d'appel devait être régularisée par la nomination d'un mandataire ad hoc ;

Que cette régularisation est intervenue à double titre, d'une part, par la nomination de maître F... en qualité de mandataire ad hoc par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 20 février 2019 et d'autre part par la délivrance d'une assignation en intervention forcée le 18 mars 2019 ;

Que la cause de nullité tirée de la perte du droit de maître F... de représenter la SARL Universel Énergie en défense en sa qualité de liquidateur judiciaire, a donc été couverte en appel et la SA Cofidis sera déboutée de sa demande d'infirmation du jugement déféré sur ce point.

Sur l'exception d'incompétence matérielle

Attendu qu'après avoir été déclarée irrecevable par le premier juge en son exception d'incompétence comme contrevenant aux dispositions de l'article 75 du Code de procédure civile, pour avoir requis la compétence du tribunal de commerce ou subsidiairement celle du tribunal de grande instance de Lyon sans se prévaloir d'une option légale de compétence, la SA Cofidis réitère en appel son exception d'incompétence au profit exclusif, cette fois-ci, du tribunal de commerce de Lyon ;

Qu'à cette fin, pour en déduire que les dispositions du Code de la consommation sont inapplicables et donc que la nullité du contrat principal ne peut être recherchée au titre d'une violation des règles applicables en matière de démarchage à domicile, la SA Cofidis soutient que les époux A... exercent, en plus de leur occupation principale, une seconde activité commerciale en produisant et en vendant de l'électricité grâce à leur installation photovoltaïque, soulignant que la Cour de justice de l'Union européenne, en admettant dans un arrêt du 20 juin 2013 la possibilité pour les investisseurs de récupérer la TVA payée à l'occasion de l'acquittement de la facture relative à l'installation de panneaux photovoltaïques, a donc reconnu le caractère commercial de revente de l'électricité ;

Que les époux A... s'opposent à cette analyse en défendant le caractère civil du contrat de vente et sa soumission au droit de la consommation ; qu'ils font notamment valoir que leur but n'avait jamais été de faire de leur installation photovoltaïque une véritable activité professionnelle, la revente d'électricité devant seulement permettre d'amortir financièrement leur crédit.

Attendu que l'article L. 721-3 du Code de l'organisation judiciaire donne compétence aux tribunaux de commerce pour connaître des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes les personnes ;

Qu'un acte de nature civile peut devenir commercial par accessoire ; qu'il en va notamment de l'acte accompli par un non-commerçant dans le but d'exercer un commerce et qu'il est indispensable à l'exercice de celui-ci.

Que la SA Cofidis excipe de la compétence de la juridiction commerciale sur le postulat que l'opération d'acquisition et d'installation de l'équipement photovoltaïque par les époux A... est un acte commercial par accessoire, en ce qu'elle avait pour finalité la production et la revente d'électricité, acte commercial par nature.

Que toutefois cette analyse se heurte aux dispositions législatives et réglementaires spécifiques applicables à la production et à l'acquisition d'énergie solaire par des particuliers ;

Qu'en effet, au plan contractuel, la revente d'électricité produite par un particulier ne ressort pas du libre consentement des parties, qu'il s'agisse du prix qui est déterminé par l'autorité administrative ou de l'obligation faite à ERDF par l'article 10 de la loi 2000-108 du 1er février 2010, d'acquérir l'électricité produite par le particulier une fois le raccordement de l'installation effectué ;

qu'ensuite, au plan fiscal, le recours à la mise en œuvre d'un équipement de production photovoltaïque ouvre droit à un crédit d'impôt sur le revenu des particuliers (du moins à l'époque du contrat) ; que les revenus tirés par les particuliers de la production de telles installations d'une puissance n'excédant pas 3kwc et raccordées au réseau public par deux points au plus, sont exonérés de l'impôt sur le revenu conformément aux dispositions de l'article 35 ter du Code général des impôts, et dans le cas contraire, sont déclarés en bénéfices industriels et commerciaux non professionnels ;

Qu'enfin, bien que l'acte de production et de revente d'électricité soit, par nature, continu et habituel, le particulier n'acquiert pas la qualité de commerçant et n'est pas tenu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés dès lors qu'il n'en fait pas sa profession habituelle au sens de l'article L. 121-1 du Code de commerce.

Que l'ensemble de ces particularités s'inscrit dans la volonté du législateur d'inciter au développement des énergies renouvelables, telle que la production d'énergie solaire par des particuliers en excluant ces contrats du champ de l'activité commerciale, l'avant-dernier alinéa de l'article 10 de la loi 2000-108 du 10 février 2010 les qualifiant même de contrats administratifs.

Qu'il s'en déduit que le contrat de vente et d'installation d'un matériel de production d'énergie électrique au profit d'un particulier et le contrat de crédit affecté souscrit en vue d'en financer le prix, n'empruntent pas la nature d'acte commercial par accessoire, mais celle d'acte civil, et ce, d'autant qu'ils ont été conclus à l'occasion d'un démarchage de particuliers à domicile par un professionnel, la prétendue commercialité attachée au contrat de vente, telle que soutenue en l'espèce par la SA Cofidis, conduisant à priver les particuliers des dispositions protectrices du Code de la consommation en matière de démarchage à domicile, au mépris de la volonté du législateur ;

Qu'en outre, le contrat de vente conclu le 20 novembre 2013 ne contient aucune disposition se référant à une destination professionnelle mais au contraire fait expressément référence aux dispositions du Code de la consommation applicables en matière de démarchage à domicile, à savoir les articles L. 121-21 à L. 121-26 dont la reproduction figure aux conditions générales de vente ;

Que le contrat de crédit signé le 3 décembre 2013 se réfère, quant à lui, aux dispositions spécifiques et d'ordre public du crédit à la consommation, étant rappelé que l'article L. 311-1 du Code de la consommation définit comme emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec le prêteur dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ;

Qu'ainsi donc, les parties au présent litige ont expressément entendu reconnaître le caractère civil des contrats en cause, aucune conséquence quant à la nature civile du contrat de vente ne pouvant être utilement tirée du fait qu'il y était écrit " fourniture et pose d'un système solaire photovoltaïque d'une puissance de 3 kwc en intégration de toiture, pour la revente à EDF au tarif maximum " ;

Qu'en effet, les époux A... ne contestent pas avoir fait le choix de revendre la totalité de la production d'électricité afin d'autofinancer leur crédit affecté, donc dans le but de satisfaire un intérêt personnel étranger à la satisfaction des intérêts d'une entreprise ;

qu'il résulte également de ces considérations que le contrat de revente d'électricité souscrit le 20 août 2015 entre monsieur A... et ERDF pour une production modeste, sans rapport avec l'activité professionnelle de l'acquéreur de l'installation photovoltaïque (monsieur est professeur certifié) et ne constituant qu'un revenu très accessoire (267,91 euros pour l'année 2015/2016) au regard des revenus qu'il tire de sa profession, ne ressort pas du régime des actes de commerce défini à l'article L. 110-1 du Code de commerce, mais constitue un acte civil, et est inefficace à faire qualifier le contrat de vente principal d'acte de commerce, quand bien même ce contrat de revente signé avec EDF indiquait : " la nature de l'exploitation est : vente en totalité ".

Que la SA Cofidis doit être en conséquence déboutée de son exception d'incompétence matérielle au profit du tribunal de commerce, la compétence du tribunal d'instance s'imposant comme exclusive de celle toute autre juridiction.

Sur la demande de nullité des contrats de vente et de crédit

Attendu que le 3 décembre 2013, madame A... a co-signé avec son époux le contrat de crédit affecté destiné au financement de l'installation de production photovoltaïque que monsieur A... avait acheté en signant seul le bon de commande du 20 novembre 2013 ;

Qu'elle a donc, sinon qualité, à tout le moins, de manière certaine, intérêt à agir en nullité du contrat de vente aux côtés de son époux, le sort de ce contrat principal déterminant celui du contrat de crédit affecté.

Attendu que la violation des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation concernant le contenu du bon de commande, est sanctionnée par une nullité relative ;

Que les époux A... ne sont pas fondés à soutenir l'irrégularité du bon de commande, motif pris de l'absence d'un bordereau de rétractation détachable conforme aux prescriptions des articles R. 121-3 à R. 121-5 du Code de la consommation ;

Que le simple examen du bordereau figurant au bon de commande litigieux permet de vérifier qu'il est aisément détachable à l'aide d'un ciseau, que son découpage n'implique pas d'amputer des informations essentielles figurant à son verso, telles qu'une partie des conditions générales, seule l'adresse de la société Universel Énergie y figurant ;

Que ce bordereau énonce de façon claire toutes les indications utiles pour exercer le droit de rétractation : " compléter et signer ce formulaire/ l'envoyer par lettre recommandée avec avis de réception/utiliser l'adresse figurant au dos/l'expédier au plus tard le septième jour à partir du jour de la commande ou, (les indications suivantes étant écrites en gras - ndlr) si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour suivant ") suivies d'une demande de renseignements nécessaires à l'annulation de la commande (nature du bien ou du service commandé/date de la commande/nom et adresse du client...) ;

Qu'ils ne sont pas non plus fondés à soutenir que le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ne serait pas reproduit de façon apparente ;

Que là encore, une lecture normale des conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande conduit à remarquer l'article 12 intitulé " dispositions légales " dans lequel sont reproduits intégralement les termes de chacun de ces articles, la numérotation de ceux-ci y figurant en caractères gras ;

Que le bon de commande ne souffre pas de critique s'agissant du délai de livraison, lequel est indiqué (" mois : janvier -année : 2014 ") ;

Que, sauf à ajouter au texte de l'article L. 121-23, les époux A... ne peuvent pas faire grief au bon de commande de ne pas contenir l'indication du prix unitaire pour chaque fourniture, le texte n'exigeant que l'indication du prix global à payer (" 18 900 euros TTC ") ;

Qu'ils ne peuvent pas non plus soutenir que les conditions générales du bon de commande seraient rédigées dans une police inférieure au corps huit en violation des dispositions de l'article L. 133-2 du Code de la consommation, la nullité du contrat de vente n'étant pas prévue de ce chef par l'article L. 121-23 ;

Que tout au plus, il doit être admis que le bon de commande est insuffisamment précis quant à la désignation de la nature et des caractéristiques des bien offerts ou des services proposés, en ce qu'il mentionne seulement " fourniture et pose d'un système solaire photovoltaïque d'une puissance de 3 kwc en intégration de toiture pour la revente à EDF au tarif maximum ", sans détailler le nombre de panneaux solaires, la marque et les références des produits vendus, ni davantage la nature des " démarches administratives prises en charge par la société ".

Que c'est à juste titre que, pour s'opposer à l'annulation du contrat de vente principal, la SA Cofidis soutient que les époux A... ont, par leur comportement, couvert les irrégularités pouvant affecter le bon de commande signé le 20 novembre 2013 ;

Que, de fait, il est acquis que monsieur A... a signé le bon de commande dans lequel les articles L. 121-21 à L. 121-26 étaient littéralement reproduits à l'article 12 des conditions générales de vente figurant au verso ;

Que monsieur A..., en qualité de signataire du bon de commande et son épouse, en qualité de future co-emprunteuse, ont été aisément mis en mesure de s'assurer, à la faveur d'un simple examen comparatif, de la conformité du bon de commande avec les dispositions légales de l'article L. 121-23 ;

Qu'ils ont cependant signé le contrat de crédit affecté le 3 décembre 2013, soit plusieurs jours après la signature du bon de commande, accepté la livraison et l'installation du matériel, demandé le déblocage des fonds en régularisant l'attestation de fin de travaux et effectué toutes les démarches administratives pour réaliser le raccordement de leur installation auprès d'ERDF ;

Que de plus fort, ils ont manifesté leur volonté de poursuivre le contrat de crédit affecté en sollicitant un avenant de réaménagement par courrier du 4 novembre 2014 à la suite d'un retard dans la mise en œuvre du raccordement de l'installation, sans jamais dénoncer le contrat de vente auprès de la SARL Universel Énergie en raison des difficultés qu'ils faisaient valoir pour légitimer cette demande de réaménagement ;

Qu'ils ont par ailleurs bénéficié de la production d'électricité générée par leur installation photovoltaïque et ont pu profiter du crédit d'impôt afférent et de la récupération de TVA, circonstances établissant que cette installation est parfaitement fonctionnelle et conforme ;

Qu'il doit être en conséquence jugé, en application des dispositions du second alinéa de l'article 1338 du Code civil, que l'exécution volontaire du contrat de vente après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée emporte renonciation aux exceptions de nullité que les époux A... auraient pu faire valoir au titre de la seule irrégularité vérifiée, à savoir une désignation imprécise des caractéristiques des biens offerts et des services proposés.

Que la nullité du contrat principal de vente n'étant pas prononcée, le contrat de crédit affecté s'y rattachant conserve subséquemment son plein effet ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer plus avant sur les prétentions et moyens des parties relatifs à la créance de restitution de la SA Cofidis qui est contestée par les époux A... sur la foi de fautes commises par cet organisme lors du déblocage des fonds(régularité de l'attestation de fin de travaux, contrôle du bon de commande...), mais également au prétexte de défauts du crédit affecté proprement dit ;

que, même à considérer que la SA Cofidis aurait commis des manquements dans la libération des fonds en ne s'assurant pas de l'exécution complète des prestations financées, il doit être souligné que les époux A... n'en ont subi aucun préjudice, leur installation ayant été correctement mise en œuvre, raccordée et mise en fonctionnement et, surtout, qu'ils ne réclament pas à ce titre l'allocation de dommages et intérêts, sinon la privation du droit de la SA Cofidis à leur réclamer le remboursement du capital dans l'hypothèse où la nullité du crédit affecté aurait été prononcée ensuite de celle du contrat principal ;

Qu'ensuite, les époux A... croient pouvoir dénoncer d'une part, la régularité du contrat de crédit au motif que la SA Cofidis aurait dû leur proposer pour financer leur installation photovoltaïque, un crédit immobilier dont ils soulignent qu'il est plus protecteur des intérêts des emprunteurs que le crédit affecté dont ils ont bénéficié, et de seconde part, le non-respect des dispositions prévues l'article L. 312-16 du Code de la consommation ;

Que la Cour entend faire encore remarquer, quand bien même ces moyens sont également dénués d'intérêt en l'absence d'annulation du crédit affecté qui aurait suscité le débat sur la créance de restitution, qu'un crédit immobilier ne se justifiait pas en l'espèce, l'installation photovoltaïque étant un élément détachable et n'assurant pas une fonction d'étanchéité et de solidité à l'ouvrage ;

Qu'ensuite, les manquements à l'article L. 312-16 précités trouvent leur sanction dans la seule déchéance du droit aux intérêts et n'étaient donc pas de nature à faire obstacle à la créance de restitution de la banque pour le cas où la nullité de contrat principal aurait été prononcée ;

Qu'en définitive, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires et les époux A... doivent poursuivre l'exécution du contrat de crédit affecté souscrit le 3 décembre 2013 tel que modifié par avenant à compter du 25 novembre 2015 ;

Que le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente et prononcé subséquemment l'annulation du contrat de crédit affecté tout en statuant sur les conséquences de cette double annulation.

Attendu que la SA Cofidis ne sera pas accueillie dans ses prétentions tendant voir juger que toutes les échéances qui viendraient à ne pas être payées devront être remboursées dans la quinzaine de l'arrêt à intervenir sous peine de déchéance du terme, et à se voir accorder le bénéfice de la capitalisation des intérêts ;

Qu'en effet, ces prétentions ne se rattachent pas par un lien suffisant avec l'objet du présent litige ;

Qu'il appartiendra, le cas échéant, à cet établissement financier d'initier devant le tribunal d'instance compétent une action en paiement au titre des impayés de ce crédit affecté après avoir prononcé la déchéance du terme.

Attendu que la réclamation de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire présentée par la SA Cofidis à hauteur de 2 000 euros ne sera pas accueillie, l'intéressée ne caractérisant pas à l'encontre des époux A... une légèreté blâmable équipollente à un dol et ne précisant pas la nature et l'étendue du préjudice dont elle poursuit réparation à la faveur de cette prétention.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que les époux A..., qui succombent, doivent supporter solidairement les dépens de première instance et d'appel et que les mandataires de l'intimée, qui en ont fait la demande, pourront recouvrer ceux d'appel par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Attendu que l'équité ne justifie pas l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit des parties, tant en première instance qu'en appel.

Par ces motifs LA COUR, Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant trait au rejet de la demande d'exécution provisoire, Statuant à nouveau et y ajoutant, Constate que l'irrégularité de fond tenant à la cessation des fonctions du liquidateur judiciaire, partie en première instance, maître F..., ensuite de la clôture de la liquidation judiciaire de la SARL Universel Énergie a été régularisée en appel, avant que la Cour statue, Déboute la SA Cofidis, venant aux droits du Groupe Sofemo, de son exception d'incompétence matérielle au profit du tribunal de commerce de Lyon, Dit que madame E... A... a qualité à agir en nullité du contrat de vente du 20 novembre 2013, Déboute monsieur B... A... et madame E... A... de leur demande de nullité du contrat de vente régularisé le 20 novembre 2013 avec la société Universel Énergie et consécutivement de celle du contrat de crédit souscrit le 3 décembre 2013 avec le Groupe Sofemo aux droits duquel se trouve désormais la SA Cofidis, Dit en conséquence que monsieur B... A... et madame E... A... doivent poursuivre l'exécution du contrat de crédit qu'ils ont souscrit le 3 décembre 2013 avec le Groupe Sofemo aux droits duquel se trouve désormais la SA Cofidis, Dit n'y avoir lieu de statuer sur la créance de restitution de la SA Cofidis en l'absence de nullité du contrat principal, Déboute la SA Cofidis, venant aux droits du Groupe Sofemo, du surplus de ses demandes relatives à la déchéance du terme et la capitalisation des intérêts, Déboute la SA Cofidis, venant aux droits du Groupe Sofemo, de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, Condamne solidairement monsieur B... A... et madame E... A... aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par la SCP Ligier de Mauroy-Ligier, avocat, qui en a fait la demande, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile aux profit des parties, tant en première instance qu'en appel.