CA Versailles, 3e ch., 5 décembre 2019, n° 18-01176
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Soravia (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mmes Bazet, Derniaux
Avocat :
Me Danckaert
FAITS ET PROCEDURE
Le 19 juin 2015, M. X a acheté auprès de la société Soravia, concessionnaire BMW, un véhicule d'occasion de cette marque, de type Z4 modèle LL31 pour un montant de 35 500 euros, le véhicule ayant alors parcouru 13 000 km.
À compter d'août 2015, M. X s'est plaint d'un bruit de claquement moteur à froid.
La société Soravia a procédé à des réparations au cours du mois de septembre.
Après avoir repris possession de son véhicule, M. X s'est à nouveau plaint d'un bruit provenant de l'arrière du véhicule lors des passages de vitesse et des phases d'accélération et décélération. La société Soravia est alors à nouveau intervenue sur le véhicule.
N'étant pas satisfait des réparations effectuées et des explications données par la société Soravia sur ces dernières, M. X lui a adressé une mise en demeure le 26 février 2016 aux fins d'obtenir une résolution amiable de la vente.
La société BMW France ainsi que la société Soravia répondaient, respectivement par courriel des 16 mars et 22 mars 2016, que les réparations effectuées étaient conformes aux normes constructeur.
M. X a organisé le 17 juin 2016 une expertise amiable contradictoire en présence d'un expert technique qu'il a mandaté.
A la suite du dépôt du rapport d'expertise amiable, M. X a, par acte du 18 juillet 2016, assigné la société Soravia devant le tribunal de grande instance de Versailles.
Par jugement du 29 janvier 2018, le tribunal a :
- débouté M. X de l'ensemble de ses demandes,
- dit que M. X conservera la charge des dépens qu'il a exposés,
- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.
Par acte du 19 février 2018, M. X a interjeté appel.
Saisi par l'appelant, le conseiller de la mise en état a ordonné, le 17 septembre 2018, une expertise du véhicule, confiée à M. E... qui a déposé son rapport le 22 mars 2019.
Dans ses conclusions signifiées le 25 août 2019, M. X demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- dire que le véhicule est entaché d'un vice et qu'il est en droit de se faire restituer le prix du véhicule et les accessoires de l'achat,
- condamner en conséquence la société Soravia à lui rembourser la somme de 35 500 euros,
- condamner la société Soravia à lui rembourser la somme de 10 581,10 euros correspondant aux frais accessoires,
- condamner la même à des dommages et intérêts à hauteur de 31 488 euros pour avoir vendu une automobile qu'elle savait entachée d'un vice,
- si la cour ne retenait pas la connaissance du vice par le vendeur, il est demandé la condamnation de la société Soravia à lui payer la somme de 3 000 euros au titre d'un manquement à son obligation de sécurité en vendant un véhicule présentant un bruit anormal révélateur d'un problème de mécanique,
- condamner la société Soravia à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par dernières écritures du 11 septembre 2019, la société Soravia demande à la cour de :
Au principal :
- confirmer le jugement entrepris,
A titre incident :
- débouter M. X de ses demandes en résiliation de la vente, en dommage et intérêts et en remboursement de ses frais irrépétibles,
- condamner M. X aux dépens.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2019.
SUR QUOI, LA COUR
Le tribunal a observé que l'expert mandaté par M. X avait retenu que l'origine des claquements relevés au niveau du train arrière n'avait pas été déterminée et qu'il ne précisait pas la date d'apparition de ces claquements, concluant que le désordre restait à identifier. Le tribunal en a déduit que M. X échouait à rapporter la preuve de l'existence et de la cause du vice de conception allégué ainsi que sa date d'apparition.
M. X fait valoir que le rapport d'expertise judiciaire a mis en évidence l'existence de vices affectant le véhicule, antérieurs à la vente et non apparents. Il souligne que l'expert a relevé que les réparations entreprises par la société Soravia avaient été à l'origine de nouveaux désordres et que l'expert avait déploré l'absence de communications par cette dernière des pièces demandées.
La société Soravia réplique que le rapport d'expertise fait apparaître que le défaut du véhicule a été réparé par elle en fonction des éléments dégagés par les investigations multiples mises en place et qu'ainsi il n'existe aucune raison de prononcer la résiliation de la vente, le véhicule " pouvant être conforme ".
Elle affirme en second lieu qu'aucun élément ne permet de retenir qu'elle avait connaissance du vice affectant le véhicule, de sorte que la demande en dommages-intérêts que forme M. X ne peut prospérer.
Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. La preuve de la réalité de ce vice et de son antériorité incombe à celui exerçant l'action en garantie.
Aux termes de l'article 1644 du même Code, l'acheteur d'une chose atteinte d'un vice a le choix entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire. Il est de principe qu'il ne doit aucun compte de ce choix.
La cour observe que les très brèves écritures de la société Soravia ne comportent aucune critique du rapport de l'expert.
Aux termes d'une expertise approfondie et d'un rapport circonstancié, l'expert judiciaire conclut ainsi :
Le véhicule livré par la société Soravia présentait de multiples anomalies techniques, " claquement moteur, claquements dans le périmètre de la transmission ". Les interventions réalisées par la société Soravia pour y remédier ont généré de nouveaux problèmes techniques, ces interventions ne respectant pas les règles de l'art. L'expert indique avoir personnellement constaté de multiples anomalies lors de ses opérations, lesquelles sont en lien avec les travaux réalisés et il confirme que les allégations de M. X sont bien réelles.
L'expert a indiqué avoir demandé à plusieurs reprises à la société Soravia communication de pièces telles que les ordres de réparation, les notes techniques appliquées sur le véhicule, notamment celle qui stipule l'emploi du produit Loctite 5970 entre les cannelures de la tulipe de sortie de boîte de vitesses et la pièce d'entraînement de la transmission, les bons de commande des pièces ayant été remplacées et les bordereaux de garantie. En dépit d'une prolongation de la date du dépôt de son rapport, l'expert ne les a pas obtenues, ce qui le conduit à mentionner qu'il n'a pu vérifier la conformité de l'ensemble des interventions ayant été réalisées sur le véhicule ni dresser une traçabilité précise des interventions réalisées.
L'expert affirme que les défauts qui affectaient le véhicule lors de l'acquisition n'étaient pas directement visibles. Pour les constater, il était nécessaire soit d'utiliser le véhicule de façon prolongée et dans des conditions bien particulières soit de procéder à des démontages. Ils ne pouvaient être décelés par un profane.
S'il est de principe que l'acheteur d'une chose comportant un vice caché qui accepte que le vendeur procède à la remise en état de ce bien ne peut plus invoquer l'action en garantie des vices cachés, c'est à la condition que les réparations aient abouti à la disparition du vice et a fortiori n'en aient pas créé d'autres. Or, au cas présent, tel n'est pas le cas puisque l'expert a observé que les réparations effectuées ne sont pas conformes aux règles de l'art et sont au contraire à l'origine de nouveaux désordres.
Les dysfonctionnements répétés du véhicule depuis son acquisition, sa longue immobilisation et les atermoiements de la société Soravia ont légitimement conduit l'acquéreur à concevoir des doutes sur sa fiabilité pour l'avenir même si l'expert juge que le véhicule est économiquement réparable.
Est ainsi rapportée la preuve que le véhicule était affecté de vices cachés antérieurs à la vente, auxquels il n'a pas été remédié dans des conditions satisfaisantes, qui diminuent tellement son usage que M. X ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.
Il y a lieu de prononcer la résolution de la vente du véhicule BMW Z4 intervenue le 19 juin 2015 entre les parties. Cette demande n'est pas formellement exprimée au dispositif des conclusions de l'appelant mais est inhérente à sa demande en restitution de prix. La société Soravia devra venir reprendre possession du véhicule au domicile de M. X ou le faire enlever à ses frais après restitution du prix de vente.
La société Soravia sera condamnée à restituer le prix de vente, soit 35 500 euros.
Le vendeur est par ailleurs tenu de rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.
M. X est fondé à demander à ce titre la somme de 250 euros qu'il a versée lors de l'expertise amiable et celle de 374,10 euros correspondant à une facture de vidange faite en vain.
La demande de M. X tendant au remboursement des primes d'assurance ne peut aboutir puisqu'elles sont dues que le véhicule soit roulant ou non et constituent une obligation légale.
M. X demande par ailleurs la condamnation de la société Soravia à lui verser la somme de 6 937,09 euros correspondant aux intérêts échus au taux de 4,5 % sur la somme de 35 500 euros. Cette demande n'est pas fondée, la somme ne correspondant à aucun frais engagé par l'acquéreur.
Aux termes de l'article 1645 du Code civil, le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. La société Soravia est, en sa qualité de vendeur professionnel, présumée avoir eu connaissance du vice caché, et est donc tenue de tous dommages et intérêts à l'égard de l'acquéreur.
M. X demande sur ce fondement la condamnation de la société Soravia à lui payer la somme de 31 488 euros correspondant selon lui à la privation de jouissance, rappelant que l'expert a évalué le coût du loyer mensuel d'un véhicule similaire à 656 euros et que le véhicule est immobilisé depuis le 23 octobre 2015. Toutefois l'indemnisation de la privation de jouissance ne peut correspondre au coût du loyer d'un véhicule dans le cadre d'une location de longue durée dont le montant est nécessairement plus élevé. Il sera par ailleurs relevé que l'expert a indiqué que le véhicule était utilisé par M. X pour ses loisirs (page 34 du rapport) et n'est pas contredit sur ce point.
La privation de jouissance sera donc indemnisée par l'allocation de la somme de 5 000 euros.
La demande tendant à la condamnation de la société Soravia au paiement de la somme de 3 000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité n'a pas lieu d'être examinée puisqu'elle n'a été formée que dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas la connaissance du vice par le vendeur.
La société Soravia, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront le coût de l'expertise ordonnée le 17 septembre 2018 et versera à M. X une indemnité de procédure de 5 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, Ordonne la résolution de la vente du véhicule BMW de type Z4 modèle LL31 immatriculé DE 067 EQ conclue entre M. X et la société Soravia (facture n° 1VN006863 du 19 juin 2015). Dit que la société Soravia devra reprendre possession du véhicule au domicile de M.B... ou le faire enlever à ses frais après restitution du prix de vente. Condamne la société Soravia à payer à M. X les sommes suivantes : - 35 500 euros en restitution du prix de vente, - 624,10 euros correspondant aux frais, - 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance. Rejette le surplus des demandes de M. X. Condamne la société Soravia à payer à M. X la somme de 5 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel. Condamne la société Soravia aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût de l'expertise ordonnée le 17 septembre 2018.