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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 décembre 2019, n° 16-04717

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Opel France (SAS)

Défendeur :

City Automobiles (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

Avocats :

Mes Lallement, Pagnoux, Vogel, Grappotte-Benetreau

T. com. Paris, du 18 janv. 2016

18 janvier 2016

FAITS ET PROCÉDURE

La société Opel France (anciennement dénommée General Motors France) est l'importateur des véhicules neufs et pièces de rechange de la marque Opel. Elle a été depuis 2004 jusqu'en 2010 l'importateur en France des véhicules neufs et pièces de rechange de la marque automobile Saab.

La société City Automobiles a pour activité le commerce de voitures et véhicules automobiles légers. Elle a été concessionnaire exclusive de la marque automobile Saab à compter de 1997, étant liée par un contrat de distributeur de véhicules neufs et un contrat de réparateur agréé pour chacun de ses trois sites.

Les parties ont conclu le 22 mai 2007 un protocole homologué par une ordonnance du tribunal de commerce de Chambéry du 30 mai 2007, après que la société City Automobiles, qui avait réalisé dans les années 2000 divers investissements, a imputé à la société Général Motors France la dégradation de sa situation financière.

Reprochant des manquements contractuels à la société General Motors France dans le contexte d'une forte chute des ventes en 2008 et 2009, période précédant la cession en 2010 de l'activité de la marque Saab par la société Général Motors Company, propriétaire de celle-ci, à la société néerlandaise Spyker puis la faillite de celle-ci en 2012, la société City Automobiles lui a notifié, par courrier recommandé du 23 janvier 2010, la résiliation aux torts de celle-ci et à effet immédiat de ses contrats de distribution, ce que la société Général Motors France a refusé.

La société City Automobiles l'a alors assignée à bref délai avec 6 autres demanderesses, par acte du 14 décembre 2012, devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement des articles 1134 du Code civil et L. 442-6 I 1° et 5° du Code de commerce.

Par jugement du 7 juin 2013, le tribunal de commerce de Paris a disjoint la cause de la société City Automobiles en raison des demandes reconventionnelles de la société Général Motors France justifiant un débat au fond incompatible avec une procédure à bref délai.

Par jugement du 18 janvier 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la SA City Automobiles de sa demande visant à une responsabilité in solidum de la SAS General Motors France et General Motors Company,

- dit que les demandes visant l'application du protocole sont prescrites,

- dit que la responsabilité de la SAS General Motors France ne peut être engagée pour des agissements antérieurs au 22 mai 2007, et sur l'exécution du protocole lui-même,

- débouté la SA City Automobiles de sa demande d'indemnisation de 1 679 000 euros,

- débouté la SA City Automobiles de sa demande d'indemnisation de 4 500 000 euros,

- débouté la SA City Automobiles de sa demande de paiement de factures,

- condamné la SAS General Motors France à payer la somme de 350 000 euros à la SA City Automobiles à titre de dommages et intérêts,

- condamné la SA City Automobiles à payer à la SAS General Motors France la somme de 119 235,94 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2012,

- ordonné la compensation entre les sommes,

- condamné la SAS General Motors France à payer à la SA City Automobiles la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement avec constitution de garantie,

- condamné la SAS General Motors France aux dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Opel France, appelante de ce jugement suivant déclaration du 22 février 2016, déposées et notifiées le 3 mai 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article 122 du Code de procédure civile,

Vu les articles L. 110-4 du Code de commerce et 2224 du Code civil,

Vu les articles 1134 et suivants du Code civil,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 janvier 2016 en ce qu'il a :

* condamné la société General Motors France à payer la somme de 350 000 euros à la société City Automobiles à titre de dommages et intérêts ;

* condamné la société General Motors France à payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

* condamné la société General Motors France aux dépens,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 janvier 2016 en ce qu'il a :

* débouté la société City Automobiles visant à une responsabilité in solidum des sociétés General Motors France et General Motors Company ;

* dit que les demandes visant l'application du protocole sont prescrites ;

* dit que la responsabilité de la société General Motors France ne peut être engagée pour des agissements antérieurs au 22 mai 2007 et sur l'exécution du protocole lui-même ;

* débouté la société City Automobiles de sa demande d'indemnisation de 1 679 000 euros ;

* débouté la société City Automobiles de sa demande d'indemnisation de 4 500 000 euros ;

* débouté la société City Automobiles de sa demande de paiement des factures ;

* condamné la société City Automobiles à payer la somme de 119 235,94 euros à la société General Motors France avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2012 ;

En conséquence,

1) A titre principal,

- dire, vu l'article 122 du Code de procédure civile, que tous les faits dont excipe la société City Automobiles antérieurs au 14 décembre 2002, sont prescrits,

- dire, vu l'article 122 du Code de procédure civile, que la société City Automobiles n'est pas recevable à contester le protocole d'accord conclu le 22 mai 2007, dès lors que la prescription est acquise depuis le 18 juin 2013,

- dire, vu l'article 122 du Code de procédure civile et l'article 2052 du Code civil, en tout état de cause que la société City Automobiles est irrecevable à reprocher à la société General Motors France devenue Opel France des faits qui sont antérieurs au 22 mai 2007, date du protocole d'accord conclu par la société City Automobiles avec la société General Motors France en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à ce protocole,

- dire, vu l'article 122 du Code de procédure civile, que la société City Automobiles n'a aucune qualité pour demander le remboursement des investissements qui auraient été effectués par le Groupe Gobertier-GDP Vendôme et qu'en tout état de cause, cette demande de remboursement se heurte à la prescription quinquennale puisqu'elle est intervenue plus de cinq ans après et n'est pas justifiée,

- dire que la société General Motors France devenue Opel France n'a commis aucune faute à l'égard de la société City Automobiles,

- débouter la société City Automobiles de sa demande en paiement de factures car non seulement cette demande se heurte à la prescription quinquennale mais en outre, la société General Motors France devenue Opel France ne doit aucune somme à la société City Automobiles,

- débouter la société City Automobiles de l'ensemble de ses demandes et notamment de son appel incident,

2) A titre subsidiaire,

- dire que la société City Automobiles ne démontre aucun lien de causalité entre les prétendues fautes alléguées contre la société General Motors France devenue Opel France et le préjudice dont elle excipe.

- dire en tout état de cause que le préjudice dont la société City Automobiles demande réparation n'est justifié ni dans son principe ni dans son montant.

- débouter en conséquence la société City Automobiles de ses demandes indemnitaires.

3) A titre reconventionnel, si le protocole du 22 mai 2007 était jugé inopposable à la société City Automobiles,

- condamner la société City Automobiles à payer à la société Opel France la somme de 850 000 euros, correspondant à la somme versée au titre du protocole avec intérêts légaux à compter de ses conclusions du 15 mai 2015 avec capitalisation des intérêts courus depuis plus d'un an,

- condamner la société City Automobiles à payer à la société Opel France la somme de 119 235,94 euros avec intérêts légaux à compter du 4 septembre 2012, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts courus depuis plus d'un an,

- condamner également la société City Automobiles à payer à la société Opel France la somme de 739 200 euros correspondant à la somme versée par la seconde à la première au titre du protocole d'accord du 22 mai 2007 avec intérêts légaux à compter du 15 mars 2013, date des premières conclusions de la société Opel France aux termes desquelles cette demande a été faite, avec capitalisation des intérêts courus depuis plus d'un an,

- ordonner la compensation entre la somme qui serait mise à la charge de la société Opel France au bénéfice de la société City Automobiles et la ou les sommes dues à la société Opel France par la société City Automobiles.

4) En tout état de cause,

- faire droit aux demandes de la société Opel France,

- débouter la société City Automobiles de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société City Automobiles à verser à la société Opel France la somme de 25 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société City Automobiles en tous les dépens dont distraction au profit de la Selarl BDL Avocats conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Opel France soutient :

- que l'action de la société City Automobiles est irrecevable, vu la prescription de tous les faits antérieurs au 14 décembre 2002 et des actions en inexécution du protocole du 22 mai 2007 qui a autorité de chose jugée,

- qu'elle n'a commis aucune faute ni fait preuve d'aucune déloyauté, avant comme après ce protocole,

- qu'elle n'a pas rompu brutalement les relations commerciales entre les parties, n'étant pas décisionnaire de la cession de la marque Saab ni responsable des difficultés de celles-ci à compter de 2009,

- que les préjudices allégués ne sont pas fondés faute de preuve d'un lien de causalité avec les fautes alléguées et de justificatif de leur montant,

- qu'elle n'est pas débitrice envers la société City Automobiles qui reste en revanche lui devoir, en vertu du protocole, le remboursement de sommes versées à ce titre, outre des factures impayées de livraisons effectuées.

Vu les dernières conclusions de la société City Automobiles, intimée, déposées et notifiées le 8 juin 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 1, 5, 7 et 8 du protocole d'accord sous conditions suspensives du 22 mai 2007

Vu les articles 2024 et suivants du Code civil

Vu les articles 1134 alinéas 1 et 3 du Code civil

- dire recevable mais mal fondée la société General Motors France en son appel,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité contractuelle de la société General Motors France et en ce qu'il l'a condamnée à payer à City Automobiles une indemnité de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- réformer le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions, Statuant à nouveau,

- dire qu'en raison de l'inexécution de ses obligations prévues aux articles 1 et 5 du Protocole du 22 mai 2007, et en application de son article 7, General Motors France ne peut opposer à City Automobiles l'engagement de non-recours souscrit par celle-ci à l'article 8 dudit protocole dont elle s'est ainsi trouvée libérée,

- dire par conséquent, la société City Automobiles recevable à se prévaloir des griefs antérieurs à ce protocole ainsi que de ceux consécutifs aux conditions de son exécution,

- dire que la société General Motors France a engagé sa responsabilité contractuelle au préjudice de la société City Automobiles :

* en l'ayant abusivement poussé à investir pour la marque Saab tout en la trompant sur le développement des volumes de vente de la marque Saab en France ainsi que sur sa politique commerciale relative à la sortie de nouveaux modèles, ce qui l'a privée de la rentabilité escomptée en contrepartie des investissements particulièrement lourds consentis finalement en pure perte,

* en l'ayant encore trompée en 2008 et 2009 sur la situation et la pérennité de la marque Saab, tout en exigeant du nouvel investisseur de City Automobiles de nouveau et substantiels engagements financiers l'ayant ainsi indument exposée à subir un recul important et préjudiciable du volume de ses ventes à compter de 2008 et surtout en 2009 ainsi que de lourdes pertes, en ayant inexécuté ses obligations prévues aux articles 1 et 5 du protocole précité,

* en ayant contribué significativement à une situation qui a placé brutalement City Automobiles dans l'impossibilité soudaine de poursuivre l'exécution normale de ses contrats de concession de vente de véhicules Saab en décembre 2009 et début janvier 2010, sans avoir anticipé cette situation qu'elle savait inéluctable, ni prévu la moindre mesure d'anticipation, d'accompagnement ou d'indemnisation amiable contrairement notamment à la société General Motors Canada

- dire que, la société General Motors France doit être tenue de réparer l'entier dommage qu'elle a causé, même si la société General Motors Company y a elle-même concouru par ses propres agissements, comme elle le sous-entend,

- condamner en conséquence et pour toutes les causes confondues sus-énoncées, la société General Motors France à payer à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes de 1 679 000 euros, 4 500 000 euros, 2 137 848 euros et 257 002,46 euros, cette dernière somme étant augmentée des intérêts légaux courus depuis la dernière mise en demeure du 8 novembre 2010, Subsidiairement, si la cour faisait droit malgré les circonstances à la demande reconventionnelle de General Motors France relative aux sommes que City Automobiles resterait à lui devoir au titre de l'exécution des contrats conclus entre les parties,

- ordonner la compensation à due concurrence avec les sommes que General Motors France reste elle-même à devoir à City Automobiles pour les mêmes causes,

La condamner à payer à la société City Automobiles une indemnité de procédure de 20 000 euros et aux dépens de première instance et d'appel. La société City Automobiles soutient, pour étayer ses demandes de condamnation en paiement de dommages-intérêts à hauteur de :

- 1 679 000 euros au titre des investissements réalisés avant signature du protocole du 22 mai 2007,

- 4 500 000 euros au titre des investissements réalisés entre 2007 et 2010 soit après ce protocole et sa reprise par le groupe de M. Gobertier,

- 2 137 848 euros correspondant à deux années de marge brute moyenne de 2006 à 2008,

- 257 002,46 euros à titre de créances contractuelles,

- que le protocole est inopposable compte tenu de la mise en échec de la clause de non recours de ce protocole du fait de son inexécution par la société Opel France, en vertu de son article 7,

- que la société Opel France a commis de graves manquements contractuels en la poussant à investir pour la marque Saab tout en la trompant sur la situation et la pérennité de celle-ci, la privant ainsi de la rentabilité escomptée en contrepartie de lourds investissements réalisés en fait en pure perte pour l'exploitation de cette marque et l'exposant à un recul important du volume de ses ventes et à de lourdes pertes,

- que le placement volontaire de Saab en redressement judiciaire par la société Général Motors Compagny et la décision du Groupe Général Motors, en décembre 2009, d'arrêter la production des véhicules de cette marque, Saab AB à Détroit se plaçant elle-même en liquidation judiciaire le 8 janvier 2010 s'analysent en une rupture brutale de ses contrats de distributeur exclusif et réparateur agréé alors que le respect du préavis contractuel de 24 mois s'imposait et que la société Opel France, filiale de Général Motors Company a fait preuve de déloyauté contractuelle,

- qu'elle est fondée à réclamer à la seule société Opel France la réparation intégrale de son préjudice consécutif à ces manquements, même si la société Général Motors Company a concouru à sa réalisation.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'au terme de l'article 954 alinéa 2 et 3 du Code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens invoqués au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Au vu des conclusions ci-dessus, la cour n'est saisie d'aucune prétention tendant au prononcé de la résiliation judiciaire des contrats de distribution conclus entre les parties. Par ailleurs, si la cour est saisie d'une demande d'infirmation du chef du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande visant à la responsabilité in solidum des sociétés Général Motors France et Général Motors Compagny, cette prétention n'est accompagnée d'aucune prétention tendant à ce qu'il soit à nouveau statué de ce chef, la société City Automobiles se limitant à demander la condamnation de la société Opel France à réparer l'entier dommage qu'elle prétend subir, peu important la participation de la société Général Motors Compagny à la réalisation de celui-ci et le fait qu'elle ne soit pas dans la cause.

Cette société n'étant pas dans la cause, ce chef du jugement sera donc être confirmé.

1- Sur la demande de la société City Automobiles en paiement de 257 002,46 euros au titre de factures impayées

Vu les articles 2224 et L. 110-4 du Code de commerce,

Le jugement entrepris retient par des motifs pertinents et adoptés que cette demande est prescrite s'agissant de sommes exigibles depuis plus de cinq ans à la date de la demande.

Il suffira d'ajouter que ces sommes sont dues au titre des années 2005 à 2009 (pièce intimée 109) et que la première demande en justice de règlement de celles-ci date de 2015, ce que la société City Automobiles ne conteste d'ailleurs pas, se bornant à invoquer ses mises en demeure de 2010 (ses pièces 106, 109, 119, 122), impropres à proroger l'exigibilité de ces sommes et insuffisantes pour établir l'absence de contestation, alors même que la société Opel France invoque sans être contredite l'absence de justificatif de la somme réclamée et établit que cette réclamation a été formulée en réponse à sa propre demande en paiement (pièce 106 précitée).

2- Sur la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 119 235, 94 euros à titre de factures impayées

Au vu des pièces produites, le chef du jugement entrepris condamnant la société City Automobiles à payer cette somme à la société Général Motors France avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 septembre 2012 doit être confirmé.

En effet, la société City Automobiles n'a pas contesté cette demande en première instance et ne la conteste pas utilement en appel " au vu des circonstances " (...) et comme n'ayant été formulée qu'après l'assignation, " et ceci à titre de dommages-intérêts complémentaires ".

3- Sur la demande en paiement de 1 679 000 euros au titre des investissements réalisés avant le protocole du 22 mai 2007, homologué par une ordonnance du tribunal de commerce de Chambéry du 30 mai 2007

Selon ce protocole :

- la société Général Motors France acceptait la reprise de la société City Automobiles par la société GDP Vendome dirigée par M. Gobertier et s'engageait à verser diverses sommes à la société City Automobiles pour un total de 850 000 euros ;

- " en contrepartie des engagements pris par Géneral Motors France (...) aux articles 4 et 5 ci-dessus, les parties renoncent expressément à toute action et instance judiciaire entre elles (...) " (article 8) ;

- " les parties s'étant consenti des concessions réciproques, le présent protocole constitue une transaction conformément aux articles 2044 et suivants du Code civil et en particulier, conformément à l'article 2052 du Code civil qui confère au présent protocole l'autorité de la chose jugée en dernier ressort " (article 9).

La société City Automobiles soutient que la clause de non-recours ci-dessus lui est inopposable en vertu de l'article 7 du protocole qui prévoit que " Tous les articles du présent protocole sont indivisibles de sorte que si l'une des parties n'exécute pas l'une de ses obligations, l'autre ou les autres seront libérées des leurs ", du fait de l'inexécution prétendue par la société Général Motors France de ses obligations résultant de ses articles 1 et 5 tels que repris ci-dessous.

La société Opel France soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette contestation soulevée par la société City Automobiles.

Il n'est pas contesté que ce protocole ayant été conclu le 22 mai 2007, la prescription a commencé à courir à compter de cette date, initialement assortie d'un délai de 10 ans que la loi du 17 juin 2008 a réduit à 5 ans et que les dispositions transitoires de cette loi ayant alors fait courir nouveau délai de 5 ans à compter de son entrée en vigueur intervenue le 18 juin 2008 dès lors que la durée totale n'excédait pas le délai initial de 10 ans, ce délai est censé avoir expiré le 18 juin 2013.

Pour accueillir cette fin de non-recevoir le jugement entrepris retient exactement que si, par conclusions du 14 mars 2013, GM France a conclu au rejet des demandes portant sur des faits antérieurs à cette transaction comportant, en son article 8, une clause de renonciation à tout recours, il s'agit d'un moyen visant uniquement au rejet des prétentions adverses qui ne doit pas être considéré comme une demande en justice interruptive de prescription.

En effet, le fait d'opposer un moyen, tel en l'espèce une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ne s'analyse pas en une demande en justice au sens de l'article 2241 du Code civil et, au demeurant, la société City Automobiles ne peut invoquer utilement à son profit une demande adverse pour interrompre cette prescription (Civ. 3, 27 juin 79, n° 78-11103), ce que la société City Automobiles ne conteste pas.

Par ailleurs, la société City Automobiles ne soutient pas utilement non plus qu'elle n'a pu acquérir la certitude que la société Général Motors France n'exécuterait pas en définitive ses engagements, donc agir, avant le 23 janvier 2010, date de la cessation de la relation commerciale des parties.

En effet, il s'agit de revenir à l'occasion du présent litige, par conclusions du 27 juin 2014 en réponse à celles adverses du 13 mars 2013, sur un accord lui ayant permis d'obtenir de celle-ci paiement d'une somme de 850 000 euros qu'elle ne propose d'ailleurs pas de restituer, motifs pris :

- du remplacement des contrats de distribution préexistants des trois sites par un seul et unique contrat au profit du seul site de Chambery, et du défaut de prise en compte des sites de Grenoble et d'Annecy comme des sites secondaires, à la suite de sa reprise par M. Gobertier (article 1),

- du non-paiement des arriérés (article 5), dont il a été jugé qu'ils correspondent aux années 2005 à 2009.

Ce d'autant qu'elle ne justifie pas avoir sollicité cette régularisation et qu'il a été jugé au point 1 ci-dessus que sa demande en paiement des arriérés est prescrite.

Enfin, le jugement entrepris a exactement retenu que le protocole mettait fin aux différends antérieurs.

La société City Automobiles n'est donc pas recevable à se prévaloir des griefs antérieurs à ce protocole et de ceux consécutifs à son exécution.

En conséquence, la demande en paiement de 1 679 000 euros au titre des investissements réalisés avant le protocole du 22 mai 2007, homologué par une ordonnance du tribunal de commerce de Chambéry du 30 mai 2007 doit être déclarée irrecevable.

*4- Sur la demande reconventionnelle en remboursement de la somme de 739 200 euros payée en vertu du protocole

Le jugement entrepris retient à bon droit pour la rejeter que la condition de ce remboursement prévu au protocole tenant au maintien du contrat jusqu'en 2012 a été rendue impossible par la disparition de la marque Saab.

Il suffira d'ajouter, ce qui n'est pas en débat, que cette condition résulte des dispositions sans équivoque de l'article 4 du protocole et que la société Opel France ne discute pas les motifs du jugement (conclusions p. 81) tandis que la société City Automobiles se borne à soutenir qu'il " résulte de ce qui précède que la société GM France ne pourra qu'être déboutée (...) de sa demande de dommages et intérêts au titre de la prétendue et inexistante violation du protocole " (Conclusions p. 33).

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

5- Sur la demande en paiement de 4 500 000 euros au titre de la perte des investissements réalisés entre 2007 et 2010 soit après le protocole et la reprise de la société City Automobiles par le groupe de M. Gobertier

Le jugement entrepris, pour rejeter cette demande retient que si ces investissements ont été consentis, suite au protocole, avec la participation non négligeable de la société Général Motors France, rien de permet d'établir une faute de sa part, sa démarche s'inscrivant dans la recherche d'un intérêt commun.

La société City Automobiles soutient à ce titre au visa de l'article 1134 devenu 1103, 1104 et 1193 du Code civil que la société Général Motors France n'a pas exécuté les engagements susvisés qu'elle avait pris au terme du protocole et qu'elle a entretenu de faux espoirs quant à la pérennité de la marque Saab alors que finalement elle sera cédée en février 2010 au groupe Spyker qui ne sera pas en mesure de l'assurer.

Les demandes relatives au premier grief ont été déclarées irrecevables au point 3 ci-dessus.

Pour le surplus, la cour retient que le grief n'est pas fondé pour les motifs qui suivent.

Certes, il pèse sur le concédant une obligation d'information des concessionnaires, qui implique que ces derniers soient informés dans des délais raisonnables du contexte économique général du réseau et des différentes difficultés subies par la marque qu'ils distribuent.

Néanmoins, les pièces appelante n° 50 et 51 attestent de l'absence de tromperie sur le volume des ventes, la société Général Motors France faisant savoir, en septembre 2008, à la société City Automobiles qui envisageait un volume de vente en augmentation, en raison de l'arrivée de nouveaux modèles, de 25 % en 2010 (par rapport à 2008/ 2009) qu'elle trouvait cette augmentation trop optimiste. Une telle tromperie ne saurait résulter de l'annonce faite le 25 juin 2009 par le directeur général de la société Général Motors France au journal l'Argus : " Saab va réenclencher une dynamique vertueuse ; très vite la marque compte retrouver le marché des sociétés et des loueurs qu'il a boudé (...) Pour cette année, nous nous inscrivons dans un volume de 2 000 à 2300 voitures " (pièce intimée 196). Cette annonce destinée au grand public, tentant de se projeter dans l'avenir pour l'anticiper à partir d'une situation difficile, ne recèle aucun mensonge, ce que la seule circonstance que Saab n'ait finalement commercialisé en France que 1585 véhicules en 2009 ne suffit pas à établir dans le contexte de communication de crise dans lequel cette annonce s'inscrit.

D'autre part, aucune pièce en débat ne caractérise non plus la tromperie alléguée sur la sortie des nouveaux modèles, dès lors que :

- la société City Automobiles, concessionnaire de la marque Saab, connaissait la situation de celle-ci depuis plusieurs années, spécialement après le protocole signé en mai 2007 en considération tant de celle-ci que des aides financières de la société Général Motors France rappelées ci-dessus, attachées à ce protocole et elle ne saurait faire rétroagir en 2009 l'échec de la reprise de l'activité du réseau Saab ou de son rachat,

- le " plan produits " comportait la sortie de nouveaux modèles, annoncé fin 2008 et il n'est pas démontré qu'il ne s'est pas concrétisé, même s'il a subi des retards, dont la société Général Motors France n'était pas responsable, le modèle Saab 9-5 ayant été présenté en 2009 au salon de Francfort et commercialisé en 2010 et le modèle Saab 9-3-X ayant été présenté en 2008 au salon de Genève et commercialisé ensuite tandis que le Concept Car 9-X BioHybrid y remportait le prix du meilleur Concept Car (pièces appelante 40-44 et 48),

- la lettre de la société Général Motors France du 29 décembre 2008 aux concessionnaires, si elle s'efforce de rassurer ceux-ci, en faisant preuve d'optimisme compte tenu du lancement d'un nouveau modèle, ne se révèle pas davantage mensongère, non plus que le courriel de la société Général Motors France à son réseau du 16 juin 2009 annonçant le rachat de la marque Saab par Konigsegg Group AB et évoquant la nouvelle Saab 9-5 ; il n'est pas démontré que le réseau et la marque Saab étaient définitivement voués à la disparition dès ce moment, d'autant plus que le lancement d'une gamme renouvelée et enrichie de véhicules neufs de la marque Saab était de nature à les relancer.

Par ailleurs, la société City Automobiles n'indique pas en quoi la société Général Motors France devrait être tenue pour responsable de la résiliation prétendue de ses financements bancaires par des sociétés qui ne sont pas dans la cause et ne démontre pas que la société Général Motors France a refusé d'intervenir auprès de la société Chevrolet France, dont elle n'est pas l'importateur en France de la marque, pour qu'elle lui concède la représentation de celle-ci. Ce d'autant qu'elle ne justifie pas de ses propres démarches à cette fin auprès de cette société.

Enfin, il n'est pas sans paradoxe de prétendre que, depuis 2000, les engagements n'auraient jamais été tenus par SAAB puis de soutenir dans le même temps avoir de bonnes raisons d'avoir cru à l'avenir de la marque après 2007. Ce d'autant que les événements très difficiles qu'a connus le Groupe Général Motors à partir du dernier trimestre 2008 et jusqu'au début de l'année 2010 s'inscrivent dans une crise économique de grande ampleur qui le dépasse largement, comme d'autres constructeurs automobiles et que la société City Automobiles n'est pas fondée à demander à la société Général Motors France de garantir un niveau des ventes à ses distributeurs quelles que soient les circonstances extérieures.

Il s'ensuit qu'aucun manquement à la bonne foi contractuelle, ni aucune faute ne peut être imputé à la société Général Motors France et que la demande de la société City Automobiles de ce chef doit être rejetée. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

6- Sur la demande en paiement de 2 137 848 euros correspondant à deux années de marge brute moyenne prétendument perdue de 2006 à 2008 suite aux manquements invoqués

La société City Automobiles soutient au visa de l'article 1134 alinéa 1 et 3 devenu 1103, 1104 et 1193 du Code civil, d'une part, que du fait de la mise volontaire en redressement judiciaire puis, le 8 janvier 2010, en liquidation judiciaire de la société Saab AB, constructeur et de l'arrêt de la production et de la distribution de ses véhicules, elle n'a eu d'autre choix que de résilier aux torts de la société Général Motors France, le 23 janvier 2010, ses contrats de distribution de véhicules neufs dont la poursuite s'est révélée impossible, les ventes étant passées de 3171 unités en 2008 à 1585 en 2009 et, d'autre part, que le contraste entre l'attitude de la société Général Motors Canada qui a adapté la taille de son réseau aux circonstances en maintenant la rentabilité des distributeurs concernés ainsi qu'en assurant un délai de prévenance et une indemnité transactionnelle aux sortants et l'attitude, inexcusable, de la société Général Motors France est saisissant.

Le jugement entrepris, pour condamner la société Général Motors France à payer à la société City Automobiles la somme de 350 000 euros à ce titre, correspondant à la perte de quatre mois de marge brute retient qu'aucune faute contractuelle n'est établie à l'encontre de la première mais qu'en revanche sa déloyauté a privé la seconde de la possibilité de gérer au mieux de ses intérêts la sortie des contrats de distribution dont l'équilibre était rompu, en l'état d'une fin de contrats précipitée et non programmée, même si leur fin est intervenue à la date à laquelle ils auraient en tout état de cause cessé, suite à leur résiliation sans préavis fin janvier 2010 par la société City Automobiles qui, si elle avait voulu les résilier dès 2008 aurait été tenue par le préavis de deux ans de leur article 19.

Pour caractériser le seul grief de déloyauté ainsi retenu, le jugement entrepris relève que l'on ne peut faire grief à la société Général Motors France d'avoir relayé la communication de la société Général Motors Company vers le grand public, résolument optimiste compte tenu de son objectif de cession de la marque Saab, sauf à empêcher toute possibilité de redressement de la marque quand les difficultés ont commencé, mais qu'il n'en va pas de même de sa communication, en tant qu'importateur, à l'égard de son distributeur envers lequel elle est tenue d'une obligation contractuelle de conseil. Les premiers juges relèvent que la société Général Motors France s'est bornée à relayer des informations certes enthousiastes mais illusoires alors que les plans de sortie de nouveaux modèles et de leurs évolutions sont connus très à l'avance compte tenu des contraintes industrielles et que cet enthousiasme n'était pas partagé par tous les importateurs comme en attestent les propositions faites par Général Motors Canada en mai 2009, qui montrent que la problématique pouvait être abordée différemment.

Toutefois, il a été jugé au point 5 qui précède, qu'aucun manquement à la bonne foi contractuelle, ni aucune faute ne peut être imputé à la société Général Motors France.

Il suffira d'ajouter, sur la rupture brutale alléguée, qu'il n'est pas en débat que la société Général Motors France n'était pas décisionnaire s'agissant de la faillite de Général Motors aux Etats-Unis en 2008, de la décision de céder Saab en 2009 et des tractations de cession de Saab en 2009/2010 auxquelles elle n'était pas partie prenante, ni de l'échec de Spyker à pérenniser la vente des véhicules neufs de la marque. La société Général Motors France qui n'a pas caché des informations stratégiques aux distributeurs, ni diffusé de fausses informations ou des informations trompeuses qui les auraient conduits à se méprendre sur l'avenir de la marque et du réseau Saab, pouvait légitimement croire dans le maintien de la gamme. Elle n'avait dès lors pas à inviter, dès la fin 2008, les concessionnaires à résilier les contrats en respectant le préavis contractuel et le volume d'affaires moyen 2006-2008, sauf à l'indemniser en conséquence comme l'a fait Général Motors Canada, cependant que des solutions de rachat étaient recherchées et la poursuite des relations commerciales envisagée avec des perspectives de succès dont il n'est pas démontré qu'elles étaient alors déraisonnables.

Quant à la comparaison avec Général Motors Canada qui a mis fin aux contrats Saturn 11/Saab de nombre de ses distributeurs en mai 2009 à effet de décembre 2009 moyennant préavis et indemnisation, elle n'est pas raison. En effet, en France la démarche pouvait être alors de transférer les contrats au repreneur dans le cadre de la cession envisagée, non de les résilier comme au Canada dans une logique de réduction de réseau (Pièce intimée PC 235) puisqu'étaient à l'étude en 2008 et 2009 les moyens de pérenniser la marque et, là encore, la société City Automobiles ne saurait faire rétroagir en 2009 l'échec de la reprise de l'activité du réseau Saab ou de son rachat. En outre, l'indemnisation accordée (1 800 dollars canadiens équivalent à 1000 euros peu ou prou par véhicule neuf vendus par an) qui aurait correspondu à quelques 150 000 euros est sans commune mesure avec celle que sollicite la société City Automobiles.

Il s'ensuit qu'aucune rupture brutale des contrats auxquels la société City Automobiles a mis fin unilatéralement le 23 janvier 2010 avec un préavis de 8 jours, refusant ensuite leur transfert au groupe Spyker, repreneur de la marque Saab ne peut être mise à la charge de la société Général Motors France.

La demande de la société City Automobiles de ce chef doit être rejetée et le jugement entrepris infirmé en ce qu'il y a fait droit.

7- Sur les demandes accessoires

Conformément aux articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la société City Automobiles, dont le recours échoue doit supporter la charge des dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure et l'équité commande de la condamner à ce dernier titre dans les termes du dispositif qui suit.

Par ces motifs : LA COUR, statuant dans les limites de sa saisine, Confirme le jugement entrepris sauf en ce que : - il a débouté la société City Automobiles de sa demande d'indemnisation de 1 679 000 euros ; - il a condamné la société Général Motors France à payer à la société City Automobiles la somme de 350 000 euros à titre de dommages-intérêts ; - il a ordonné la compensation ; - il a condamné la société Général Motors France à payer à la société City Automobiles une indemnité de procédure de 20 000 euros et aux dépens ; statuant à nouveau et y ajoutant, Déclare irrecevable la demande de la société City Automobiles en paiement de la somme de 1 679 000 euros ; Rejette la demande de la société City Automobiles en paiement de la somme de 2 137 848 euros ; Dit n'y avoir lieu à compensation ; Condamne la société City Automobiles aux dépens de première instance et d'appel ; Condamne la société City Automobiles à payer à la société Opel France une indemnité de procédure de 20 000 euros et rejette toute autre demande.