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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 5 décembre 2019, n° 18-04654

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Speed Rabbit Pizza (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Andrieu

Conseillers :

Mmes Soulmagnon, Muller

T. com. Nanterre, du 14 juin 2018

14 juin 2018

EXPOSE DU LITIGE

La société Speed Rabbit Pizza (ci-après la société SRP) assure l'exploitation directe et en franchise d'un réseau de points de restauration, vente à emporter et livraison à domicile de pizzas.

La société X (ci-après la société X) dont le gérant est M. X a une activité de restauration rapide.

Le 17 février 2011, les sociétés SRP et X ont conclu un contrat de franchise, pour l'exploitation d'un fonds de commerce à Villejuif (94 800). Par acte sous seing privé du même jour, M. X s'est porté caution solidaire des sommes dues au franchiseur durant le contrat de franchise, dans la limite de 200 000 euros.

Au printemps 2015, la société X a cessé de verser les redevances publicitaires trimestrielles et les redevances mensuelles sur le chiffre d'affaires à la société SRP.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 mai 2015, la société SRP a mis en demeure la société X de lui régler 4 787,95 euros au titre des fractures impayées. Elle a réitéré ses demandes par courriers recommandés avec accusé de réception le 15 juin 2016, pour la somme de 18 347,78 euros puis le 6 mars 2017, pour celle de 29 107,70 euros.

C'est dans ces conditions que par actes d'huissier des 25 juillet et 19 septembre 2017 la société SRP assigne la société X et Monsieur X en paiement des sommes et résiliation du contrat de franchise.

Par jugement du 14 juin 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Prononcé la résiliation du contrat de franchise du 17 février 2011, aux torts exclusifs de la société X et ce, à la date du 25 juillet 2017 ;

- Condamné solidairement la société X et M. X en qualité de caution, à payer à la société Speed Rabbit la somme de 29 694,82 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2017 ;

- Condamné solidairement la société X et M. X en qualité de caution, à payer à la société Speed Rabbit la somme de 34 501,60 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Enjoint la société X de déposer l'enseigne " société Speed Rabbit " et de cesser l'utilisation de tout autre support faisant référence à la franchise " société Speed Rabbit " et ce sous une astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours après la date de signification de ce jugement ;

- S'est réservé, le cas échéant, la liquidation de ladite astreinte ;

- Dit que, faute pour la société X de déposer l'enseigne " société Speed Rabbit " et de cesser l'utilisation de tout autre support faisant référence à la franchise " société Speed Rabbit " dans un délai de quarante-cinq jours après la date de signification du présent jugement, il sera de nouveau fait droit ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Condamné solidairement la société X et M. X à payer à la société Speed Rabbit la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné solidairement la société X et M. X à supporter les dépens.

Par déclaration du 3 juillet 2018, M. X et la société X ont interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 25 mars 2019, M. X et la société X ont demandé à la cour de :

A titre principal :

- Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau :

- Enjoindre à la société SRP de déférer à la sommation de communiquer et de verser aux débats :

• Tout élément justifiant des actions de publicité nationale réalisées par le franchiseur sur les années 2015, 2016 et 2017, et justifiant la facturation mensuelle par le franchiseur d'une redevance de 1 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par le franchisé (article 7.3 du contrat de franchise),

• Tout élément justifiant de l'exécution par le franchiseur de son obligation d'assistance permanente du franchisé prévue par l'article 4.5 du contrat et notamment de l'organisation de réunions réseau, l'envoi de circulaires d'informations, diligences réalisées pour l'animation et la promotion du point de vente franchisé etc.),

• Le document d'information préalable remis à Monsieur X préalablement à la conclusion du contrat,

- Enjoindre à la société SRP de communiquer la liste actualisée de ses franchisés en activité,

- Prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société SRP,

- Débouter la société SRP de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

A titre subsidiaire, si le la cour faisait droit aux demandes en paiement de la société franchiseur :

- Constater le caractère disproportionné du cautionnement souscrit par M. X,

- En conséquence, débouter la société SRP de ses demandes à l'encontre de la caution,

- Dire que la clause pénale dont pourrait se prévaloir la société SRP au titre du contrat de franchise serait de 15 026,98 euros,

- Réduire le montant de cette clause pénale à l'euro symbolique compte tenu des manquements de la société SRP à ses obligations contractuelles,

En toutes hypothèses :

- Débouter la société SRP de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- Condamner la société SRP à verser à la société X et M. X, ensemble, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens d'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 15 mai 2019, la société Speed Rabbit a demandé à la cour de :

- Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.

- Débouter la société X et M. X de toutes leurs demandes,

- Condamner solidairement la société X et M. X à payer à la société SRP la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamner solidairement la société X et M. X aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2019.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur

M. X et la société X demandent en appel de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société SRP au motif qu'elle a failli dans ses obligations et notamment dans l'animation du réseau Speed Rabbit Pizza, celle-ci ayant préféré selon eux se consacrer au traitement des contentieux l'opposant à la société Domino's Pizza.

La société SPR soulève l'irrecevabilité de la demande en appel au motif que la société X a reconnu devoir les redevances devant les premiers juges, qu'il s'agit d'un aveu judiciaire, que les intimés ne peuvent dès lors en appel soutenir que les redevances reconnues en première instance ne seraient plus dues au motif que le franchiseur n'aurait pas respecté ses obligations.

Sur le fond, elle fait valoir que la demande est mal fondée, qu'elle a parfaitement rempli ses obligations.

Sur la recevabilité de la demande

L'article 564 du Code de procédure civile dispose " qu'à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ".

L'article 1383 du Code civil dispose que l'aveu est une déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques. Il peut être judiciaire ou extrajudiciaire.

Il ressort du jugement critiqué qu'il est réputé contradictoire, M. X n'ayant pas comparu à l'audience.

Le jugement mentionne " que la société X qui n'a pas déposé de conclusions a informé le tribunal qu'elle ne conteste pas ses dettes ".

Cette simple mention dans le jugement outre la mention selon laquelle la société X n'a opposé aucun moyen pour s'opposer à la demande en résiliation du contrat de franchise à ses torts ne suffit pas à caractériser un aveu judiciaire.

Dès lors, M. X qui ne s'est pas défendu en première instance et la société X sont en droit de faire valoir en appel une demande qui tend à voir écarter les prétentions adverses.

La demande est déclarée recevable.

Sur le fond :

Les appelants reprochent à la société SRP un manquement qui serait caractérisé par l'animation du réseau et un défaut de publicité et ce pour les années 2015, 2016 et 2017. Ils considèrent que la société SRP ne communique aucune pièce pertinente à cet égard, que les brochures promotionnelles sont réglées par le franchisé et ne couvrent pas l'obligation de publicité à la charge du franchiseur.

En réplique, pour justifier avoir rempli son obligation de publicité nationale, la société SRP produit une attestation de l'expert-comptable de la société du 20 mai 2017 selon laquelle celui-ci atteste pour les années 2014 et 2015 des frais engagés soit à hauteur de 227 031 € et de 349 047 €.

La société SRP produit la commande de dépliants, des documents relatifs à des opérations de partenariat, des visuels de nouveaux produits, la campagne foot 2016, un mail du 16 novembre 2017 et les documents y afférant adressé aux adhérents faisant état de la création d'une plate-forme SMS en 2017 permettant d'envoyer des promotions aux clients. Elle justifie de l'organisation de plusieurs réunions réseau depuis le début du contrat et notamment en 2014 communiquant un procès-verbal de synthèse de la réunion et justifie ainsi avoir rempli son obligation d'animation du réseau.

La société X et M. X reprochent également à la société SRP une absence de soutien mais sans que pour autant ils ne fassent état d'une demande d'aide

Les appelants ne rapportent donc pas la preuve de ce que la SRP a manqué à ses obligations de franchiseur, que celle-ci en rapporte la preuve contraire.

En conséquence, il convient de débouter M. X et la société X de leur demande en résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé et a condamné M. X et la société X solidairement à verser la somme de 29 694,82 € avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2017 pour défaut de paiement des redevances dont le quantum n'est pas contesté.

Sur la demande de la société SRP en paiement de la somme de 34 501,60 € à titre de dommages et intérêts

L'article 12-4 du contrat de franchise prévoit qu'outre l'exigibilité immédiate de toutes sommes principales et/ou intérêts dus au franchiseur en vertu des présentes, en cas de résiliation du présent contrat aux torts et griefs du Franchise ou pour une cause imputable au franchisé, ce dernier devra acquitter à titre de dommages et intérêts forfaitairement évalués une somme égale aux royalties qui auraient dû être réglées au Franchiseur si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme, ces royalties étant calculées sur la base de la dernière année de CA réalisée par le franchisé.

Les appelants concluent à l'infirmation du jugement qui les a condamnés à ce titre et font valoir qu'il s'agit d'une clause pénale laquelle devait être précédée d'une mise en demeure. Ils concluent à titre principal au rejet de l'application de la clause pénale et à titre subsidiaire à sa modération.

Ils font valoir au surplus que le chiffre d'affaires à prendre en compte n'est pas le dernier exercice comptable du franchisé mais le chiffre d'affaires réalisé sur les derniers mois soit du 25 juillet 2016 au 25 juillet 2017, que la clause ne pourra qu'être limitée à la somme de 15 026,98 € pour les 42,7 mois restants.

En tout état de cause, ils demandent que la somme allouée soit réduite à l'euro symbolique.

La société SRP conclut à la confirmation du jugement, les conditions d'application de la clause étant réunies, celle-ci n'ayant pas à être modérée.

Force est de constater que les conditions de l'article 12-4 du contrat de franchise dans la mesure où le franchisé a manqué à ses obligations, la résiliation du contrat étant prononcée à ses torts sont réunies, l'indemnité étant prévue de façon forfaitaire.

Les parties sont donc en désaccord dans l'interprétation de la clause quant au calcul de l'indemnité, concernant la base de calcul à retenir, celle-ci étant prévue comme étant la dernière année de CA réalisée par le franchisé.

Le contrat doit être interprété contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

Il y a lieu en conséquence de retenir comme base de calcul les douze derniers mois précédant la résiliation du contrat soit du 25 juillet 2016 au 25 juillet 2017, date de l'assignation introductive d'instance.

Sur cette période, la société X justifie avoir réalisé un chiffre d'affaires de 84 462,93 € ainsi qu'en atteste l'expert-comptable soit un chiffre d'affaires mensuel moyen de 7 038,57 €.

La redevance mensuelle moyenne s'élève ainsi à 7 038,57 € x 5 % soit 351,92 €.

La clause contractuelle sera donc limitée à la somme de 15 026,98 € au regard de la durée restante du contrat.

L'indemnité à hauteur de la somme de 15 026,98 € dont le caractère excessif au regard du préjudice subi n'est pas démontré par les appelants doit être retenue tant en son principe qu'en son montant, l'absence de mise en demeure visant le règlement de l'indemnité n'ayant pas porté préjudice à la société X et à M. X dans la mesure où ils avaient été destinataires de trois mises en demeure successives qui les alertaient sur le non-paiement des redevances et dès lors les alertaient sur la situation en son ensemble.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur la demande de condamnation de M. X en sa qualité de caution solidaire

Par acte sous seing privé du 17 février 2011, M. X s'est porté caution solidaire du franchisé à hauteur du paiement de toutes les sommes dues dans la limite de 200 000 €.

M. X soutient que son engagement de caution est manifestement disproportionné au regard de ses biens et revenus. Il fait état de ce que la fiche de renseignement complétée par lui-même à la date du cautionnement était seule à même de permettre au créancier professionnel de s'assurer de façon précise de la proportionnalité de l'engagement de caution au regard de ses capacités de remboursement. Il relève que la société SRP ne produit pas le document d'information préalable malgré l'injonction qui lui en a été faite aux fins d'éviter d'être gêné par son contenu.

Il fait valoir qu'à la date du cautionnement, il avait déclaré être locataire de son logement et n'avait déclaré que 6 000 € de revenus.

La société SRP soutient qu'il convient d'apprécier le patrimoine de M. X au jour où il est appelé en tant que caution soit à la date de l'assignation qui lui a été délivrée et non à la date de la conclusion de l'engagement, la preuve étant établie de ce qu'il dispose à ce jour de revenus lui permettant de faire face largement à ses obligations.

L'article L. 341-4 ancien du Code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui l'invoque de démontrer que son engagement de caution la date de la conclusion du contrat était manifestement disproportionné par-rapport à ses biens et revenus.

M. X demande à la société SRP de produire le document d'information préalable mais c'est à lui de démontrer que ses ressources étaient insuffisantes lors de la signature de l'acte de caution.

Le fait que M. X n'ait pas été destinataire de la lettre individuelle d'information de la caution comme il le prétend n'a pas d'incidence sur la validité de l'engagement.

Force est de constater que M. X ne verse pas au débat ses avis d'imposition de 2010 et 2011 ni d'autres éléments permettant de justifier de sa situation financière à cette date ; en revanche, il ne conteste pas les éléments le concernant à la date où la caution est appelée, la société SPR produisant une fiche d'Infogreffe sur laquelle figurent les chiffres d'affaires réalisés par la société Fransim dont M. X est le gérant qui dégage des bénéfices de 98 516 € en 2016 et de 66 667 € en 2017, que le fonds de commerce peut être évalué au vu du chiffre d'affaires à 650 000 €, qu'il possède 50 % de la SCI X et que la SCI est propriétaire d'un immeuble d'une valeur de 850 000 € situé à Amiens.

M. X ne conteste pas les éléments de son patrimoine décrits par la société SRP.

Dès lors la preuve du caractère manifestement disproportionné de la caution à la date où elle est appelée n'est pas rapportée.

Le jugement qui a condamné M. X en sa qualité de caution solidaire est en conséquence confirmé ainsi qu'en ses autres dispositions non contestées.

Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ce qui concerne les dépens et l'indemnité allouée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société X et M. X qui succombent en appel sont condamnés solidairement aux dépens d'appel.

Ils sont condamnés à verser la société SPR la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant par décision contradictoire Confirme le jugement rendu le 14 juin 2018 par le tribunal de commerce de Nanterre en ses dispositions sauf en ce qui concerne la condamnation à des dommages et intérêts, Statuant à nouveau, Condamne solidairement la société X et M. X en qualité de caution, à payer à la société Speed Rabbit la somme de 15 026,98 € euros à titre de dommages et intérêts, Condamne solidairement la société X et M. X aux dépens d'appel, Condamne solidairement la société X et M. X à verser à la société Speed Rabbit Pizza la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.