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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 5 décembre 2019, n° 18-04762

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Salto (SARL)

Défendeur :

Caisse d'Epargne et de Prévoyance NCE (Sté), Ssertson Group (SARL), Selarl AJ UP (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esparbès

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

T. com. Saint-Etienne, du 25 avr. 2018

25 avril 2018

EXPOSÉ DU LITIGE

En 2004, M. X a créé la SARL Ssertson group (Ssertson), anciennement dénommée Rapid Croq', spécialisée en alimentation et accessoires pour animaux. Après l'ouverture de six magasins dans la région stéphanoise, cette société a développé son activité dans le cadre de contrats de franchise.

Le 2 mai 2011, Mme Y a signé un contrat de réservation de zone pour un territoire dans la région de Boulogne-sur-Mer et a versé un acompte sur le droit d'entrée du contrat de franchise Rapid Croq'.

En août 2011, M. Y et Mme Y ont créé la SARL Salto, qui a signé le 4 décembre 2011 un contrat de franchise Rapid Croq' pour une durée de cinq années.

Le 9 novembre 2011, la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe (Caisse d'épargne) a accordé à la société Salto deux prêts de 140 000 € et de 17 888 € garantis par le cautionnement solidaire des époux Y à hauteur de 25 % de l'encours des prêts, un nantissement sur le fonds de commerce et le cautionnement du Fonds régional garantie Nord à hauteur de 25 % de l'encours du prêt.

La société Salto et les époux Y ont considéré que la société Ssertson les avait trompés sur la rentabilité du groupe et qu'elle n'apportait pas l'assistance au développement due par un franchiseur.

Par actes des 16 mars et 1er avril 2015, la société Salto et les époux Y ont fait assigner la société Ssertson et la Caisse d'épargne en responsabilité pour non-respect du devoir de conseil et de mise en garde de la banque et en nullité du contrat de franchise.

Le 10 novembre 2015, la liquidation judiciaire de la société Salto a été prononcée, Me Z étant désigné comme liquidateur judiciaire.

Par jugement contradictoire du 25 avril 2018, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- rejeté l'intégralité des demandes principales et subsidiaires formées par Me Z, liquidateur judiciaire de la société Salto, et par les époux Y,

- condamné in solidum Me Z, liquidateur judiciaire de la société Salto, et les époux Y à payer à la Caisse d'épargne la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit sur les dépens sont à la charge solidaire de Me Z, liquidateur judiciaire de la société Salto et des époux Y,

- rejeté la demande d'exécution provisoire.

La société Ssertson a été placée en redressement judiciaire le 2 mai 2018, la Selarl W ayant été désignée mandataire judiciaire et la Selarl AJ UP en qualité d'administrateur judiciaire.

Les époux Y ont interjeté appel par acte du 28 juin 2018, intimant la Caisse d'épargne, la société Ssertson et la Selarl AJ UP, administrateur judiciaire de la société Ssertson.

La société Ssertson a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 6 février 2019, la Selarl W ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Dans le dernier état de leurs conclusions déposées le 27 septembre 2019, fondées sur les articles 1134 et 1382 anciens, comme 1112-1 nouveau du Code civil et 565 du Code de procédure civile, les époux Y demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris dans son intégralité et de :

Contre la société Ssertson,

- juger que la société Ssertson a commis des fautes précontractuelles et contractuelles à l'encontre de la société Salto qui engagent la responsabilité délictuelle du franchiseur à leur encontre et qui leur ont causé des préjudices directs et certains,

- fixer au passif de la société Ssertson les sommes de :

· 54 283 € sauf à parfaire au titre du solde de leur compte courant dans la société Salto et du remboursement du capital investi dans la société Salto,

· 40 000 € au titre du préjudice moral subi en raison de la fin anticipée de leur fonds de commerce,

· 40 000 € au titre de la perte de chance de faire une meilleure utilisation de leurs fonds,

· 15 000 € au titre de la perte de chance de pouvoir souscrire de nouveaux emprunts et de pouvoir se relancer dans le monde des affaires en créant une nouvelle société,

- fixer au passif de la société Ssertson la somme de 59 600 € au titre d'un manque à gagner en termes de rémunération,

- condamner la société Ssertson à les garantir en leur qualité de caution de la société Salto vis-à-vis de la Caisse d'épargne et fixer à son passif tous les paiements à venir au bénéfice de cet établissement au titre de leurs deux cautionnements solidaires, outre intérêts,

- condamner la société Ssertson à leur verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Ssertson avec la Caisse d'épargne aux entiers dépens,

Contre la Caisse d'épargne,

- juger que la Caisse d'épargne a failli à ses obligations de vigilance, de prudence élémentaire qui pèsent sur elle à l'égard des cautions, a manqué à son obligation d'information, son devoir de mise en garde et son obligation de conseil à l'égard des cautions, a manqué à l'exigence de loyauté contractuelle à l'égard des cautions,

- juger que la demande d'indemnisation pour la perte de chance de faire une meilleure utilisation des fonds ne constitue pas une demande nouvelle,

- condamner la Caisse d'épargne à garder à sa charge la somme de 72 404,07 € déclarée au passif de la société Salto à titre de dommages et intérêts,

- juger que la Caisse d'épargne est déchue du droit de se prévaloir de leurs cautionnements, et subsidiairement, la condamner à leur verser des dommages et intérêts à hauteur du montant qu'elle leur réclame, soit la somme de 19 842,74 € outre intérêts,

- condamner la Caisse d'épargne à leur payer la somme de 50 000 € au titre de la perte de chance de faire une meilleure utilisation de leurs fonds,

En tout état de cause,

- condamner la Caisse d'épargne à leur payer la somme de 10 000 € au titre du préjudice moral qu'ils ont subi,

- condamner la Caisse d'épargne avec la société Ssertson aux entiers dépens,

- condamner la Caisse d'épargne à leur verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 12 septembre 2019, au visa de l'article 1231-1 du Code civil, la Caisse d'épargne demande à la cour de :

À titre principal,

- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- juger que M. Y gérant et associé de la société Salto, et Mme Y, associée de la société Salto, ont la qualité d'emprunteurs et de cautions avertis,

- juger qu'elle n'a commis aucune faute que ce soit dans le cadre de l'octroi des prêts accordés à la société Salto et dans le cadre des actes de cautionnements des époux Y,

- débouter les époux Y de l'intégralité de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,

- condamner les époux Y à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,

À titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour estimait devoir réformer le jugement déféré et considérer qu'elle a commis une faute, il ne saurait pour autant être fait droit aux demandes des époux Y,

- constater que les époux Y ne sollicitaient pas, en première instance une somme de 50 000 € au titre de la perte de chance d'une meilleure utilisation des fonds, et juger que cette demande constitue une nouvelle prétention et la déclarer irrecevable,

- juger que la perte de chance de ne pas contracter invoquée par les époux Y ne peut être que minime et ne saurait être supérieure à 10 %,

- juger qu'elle sera relevée et garantie par la Selarl W, liquidateur judiciaire de la société Ssertson, de toutes condamnations qui seraient mises à sa charge,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Ssertson à une somme égale au montant des condamnations qui seraient mises à sa charge,

- condamner in solidum les époux Y à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Ssertson et la Selarl AJ UP, son administrateur judiciaire, n'ont pas constitué avocat et la déclaration d'appel leur a été signifiée par actes des 10 et 13 août 2018 remis à des personnes habilitées.

La Selarl W, liquidateur judiciaire de la société Ssertson, a été assignée en intervention forcée par actes des 17 avril et 18 septembre 2019, remis à une personne habilitée à les recevoir. Elle n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

Les Selarl AJ UP et W comme la société Ssertson ayant été destinataires à personne habilitées de la signification de la déclaration d'appel, le présent arrêt est réputé contradictoire.

La société Salto n'a pas été intimée comme son liquidateur judiciaire et les dispositions du jugement entrepris rejetant les demandes présentées par ces derniers sont devenues définitives. Les époux Y ne peuvent ainsi critiquer le rejet de la demande de nullité du contrat de franchise signé par la société Salto et leurs développements portant sur cette question sont inopérants, particulièrement en ce qu'ils concernent un vice du consentement non retenu.

Au regard de la date des engagements de caution comme des prêts contractés par la société Salto, antérieurs au 1er octobre 2016, les dispositions anciennes du Code civil demeurent applicables et les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir de l'application des dispositions nouvelles de ce Code.

Sur la responsabilité délictuelle de la société Ssertson

Les époux Y opposent à la société Ssertson des fautes précontractuelles et contractuelles commises par elle à l'égard de la société Salto, sa cocontractante, pour soutenir qu'elles constituent à leur égard des fautes délictuelles à l'origine de préjudices personnels.

Il leur appartient de caractériser à la fois ces fautes et le lien de causalité avec leurs propres préjudices, sans pouvoir invoquer ceux ressentis directement par la société Salto qui a accepté le rejet de ses prétentions indemnitaires prononcé dans le jugement entrepris.

Ils soutiennent également que la société Sserton a manqué à ses obligations essentielles, à leur égard au titre de son devoir de fournir une information précontractuelle complète et sincère, et à l'égard de la société Salto :

- en la privant de l'avantage concurrentiel de la franchise par ses manquements tant en termes d'approvisionnement quantitatif que qualitatif et d'actualisation de son savoir-faire,

- en la concurrençant de façon déloyale par le biais de son site internet.

Ils justifient de leurs déclarations de créances et sollicitent la fixation au passif de la société Ssertson des sommes suivantes :

· 54 283 € sauf à parfaire aux titres du solde de leur compte courant dans la société Salto et du remboursement du capital investi dans cette société,

· 40 000 € au titre de leur préjudice moral en raison de la fin anticipée de leur fonds de commerce,

· 40 000 € au titre de leur perte de chance de faire une meilleure utilisation de leurs fonds,

· 15 000 € au titre de leur perte de chance de pouvoir souscrire de nouveaux emprunts et de pouvoir se relancer dans le monde des affaires en créant une nouvelle société,

· la somme de 59 600 € au titre du manque à gagner de M. Y en termes de rémunération.

S'agissant d'abord des fautes précontractuelles opposées à la société Sserton, les époux Y reprennent l'argumentaire soutenu en première instance par la société Salto, qui n'a pas permis à cette dernière de prospérer.

Concernant le compte d'exploitation prévisionnel remis par la société Ssertson en avril 2011 avec le document d'information précontractuelle, il appartient aux appelants de faire la preuve de son caractère mensonger et de ce qu'il contenait des informations exagérément optimistes.

Les premiers juges ont relevé avec pertinence que ce document sur une seule page était intitulé " Prévisionnel type d'un magasin ". Le propre prévisionnel dressé alors pour Mme Y par Capfi associés ne reprenait pas les mêmes chiffres notamment au niveau de la marge et de la valeur ajoutée inférieures à ce " prévisionnel type ", et même au niveau du loyer supérieur à cette simulation qui ne dispensait pas le futur franchisé de déterminer concrètement le modèle économique de son activité.

Ce prévisionnel manifestait d'ailleurs la prise de conscience de Capfi associés et de la société Salto sur l'absence de possibilité d'un développement du résultat net comptable tel qu'indiqué dans le document d'information préalable, prévu comme augmentant à l'exercice N+1 et diminuant à un niveau inférieur au premier exercice à l'exercice N+2, alors que le " prévisionnel type " faisait état d'une progression importante à chaque exercice.

L'absence de réalisation par la société Salto de son propre prévisionnel rédigé à l'aide de ce professionnel qualifié ne permet pas plus aux époux Y d'opposer au franchiseur une intention dolosive sur les caractéristiques économiques de la franchise analysées par leur comptable.

Concernant la question de la rentabilité de la franchise, les époux Y affirment que le franchiseur avait conscience de cette absence de rentabilité au moment où la société Salto a adhéré.

Leurs développements portant sur l'exécution des obligations contractuelles du franchiseur postérieures à la signature de la franchise sont inopérants à caractériser une faute précontractuelle.

Les propos tenus par le dirigeant de la société Ssertson le 18 juin 2012, faisant le point d'une première réunion de franchisés " Rapid Croq' a beaucoup investi et la rentabilité du réseau n'est pas encore atteinte (30 magasins env.) ", comme ceux du courriel qu'il a envoyé notamment à la société Salto le 19 juin 2012, n'établissent pas que ce franchiseur avait auparavant tenté de tromper les candidats à la franchise sur la rentabilité, ni ne consacrent un aveu comme le soutiennent à tort les appelants.

La société Salto n'a pas plus indiqué lors de sa saisine du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer pour l'ouverture de son redressement judiciaire que le concept de la franchise était défaillant, les doléances émises, rappelées plus bas, concernant la qualité et la quantité des marchandises livrées.

Ces fautes précontractuelles ne sont pas démontrées.

S'agissant ensuite des fautes contractuelles imputées à la société Ssertson à l'égard de la société Salto, les époux Y ne tentent pas de caractériser le lien de causalité entre les fautes opposées et leurs préjudices.

Ils affirment sans offre de preuve que la liquidation judiciaire de la société Salto, source de leurs préjudices, est la conséquence des inexécutions des obligations de la société Ssertson et est à l'origine de leurs pertes de leurs comptes courants et d'une perte de chances notamment de tirer profit de l'activité franchisée, comme de leur mise en cause par la Caisse d'épargne en qualité de cautions.

En effet, les jugements rendus par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer les 10 septembre et 10 novembre 2015, prononçant successivement un redressement puis une liquidation judiciaire font état des affirmations émises par son dirigeant :

- la société Salto n'a pas atteint le prévisionnel établi en 2011 par le franchiseur,

- la société Salto a connu de grosses difficultés notamment au titre de la mauvaise qualité des produits entraînant une perte de clientèle déçus ou mécontents,

- du rapport du mandataire judiciaire, Me Z, dans le jugement de liquidation judiciaire, qui relate un premier exercice déficitaire (2012) s'expliquant notamment par l'importance du poste publicité nécessaire à faire connaître l'entreprise et une meilleure rentabilité lors des exercices suivants 2013 et 2014 grâce à une amélioration de la marge et une baisse des frais de publicité.

Le problème de la baisse du chiffre d'affaires pour l'année 2015 est noté comme consécutif aux dires de M. Y " par une moindre qualité des marchandises livrées par le franchiseur. "

Le montant trop élevé par rapport au chiffre d'affaires du loyer payé par la société Salto, d'un montant mensuel de 3 100 €, a particulièrement été mis en avant par ce tribunal de commerce pour motiver le prononcé de la liquidation judiciaire du fait d'une difficulté à dégager une rentabilité.

Les premiers juges avaient d'ailleurs relevé dans leur motivation du rejet des demandes dirigées par la société Salto et des époux Y contre le franchiseur, que cette franchisée n'apportait aucune information chiffrée sur l'impact des dysfonctionnements consécutifs aux problèmes de disponibilité et de qualité des produits livrés.

En l'absence d'autres éléments et notamment d'une analyse objective des causes effectives de la liquidation judiciaire de la société Salto, les époux Y défaillent à établir le lien entre leurs préjudices personnels et les fautes imputées à la société Ssertson.

Sans avoir à examiner plus avant le caractère fautif du comportement de ce franchiseur, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes présentées par les époux Y.

Sur la responsabilité de la Caisse d'épargne

Les époux Y demandent à titre principal que la Caisse d'épargne soit déchue du droit de se prévaloir des cautionnements en raison du non-respect des obligations de conseil et mise en garde de la banque et qu'elle garde à sa charge la somme de 72 404,07 € déclarée au passif de la société Salto à titre de dommages et intérêts et à leur verser les sommes de 19 842,74 € à titre de dommages et intérêts, montant qui correspond au cautionnement dit actionné par la banque, et 50 000 € au titre d'une perte de chance de faire une meilleure utilisation de leurs fonds.

Les époux Y critiquent les premiers juges qui ont retenu leur qualité de cautions averties et n'ont pas retenu la responsabilité de la Caisse d'épargne.

Ils affirment que cette banque a manqué à leur égard à son devoir de mise en garde et à des obligations de vigilance, de prudence élémentaire, de conseil et d'information, comme à l'exigence de loyauté contractuelle.

Ils ajoutent que la demande présentée pour la première fois en appel au titre de la perte de chance de faire une meilleure utilisation des fonds n'est pas nouvelle au sens de l'article 565 du Code de procédure civile.

La Caisse d'épargne soutient la confirmation du jugement entrepris qui n'a pas retenu sa faute et qui a considéré que les époux Y ne pouvaient lui opposer une obligation de mise en garde.

Elle fait valoir que cette obligation de mise en garde ne porte que sur les capacités financières de l'emprunteur et des cautions et sur le risque d'endettement né de l'octroi du prêt. Elle conteste être débitrice d'une obligation d'information et de conseil à l'égard des cautions et indique n'avoir pas été destinataire en tout état de cause d'informations privilégiées sur la rentabilité de la franchise fournie par la société Ssertson.

Elle ajoute que le banquier n'a pas à se substituer à l'emprunteur dans l'appréciation de la rentabilité de l'opération financée en application du principe de non-ingérence.

Tout d'abord, les prétentions émises par les époux Y contre la Caisse d'épargne ne sont pas fondées sur la responsabilité délictuelle. La faute de la banque dans l'exécution de ses obligations à l'égard de la société Salto n'a pas ainsi à être examinée et n'est en tout état de cause pas susceptible de provoquer la déchéance de son droit à se prévaloir des engagements de caution des appelants, mais peut motiver si elle est établie une indemnisation par des dommages et intérêts, réclamés à titre subsidiaire.

La Caisse d'épargne est uniquement débitrice d'un devoir de mise en garde à l'égard des cautions, qualité seule mise en avant par les appelants au soutien de leurs demandes indemnitaires, ainsi qu'ils le précisent dans leurs prétentions figurant au dispositif de leurs écritures qui doivent seules être examinées en application de l'article 954 du Code de procédure civile.

Les époux Y ne sont pas fondés en leur qualité de caution à rechercher la responsabilité de la Caisse d'épargne au titre de cette obligation de conseil, comme d'une obligation dite de vigilance et de prudence élémentaire.

Les appelants ne précisent pas la déloyauté contractuelle qu'ils opposent à la Caisse d'épargne.

Le caractère averti des cautions doit être établi par le créancier débiteur de l'obligation de mise en garde et correspond à la compétence d'une caution démontrant sa capacité à comprendre l'étendue et la nature des engagements du débiteur principal et lui permettant d'apprécier le risque d'entreprise et l'opportunité du crédit cautionné.

En l'espèce, les époux Y ne contestent pas s'être engagés en qualité de cautions solidaires par actes du 9 novembre 2011, avant même la signature du contrat de franchise, pour couvrir à hauteur de 25 % les prêts suivants :

- prêt de 140 000 € destiné à financer la création d'un magasin d'aliments et d'accessoires pour chiens et chats,

- prêt de 17 888 € destiné à financer l'acquisition d'un véhicule professionnel.

La preuve de cette compétence des deux époux n'est pas rapportée par la Caisse d'épargne, ses pièces concernant leur parcours professionnel précédent, étant sans rapport avec le commerce spécifique de l'enseigne Rapid Croq, M. Y ayant exercé dans les domaines médical et pharmaceutique et Mme Y dans ceux de la délégation médicale et du prêt à porter.

Concernant la mise en garde qui leur était due comme cautions non averties, portant sur les capacités financières des cautions et sur le risque d'endettement né de l'octroi des prêts à garantir, la caractérisation de son irrespect suppose que la Caisse d'épargne disposait alors d'éléments d'information dont ils n'avaient pas connaissance sur le risque inhérent à la franchise proposée par la société Ssertson.

A l'égard de la caution, la banque n'est pas débitrice d'une obligation d'investigation avancée sur la pertinence des documents fournis par l'emprunteur à l'appui de son projet, mais doit uniquement l'analyser en fonction des éléments dont elle dispose.

La discussion nourrie entre les parties sur le fait que la Caisse d'épargne est ou non un spécialiste de la franchise est inopérante en ce que, comme cette dernière le souligne, il ne ressort pas des pièces du débat qu'elle disposait d'informations supplémentaires sur le risque particulier inhérent aux caractéristiques à la qualité ou à la réputation de la franchise Rapid Croq.

La présence du logo de la Caisse d'épargne sur la plaquette publicitaire de présentation de la franchise est insuffisante à établir son intervention comme gestionnaire des comptes du franchiseur et les courriels émis par le 15 juin 2011 par M. X, directeur de la franchise Rapid Croq, ne le démontrent pas plus et ne confirment que la transmission du dossier de Mme Y à cette banque par le pôle franchise.

Si cette franchise a été dite " agréée BPCE ", la BPCE étant l'organe commun de la Banque populaire et de la Caisse d'épargne, dans le " dossier suivi client SARL Salto " établi par la Caisse d'épargne le 27 octobre 2011, cet agrément ne fait en rien présumer que ce référencement avait amené cet organe commun à être informé d'éléments laissant entrevoir que les prévisions économiques alors effectuées étaient irréalistes.

L'analyse faite par le comptable Capfi associés en août 2011 a été préalable à celle effectuée par la Caisse d'épargne en octobre et fournissait aux cautions des éléments d'appréciation qui n'ont pas été transmis à la banque, au regard des chiffres retenus dans son analyse. Par exemple le chiffre d'affaires annuel moyen de 375 000 € évalué par la banque est plus pessimiste que celui prévu en août par Capfi associés (350 000 pour l'exercice 1, 405 500 pour l'exercice 2 et 442 750 pour l'exercice 3 soit une moyenne de 398 416,67).

Les époux Y sont ainsi mal fondés à soutenir que ce chiffre d'affaires moyen retenu par la banque était trop optimiste et ne précisent pas les véritables éléments d'alerte alors disponibles pour le pôle de la franchise BPCE qui devaient conduire la banque à déterminer un risque et à les en informer.

Ils ne fournissent pas d'éléments qui révèlent le caractère fantaisiste ou non fiable des éléments contenus dans le document d'information préalable, les reproches faits au franchiseur devant les premiers juges pour la période précontractuelle ne concernant que le contenu du " Prévisionnel type d'un magasin ", et ont été retenus comme ne manifestant pas une faute précontractuelle du franchiseur.

La mention dans l'analyse sus-évoquée " Points faibles : Franchise relativement récente, Concurrence des grandes surfaces, investissement dans le local important et budget pub conséquent, situation économique et financière difficile. " est révélatrice de son sérieux et n'objective pas l'existence d'un risque important pris par la Caisse d'épargne dans l'octroi de deux prêts.

Surtout ces informations étaient connues des cautions comme étant contenues dans le document d'information préalable, dans leur projet de signature du bail ou dans leur propre prévisionnel. L'appréciation sur une situation économique et financière difficile, sur laquelle le propre comptable des époux Y devait également attirer l'attention, n'a pas conduit à des prévisions radicalement différentes au niveau des résultats attendus.

Enfin, les autres garanties prises par la banque tel le cautionnement du Fonds régional garantie Nord à hauteur de 25% de l'encours du prêt et la limitation à 25 % des engagements de caution font présumer un diagnostic de risque peu élevé.

Il ne ressort ainsi pas des éléments du débat que la Caisse d'épargne a failli à son obligation de mise en garde et les premiers juges sont confirmés, par motivation substituée, en ce qu'ils ont débouté les époux Y de toutes leurs demandes. Celle formée en cause d'appel au titre du préjudice moral ne peut pas plus prospérer.

S'agissant de la demande formée en appel au titre de la perte de chance, elle n'encourt aucune irrecevabilité pour sa nouveauté en ce qu'elle tendait à la même fin que les autres demandes indemnitaires présentées en première instance.

Elle est déclarée recevable mais doit également être rejetée en l'absence d'une faute de la Caisse d'épargne.

Les prétentions subsidiaires de la Caisse d'épargne à l'encontre de la société Ssertson n'ont pas à être examinées comme devenues sans objet.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Les époux Y succombent et doivent supporter les dépens d'appel comme indemniser la Caisse d'épargne des frais irrépétibles qu'elle a engagés devant la cour.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire et dans la limite de l'appel, Confirme le jugement entrepris, et y ajoutant : Déboute M. Y et Mme Y de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, Déclare recevable mais rejette la demande formée par M. Y et Mme Y à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe au titre de la perte de chance de faire une meilleure utilisation de leurs fonds, Condamne M. Y et Mme Y à verser à la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les époux Y aux dépens d'appel.