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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 5 décembre 2019, n° 18-05455

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cesaro-Pautrot

Conseillers :

Mmes Lefèvre, Chaintron

TGI Paris, du 30 janv. 2018

30 janvier 2018

EXPOSE DU LITIGE

Mme X, veuve de M. X, est décédée le 11 janvier 2013 à Paris 19e. La société Y (ci-après la société Y) s'est vue confier, selon ses dires, la mission de rechercher les éventuels héritiers de la défunte.

A l'issue de ses investigations, le généalogiste a identifié quatre héritiers collatéraux de même rang successoral dans la ligne paternelle, à savoir :

- Mme A, petite nièce, à laquelle revenait un tiers de la succession par représentation de son père B et de sa grand-mère C, sœur aînée de la défunte, prédécédés,

- Mme D et M. E nièce et neveu, auxquels revenait un sixième de la succession pour chacun par représentation de leur père F, frère cadet prédécédé de la défunte,

- Mme G, autre nièce, à laquelle revenait un tiers de la succession par représentation de sa mère H, sœur benjamine prédécédée de la défunte.

La société Y a soumis à l'acceptation de chacun des quatre héritiers identifiés une convention de révélation et de justification de droits successoraux que tous ont signé, Mme G par acte sous seing privé du 5 mars 2013. En contrepartie de la révélation de sa qualité d'héritier, chacun s'est engagé a verser au généalogiste, à titre d'honoraires, une somme égale à 33 % de l'actif net mobilier et immobilier devant lui revenir, majorée de la TVA au taux applicable lors de l'approbation des comptes. Par ailleurs, les héritiers ont constitué pour mandataire à titre irrévocable la société Y - Mme G le 19 avril 2013 - et lui ont donné tous pouvoirs de recueillir la succession et de procéder aux démarches nécessaires à cet effet.

En exécution de ce mandat, la société Y a reçu du notaire liquidateur la somme totale de 305 189 euros et facturé 120 558 euros d'honoraires, outre 747 euros de frais de recherche, en sorte qu'il reviendrait à Mme G la somme nette de 183 884 euros (305 189 euros - 121 305 euros) s'établissant comme suit :

- " Premier compte " du 28 mai 2014

Acompte perçu : 296 205 euros

Frais de recherche : - 747 euros

Reste : 295 458 euros

Honoraires : - 117 001 euros

295 458 euros x 33 % = 92 501 euros

TVA : 97 501 euros x 20 % = 19 500 euros

Solde revenant à Mme G : 178 457 euros

- " Deuxième compte " du 1er septembre 2014

Acompte perçu : 928 euros

Honoraires : - 367 euros

928 euros x 33 % = 306 euros

TVA 306 euros x 20 % = 61 euros

Solde revenant à Mme G : 561 euros

- " Compte définitif " du 14 octobre 2014

Règlement définitif perçu : 8 056 euros

Honoraires : - 3 190 euros

8 056 euros x 33 % = 2 658 euros

TVA : 2 658 euros x 20 % = 532 euros

Solde revenant à Mme G : 4 866 euros

Après réception du premier compte, le fils de Mme G a adressé, le 26 juillet 2014, à la société Y un courrier que cosignait sa mère, alors âgée de 81 ans, pour demander le versement de la somme de 178 457 euros, annoncée comme devant revenir à l'héritière, mais jusqu'alors retenue par le généalogiste, et solliciter des explications sur le montant d'honoraires qui lui paraissaient disproportionnés au regard de la simplicité des recherches à accomplir. La société Y a répondu le 30 juillet 2014 que le barème qui fixe sa rétribution prend en considération le degré de parenté en tant qu'indice significatif de la difficulté des recherches lui incombant, et que la remise des fonds interviendrait dès réception d'un exemplaire signé de l'imprimé lui en donnant quittance libératoire.

Par lettre du 11 septembre 2014, réitérée le 16 octobre 2014, le conseil de Mme G a mis en demeure la société Y de lui régler sans délai la somme de 179 018 euros (178 457 euros + 561 euros), correspondant aux acomptes que le généalogiste avait reçus du notaire, mais persistait à retenir. Il contestait également les honoraires réclamés et demandait d'en reconsidérer amiablement le montant.

A la réception d'un projet d'assignation en référé, le conseil de la société Y a adressé à celui de Mme G pour le compte de celle-ci un chèque d'un montant de 179 018 euros libellé à l'ordre de la CARPA. Aucun accord n'est intervenu entre les parties quant à la révision des honoraires sollicitée par Mme G.

C'est dans ces conditions que par acte d'huissier du 24 décembre 2014, Mme G a fait assigner la société Y devant le tribunal de grande instance de Paris en contestation des honoraires réclamés par le généalogiste et en restitution des sommes retenues par celui-ci.

Par jugement du 30 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté Mme G de sa demande en nullité de l'intégralité du contrat de révélation de succession qu'elle a conclu le 5 mars 2013 avec la société Y ;

- réputé non écrites les stipulations conventionnelles prévoyant la facturation des frais de recherches, mis à la charge de l'héritier auquel est révélée la succession, en complément des honoraires ;

- condamné, par conséquent la société Y à restituer à Mme G la somme de 747 euros qui lui a été prélevée au titre des frais de recherches invalidés, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2014 ;

- fixé à 25 % hors taxes du montant de l'actif net successoral devant revenir à Mme G le montant des honoraires dont elle est redevable à la société Y ;

- condamné la société Y à payer à Mme G la somme de 34 605,30 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2014, pour solde de tous comptes entre les parties au titre des fonds que le généalogiste a reçu du notaire pour le compte de cette héritière ;

- condamné la société Y à payer à Mme G la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Y aux entiers dépens de l'instance et l'a débouté de la demande qu'elle a formée pour ses frais irrépétibles ;

- prononcé l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 13 mars 2018, la société Y a relevé appel de la totalité des chefs de ce jugement.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 21 octobre 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Y demande, au visa des articles 1134, 1135, 1142, 1147, 1315, 1372 et suivants du Code civil, anciens, L. 341 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et 700 du Code de procédure civile, à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 30 janvier 2018 en ce que :

- il a fixé à 25 % HT du montant de l'actif net successoral devant revenir à Mme G le montant des honoraires dont elle est redevable envers elle,

- il l'a condamnée à payer à Mme G la somme de 34 605,30 euros majorée des intérêts de retard à compter du 24 décembre 2014 pour solde de tous comptes entre les parties au titre des fonds que le généalogiste a reçu du notaire pour le compte de cette héritière,

- il l'a déboutée de sa demande à l'égard de Mme G de paiement de sa rémunération à hauteur de 33 % HT, soit la somme de 116 621 euros TTC,

- il l'a condamnée à payer à Mme G la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- il l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance et la déboutée de la demande qu'elle a formée pour ses frais irrépétibles,

Et en conséquence, statuant à nouveau :

- fixer à 33 % HT du montant de l'actif net successoral devant revenir à Mme G le montant de la rémunération dont elle est redevable à son égard, soit la somme de 100 712,37 euros hors taxes,

- condamner Mme G à lui restituer la somme de 43 092,37 euros, correspondant au chèque CARPA de 34 605,30 euros et au chèque n° 2000379 de 8 487,07 euros payés par elle,

- ordonner la compensation de la somme due par Mme G avec la somme de 5 316,16 euros due par elle à Mme G,

En tout état de cause :

- débouter Mme G de ses demandes fins et conclusions,

- déclarer recevable son action en ses demandes fins et conclusions,

- condamner Mme G à lui devoir la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 de Code de procédure civile pour la présente instance,

- condamner Mme G aux frais et dépens.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 23 octobre 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme G demande, au visa des articles 1108, 1109, 1134 du Code civil et L. 132-1 du Code de la consommation, à la cour de :

- débouter la société Y de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal et, statuant à nouveau :

1) Au titre des sommes lui restant dues, hors frais et honoraires sollicités par la société Y :

- condamner la société Y à lui payer la somme de 5 316,16 euros à majorer des intérêts à calculer, avec capitalisation, au taux d'intérêt légal à compter de sa mise en demeure jusqu'à parfait paiement,

2) Au titre des honoraires et frais sollicités par la société Y :

- A titre principal :

- constater la nullité du mandat de recherche d'héritier dont se prévaut la société Y et la nullité du contrat de révélation de succession qu'elle a signée,

- dire la société Y mal fondée à prétendre à une rémunération ou à quelque indemnisation que ce soit, tant à titre contractuel que quasi-contractuel,

- en conséquence, condamner en outre la société Y à lui restituer également la somme de 120 584,84 euros à majorer des intérêts à calculer, avec capitalisation, au taux d'intérêt légal à compter de sa mise en demeure, soit à compter du 16 octobre 2014, jusqu'à parfait paiement, déduction faite des sommes déjà acquittées en exécution du jugement dont appel qui lui resteront acquises,

- A titre subsidiaire :

- réduire, conformément à la jurisprudence rendue en la matière à l'encontre de la société Y, le montant de ses honoraires à juste proportion, soit à tout le moins de 90 %,

- en conséquence, condamner cette dernière à lui restituer en outre les sommes injustement retenues par elles entre ses mains, lesquelles ne sauraient, dans cette hypothèse, être inférieures à 109 516,35 euros,

- condamner la société Y à lui payer la somme complémentaire de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2019.

MOTIFS

Sur les demandes au titre du contrat de révélation de succession

Sur la demande de nullité au regard de l'article 36 alinéa 1 de la loi du 23 juin 2006

Mme G fait valoir en premier lieu que le contrat de révélation de succession serait nul, en application des dispositions de l'article 36 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ayant porté réforme des successions et des libéralités, faute pour la société Y de justifier d'un mandat valable. Elle soutient que le tuteur de Mme X ne pouvait en application des dispositions de l'article 420 alinéa 2 du Code civil lui délivrer un mandat de recherche des héritiers qu'après autorisation du juge des tutelles. Elle allègue également que la société Y ne bénéficiait pas davantage d'un mandat du notaire, Me Z, ni de l'agence immobilière, étude Delaroche, en charge de la vente de l'appartement de Mme X situé à Paris 19e.

En second lieu, elle soutient que le contrat de révélation de succession serait nul au regard des règles du droit commun des contrats au motif que son consentement n'aurait pas été valablement recueilli et que le contrat serait sans cause.

Enfin, elle prétend que ce contrat serait nul au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, ancien, au motif qu'il comporterait des clauses abusives relatives au remboursement de frais et au paiement d'une rémunération proportionnelle qui créeraient un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

En réplique, la société Y se prévaut de la validité de deux mandats de recherche, celui de l'agence immobilière Delaroche qui est intervenue dans la vente du bien successoral et celui du notaire en charge de la succession, Me Z, en février 2013. Elle précise que l'intervention du tuteur s'est limitée juridiquement à lui fournir des informations pour son travail de recherche.

Elle fait valoir que Mme G ne rapporte pas la preuve d'un quelconque vice du consentement alors que la charge de la preuve lui incombe.

Enfin, elle précise qu'elle s'en remet au jugement en ce qu'il a annulé la clause qualifiée d'abusive relative aux frais de recherche qui s'élevaient à la somme de 747 euros.

Aux termes des dispositions de l'article 36 de la loi n° 2006-28 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, hormis le cas des successions soumises au régime de la vacance ou de la déshérence, nul ne peut se livrer ou prêter son concours à la recherche d'héritier dans une succession ouverte ou dont un actif a été omis lors du règlement de la succession s'il n'est porteur d'un mandat donné à cette fin. Le mandat peut être donné par toute personne qui a un intérêt direct et légitime à l'identification des héritiers ou au règlement de la succession. L'alinéa 2 de ce texte précise qu'aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit, et aucun remboursement de frais n'est dû aux personnes qui ont entrepris ou se sont prêtées aux opérations susvisées sans avoir été préalablement mandatées à cette fin dans les conditions du premier alinéa.

Le non-respect de ces dispositions n'est pas prévu à peine de nullité.

A titre liminaire, il convient de souligner que la société Y ne se prévaut pas dans ses dernières écritures, contrairement à ce que prétend l'intimée, d'un mandat qui lui aurait été confié par le tuteur de Mme X, qu'en tout état de cause, ce dernier n'aurait pu lui délivrer en l'absence d'autorisation du juge des tutelles conformément aux dispositions de l'article 420 du Code civil. L'appelante n'allègue pas davantage que la succession devait être considérée comme vacante au sens de l'article 809 du Code civil.

En l'espèce, il appartient à la société Y qui se prévaut de deux mandats qui lui auraient confiés, d'une part, par l'agence immobilière Delaroche, et d'autre part, par le notaire en charge de la succession de la défunte, Me Z, de justifier de l'existence de ces mandats et de leur régularité et de rapporter la preuve, à ce titre, que les mandats reçus procédaient de l'intérêt direct et légitime des mandants.

Pour justifier du premier de ces mandats, l'appelante verse aux débats un courrier de l'agence immobilière Etude Delaroche daté du 5 février 2013 qui précise qu'elle s'adresse à la société Y, " dans un dossier où son intervention pourrait être nécessaire pour rechercher des héritiers ", qu'elle a " des acquéreurs qui sont intéressés pour l'acquisition d'un bien immobilier situé [...], dont la propriétaire était Mme X décédée très récemment et apparemment sans héritiers connus " et qu'il conviendrait qu'elle prenne attache avec tout notaire de son choix " pour qu'il puisse régler la succession " et qu'elle recherche " en parallèle les héritiers ".

Si le mandat de recherche des héritiers n'est soumis à aucun formalisme particulier, il n'est pas justifié que l'étude Delaroche ait eu un intérêt direct et légitime à l'identification des héritiers ou au règlement de la succession, dès lors qu'il n'est pas établi qu'un mandat de vente ait été confié à cette agence immobilière préalablement au prétendu mandat confié à la société Y le 5 février 2013, la promesse de vente de l'appartement qui a appartenu à Mme X situé à Paris 19e versée aux débats, datée du 4 décembre 2013, soit onze mois après le 5 février 2013, étant inopérante à apporter cette preuve.

Dans ces conditions, l'étude Delaroche n'a pu confier à la société Y un mandat de recherche des héritiers conforme aux dispositions légales précitées.

Le courrier de Me Z, au demeurant daté du 9 octobre 2019, ne rapporte pas davantage la preuve d'un mandat donné à la société Y, puisque ce dernier " confirme avoir été requis par les Y au courant du mois de février 2013 de régler la succession de la défunte X. "

Il en ressort bien au contraire que c'est la société Y qui a requis Me Z et non l'inverse.

Il s'en déduit qu'aucun mandat conforme à l'article 36 alinéa 1 de la loi du 23 juin 2006 n'a été donné à la société Y et qu'en conséquence aucune rémunération, ni remboursement de frais ne lui sont dus au titre du contrat de révélation de succession qu'elle a fait souscrire à Mme G. Cette dernière sera déboutée de sa demande de nullité de ce chef dès lors que le non-respect de l'article 36 n'est pas sanctionné par la nullité du contrat.

Sur la demande de nullité au regard du droit commun des contrats

Mme G prétend, sur le fondement des dispositions de l'article 1109 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que " le contrat de révélation de succession a été signé dans des conditions telles que rien ne démontre que son consentement a été valablement recueilli ". Elle allègue également qu'elle n'avait pas d'intérêt à signer un tel contrat, dont l'objet était de lui révéler une succession dont elle aurait pu avoir directement connaissance.

En réplique, la société Y fait valoir que Mme G ne rapporte pas la preuve d'un quelconque vice du consentement et précise que le généalogiste ne peut divulguer d'éléments sur le patrimoine présomptif de la succession avant la conclusion du contrat de révélation de succession car il n'a aucune certitude sur la réalité de ces données tant que les opérations de succession ne sont pas achevées.

Comme l'ont retenu les premiers juges, les informations figurant au contrat de révélation de succession sont énoncées en des termes clairs, non équivoques, et accessibles.

Mme G ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'éléments qui seraient de nature à caractériser une erreur substantielle sur le sens et la portée de ses engagements, des violences ou des manœuvres dolosives qui l'auraient déterminée à contracter, et ce, malgré son âge.

Elle n'établit pas par conséquent que son consentement ait été vicié.

C'est par ailleurs par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont considéré qu'à défaut d'établir que, sans l'intervention du généalogiste, l'existence de la succession serait normalement parvenue à sa connaissance, Mme G ne peut soutenir que le contrat de révélation de succession conclu avec la société Y serait dépourvu de cause.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la nullité du contrat ne saurait être prononcée en application des règles du droit commun.

Sur la demande de nullité au regard du droit de la consommation

Mme G soutient que le contrat de révélation de succession doit être annulé en application des dispositions de l'article 132-1, ancien, du Code de la consommation. Elle critique le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le caractère abusif du mode de détermination de la rémunération de la société Y ne pouvait s'appliquer qu'aux seuls frais dont celle-ci pourrait réclamer le remboursement à l'exclusion de la rémunération proportionnelle.

En réplique, la société Y expose qu'elle s'en remet au jugement en ce qu'il n'a annulé que la clause relative aux frais de recherche qu'il a qualifiée d'abusive. Elle indique qu'elle renonce à sa demande d'un montant de 747 euros au titre des frais de recherches.

L'article 132-1 du Code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Par ailleurs, la commission des clauses abusives préconise dans sa recommandation n° 96-03 que soient éliminées des modèles de contrat de révélation de succession proposés par les généalogistes aux héritiers qu'ils ont découverts, les clauses qui ont pour objet ou pour effet " de permettre au professionnel de percevoir le remboursement de ses frais de recherches sans mentionner explicitement que ce remboursement s'ajoutera à sa rémunération, sans justifier le montant des frais déjà engagés et sans préciser la nature de ceux restant éventuellement à exposer. "

C'est donc à juste titre que les premiers juges, après avoir relevé qu'aucun document ne détaille le contenu de la " quote part de frais de recherches " déduits des sommes devant revenir à Mme G, ont considéré, en application des dispositions de l'article 132-1 du Code de la consommation et de la recommandation précitée, que la clause du contrat de révélation de succession conclu entre la société Y et Mme G, qui met à sa charge des " frais de recherche " sans en préciser l'objet, est abusive et doit être réputée non écrite sans toutefois que cette sanction n'englobe les honoraires proportionnels qui n'encourent pas les mêmes critiques. En effet, le montant des honoraires convenus relève de la liberté contractuelle des parties.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur les demandes au titre de la gestion d'affaires

La société Y sollicite, à titre subsidiaire, dans le détail de ses écritures mais non dans leur dispositif, si la cour invalidait le contrat de révélation de succession, l'application du régime de la gestion d'affaires. Elle allègue qu'elle démontre l'utilité du généalogiste qui a investi dans des moyens financiers, techniques et humains pour établir la dévolution successorale X au profit de Mme G. Elle expose qu'elle a aussi procédé aux démarches afin de liquider la succession et que la garantie qu'elle offre aux héritiers sur l'exactitude de tableaux généalogiques justifie une rémunération de 33 % même en gestion d'affaires.

Mme G fait valoir que la société Y ne peut prétendre à une quelconque rémunération sur le fondement de la gestion d'affaires.

L'article 36 précité de la loi du 23 juin 2006 ne spécifie pas son champ d'application quant au fondement sur lequel le paiement est demandé à l'héritier.

Ce texte ne s'applique donc pas seulement au contrat de révélation de succession, mais également dans le cas où le généalogiste sollicite une rémunération et un remboursement de frais sur le fondement de la gestion d'affaires.

De surcroît, il est constant qu'en cas de gestion d'affaires, l'article 1375 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'accorde au gérant que le remboursement des dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites, mais non le paiement d'une rémunération, quand bien même il aurait agi à l'occasion de sa profession.

En conséquence, la société Y sera déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre de la gestion d'affaires.

Sur les demandes au titre d'un droit de propriété intellectuelle

La société Y fait valoir, sur le fondement des dispositions des articles L. 342-1 et L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, qu'elle a cédé à Mme G un droit d'utilisation de sa base de données, qui est sa propriété, et que la cour doit prendre en compte son préjudice qui résulte du " pillage " de ses données par Mme G.

Toutefois, comme le relève Mme G, les informations auxquelles accède le généalogiste pour la réalisation de son travail sont publiques, non confidentielles, et ne sont pas protégées au titre des droits d'auteur. La compilation de ces données ne résulte pas davantage d'un travail de création originale protégé par le droit d'auteur au sens du Code de la propriété intellectuelle.

La société Y est donc mal fondée à prétendre qu'elle aurait cédé à Mme G des droits de propriété intellectuelle, le contrat de révélation de succession ne relevant pas davantage d'un contrat de vente.

Il y a donc lieu de débouter la société Y de ses demandes au titre d'un droit de propriété intellectuelle.

Sur les sommes dues

La société Y précise dans ses dernières écritures que l'actif net successoral s'élève à la somme de 305 189 euros et qu'elle renonce à sa demande de 747 euros au titre de frais de recherches.

Elle expose que le montant de ses honoraires doit être fixé à la somme de 120 854,84 euros correspondant à 33 % de l'actif net successoral augmenté du montant de la TVA de 20 %.

Elle fait valoir que les sommes restantes dues à Mme G au titre du contrat s'élèvent à la somme de 5 316,16 euros.

Elle sollicite la condamnation de Mme G à lui restituer la somme de 37 776,21 euros restant due au titre de ses honoraires, déduction faite de la somme de 5 316,16 euros.

Mme G sollicite la condamnation de la société Y à lui payer les sommes de 5 316,16 euros aux titres des sommes restant dues hors contestation d'honoraires et de 120 854,84 euros au titre des honoraires contestés.

Il est constant que l'actif net successoral reçu par la société Y pour le compte de Mme G s'élève à la somme de 305 189 euros et que l'appelante a versé à l'intimée la somme de 179 018 euros.

La société Y ne conteste pas qu'elle reste devoir à Mme G la somme de 5 316,16 euros hors contestation d'honoraires. Il y a donc lieu de la condamner au paiement de cette somme.

Au regard des développements qui précédent sur l'article 36 de la loi du 23 juin 2006, il y a lieu de la condamner également à payer à Mme G la somme de 120 854,84 euros qui correspond au montant des honoraires sollicités et retenus par la société Y sur la base de 33 % de l'actif net successoral augmenté du montant de la TVA de 20 %.

La société Y sera donc condamnée à payer à Mme G la somme totale de 126 171 euros (5 316,16 euros + 120 854,84 euros) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 octobre 2014, conformément aux dispositions de l'article 1153-1, ancien, du Code civil, sauf à déduire les règlements intervenus en exécution du jugement déféré.

Il y lieu d'infirmer ce jugement sur la fixation des honoraires de la société Y.

Sur les autres demandes

L'équité commande de confirmer la décision déférée au titre des frais irrépétibles de première instance et d'allouer à l'intimée la somme complémentaire de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Y, partie perdante, supportera les entiers dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, la décision déférée étant confirmée sur les dépens de première instance.

Par ces motifs Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe, Infirme le jugement déféré, sauf sur la restitution des frais d'un montant de 747 euros, les frais irrépétibles et les dépens, Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant, Déboute la société Y de l'ensemble de ses demandes formées au titre du contrat de révélation de succession, de la gestion d'affaires, d'un droit de propriété intellectuelle ; Condamne la société Y à payer à Mme G la somme totale de 126 171 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2014 et dit que les règlements intervenus seront déduits de la somme due ; Condamne la société Y à payer à Mme G la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société Y aux dépens d'appel.