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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 12 décembre 2019, n° 17-03541

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Viacab (SARL)

Défendeur :

Uber France (Sasu), Uber International BV (SARL), Uber BV (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Soudry, Moreau

T. com. Paris, du 30 janv. 2017

30 janvier 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Viacab expose avoir pour activité, en région parisienne, le transport de personnes par voiture avec chauffeur (VTC).

La société Uber France, société de droit français, a exploité, de 2011 jusqu'en février 2013, l'application Uberpop et a conclu, à ce titre, des contrats de partenariat avec les chauffeurs utilisateurs de la plate-forme Uber ; depuis mars 2013, la société de droit néerlandais Uber BV conclut en France les contrats de partenariat avec les chauffeurs et exploite l'application Uber.

La société Uber International BV, société de droit néerlandais, édite en France, depuis 2011, l'application pour smartphone " Uber : Votre Chauffeur Privé ", laquelle permet à des clients de réserver un VTC en vue d'exécuter une course.

Estimant que les sociétés Uber commettaient des actes illicites dans la gestion de leur activité, en ne respectant pas diverses lois et réglementations, et que ces actes illicites étaient constitutifs de concurrence déloyale à son égard, la société Viacab a, par actes en date des 26 août et 4 septembre 2014, assigné devant le tribunal de commerce de Paris les sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France.

Par jugement rendu le 30 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Uber International BV SARL de droit néerlandais, la société Uber BV SARL de droit néerlandais et la SAS Uber France de leur demande de sursis à statuer ;

- débouté la SARL Viacab de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SARL Viacab à verser à la société Uber International BV SARL de droit néerlandais, la société Uber BV SARL de droit néerlandais et à la SAS Uber France la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Viacab a interjeté appel de cette décision le 15 février 2017.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Viacab, par dernières conclusions signifiées le 8 avril 2019, demande à la cour, au visa des articles 4 et 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 4 du Règlement (UE) n° 330/2010 du 20 avril 2010, 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791 dite " décret d'Allarde ", de la loi des 14 et 17 juin 1791 dite " Le Chapelier ", des articles 1 et 6 du Code civil, 1100, 1100-1, 1102, 1103 et 1199 du Code civil, 1382 et 1383 (dans leur ancienne rédaction) et 1240 et 1241 nouveaux du Code civil, 12, 31 du Code de procédure civile, 564, 565 et 566 du Code de procédure civile, 442-5 du Code de commerce, L. 3120-1, 3120-2, L. 3122-1 et suivants, L. 3122-9, L. 3132-1, L. 3141-1 et R. 3122-8 du Code des transports, D. 231-1 et L.231-3 (anciens) du Code du tourisme, L. 8221-5 et L. 8221-6 du Code du travail, des dispositions du Code de la sécurité sociale, des articles L. 111-1, L. 111-2 (anciens), L. 121-1 et suivants, L. 132-4 nouveaux et R. 111-1 et R. 111-2 (anciens) du Code de la consommation, 696 et 700 du Code de procédure civile, de :

- déclarer la société Viacab recevable et bien fondée en son appel et en ses prétentions ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Viacab de l'ensemble de ses demandes, condamné Viacab à verser aux sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et a condamné Viacab aux entiers dépens ;

- ordonner aux sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard et par manquement à compter de la décision à intervenir, de cesser :

- d'interdire aux chauffeurs de se constituer une clientèle propre et de développer la clientèle de la plate-forme ;

- de sanctionner la sollicitation active ou passive des passagers par les chauffeurs ;

- de rendre impossible aux chauffeurs la faculté de choisir leurs passagers ;

- d'imposer un taux d'acceptation des courses aux chauffeurs ;

- de fixer unilatéralement le prix de la course ;

- d'interdire aux chauffeurs d'être rémunérés directement par les clients ;

- d'imposer aux chauffeurs de détenir et d'exploiter des véhicules dont les intimées précisent la gamme ;

- de permettre au client de noter la course effectuée par le chauffeur ;

- d'attribuer une prime hebdomadaire aux chauffeurs en fonction d'un nombre de courses effectuées à certaines heures, ainsi qu'une notation et un taux d'acceptation ;

- d'imposer un itinéraire aux chauffeurs ;

- de sanctionner un trajet jugé " non-optimal " ;

- de contrôler et sanctionner le taux d'acceptation des courses des chauffeurs ;

- de sanctionner le taux d'annulation des courses par un chauffeur ;

- de contrôler et sanctionner les chauffeurs en fonction d'un système de notation des clients ;

- de contrôler et de sanctionner les chauffeurs par le biais d'un système de géolocalisation ;

- d'imposer aux chauffeurs d'attendre 10 minutes un client ;

- d'imposer aux chauffeurs des directives comportementales qui peuvent faire l'objet de sanctions en cas de non-respect ;

- d'interdire aux chauffeurs de laisser apparaître tout signe de leur entreprise de transport ;

- d'imposer aux chauffeurs d'accepter des courses dont la destination est inconnue ;

- d'imposer aux chauffeurs d'exécuter personnellement la prestation ;

- de ne pas communiquer les informations relatives à l'identification du chauffeur conformément aux dispositions du Code de la consommation ;

- de violer leurs obligations relatives à la signalétique des VTC ;

- ordonner aux sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de faire cesser les violations commises par ses chauffeurs aux obligations relatives à la signalétique des VTC ;

- ordonner aux sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard et par manquement à compter de la décision à intervenir, de cesser :

- d'informer les clients, préalablement à leur réservation, de la localisation et de la disponibilité des véhicules ;

- d'informer les chauffeurs via une carte en temps réel des zones géographiques dans lesquelles les demandes de réservations sont plus ou moins élevées ;

- d'inciter les chauffeurs à circuler et stationner sur la voie publique en quête de clients ;

- d'inciter les chauffeurs à ne pas retourner à leur base ou dans un endroit situé hors de la chaussée dans l'attente d'une réservation ;

- ordonner aux sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard et par manquement à compter de la décision à intervenir, de faire cesser aux chauffeurs présents sur sa plateforme les agissements suivants :

- circuler et stationner sur la voie publique en quête de clients ;

- ne pas retourner à leur base ou dans un endroit situé hors de la chaussée dans l'attente d'une réservation ;

- condamner in solidum les sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France à verser à la société Viacab, les sommes suivantes, emportant intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision :

- 3 564 000 euros au titre du préjudice financier subi du fait du gain manqué ;

- 201 740 euros au titre du préjudice financier résultant des investissements réalisés à perte ;

- 1 000 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

- condamner in solidum les sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France au paiement de la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir sur le site internet www.uber.com pendant une période ininterrompue d'un mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour par infraction constatée consistant en la suppression de cet affichage aux frais des sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France ;

- ordonner la publication de l'intégralité de la décision à intervenir dans cinq revues ou journaux français et étrangers, aux choix de la société Viacab, dont les journaux La Tribune, Les Echos et Le Parisien, aux frais des défenderesses, à concurrence de 5 000 euros HT par insertion et ce, au besoin, à titre de dommages et intérêts complémentaires, aux frais des sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France, et dans les journaux La Tribune, Les Echos et Le Parisien sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- débouter les sociétés Uber International BV, Uber BV et Uber France de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Sur les fins de non-recevoir, elle fait valoir que la société Uber France a intérêt à défendre : la responsabilité d'Uber France dans l'organisation du service UberPOP a été reconnue par la Cour de cassation ; de plus, aux termes d'un contrat de prestation de services conclu avec Uber BV en 2013, il a été prévu que la société Uber France agira pour le compte de celle-ci et sera dorénavant en charge de la promotion de la marque et des services associés.

Elle invoque son intérêt à agir dès lors qu'elle ne demande pas la réparation d'une atteinte à un intérêt collectif, mais bien la réparation d'un préjudice qui lui est propre et la cessation d'agissements illicites et déloyaux, demandes que les concurrents d'Uber ont intérêt à formuler.

Elle conteste également le caractère nouveau de ses demandes en cause d'appel, dans la mesure où celles-ci tendent aux mêmes fins que celles présentées en première instance ; en effet, alors que ses demandes soumises aux premiers juges visaient à imposer aux intimées de cesser d'entretenir une relation illégale avec les chauffeurs, celles formulées à hauteur d'appel tendant à la cessation de la violation de règles à l'ordre public lui causant préjudice, de sorte qu'elles sont donc recevables conformément à l'article 565 du Code de procédure civile, à tout le moins en application de l'article 566 du même Code dès lors qu'elles constituent l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes de première instance.

Elle estime que c'est à tort que la société Uber BV prétend, en sa qualité de " centrale de réservation ", être un simple intermédiaire mettant en relation des conducteurs et des passagers, et donc un tiers à la relation contractuelle, alors qu'Uber est un opérateur de transport comme cela résulte des éléments suivants :

- Uber intervient directement dans la détermination des obligations contractuelles inhérentes au contrat de transport, impose des obligations aux chauffeurs et détermine le prix des courses ;

- ainsi que l'a retenu la CJUE dans son arrêt du 15 octobre 2015, le service d'intermédiation doit être considéré comme faisant partie intégrante d'un service global dont l'élément principal est un service de transport.

Sur le fond, elle reproche aux intimées la commission de pratiques restrictives de concurrence en ce que :

- Uber impose, aux clients et aux chauffeurs, un tarif fixe des courses, alors que les chauffeurs sont indépendants, que ce système limite la concurrence par les prix et qu'il est prohibé par l'article 4 du Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 interdisant le fait d'imposer un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations par l'une des parties ;

- la prestation de transport, telle qu'elle est mise en place aux conditions suscitées définies par les sociétés Uber, ne permet pas au consommateur d'établir clairement avec qui il contracte, élément constitutif d'une pratique commerciale trompeuse.

Elle invoque l'existence des avantages anticoncurrentiels dont bénéficient les sociétés Uber, résultant :

- d'un lien de subordination entre Uber et les chauffeurs prestataires, de sorte que la société Uber BV a procédé à une large dissimulation d'emplois salariés, profitant dès lors d'un avantage anticoncurrentiel ;

- de la pratique de la maraude électronique (qui consiste à pouvoir stationner et circuler sur la voie publique en quête d'une course et qui est réservé aux seuls taxis ainsi que l'a retenu le Conseil constitutionnel) ; cette pratique, à laquelle incitent les sociétés Uber par les informations qu'elles délivrent, a été reconnue par la Cour de cassation, dans son arrêt du 5 juillet 2016, comme contraire aux dispositions du Code des transports ;

- de la mise en œuvre du service UberPOP, dont la jurisprudence n'a eu de cesse de rappeler le caractère illicite, en ce qu'il s'agit d'un système illégal de mise en relation de clients avec des particuliers se livrant au transport routier de personnes à titre onéreux, conducteurs qui n'appartiennent à aucune des quatre catégories autorisées par la loi à se livrer à cette activité réglementée ;

- du recours aux chauffeurs intervenant sous le statut de la loi " Loti ", dont la formation est allégée, alors que ces chauffeurs ne pouvaient intervenir que pour du transport collectif occasionnel ;

- de l'utilisation du service UberPool, qui permet à plusieurs usagers de réserver une place dans le même VTC, alors qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3120-2 I du Code des transports dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016, les VTC ne pouvaient faire l'objet d'une réservation à la place ;

- de la violation de la réglementation relative à la signalétique distinctive, pratique constitutive d'une contravention de 4e classe.

Sur son préjudice, la société Viacab souligne que des actes constitutifs de concurrence déloyale causent un trouble commercial générant nécessairement un préjudice. En l'espèce, l'ampleur de l'illicéité ne pouvait que tuer la concurrence, et cela a malheureusement eu pour effet une mise à mort de la société Viacab. Ses chefs de préjudice sont :

- la perte de chance de percevoir une marge sur une partie du chiffre d'affaires procuré par la clientèle détournée par les intimées : au vu de ce qu'aurait pu être sa marge entre 2012 et 2017, si les sociétés Uber n'avaient pas agi de manière illicite à compter de décembre 2011,Viacab est fondée à réclamer la somme de 3 564 000 euros correspondant à l'exploitation, sur 72 mois (de 2012 à 2017), d'une flotte de 30 véhicules en moyenne, procurant une marge de 1 650 euros par mois et par véhicule ;

- le préjudice afférent aux investissements réalisés et réduits à néant du fait des intimées : elle est bien fondée à solliciter la condamnation in solidum des intimées au paiement de la somme de 201 740 euros correspondant à 109 156 euros pour l'achat de sa flotte de véhicules, 45 270 euros pour le contrat d'assurance relatif à la flotte de véhicules, et 47 314 euros au titre des dépenses publicitaires engagées par Viacab ;

- le préjudice moral, qu'elle évalue à 1 000 000 euros, Viacab ayant vu son activité d'exploitant de VTC totalement anéantie.

Les sociétés Uber France, Uber BV et Uber International BV, par dernières conclusions signifiées le 10 avril 2019, demandent à la cour, au visa du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 et des articles 31, 122 et 564 du Code de procédure civile et 1240 et 1353 du Code civil, de :

Sur les fins de non-recevoir,

- dire que la société Uber France n'a pas qualité pour défendre en l'espèce puisqu'elle ne constitue pas une centrale de réservation au sens de la loi Grand guillaume ;

En conséquence,

- constater que les prétentions formulées à son encontre sont irrecevables et les rejeter ;

- dire que Viacab ne justifie d'aucun intérêt ni d'aucune qualité pour agir en l'espèce, dès lors qu'elle ne justifie pas de l'exercice d'une activité effective dans le domaine des transports ;

En conséquence,

- constater que ses prétentions sont irrecevables et les rejeter ;

- dire que Viacab n'a aucune qualité pour solliciter, directement ou indirectement, la caractérisation d'une relation de travail entre Uber et l'un ou l'autre des partenaires chauffeurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale ;

En conséquence,

- constater que les prétentions formulées par Viacab en rapport avec un prétendu pouvoir de contrôle, de surveillance et de sanction qui aurait été exercé par Uber sur les partenaires chauffeurs sont irrecevables et les rejeter ;

- dire que les prétentions suivantes sont irrecevables, ayant été formulées pour la première fois en cause d'appel, et plus précisément, à partir des conclusions de Viacab du 5 mars 2019 :

- ordonner à la société Uber BV, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard et par manquement à compter de la décision à intervenir de cesser de :

- interdire aux chauffeurs de se constituer une clientèle propre et de développer la clientèle de la plateforme ;

- sanctionner la sollicitation active ou passive des passagers ;

- rendre impossible aux chauffeurs la faculté de choisir leurs passagers ;

- imposer un taux d'acceptation des courses ;

- fixer unilatéralement le prix de la course ;

- interdire au chauffeur d'être rémunéré directement par le client ;

- imposer aux chauffeurs de détenir et d'exploiter des véhicules dont les intimées précisent la gamme ;

- permettre au client de noter la course effectuée par le chauffeur ;

- attribuer une prime hebdomadaire aux chauffeurs en fonction d'un nombre de courses effectuées à certaines heures, d'une notation, et d'un taux d'acceptation ;

- imposer un itinéraire au chauffeur ;

- sanctionner un trajet jugé " non-optimal " ;

- contrôler et sanctionner le taux d'acceptation des courses des chauffeurs ;

- contrôler et sanctionner les chauffeurs en fonction d'un système de notation des clients ;

- contrôler et sanctionner les chauffeurs par le biais d'un système de géolocalisation ;

- imposer aux chauffeurs d'attendre 10 minutes un client ;

- imposer aux chauffeurs des directives comportementales qui peuvent faire l'objet de sanctions en cas de non-respect ;

- interdire aux chauffeurs de laisser apparaitre tout signe de leur entreprise de transport ;

- imposer aux chauffeurs d'accepter des courses dont la destination est inconnue ;

- sanctionner le taux d'annulation des courses par un chauffeur ;

- imposer aux chauffeurs d'exécuter personnellement la prestation ;

- ne pas communiquer les informations relatives à l'identification du chauffeur conformément aux dispositions du Code de la consommation ;

- ordonner aux sociétés Uber International BV, Uber France, et Uber BV, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard et par manquement à compter de la décision à intervenir, de cesser de :

- informer les chauffeurs via une carte en temps réel des zones géographiques dans lesquelles les demandes de réservations sont plus ou moins élevées ;

- inciter les chauffeurs à circuler et stationner sur la voie publique en quête de clients ;

- ordonner aux sociétés Uber International BV, Uber France, et Uber BV, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard et par manquement à compter de la décision à intervenir, de faire cesser aux chauffeurs présents sur sa plateforme les agissements suivants : circuler et stationner sur la voie publique en quête de clients ;

- ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais des sociétés Uber International BV, Uber France, et Uber BV dans les journaux La Tribune, Les Echos et Le Parisien, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

En conséquence,

- constater que ces prétentions sont irrecevables et les rejeter ;

Pour le surplus, sur le fond,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- débouter Viacab de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En toutes hypothèses,

- condamner Viacab à verser à Uber International BV, Uber France, et Uber BV une somme de 150 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

Elles font valoir qu'Uber France n'a pas qualité pour défendre dès lors cette société n'a pas pour mission d'exploiter l'application Uber, mais a pour seule et unique fonction de promouvoir la marque " Uber " et les services fournis en France sous cette marque.

Elles précisent que Viacab, nullement en charge de la défense de l'intérêt collectif de la profession d'exploitant de VTC, ne justifie pas d'un intérêt légitime à agir pour solliciter la moindre injonction dans la mesure où elle ne prouve pas qu'elle exerce de manière actuelle, régulière et effective une activité économique.

Elles indiquent enfin que plusieurs demandes formulées par Viacab dans ses conclusions du 5 mars 2019 sont nouvelles, partant irrecevables, dans la mesure où elles portent, non plus sur la seule cessation des actes de concurrence déloyale allégués, mais sur le contenu précis des relations entre Uber et les chauffeurs partenaires dont elle sollicite la modification.

Les intimées ajoutent que Viacab n'a pas davantage qualité pour obtenir la reconnaissance d'une relation de travail entre Uber et ses partenaires chauffeurs, la reconnaissance d'un contrat de travail étant un droit exclusivement attaché à la personne de celui qui se prétend salarié.

Sur le fond, elles concluent à l'absence d'actes constitutifs de concurrence déloyale. Elles soulignent qu'Uber, qui est une centrale de réservation, n'est soumise qu'à certaines dispositions des lois de 2014 et 2016 régissant spécifiquement son activité de mise en relation et que les textes régissant l'activité des exploitants et des conducteurs, invoqués par Viacab, sont inapplicables aux centrales de réservation.

Sur le grief de pratiques restrictives de concurrence, elles indiquent, outre l'irrecevabilité de cette demande nouvelle à hauteur d'appel, que, loin d'imposer un prix fixe des courses aux chauffeurs indépendants utilisant sa plateforme, Uber se borne à proposer un prix recommandé et les chauffeurs partenaires ont concrètement la possibilité de diminuer le prix maximum proposé par la plateforme.

Elles invoquent l'absence d'acte anticoncurrentiel de leur part, un tel acte n'étant caractérisé :

- ni au titre d'une prétendue méconnaissance des dispositions du droit du travail, aucun lien de subordination des chauffeurs, au sens du Code du travail, n'étant démontré ;

- ni au titre du caractère illicite de l'application UberPOP, alors que de nombreux jugements et arrêts ont considéré que l'illicéité du produit UberPOP n'était nullement établie ;

- ni au titre de la maraude électronique alléguée :

- le Conseil d'Etat ayant reconnu que le texte du Code des transports invoqué en cette matière par Viacab étant inopposable en droit français en application de la Directive 98/34/CE ;

- à titre surabondant, Uber n'ayant jamais méconnu l'article L. 3120-2, III, 1° du Code des transports, cet article n'interdisant pas aux personnes relevant de son application d'informer le client soit de la seule localisation, soit de la seule disponibilité d'un véhicule lorsqu'il se trouve sur une voie ouverte à la circulation publique, et, en l'espèce, aucune information n'étant transmise concernant la disponibilité de ces véhicules pour une éventuelle demande de réservation ;

- ni sur le prétendu défaut de signalétique distinctive, alors qu'en admettant qu'Uber puisse se voir opposer la disposition du Code des transports invoquée, sa violation ne peut entraîner qu'une radiation du chauffeur en cause du registre des VTC sans jamais pouvoir caractériser un acte de concurrence déloyale ;

- ni sur le recours aux chauffeurs exerçant sous le statut " Loti ", Uber n'ayant, depuis l'entrée en vigueur de la loi Grandguillaume du 29 décembre 2016, plus aucun partenariat avec des entreprises de transport relevant de ce statut ;

- ni au titre de " la location de VTC à la place ", alors qu'il n'y a aucune location " à la place " puisqu'il s'agit pour deux ou plusieurs personnes - qui l'acceptent - de partager ensemble un seul et même trajet.

A titre subsidiaire, elles invoquent l'absence de lien de causalité direct et certain entre les fautes prétendues et la situation de Viacab.

Sur le préjudice, elles font valoir que Viacab ne rapporte à aucun moment la preuve des chefs de préjudice qu'elle invoque.

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

Sur les fins de non-recevoir

Sur la qualité pour défendre de la société Uber France

Les intimées font valoir que la société Uber France n'a pas qualité pour défendre au motif qu'elle n'exploitait pas, au moment des faits allégués, l'application Uber et qu'elle a désormais pour seule et unique fonction de promouvoir la marque " Uber " et les services fournis en France sous cette marque.

Toutefois, Uber France a exploité la plate-forme Uberpop ; c'est elle qui concluait, jusqu'en 2013, les contrats avec les chauffeurs ; il n'est, par ailleurs, pas contesté que la société Uber France est en charge de la promotion de la marque " Uber " et des services associés ; il s'en déduit que la société Uber France a qualité pour défendre. Les sociétés Uber seront déboutées de leur fin de non-recevoir de ce chef.

Sur l'intérêt à agir de la société Viacab

Les sociétés Uber soulèvent le défaut d'intérêt à agir actuel de la société Viacab en ce qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle exerce, à la date à laquelle les intimées concluent, une activité commerciale en lien avec le transport de personnes par voiture avec chauffeur, ni n'est en charge de la défense de l'intérêt collectif de la profession d'exploitant de VTC.

Aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé. L'intérêt doit être direct, personnel et actuel.

L'intérêt à agir doit s'apprécier au jour où la demande est formée, et non au vu d'éléments apparus postérieurement.

Si les intimées soulignent la société Viacab n'apporte pas la preuve d'une activité commerciale en 2018, elles ne contestent pas que la société Viacab a exercé une activité d'exploitant de VTC jusqu'en juillet 2017, date à partir de laquelle elle indique s'être limitée à une activité de réservation de taxis. Se trouvant en situation de concurrence avec Uber lorsqu'elle a intenté la présente action contre les sociétés Uber, elle justifie avoir eu un intérêt à agir personnel, né et actuel. Les sociétés Uber seront déboutées de leur fin de non-recevoir de ce chef.

Sur la recevabilité, en cause d'appel, des demandes de la société Viacab

Les sociétés Uber invoquent l'irrecevabilité, comme nouvelles en cause d'appel, de certaines demandes de la société Viacab.

L'article 565 du Code de procédure civile dispose que " les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ". L'article 566 du même Code prévoit que " les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ".

La société Viacab demandait, devant le tribunal de commerce, de :

- interdire à Uber, en tant qu'opérateur de transport d'offrir des services de VTC à défaut d'inscription ;

- lui interdire d'employer des chauffeurs de VTC non titulaires d'une carte professionnelle ;

- interdire le rétablissement du service Uberpop ou le présenter comme licite ;

- interdire de présenter les chauffeurs " Loti " comme pouvant transporter une personne seule et de mettre en relation des clients avec des chauffeurs Loti ;

- faire injonction à Uber de communiquer au " client " des informations relatives au chauffeur, au contrat de transport ;

- interdire, en substance, l'usage de certaines formes de " géolocalisation " et le service " UberPool " ;

- faire injonction de respecter et faire respecter par les chauffeurs les règles relatives à la signalétique VTC, au retour à la base ;

- ordonner la publication du jugement à intervenir sur le site Uber.com (notamment) et son exécution provisoire.

Qu'à hauteur de cour, la société Viacab demande que les sociétés Uber :

- cessent de :

- interdire aux chauffeurs de se constituer une clientèle propre et de développer la clientèle de la plate-forme ;

- sanctionner la sollicitation active ou passive des passagers ;

- rendre impossible aux chauffeurs la faculté de choisir leurs passagers ;

- imposer un taux d'acceptation des courses ;

- fixer unilatéralement le prix de la course ;

- interdire au chauffeur d'être rémunéré directement par le client ;

- imposer aux chauffeurs de détenir et d'exploiter des véhicules dont les intimées précisent la gamme ;

- permettre au client de noter la course effectuée par le chauffeur ;

- attribuer une prime hebdomadaire aux chauffeurs en fonction d'un nombre de courses effectuées à certaines heures, d'une notation, et d'un taux d'acceptation ;

- imposer un itinéraire au chauffeur ;

- sanctionner un trajet jugé " non-optimal " ;

- contrôler et sanctionner le taux d'acceptation des courses des chauffeurs ;

- contrôler et sanctionner les chauffeurs en fonction d'un système de notation des clients ;

- contrôler et sanctionner les chauffeurs par le biais d'un système de géolocalisation ;

- imposer aux chauffeurs d'attendre 10 minutes un client ;

- imposer aux chauffeurs des directives comportementales qui peuvent faire l'objet de sanctions en cas de non-respect ;

- interdire aux chauffeurs de laisser apparaître tout signe de leur entreprise de transport ;

- imposer aux chauffeurs d'accepter des courses dont la destination est inconnue ;

- sanctionner le taux d'annulation des courses par un chauffeur ;

- imposer aux chauffeurs d'exécuter personnellement la prestation ;

- ne pas communiquer les informations relatives à l'identification du chauffeur conformément aux dispositions du Code de la consommation ;

- informer les chauffeurs via une carte en temps réel des zones géographiques dans lesquelles les demandes de réservations sont plus ou moins élevées ;

- inciter les chauffeurs à circuler et stationner sur la voie publique en quête de clients ;

- fassent cesser aux chauffeurs présents sur sa plate-forme de circuler et stationner sur la voie publique en quête de clients.

Si les demandes de première instance tendaient à faire cesser la violation, par Uber, des dispositions du Code des transports régissant les VTC, elles ne portaient nullement sur les modalités dans lesquelles le chauffeur partenaire utilise l'application Uber, accomplit la prestation de transport et développe sa propre clientèle. En conséquence, la cour dira que ne tendent pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, ni n'en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, les demandes qui tendent en réalité, non pas seulement à faire cesser des actes de concurrence déloyale, mais à modifier fondamentalement les rapports des chauffeurs avec Uber et avec les clients.

Seront ainsi déclarées irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes visant à ordonner aux sociétés Uber de cesser d'interdire aux chauffeurs de se constituer une clientèle propre et de développer la clientèle de la plate-forme, de sanctionner la sollicitation active ou passive des passagers par les chauffeurs, de rendre impossible aux chauffeurs la faculté de choisir leurs passagers, d'imposer un taux d'acceptation des courses aux chauffeurs, de fixer unilatéralement le prix de la course, d'interdire aux chauffeurs d'être rémunérés directement par les clients, d'imposer aux chauffeurs de détenir et d'exploiter des véhicules dont les intimées précisent la gamme, de permettre au client de noter la course effectuée par le chauffeur, d'attribuer une prime hebdomadaire aux chauffeurs en fonction d'un nombre de courses effectuées à certaines heures, ainsi qu'une notation et un taux d'acceptation, d'imposer un itinéraire aux chauffeurs, de sanctionner un trajet jugé " non-optimal ", de contrôler et sanctionner le taux d'acceptation des courses des chauffeurs, de sanctionner le taux d'annulation des courses par un chauffeur, de contrôler et sanctionner les chauffeurs en fonction d'un système de notation des clients, de contrôler et de sanctionner les chauffeurs par le biais d'un système de géolocalisation, d'imposer aux chauffeurs d'attendre 10 minutes un client, d'imposer aux chauffeurs des directives comportementales qui peuvent faire l'objet de sanctions en cas de non-respect, d'interdire aux chauffeurs de laisser apparaître tout signe de leur entreprise de transport, d'imposer aux chauffeurs d'accepter des courses dont la destination est inconnue, d'imposer aux chauffeurs d'exécuter personnellement la prestation, de ne pas communiquer les informations relatives à l'identification du chauffeur conformément aux dispositions du Code de la consommation, d'informer les clients, préalablement à leur réservation, de la localisation et de la disponibilité des véhicules, d'informer les chauffeurs via une carte en temps réel des zones géographiques dans lesquelles les demandes de réservations sont plus ou moins élevées.

Seront en revanche déclarées recevables comme étant le complément de celles de première instance, les demandes tendant à ordonner aux sociétés Uber de cesser la commission des actes de concurrence déloyale, en l'espèce de :

- cesser d'inciter les chauffeurs à circuler et stationner sur la voie publique en quête de clients ;

- cesser d'inciter les chauffeurs à ne pas retourner à leur base ou dans un endroit situé hors de la chaussée dans l'attente d'une réservation ;

- faire cesser les violations commises par ses chauffeurs aux obligations relatives à la signalétique des VTC.

Sur les pratiques restrictives de concurrence

La société Viacab prétend qu'Uber BV commet des actes restrictifs de concurrence :

- en imposant aux chauffeurs un prix fixe des courses ;

- en empêchant le chauffeur de contacter le client avant la conclusion du contrat de prestation de transport ;

- en interdisant formellement, sous peine de sanction consistant à la clôture immédiate du compte du chauffeur, de recontacter le client ou de lui transmettre ses coordonnées en vue de réaliser une course future en dehors de l'intermédiaire d'Uber ;

- en interdisant aux chauffeurs de se distinguer en les obligeant à se soumettre à des directives comportementales, à masquer l'existence de leur entreprise, à uniformiser leurs tenues et leurs véhicules.

Toutefois, la société Viacab admet que le prix proposé par Uber n'est qu'un prix recommandé maximal et ne conteste pas la possibilité, pour les chauffeurs, de diminuer le prix maximum proposé par la plateforme, ainsi que cela est prévu par la clause 5.1.1 du contrat de partenariat qui stipule que " Le prix du billet pour le service de conduite se trouve sur www.uber.com, sur l'application, ou peut être communiqué à tout moment au Partenaire par Uber. Ces prix sont TTC, la TVA étant due et devant être payée par le Partenaire au taux applicable du pays dans lequel est proposé le service de conduite. Les prix des billets sont des prix recommandés maximum. Le partenaire est libre de facturer des prix inférieurs aux clients. " (Pièce Uber n° 3).

De même, les directives comportementales, prévues par le contrat de partenariat et les conditions générales Uber, dont il n'est pas contesté qu'elles sont librement acceptées par les chauffeurs, ne peuvent avoir le caractère de pratique restrictive de concurrence.

La société Viacab invoque enfin, au visa de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, la pratique commerciale trompeuse d'Uber en ce que la prestation de transport ne permet pas au consommateur d'établir clairement avec qui il contracte.

L'article L. 121-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoit : " I - Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...) 3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable. ".

Ces dispositions sont la transposition en droit interne de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, directive dont le 14e considérant précise qu " " il est souhaitable que les pratiques commerciales trompeuses couvrent les pratiques, y compris la publicité trompeuse, qui, en induisant le consommateur en erreur, l'empêchent de faire un choix en connaissance de cause et donc de façon efficace ".

En application de ces dispositions, une pratique commerciale ne peut être considérée comme déloyale que si elle constitue une pratique contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère, ou est susceptible d'altérer, de manière substantielle, le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen. Pour apprécier le caractère substantiel de l'altération du comportement économique du consommateur, il convient de déterminer s'il a été amené ou s'il serait amené à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

Viacab indique, en l'espèce, que les seules informations communiquées au client par la plate-forme sont " l'initiale du nom et le prénom du chauffeur, la plaque d'immatriculation et le modèle du véhicule, autrement dit les informations strictement nécessaires à l'identification visuelle du chauffeur par le client " (page 52 de ses conclusions). Elle ne démontre toutefois pas que des informations plus précises sur l'identité du chauffeur puissent avoir une incidence sur la décision du client de contracter, dès lors d'une part, que la prestation ne porte que sur l'utilisation d'un véhicule avec chauffeur et que l'identité de ce dernier est à cet égard indifférente, d'autre part, que la personne mettant en œuvre la prestation n'est pas le chauffeur proprement dit, mais la société Uber, ainsi que cela ressort des modalités de la commande, adressée à Uber par le biais de son application, et des conditions de paiement de la course réglée par débit sur le moyen de paiement lié au compte Uber du client. Il n'est pas, dans ces conditions, démontré que la pratique en cause altère, ou soit susceptible d'altérer, de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé.

Les pratiques arguées de pratiques restrictives de concurrence ne sont pas, en conséquence, caractérisées.

Sur la concurrence déloyale

La société Viacab fait grief aux intimées de commettre des actes de concurrence déloyale en exploitant l'application Uberpop, en pratiquant le maraudage électronique, en ayant recours aux chauffeurs sous statut Loti, en se dispensant de toute signalétique distinctive, en pratiquant la location à la place et en abusant du statut de travailleur indépendant des chauffeurs.

Les intimées soutiennent que Uber BV n'est qu'un intermédiaire, gestionnaire d'une " centrale de réservation ", qu'elle ne participe pas à la relation de transport et que les textes du Code des transport invoqués ne lui sont pas applicables.

Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne a, dans sa décision en date du 10 avril 2018, retenu que " le service d'intermédiation en cause devait être considéré comme faisant partie intégrante d'un service global dont l'élément principal est un service de transport, et, partant, comme répondant à la qualification (...) de " service dans le domaine des transports ", au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123 ". Il s'en déduit que la prestation de transport est la principale prestation, de sorte que la phase de mise en relation n'a qu'un caractère préparatoire, que les sociétés Uber sont des opérateurs de transport de personnes et qu'elles se trouvent en situation de concurrence de l'activité exercée par la société Viacab.

Sur l'exploitation du service Uberpop

Il est constant l'application Uberpop, qui permet de mettre en relation les clients avec des chauffeurs conduisant leur véhicule personnel, a été exploitée en France par Uber entre février 2014 et juillet 2015.

C'est en vain que les sociétés Uber contestent l'illicéité du service Uberpop, alors que :

- en application des articles L. 3120-1 à L. 3124-13 du Code des transports, pour pouvoir exercer leur activité de transport public particulier de personnes, les chauffeurs doivent nécessairement appartenir à l'une des catégories suivantes : un taxi, un véhicule motorisé à deux ou trois roues, ou une voiture de transport avec chauffeur ;

- le service Uberpop proposait des services de transport particulier de personnes à titre onéreux, effectués par des conducteurs de véhicules automobiles particuliers, non professionnels, ne relevant donc pas des catégories prévues par les articles L. 3120-1 à L. 3124-13 du Code des transports ;

- la Cour de cassation a, par ses arrêts rendus les 31 janvier 2017 (15-87770) et 11 septembre 2018 (16-81762, 16-81763, 16-81764, 16-81765 et 16-81766), approuvé les cours d'appel qui avaient retenu que :

- l'activité en cause était soumise à la législation relative soit aux taxis, soit aux véhicules de petite remise, laquelle impose dans les deux cas une autorisation administrative ;

- l'exercice, sans autorisation administrative, de la prestation proposée faisait qu'elle était, dès l'origine, illégale au regard de cette législation ;

- la société Uber France s'était rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses en incitant les consommateurs, conducteurs ou utilisateurs à participer au service Uberpop par des communications commerciales, donnant l'impression que ce service était licite alors qu'il ne l'était pas.

La société Viacab est, dans ces conditions, fondée à soutenir que la promotion de l'activité illicite Uberpop sur le territoire français a été assurée par la société Uber France et que, par son caractère illicite, cette activité a revêtu un caractère de concurrence déloyale.

Sur la maraude

La société Viacab fait grief à Uber de violer les dispositions du Code des transports qui interdisent à tous transporteurs autres que les taxis, la maraude sur la voie publique et le démarchage de clients sans réservation préalable, plus précisément de :

- s'arrêter, stationner ou circuler sur la voie publique, à moins de justifier d'une réservation préalable et ne pas revenir à leur lieu d'établissement ;

- informer le client, avant toute commande ou réservation, à la fois de la localisation et de la disponibilité du véhicule.

Sur la possibilité de circuler sur des voies ouvertes à la circulation en quête de clients, le Code des transports dispose :

- en son article L. 3121-1 : " les taxis sont des véhicules automobiles comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum, munis d'équipements spéciaux et dont le propriétaire ou l'exploitant est titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique, en attente de la clientèle, afin d'effectuer, à la demande de celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs bagages. " ;

- en son article L. 3120-2, II : " A moins de justifier de l'autorisation de stationnement mentionnée à l'article L. 3121-1, le conducteur d'un véhicule mentionné au I du présent article ne peut : 1° Prendre en charge un client sur la voie ouverte à la circulation publique, sauf s'il justifie d'une réservation préalable ; 2° S'arrêter, stationner ou circuler sur la voie ouverte à la circulation publique en quête de clients ; 3° Stationner sur la voie ouverte à la circulation publique, à l'abord des gares et des aérogares ou, le cas échéant, dans l'enceinte de celles-ci, au-delà d'une durée, fixée par décret, précédant la prise en charge du client qui a effectué une réservation préalable. " ;

- en son article L. 3122-9 : " Dès l'achèvement de la prestation commandée au moyen d'une réservation préalable, le conducteur d'une voiture de transport avec chauffeur dans l'exercice de ses missions est tenu de retourner au lieu d'établissement de l'exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, sauf s'il justifie d'une réservation préalable ou d'un contrat avec le client final. ".

Il est constant qu'Uber n'est titulaire d'aucune autorisation de stationnement prévue par l'article L. 3121-1.

Aux termes de son Guide du partenaire, la plate-forme incite ses chauffeurs à " se répartir de manière homogène dans les zones de forte demande " pour espérer avoir davantage de courses (pièce n° 5f, page 34) et permet aux chauffeurs de visualiser sur une carte, en temps réel, les zones géographiques dans lesquelles les demandes de réservations sont plus ou moins élevées (pièce n° 5f, pages 17 et 34), encourageant dès lors un chauffeur ne disposant pas de réservation à se rendre dans une zone de forte demande afin de faire l'objet d'une réservation.

Ces éléments établissent que les sociétés Uber, par les préconisations qu'elles délivrent à destination des chauffeurs de VTC, favorisent le non-respect des dispositions des articles L. 3120-2, II et L. 3122-9 du Code des transports. Ces actes sont constitutifs d'une concurrence déloyale.

Sur la maraude électronique - définie comme le fait de prendre en charge les clients grâce à une application mobile - l'article L. 3120-2, III du Code des transports dispose : " Sont interdits aux personnes réalisant des prestations mentionnées à l'article L. 3120-1 et aux intermédiaires auxquels elles ont recours : 1° Le fait d'informer un client, avant la réservation mentionnée au 1° du II du présent article, quel que soit le moyen utilisé, à la fois de la localisation et de la disponibilité d'un véhicule mentionné au I quand il est situé sur la voie ouverte à la circulation publique sans que son propriétaire ou son exploitant soit titulaire d'une autorisation de stationnement mentionnée à l'article L. 3121-1 ; 2° Le démarchage d'un client en vue de sa prise en charge dans les conditions mentionnées au 1° du II du présent article ; 3° Le fait de proposer à la vente ou de promouvoir une offre de prise en charge effectuée dans les conditions mentionnées au même 1°.'

Les sociétés Uber invoquent le caractère inopposable, en droit français, de l'article L. 3120-2 III 1° du Code des transports, en ce que ce texte, relevant des règles techniques relatives aux services de la société de l'information, devait faire l'objet d'une notification à la Commission européenne telle que prescrite par l'article 8-I de la Directive 98/34/CE du 22 juin 1998, notification n'a pas été effectuée.

Toutefois, dans sa décision en date du 10 avril 2018 (n° C-320-/16), la Cour de justice de l'Union européenne a considéré que " cette réglementation (relative aux plateformes de réservation) ne saurait être qualifiée de règle relative aux services de la société de l'information, au sens de l'article 1er de la directive 98/34, et n'est donc pas soumise à l'obligation de notification préalable à la Commission prévue à l'article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive. ". Le moyen d'inopposabilité n'est dès lors pas fondé.

Les dispositions de l'article L. 3120-2 III du Code des transports prohibent, pour les personnes qu'elles visent, de fournir aux clients la double information de localisation et de disponibilité des véhicules.

Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier en date du 28 janvier 2016 versé aux débats par les sociétés Uber (pièce n° 34) que :

- la carte apparaissant sur l'application Uber donne une information sur la localisation des véhicules de transport avec chauffeur ;

- le bandeau " commander ici ", qui s'affiche sur l'écran du smartphone, fait apparaître le temps d'attente pour la prise en charge du client (pièce n° 34 - pages 9 à 35), information qui permet d'apprécier la disponibilité du véhicule le plus proche ;

de sorte qu'en informant le client, préalablement à la réservation, à la fois de la localisation et de la disponibilité du véhicule, l'application permet la pratique de la maraude électronique, pratique prohibée par l'article L. 3120-2, III 1° du Code des transports pour cette catégorie d'opérateurs. Cet élément est constitutif d'une concurrence déloyale.

Sur l'utilisation abusive du statut " Loti'

La société Viacab fait en outre grief à Uber de faire pratiquer des transports individuels par des chauffeurs sous statut " Loti " alors que le statut Loti oblige chaque chauffeur relevant de ce statut à transporter au moins deux personnes au cours de chaque trajet.

Les sociétés Uber ne sont pas fondées à prétendre que la cour n'est saisie d'aucune demande de ce chef en ce que Viacab n'évoquerait pas ce grief dans le dispositif de ses conclusions, alors qu'il ne s'agit ici que d'un moyen et qu'en application de l'article 954 du Code de procédure civile, seules les prétentions, et non les moyens, doivent figurer dans le dispositif des écritures.

Il n'est pas contesté que les personnels sous statut Loti ne peuvent intervenir que pour assurer des transports collectifs en service occasionnel. En outre, la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016 relative à la régulation, la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes (loi " Grandguillaume ") a interdit, à compter du 1er janvier 2018, d'exercer sous statut Loti pour le transport de personnes dans toute agglomération de plus de 100 000 habitants.

Si les sociétés Uber indiquent avoir mis un terme, à la date d'entrée en vigueur de la loi Grandguillaume - soit le 1er janvier 2018 - à tout partenariat fondé sur le statut Loti, elles reconnaissent implicitement avoir eu recours, avant cette date, à des partenaires exerçant sous ce statut, pratique pourtant prohibée pour les transports non occasionnels.

Il résulte en outre des pièces versées aux débats qu'Uber a encouragé le recours aux capacitaires en diffusant des informations aux termes desquelles, pour " devenir chauffeur UberX ou Berline ", il faut disposer d'une " licence professionnelle (licence carte professionnelle VTC et autorisation Atout France ou capacité de transport de personnes < 9 places et licence de la direction régionale de l'équipement) " (pièces Viacab n°17a, page 8 et 17b).

Bénéficiant de conditions d'accès simplifiées au statut de chauffeur par rapport à celles applicables aux chauffeurs de taxis ou de VTC, les chauffeurs " Loti " ont nécessairement procuré un avantage concurrentiel aux sociétés Uber. Cet élément est constitutif d'une concurrence déloyale.

Sur le défaut de signalétique distinctive

La société Viacab invoque la méconnaissance, par Uber, des dispositions de l'article R. 3122-8 du Code des transports (ancien D. 231-1 alinéa 4 du Code du tourisme) qui encadrent la signalétique qu'il convient d'apposer sur chaque VTC et prévoit que " les voitures de transport avec chauffeur sont munies d'une signalétique distinctive définie par arrêté du ministre chargé des transports et délivrée par l'Imprimerie nationale. " ; le signe distinctif à ce titre réside dans l'apposition d'une vignette.

Toutefois, si le procès-verbal de constat d'huissier en date du 18 juillet 2014 (pièce Viacab n° 7c) révèle que certains chauffeurs Uber n'apposent pas, ou pas correctement, sur le pare-brise de leur véhicule, la vignette prescrite, ce seul constat est insuffisant à démontrer que cette disposition serait systématiquement violée par Uber, ni, en tout état de cause, que cet élément aurait procuré un avantage concurrentiel à Uber. La concurrence déloyale n'est donc pas caractérisée de ce chef.

Sur la location à la place

La société Viacab prétend qu'Uber, par le biais de son service UberPool, n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 3120-2-I du Code des transports, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016, qui dispose que " Les véhicules qui effectuent les prestations mentionnées à l'article L. 3120-1 (transport routier de personnes effectuées à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places) ne peuvent pas être loués à la place. ".

Toutefois, il n'est pas contesté que le service UberPool est un service de co-voiturage urbain permettant à plusieurs passagers de partager, sur la base de critères géographiques, tout ou partie d'une course effectuée par des chauffeurs professionnels ; ce service n'a pas pour objet la location à la place, de sorte que l'interdiction édictée par l'article L. 3120-2-I précité ne peut trouver à s'appliquer en l'espèce. La concurrence déloyale n'est donc pas caractérisée de ce chef.

Sur la relation entre Uber et ses chauffeurs

La société Viacab fait valoir, au visa de l'article L. 8221-6 du Code du travail, que la relation entre Uber et ses chauffeurs est une relation de travail et que cette situation a procuré un avantage concurrentiel à Uber en ce qu'elle s'est exonérée des conséquences attachées au statut salarial et constituant une concurrence déloyale à l'égard des autres entreprises qui respectent la réglementation.

La société Viacab, qui n'agit pas, en l'espèce, en reconnaissance de contrats de travail, est recevable à invoquer, sur le fondement de la concurrence déloyale, l'avantage illicite qu'aurait procuré, aux sociétés Uber, le non-respect de la législation applicable.

L'article L. 8221-6 du Code du travail dispose :

- I - Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du Code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II - L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. ".

Il résulte des éléments du dossier que :

- les chauffeurs concluent avec la société Uber BV (depuis 2013) un contrat de partenariat dont l'article 12.4 stipule que " les parties sont deux opérateurs indépendants et leur coopération est dépourvue de tout affectio societatis ou de tout lien de subordination. En conséquence, aucune des stipulations du contrat ne saurait être interprétée comme créant entre elle une association, ne société de fait, une joint-venture ou toute autre forme de structure commune ou relation salariée " (pièces n° 5b et 5c) ;

- les chauffeurs inscrits sur la plate-forme Uber peuvent utiliser d'autres plateformes d'intermédiation concurrentes et développer leur propre clientèle ;

- les chauffeurs n'ont ni durée, ni horaires de travail ;

- les chauffeurs partenaires demeurent libres de refuser une course ;

- ils peuvent couvrir les secteurs qu'ils souhaitent ;

- ils ne reçoivent aucune directive pendant l'exécution de leurs courses ;

- les chauffeurs exercent leur activité pour leur propre compte ;

- tout chauffeur remplissant les conditions légales et réglementaires pour exercer la profession de VTC peut librement s'inscrire sur la centrale de réservation ;

Éléments qui caractérisent le statut de travailleurs indépendants des chauffeurs.

Aucun des éléments invoqués par Viacab ne saurait caractériser l'existence d'un lien de subordination entre Uber et les chauffeurs :

- ni l'obligation de s'inscrire au registre des métiers, qui est précisément la conséquence du statut d'indépendants des chauffeurs ;

- ni l'impossibilité pour les chauffeurs de se constituer une clientèle propre, ces derniers pouvant au contraire développer leur propre clientèle en adhérant à d'autres plateformes d'intermédiation ;

- ni l'impossibilité, pour les chauffeurs, de choisir leurs clients, alors que le cadre contractuel librement accepté repose sur l'attribution des clients par la plate-forme, et qu'en tout état de cause, cet élément est insuffisant à caractériser un quelconque lien de subordination ;

- ni la dépendance économique des chauffeurs à l'égard d'Uber, l'existence d'une situation de dépendance économique n'étant pas, en tout état de cause, assimilable à un lien de subordination juridique permanente au sens de l'article L. 8221-6 II du Code du travail, ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges ;

- ni les modalités de fixation du prix des courses, les tarifs d'Uber n'étant que des maximums recommandés comme indiqué plus haut ;

- ni le contrôle de l'activité des chauffeurs, essentiellement lié à la nécessité d'assurer la performance du dispositif, notamment par la prise en charge la plus rapide des clients et la rotation la plus efficace des véhicules ;

- ni l'absence d'identification du chauffeur, cet élément ne permettant pas de caractériser l'existence d'une pratique commerciale trompeuse comme la cour l'a retenu plus haut.

Aucun des éléments versés aux débats ne fait apparaître que les chauffeurs exécuteraient les contrats dans des conditions différentes de celles contractuellement prévues. Aucun rapport de travail ne saurait, dans ces conditions, être reconnu entre Uber et les chauffeurs prestataires. Le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé de ce chef.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les sociétés Uber ont commis des actes de concurrence déloyale par l'exploitation du service Uberpop, la pratique du maraudage électronique et le recours à des chauffeurs exerçant sous le statut " Loti ".

La cour ordonnera aux sociétés Uber France, Uber BV et Uber International BV de cesser d'inciter les chauffeurs à circuler et stationner sur la voie publique en quête de clients et d'inciter les chauffeurs à ne pas retourner à leur base ou dans un endroit situé hors de la chaussée dans l'attente d'une réservation, sauf s'ils justifient d'une autre réservation préalable. Il n'y a pas lieu, toutefois, au prononcer d'une astreinte.

Sur le préjudice

Il s'infère nécessairement d'actes constitutifs de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice.

Viacab évalue sa perte de gain à la somme de 3 564 000 euros correspondant à la perte d'exploitation, sur 72 mois (de 2012 à 2017), d'une flotte de 30 véhicules en moyenne, procurant chacun une marge de 1 650 euros par mois. Ces chiffres ne sont valablement discutés par les intimées.

La cour prendra toutefois en compte le fait que le service Uberpop n'a été disponible qu'entre février 2014 et juillet 2015 et que Viacab a cessé son activité de VTC en juillet 2017. Par ailleurs, compte tenu du caractère limité dans le temps des actes de concurrence déloyale commis par Uber et du caractère très concurrentiel du marché du VTC, la perte de clientèle induite par ces actes n'a pu en tout état de cause excéder 10 % du chiffre d'affaires invoqué par Viacab.

Le préjudice dont la société Viacab est fondée à obtenir réparation est constitué par la perte d'une chance de percevoir le gain escompté. La réparation de la perte de chance sera fixée à 30 %. Les sociétés Uber France, Uber BV et Uber International BV seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 106 000 euros (356 000 x 30 %).

La cour déboutera Viacab :

- de sa demande fondée sur la perte des investissements réalisés, aucune preuve n'étant rapportée de ce que ces investissements auraient été réalisés en pure perte et détournés par les intimées ;

- de celle au titre d'un préjudice moral, la demande de ce chef n'étant étayée d'aucun élément.

L'ancienneté des faits ne justifient pas de mesure de publication.

L'équité commande de condamner in solidum les sociétés Uber France, Uber BV et Uber International BV à payer à la société Viacab la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR ; Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau ; Déboute les sociétés Uber de leurs fins de non-recevoir fondées sur la qualité pour défendre de la société Uber France et sur l'intérêt à agir de la société Viacab ; Dit irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, les demandes de la société Viacab tendant à ordonner aux sociétés Uber de cesser d'interdire aux chauffeurs de se constituer une clientèle propre et de développer la clientèle de la plate-forme, de sanctionner la sollicitation active ou passive des passagers par les chauffeurs, de rendre impossible aux chauffeurs la faculté de choisir leurs passagers, d'imposer un taux d'acceptation des courses aux chauffeurs, de fixer unilatéralement le prix de la course, d'interdire aux chauffeurs d'être rémunérés directement par les clients, d'imposer aux chauffeurs de détenir et d'exploiter des véhicules dont les intimées précisent la gamme, de permettre au client de noter la course effectuée par le chauffeur, d'attribuer une prime hebdomadaire aux chauffeurs en fonction d'un nombre de courses effectuées à certaines heures, ainsi qu'une notation et un taux d'acceptation, d'imposer un itinéraire aux chauffeurs, de sanctionner un trajet jugé " non-optimal ", de contrôler et sanctionner le taux d'acceptation des courses des chauffeurs, de sanctionner le taux d'annulation des courses par un chauffeur, de contrôler et sanctionner les chauffeurs en fonction d'un système de notation des clients, de contrôler et de sanctionner les chauffeurs par le biais d'un système de géolocalisation, d'imposer aux chauffeurs d'attendre 10 minutes un client, d'imposer aux chauffeurs des directives comportementales qui peuvent faire l'objet de sanctions en cas de non-respect, d'interdire aux chauffeurs de laisser apparaître tout signe de leur entreprise de transport, d'imposer aux chauffeurs d'accepter des courses dont la destination est inconnue, d'imposer aux chauffeurs d'exécuter personnellement la prestation, de ne pas communiquer les informations relatives à l'identification du chauffeur conformément aux dispositions du Code de la consommation, d'informer les clients, préalablement à leur réservation, de la localisation et de la disponibilité des véhicules, d'informer les chauffeurs via une carte en temps réel des zones géographiques dans lesquelles les demandes de réservations sont plus ou moins élevées ; Dit la société Viacab irrecevable en sa demande de qualification de la relation entre Uber et ses chauffeurs en relation de travail ; Dit que les sociétés Uber ont commis des actes de concurrence déloyale par l'exploitation du service Uberpop, par la pratique du maraudage électronique et par le recours à des chauffeurs exerçant sous le statut " Loti " ; Ordonne aux sociétés Uber France, Uber BV et Uber International BV de cesser d'inciter les chauffeurs à circuler et stationner sur la voie publique en quête de clients et d'inciter les chauffeurs à ne pas retourner à leur base ou dans un endroit situé hors de la chaussée dans l'attente d'une réservation sauf s'ils justifient d'une autre réservation préalable ; Condamne in solidum les sociétés Uber France, Uber BV et Uber International BV à payer à la SARL Viacab la somme de 106 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum les sociétés Uber France, Uber BV et Uber International BV aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés Uber France, Uber BV et Uber International BV à payer à la SARL Viacab la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la SARL Viacab du surplus de ses demandes.