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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 13 décembre 2019, n° 17-22534

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Olympique Gymnaste Club de Nice Cote d'Azur (SASP)

Défendeur :

Digitick (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bel

Conseillers :

Mmes Cochet-Marcade, Moreau

T. com. Paris, du 14 nov. 2017

14 novembre 2017

Faits et procédure :

La société Digitick est une société d'édition et de maintenance de logiciels informatiques et notamment de billetterie pour le compte de tiers dans le cadre de manifestations sportives et culturelles.

La société Olympique Gymnaste Club de Nice Cote d'Azur (ci-après, la société OGC Nice) est une société sportive professionnelle dont l'objet est la gestion de l'équipe professionnelle de football de Nice.

En septembre 2013, la société OGC Nice a bénéficié d'un nouveau stade, l'Allianz Riviera, géré par la société Nice Eco Stadium.

Au terme d'un appel d'offres conjoint de la société Nice Eco Stadium et de la société OGC Nice portant sur la billetterie, la société Digitick a été sélectionnée.

Deux contrats ont alors été signés :

- un contrat de partenariat et de mise en place d'une solution globale de billetterie, dit " contrat de billetterie " signé le 9 août 2013, visant à mettre à disposition de la société OGC Nice un logiciel de billetterie dont la fonction était d'assurer la gestion et la distribution de la billetterie au sein du stade ;

- un contrat de gestion de la relation client, dit " CMR " signé le 9 août 2013 par le biais d'un contrat de fourniture de service.

Le contrat de billetterie instituait un mandat de vente de billets pour le compte de la société OGC Nice. La rémunération contenait une partie forfaitaire pour les prestations d'installation, matériel et formation et une redevance au billet pour les prestations d'exploitation. Ce contrat, dont le terme était fixé au 30 juin 2017, était renouvelable par tacite reconduction pour chaque saison.

Durant le premier semestre 2014, la société OGC Nice a adressé des courriers de réclamation à la société Digitick afin de lui faire part de dysfonctionnements du système de billetterie.

Le 19 septembre 2014, la société OGC Nice a notifié à la société Digitick de nouveaux manquements, lesquels ont été contestés par cette dernière par courrier du 13 octobre 2014, faisant valoir que les trois points évoqués ne pouvaient être qualifiés d'anomalies au sens de l'article 2.5.1 b) dudit contrat qui définit les anomalies comme étant " des erreurs et non conformités répétitives et reproductibles du logiciel ".

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 décembre 2014, la société OGC Nice a notifié à la société Digitick la résiliation immédiate et à ses torts du contrat de billetterie, en soutenant que l'accumulation des défaillances du système de billetterie rendait impossible la poursuite dudit contrat.

Estimant que cette résiliation avait été faite au mépris de ses droits, la société Digitick a, par acte du 27 juillet 2015, assigné la société OGC Nice devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner, au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil, à lui verser des dommages et intérêts pour rupture fautive du contrat de billetterie, rupture brutale des relations commerciales et atteinte à son image.

La société OGC Nice a sollicité le prononcé de la résolution judiciaire du contrat le 29 décembre 2014 au vu de la gravité des manquements contractuels de la société Digitick et le paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par jugement en date du 14 novembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit qu'en résiliant avant son terme le contrat de billetterie du 9 août 2013, la société Olympique Gymnaste Club de Nice Cote d'Azur a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle,

- condamné la société Olympique Gymnaste Club de Nice Cote d'Azur à payer à la société Digitick la somme de 163 800 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté la société Digitick de ses autres demandes,

- débouté la société Olympique Gymnaste Club de Nice Cote d'Azur de ses demandes,

- condamné la société Olympique Gymnaste Club de Nice Cote d'Azur à payer à la société Digitick la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Olympique Gymnaste Club de Nice Cote d'Azur aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 149,88 euros dont 24,55 euros de TVA.

Le tribunal de commerce a jugé que la société OGC Nice avait commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle en résiliant avant son terme le contrat de billetterie sans respecter les conditions contractuelles. Il a relevé qu'au vu de la combinaison des articles 9.1 et 8.6 du contrat, les parties ont strictement encadré la possibilité de résiliation avant le terme du contrat en cas de faute du contractant distincte de l'inexécution totale du contrat, cette faute devant correspondre à l'atteinte d'un plafond de pénalités fixé à 20 000 euros /an ou 60 000 euros sur la durée du contrat. Il a considéré que même à supposer que tous les manquements allégués de la société Digitick aient été bloquants et qu'à ce titre aient été appliquées des pénalités au barème maximum de 500 euros par jour de dysfonctionnement en vertu de l'article 8.6 du contrat, le montant total des pénalités n'aurait pas correspondu au plafond de pénalités fixé à 20 000 euros par an exigé par l'article 9.1.

Le tribunal a retenu qu'en l'absence de faute commise par la société Digitick, l'indemnité de résiliation prévue à l'article 9.1 n'était pas applicable, et que seul est indemnisable le gain manqué par ladite société, qu'il a estimé à 40 % de la marge brute pour la durée du contrat restant à courir, soit la somme de 163 800 euros.

Il a rejeté la demande formée par la société Digitick au titre du contrat de partenariat, à défaut de preuve de la faute de la société OGC Nice et du dommage allégué.

Le tribunal a écarté les demandes de la société Digitick formées sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil. Il a ainsi rejeté les demandes au titre de la rupture brutale du contrat, les conséquences de la rupture du contrat étant déjà réglées par l'octroi de l'indemnité accordée sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Il a relevé que les faits prétendus de dénigrement commis par société OGC Nice étaient postérieurs à la résiliation du contrat et nullement établis. Il a jugé que la société Digitick ne justifiait d'aucune perte de chance de conclure d'autres contrats.

Enfin, le tribunal a rejeté la demande indemnitaire formée par la société OGC Nice au titre de la procédure abusive.

Par déclaration au greffe en date du 08 décembre 2017, la société OGC Nice a interjeté appel partiel du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Digitick la somme de 163 800 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Prétentions et moyens des parties :

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 2 octobre 2019, la société OGC Nice demande à la cour de :

A titre principal :

- Constater les nombreux manquements contractuels de la société Digitick dans l'exécution de la convention du 9 août 2013,

- Constater la gravité desdits manquements, et leur caractère récurrent,

- En conséquence, réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 14 novembre 2017 en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 163 800 euros à titre de dommages-intérêts, outre les frais de justice,

- Prononcer à la date du 29 décembre 2014 la résolution du contrat du 9 août 2014, aux torts exclusifs de la société Digitick,

- Débouter la société Digitick de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire :

- Dire et juger qu'aux termes de l'article 9.1.3 du contrat de billetterie, l'indemnité dont elle serait très éventuellement redevable à l'égard de la société Digitick ne pourrait correspondre qu'à 20 % du chiffre d'affaires projeté jusqu'au 30 juin 2017,

- Dire et juger qu'elle ne pourrait être redevable que des sommes en fonction de la durée du préavis jugée nécessaire,

En tout état de cause :

- Condamner la société Digitick au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société Digitick aux entiers dépens.

Sur l'effet dévolutif de l'appel, elle soutient sur le fondement de l'article 562 du Code de procédure civile que par son appel partiel, elle n'a pas circonscrit les débats à sa condamnation à des dommages et intérêts et à l'article 700 du Code de procédure civile. Elle soutient qu'il existe une interdépendance directe et immédiate entre les chefs de condamnation critiqués et la question de la validité de la rupture de sorte que la cour est saisie du litige relatif à la validité de la résiliation et à ses conséquences financières.

A titre principal, elle considère que la résiliation anticipée du contrat de billetterie par ses soins, aux torts exclusifs de la société Digitick, était fondée en application des dispositions de l'article 1184 du Code civil et des articles 2.5.1 et 9.2 alinéa 4 du contrat de billetterie.

Elle fait valoir à cet égard que la société Digitick, à laquelle l'article 9.2 alinéa 4 du contrat imposait une obligation de résultat en matière de performance de ses services, a commis des fautes graves et répétées au titre de l'exécution du contrat de billetterie (anomalies multiples et récurrentes et absence de traitement de celles-ci dans les délais contractuels), lesquelles fautes ont directement impacté sa stratégie commerciale, porté atteinte à son image et rendu impossible le maintien de la relation contractuelle.

Elle conteste que les possibilités de résiliation du contrat soient strictement circonscrites dans le cadre contractuel ainsi que l'ont retenu les premiers juges. Elle soutient qu'elle pouvait valablement faire usage d'une clause résolutoire toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques dans le cas où l'une des deux parties ne satisfait pas à son engagement, en application de l'article 1184 du Code civil, la gravité du comportement d'une partie à un contrat justifiant que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls.

Elle fait valoir que la rupture n'est pas brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, n'étant pas imprévisible, soudaine ni violente, dès lors que plusieurs échanges, mises en demeure et avertissements ont été envoyés à la société Digitick. Elle considère que la rupture n'est pas vexatoire au motif qu'elle serait intervenue en période de fin d'année, celle-ci étant justifiée par les manquements contractuels graves et répétés de la société Digitick ayant rendu impossible le maintien de la relation contractuelle, et que la circonstance qu'elle ait travaillé avec d'autres prestataires après la résiliation du contrat n'est pas de nature à remettre en cause sa loyauté.

A titre subsidiaire, à considérer que la résiliation anticipée du contrat soit injustifiée, elle relève que le tribunal, tout en se fondant exclusivement sur les modalités de résiliation prévues au contrat, a écarté l'application de l'article 9.1.3 du contrat de billetterie, lequel prévoit une indemnisation au titre de la résiliation à hauteur de 20 % du chiffre d'affaires qu'aurait réalisé cette société jusqu'au terme du contrat, soit le 30 juin 2017. Elle ajoute que le préjudice de la société Digitick a été évalué sur la simple note explicative produite par celle-ci, aucun élément comptable justifiant du chiffre d'affaires projeté n'étant produit aux débats. Elle conteste également le raisonnement du tribunal de commerce qui a multiplié la marge brute mensuelle par le nombre de mois restant à exécuter au titre de la période initiale du contrat de billetterie pour fixer le montant du préjudice, alors qu'en application de l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, le préjudice est évalué en fonction de la durée du préavis non respectée et jugée nécessaire.

Elle ajoute que la société Digitick n'a pas réalisé les prestations prévues au contrat jusqu'à son terme et est donc mal fondée à soutenir que son préjudice serait constitué de l'intégralité des prestations prévues jusqu'à cette date. Elle fait valoir que ces demandes sont contraires à l'article 9.1.3 du contrat de billetterie qui plafonne les éventuelles indemnisations à hauteur de 20 % du chiffre d'affaires le nombre de mois restants.

Enfin, elle soutient que les premiers juges ont débouté à juste titre la société Digitick de sa demande de paiement de la somme de 60 000 euros HT correspondant à la somme que lui a versée ladite société au titre du partenariat commercial.

Par conclusions notifiées et déposées le 6 juin 2018, la société Digitick demande à la cour, de

Vu des dispositions des articles 562 et 901 du Code de procédure civile,

- Juger que la société OGC Nice a, en régularisant un appel partiel, délibérément fait le choix de ne pas soumettre à la cour la dévolution de l'entier litige ;

En conséquence,

- Juger que sa demande de prononcer à la date du 29 décembre 2014 la résolution du contrat du 9 août 2014, aux torts exclusifs de Digitick, se heurte au principe de l'effet dévolutif restreint,

Ce faisant,

- La déclarer irrecevable en cette demande ;

En tout état de cause,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 14 novembre 2017 en ce qu'il a dit qu'en résiliant avant son terme le contrat de billetterie du 9 août 2013, la société OGC Nice a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle, et la débouter à tout le moins ;

Pour le surplus,

- Déclarer l'appel de la société OGC Nice mal fondé,

- L'en débouter,

- Confirmer la condamnation faite à la société OGC Nice de lui payer la somme de 163 800 euros au titre des dommages-intérêts pour rupture fautive du contrat de billetterie et celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société OGC Nice à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société OGC Nice aux entiers dépens en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

A titre principal, sur l'effet dévolutif de l'appel, elle soutient sur le fondement des articles 901 et 562 du Code de procédure civile que la cour est saisie d'un " appel partiel " ce qui démontre que l'appelante a entendu circonscrire les débats à sa seule condamnation à des dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et ainsi acquiescé aux autres chefs du jugement. Elle en déduit que la société OGC Nice est irrecevable à critiquer, par voie de conclusions, le jugement en ce qu'il a jugé qu'elle avait résilié le contrat de manière fautive, et en sa demande tendant à voir prononcer la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Digitick.

A titre subsidiaire, sur le caractère fautif de la rupture, elle fait valoir sur le fondement de l'article 1134 ancien du Code civil et de l'article 9.1 du contrat de billetterie que conformément à ses obligations contractuelles et à ses obligations légales de bonne foi et de loyauté dans l'exécution du contrat de billetterie, la société OGC Nice ne pouvait résilier le contrat en dehors des deux cas de résiliation stipulés par l'article 9.1 (inexécution totale des clauses du contrat ou atteinte d'un plafond de pénalités fixé à 20 000 euros par an ou 60 000 euros sur la durée du contrat) et qu'à défaut de respect des stipulations du contrat, la résiliation est dénuée de tout fondement contractuel.

Elle précise à ce titre que le montant des pénalités au vu des dysfonctionnements allégués, s'il avait été demandé et si lesdits manquements prétendus étaient constitutifs d'anomalies graves et bloquantes, se serait élevé à moins de 2 000 euros pour toute la période considérée et n'aurait pas correspondu aux seuils de pénalités de 20 000 euros par an ou 60 000 euros fixés à l'article 9.1.

Elle soutient que la société OGC Nice ne démontre aucun manquement contractuel grave de sa part justifiant la résiliation unilatérale et anticipée du contrat, alors qu'elle a respecté son obligation essentielle qui était d'assurer la disponibilité du service telle que définie à l'article 2.4.2 du contrat de billetterie. Elle ajoute que la société OGC Nice a manqué à son obligation de coopération prévue à l'article 7 du contrat et fait preuve de déloyauté à son égard en résiliant le contrat dans le seul objectif de mettre en place, concomitamment à ladite résiliation, un nouveau service de billetterie avec une société concurrente, contactée en cours de contrat.

Sur l'évaluation de son préjudice, elle rappelle qu'en matière de résiliation unilatérale, la rupture est faite aux risques et périls de son auteur. Elle soutient que son préjudice, qui correspond au gain manqué, doit être évalué selon son taux de marge brute forfaitaire de 40 %, appliqué au chiffre d'affaires moyen mensuel sur le nombre de mois restant à effectuer jusqu'au terme du contrat de billetterie, et dont elle justifie par des pièces comptables.

Elle soutient que son préjudice ne saurait être évalué en application des dispositions de l'article 9.1.3 du contrat de billetterie qui plafonne les éventuelles indemnisations à hauteur de 20 % du chiffre d'affaires multiplié par le nombre de mois restants, cette clause étant applicable en cas de mise en œuvre de la clause résolutoire, et non pas en cas de rupture aux risques et périls de son auteur.

Elle ajoute qu'il n'y a pas lieu de fixer le préjudice en application des dispositions de l'article L. 442-6 I.5 ° du Code de commerce, dès lors que la société OGC Nice a engagé sa responsabilité contractuelle aux termes de la résolution unilatérale du contrat de billetterie et que le préjudice indemnisable en matière de responsabilité contractuelle est le gain manqué sur la période restant à courir entre la date d'effet de la résiliation du contrat et la date d'échéance contractuellement fixée.

MOTIFS

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

Selon l'article 901 du Code de procédure civile,

" La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle ".

Selon l'article 562 du Code de procédure civile,

" L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ".

Il résulte de ces dispositions que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Il appartient à celui qui invoque l'indivisibilité d'indiquer les faits desquels elle résulte.

Le jugement entrepris a notamment :

- dit qu'en résiliant avant son terme le contrat de billetterie du 9 août 2013, la société OGC Nice a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle,

- condamné la société OGC Nice à payer à la société Digitick la somme de 163 800 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation fautive du contrat,

- débouté la société Digitick de ses autres demandes,

- débouté la société OGC Nice de ses demandes, aux fins de prononcé de la résolution judiciaire du contrat le 29 décembre 2014 au vu de la gravité des manquements contractuels de la société Digitick et de paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société OGC Nice a interjeté appel partiel du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Digitick la somme de 163 800 euros à titre de dommages intérêts et la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir avec pertinence que si la déclaration d'appel ne vise pas expressément le chef du dispositif du jugement disant qu'en résiliant avant son terme le contrat de billetterie du 9 août 2013, elle a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle, l'appréciation du bien fondé de sa condamnation au paiement de dommages et intérêts au titre de la résiliation anticipée et fautive du contrat dépend nécessairement de l'appréciation du caractère fautif de la résiliation anticipée du contrat par ses soins.

La cour est donc saisie de la question de l'indemnisation du préjudice au titre de la résiliation anticipée du contrat et de la question du caractère fautif de ladite résiliation qui en dépend.

En revanche, la société OGC Nice n'a pas visé dans son acte d'appel les chefs du dispositif du jugement rejetant sa demande tendant à voir ordonner la résolution judiciaire du contrat le 29 décembre 2014 au vu de la gravité des manquements contractuels de la société Digitick.

L'appréciation du caractère fautif ou non de la résiliation anticipée du contrat par une partie et de ses conséquences financières, et la demande de prononcé de la résolution judiciaire du contrat aux torts d'une autre partie constituent deux demandes distinctes, qui reposent sur des fondements différents et ont des conséquences distinctes, et ne découlent nullement nécessairement l'une de l'autre.

En limitant son appel au chef du jugement l'ayant condamnée à réparer le préjudice de la société Digitick au titre de la rupture anticipée et fautive du contrat par ses soins, la société OGC Nice n'a pas nécessairement critiqué le chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande de prononcé de la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Digitick.

En outre, la société OGC Nice n'allègue ni ne justifie de l'indivisibilité du litige justifiant que la cour soit saisie de cette seconde demande.

Il s'ensuit que la cour n'est saisie que de l'appréciation du caractère fautif ou non de la résiliation anticipée du contrat par une partie et de ses conséquences financières.

Sur la résiliation anticipée du contrat :

Selon les dispositions de l'article 1134 du Code civil dans sa version applicable aux faits, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Le contrat est, selon l'article 6, conclu pour la saison 2013-2014 et les trois saisons suivantes, soit quatre saisons en tout (période allant chaque année du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante), et ensuite renouvelable tacitement pour chaque saison, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et sous réserve du respect d'un préavis de trois mois avant chaque échéance contractuelle.

L'article 9.1 du contrat prévoit deux cas de résiliation anticipée du contrat, soit la résiliation pour inexécution totale des clauses du contrat par l'une ou l'autre des parties (article 9.1.1) et la résiliation pour faute en cas d'atteinte d'un plafond de pénalité fixé à 20 000 euros par an ou 60 000 euros sur la durée du contrat (article 9.1.2).

L'article 8.6 du contrat précise que " Si un cas d'anomalie bloquante n'est pas réglé dans les délais sus-mentionnés [à première demande du client], après notification du client à Digitick, ce dernier se verra appliquer des pénalités de 500 euros/jour de dysfonctionnement. Si un cas d'anomalie grave n'est pas réglé dans les délais sus-mentionnés, après notification du client à Digitick, ce dernier se verra appliquer des pénalités de 100 euros/jour de dysfonctionnement ".

Les parties, qui ont conclu un contrat à durée déterminée jusqu'au 30 juin 2017 puis renouvelable par tacite reconduction, ont ainsi expressément entendu limiter les cas de résiliation anticipée du contrat à l'inexécution totale de ses obligations par l'une des parties, ou à la gravité caractérisée de la faute commise, laquelle doit nécessairement atteindre un plafond de pénalité fixé à 20 000 euros par an ou 60 000 euros sur la durée du contrat.

Ainsi que l'ont relevé avec pertinence les premiers juges, la société OGC Nice, qui invoque des fautes graves et répétées commises par la société Digitick au titre de l'exécution du contrat de billetterie, n'a pas sollicité l'application des pénalités prévues au contrat lors de la constatation des dysfonctionnements allégués. Même à supposer que tous les dits dysfonctionnements puissent être qualifiés de bloquants et justifier l'application des pénalités de 500 euros/jour de dysfonctionnement, le plafond de pénalité contractuellement prévu justifiant la résiliation anticipée du contrat, et fixé à 20 000 euros par an ou 60 000 euros sur la durée du contrat, n'aurait pas été atteint.

Les circonstances que la société Digitick soit tenue, selon l'article 9.2. alinéa 4 du contrat, à une obligation de résultat en matière de disponibilité et performance de ses services, et selon l'article 2.5.1 du contrat, à une obligation de maintenance évolutive et corrective du logiciel notamment en cas d'erreurs et de non-conformités répétitives et reproductibles du logiciel, et qu'elle aurait accumulé des défaillances du système de billetterie, ainsi que le fait valoir la société OGC Nice, ne suffisent pas à permettre la résiliation anticipée du contrat, dont les cas sont expressément définis et limités par les parties.

Les dispositions du contrat étant claires et non sujettes à interprétation, la société OGC Nice prétend vainement qu'en application de l'article 1184 du Code civil dans sa version applicable aux faits, la clause résolutoire est sous-entendue dans le contrat synallagmatique conclu avec la société Digitick dans le cas où celle-ci ne satisferait pas à son engagement, et que la gravité du comportement de celle-ci, rendant impossible la poursuite du contrat, justifie qu'elle y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, quand bien même la faute commise n'atteint pas le plafond de pénalité prévu au contrat, alors que les parties sont expressément convenues du seuil de gravité suffisante de la faute justifiant la résiliation du contrat.

La société Digitick invoquant la résiliation anticipée fautive du contrat, les développements de la société OGC Nice au titre de l'absence de rupture brutale de la relation commerciale établie, au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, qui relève de la responsabilité délictuelle, sont inopérants.

Il n'est en revanche pas démontré que la société OGC Nice aurait manqué à son obligation de coopération telle que définie à l'article 7 du contrat, aucun élément n'établissant que ladite société n'aurait pas communiqué spontanément à la société Digitick tous événements, informations, documents, méthodes qui seraient utiles à la bonne exécution du contrat. Le défaut de réponse de la société OGC Nice aux demandes d'entretiens formées par la société Digitick par courriers des 7 mars 2014 et 13 octobre 2014 ne suffit pas à caractériser le manquement à une telle obligation.

De même, les constatations par acte d'huissier de justice du 2 janvier 2015, selon lesquelles la société OGC Nice avait recours, à cette date, à un autre service de billetterie pour commercialiser la vente de billets de matchs, ne caractérisent pas le prétendu manque de loyauté de la part de l'appelante dans la résiliation anticipée du contrat, aucun élément n'établissant que ce partenariat a été mis en place en cours d'exécution du contrat.

Les premiers juges ont donc jugé avec exactitude que la société OGC Nice, qui n'a pas respecté les conditions contractuelles de résiliation anticipée du contrat conclu à durée déterminée, a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle en notifiant à la société Digitick la résiliation immédiate et à ses torts du contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 décembre 2014.

Sur le préjudice lié à la résiliation :

Le préjudice indemnisable en cas de résiliation anticipée fautive d'un contrat à durée déterminée est le gain manqué sur la période restant à courir entre la date d'effet de la résiliation du contrat et la date d'échéance contractuellement fixée.

Dès lors que la société OGC Nice n'a pas respecté les conditions contractuelles de résiliation anticipée du contrat, elle ne peut solliciter le bénéfice des effets de ladite résiliation, énoncés à l'article 9.1.3 du contrat, et prévoyant notamment qu'en cas de résiliation anticipée à l'initiative de la société OGC Nice, une indemnité de fin de contrat est versée à la société Digitick et correspond à 20 % du chiffre d'affaires moyen mensuel réalisé par celle-ci sur les périodes écoulées, multiplié par le nombre de mois restant à effectuer jusqu'au terme normal du contrat.

Le préjudice de la société Digitick étant causé par la résiliation anticipée et fautive du contrat à durée déterminée, ne saurait être évalué, comme le prétend l'appelante, en fonction de la durée du préavis non respectée et jugée nécessaire conformément à l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, cet article étant inapplicable en matière contractuelle.

Il résulte de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Digitick que celle-ci a réalisé pour l'exercice de 12 mois clos le 31 décembre 2016 un taux de marge brute de 44 %, la marge brute étant calculée en déduisant du chiffre d'affaires réalisé le coût d'achat du matériel, les coûts salariaux et les " overheads ". Le taux de marge brute de la société Digitick, que celle-ci ramène à 40 %, n'est pas utilement discuté par la société OGC Nice qui ne propose aucune autre méthode de calcul.

La société Digitick justifie par le listing des sommes facturées à la société OGC Nice d'un chiffre d'affaires mensuel moyen de 13 650,13 euros réalisé sur la période du contrat, lequel n'est pas plus utilement discuté par la société OGC Nice qui ne produit aux débats aucun élément contredisant ce listing.

Au vu de ces éléments, l'intimée est fondée à solliciter, en réparation de son préjudice au titre de la résiliation anticipée et fautive du contrat 30 mois avant son terme, la somme de 163 800 euros (13 650,13x 30x40 %).

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société OGC Nice à payer à la société Digitick la somme de 163 800 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Il convient, en outre, de condamner la société OGC Nice, échouant en ses prétentions, aux dépens, lesquels pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile, et à payer à la société Digitick une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à 3 000 euros.

Par ces motifs, LA COUR, Dit que la cour n'est saisie que de l'appréciation du caractère fautif ou non de la résiliation anticipée du contrat par une partie et de ses conséquences financières, à l'exclusion de la demande de prononcé, à la date du 29 décembre 2014, de la résolution du contrat du 9 août 2014, aux torts exclusifs de la société Digitick, Confirme en toutes ses dispositions critiquées par les parties le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 14 novembre 2017,Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Olympique Gymnaste Club de Nice Cote d'Azur à payer à la société Digitick une somme de 3 000 euros, Condamne la société Olympique Gymnaste Club de Nice Cote d'Azur aux dépens, lesquels pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile.