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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 12 décembre 2019, n° 17-01762

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Enedis (SA)

Défendeur :

Assurances du Crédit Mutuel Iard (SA), Engie Home Services (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pollet

Conseillers :

Mmes Garczynski, Denort

TGI Strasbourg, du 23 mars 2017

23 mars 2017

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Lorsque M. T. et Mme B., épouse T., ont acquis leur maison d'habitation, à Scherwiller, en janvier 2009, celle-ci était équipée d'une pompe à chaleur de marque Technibel, pour l'entretien de laquelle ils ont fait appel à la SA Savelys.

Ayant eu à déplorer de nombreuses baisses de tension, ils ont régulièrement alerté leur fournisseur d'électricité, la SA ERDF. Par ailleurs, ils ont subi concomitamment la mise hors fonctionnement de la pompe à chaleur et, en conséquence, l'absence de chauffage.

Le 13 février 2012, la SA Savelys a constaté que la pompe à chaleur était hors d'usage, suite à une nouvelle panne.

Le 22 mai 2013, les époux T.-B. et leur assureur ont fait assigner ERDF devant le tribunal de grande instance de Strasbourg en réparation de leur préjudice correspondant à la valeur de remplacement de la pompe à chaleur.

Par acte du 7 janvier 2014, la SA ERDF a appelé en garantie la SA Savelys et la jonction des deux procédures a été ordonnée par le juge de la mise en état.

Par jugement du 23 mars 2017, le tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté la SA Savelys de sa demande en nullité de l'assignation que la SA ERDF lui avait fait délivrer le 7 janvier 2014 et, par ailleurs, il a condamné in solidum la SA ERDF et la SA Savelys à payer :

- la somme de 4 850 euros à la SA Assurances du Crédit Mutuel (ACM), assureur des époux T.-B.,

- les sommes de 5 277,55 euros et 1 000 euros aux époux T.-B.,

Le tout avec intérêts au taux légal,

- la somme de 1 300 euros à la SA ACM sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Il a enfin :

- débouté la SA ERDF et la SA Savelys de l'intégralité de leurs demandes,

- condamné in solidum la SA ERDF et la SA Savelys aux dépens,

- condamné la SA ERDF aux dépens de l'appel en garantie.

Le premier juge a considéré que le litige relevait de la responsabilité contractuelle, et non de l'application de l'article 1386-1, ancien, du Code civil, faute de preuve de l'existence d'un produit défectueux, estimant que l'électricité ne présentait pas de défaut interne susceptible de faire courir un danger excessif ou anormal au consommateur.

Le premier juge a retenu l'existence d'une relation contractuelle entre les époux T.-B. et la SA ERDF, après la séparation juridique de EDF et ERDF, s'agissant d'un contrat unique EDF-ERDF, portant à la fois sur la fourniture d'électricité, sur l'accès au réseau public de distribution et son utilisation.

Sur la responsabilité de la SA ERDF, le premier juge a retenu un manquement de cette dernière à son obligation de distribution au domicile de ses clients de l'électricité en continu et de tension égale, qui est une obligation de résultat.

Il a retenu que la faute de la SA Savelys, à l'occasion du redémarrage de la pompe à chaleur, ne revêtait pas les conditions de la force majeure et ne permettait donc pas d'exonérer ERDF de sa responsabilité, que les époux T.-B. n'avaient commis aucune faute, et qu'enfin, si ERDF soutenait que la pompe à chaleur n'était pas adaptée, l'installation était conforme aux normes en vigueur.

Sur la responsabilité de la SA Savelys, le premier juge a retenu un manquement de celle-ci à son obligation de redémarrer la chaudière conformément aux règles de l'art et de la réparer, obligations de résultat. Il a relevé que la SA Savelys avait procédé au redémarrage de la chaudière quelques jours auparavant, lors d'une précédente chute de tension, et qu'elle était donc intervenue sur cette chaudière concomitamment à la panne de celle-ci. Il a ajouté que la faute de ERDF ne revêtait pas, pour la SA Savelys, le caractère de la force majeure.

Le premier juge a retenu que le dommage subi par les époux T.-B. avait consisté dans la mise hors d'usage de la pompe à chaleur, notamment à cause de sa mise en veille due à des chutes de tension électrique, qui avait conduit au gel de l'eau se trouvant dans l'appareil et l'avait détérioré, et que, pour assurer la réparation intégrale de ce dommage, seule devait être prise en compte la valeur de remplacement à neuf, à savoir 10 127,55 euros, sans se référer au marché de l'occasion qui était extrêmement réduit.

Concernant la demande de la SA ACM, assureur des époux T.-B., le premier juge a relevé l'existence d'une quittance subrogative et d'un courrier du 9 mai 2012 justifiant qu'elle était subrogée dans les droits des époux T.-B. à hauteur de 4 850 euros.

Par ailleurs, les époux T.-B. avaient subi un préjudice de jouissance dans la mesure où, selon les pièces produites, la pompe à chaleur s'était mise en défaut à plusieurs reprises, en hiver, ce dont il résultait que le chauffage n'était plus assuré.

Sur la demande reconventionnelle de la SA ERDF relative à la restitution d'une franchise légale de 500 euros, dirigée contre la SA ACM, le premier juge a retenu que cette demande n'aurait pu prospérer que si la responsabilité de ERDF avait été engagée sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, anciens, du Code civil, alors qu'elle était engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Sur l'appel en garantie formé par la SA ERDF à l'encontre de la SA Savelys, le premier juge a souligné qu'il n'était précisé dans aucun rapport d'expertise que la SA Savelys était présente à ces opérations ou y avait été convoquée, ce dont il résultait que sa responsabilité ne pouvait être engagée sur la base de ces seuls rapports. À défaut d'autres éléments démontrant sa faute, celle-ci n'était pas prouvée par la SA ERDF.

La SA Enedis, anciennement nommée ERDF, a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 17 avril 2017.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives datées du 6 mars 2018, elle sollicite, au visa des articles 1382 et suivants, anciens, et 1240, nouveau, du Code civil, des articles 1386-1, ancien, et 1245 et suivants, nouveaux, du Code civil, l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et le rejet de l'appel incident formé par la SAS Engie Home Services, anciennement dénommé société Savelys, et :

=> à titre principal :

- le rejet de toutes les demandes des parties intimées à son encontre,

- la condamnation de la SAS Engie Home Services, anciennement dénommée Savelys, à la garantir de toutes condamnations en principal, frais et accessoires qui pourraient intervenir à son encontre,

- la condamnation des demandeurs et intimés et de la SAS Engie Home Services anciennement dénommée Savelys, en tous les frais et dépens de la présente instance, ainsi que ceux de la première instance et à lui verser un montant de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur de cour,

=> subsidiairement, que les demandeurs et intimés soient déboutés de l'ensemble de leurs prétentions comme étant mal fondées, puisque prises au visa de l'article 1147 du Code civil,

=> à titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1386-1 et suivants, anciens, et 1245 et suivants, nouveaux, du Code civil, que toutes condamnations prononcées à son encontre soient cantonnées à un montant de 3 500 euros TTC,

=> reconventionnellement, qu'il soit jugé qu'ACM supportera seule la franchise légale de 500 euros et lui en restituera le montant, et que soit ordonnée la compensation des montants.

À l'appui de son appel, la SA Enedis fait valoir que :

- rien n'établit qu'au démarrage de la pompe à chaleur, l'intensité maximale de 45 A imposée par la norme ait été respectée ; de plus, bien que fréquemment commercialisé, ce type d'installation n'est pas adapté à des régions où les températures peuvent être inférieures à 10° pendant plusieurs jours ;

- lors des opérations d'expertise contradictoire amiable, ses techniciens n'ont relevé aucun dysfonctionnement lié au réseau basse tension alimentant le pavillon des demandeurs, ni sur cette ligne, ni aux alentours,

- ce n'est pas la mise en sécurité de la pompe à chaleur qui est à l'origine de la défaillance, celle-ci étant elle-même un processus normal en cas de surintensité qui arrive fréquemment lors de grands froids ; la destruction de la pompe à chaleur a pour seule origine les manquements de la SA Savelys qui, lors de la remise en fonction de la pompe, n'a pas respecté la notice du constructeur selon laquelle, en cas d'arrêt d'un générateur pendant l'hiver, les techniciens doivent, au choix, soit procéder à la vidange de l'appareil et à sa mise hors tension, soit mettre l'appareil en eau et sous tension, ce qui n'a jamais été le cas et a causé l'endommagement de la pompe à chaleur.

Elle en déduit que seule la SA Savelys doit être condamnée ou qu'elle doit la garantir de toute condamnation prononcée à son égard, le manquement à une obligation contractuelle pouvant être constitutif d'une faute délictuelle vis-à-vis des tiers.

Sur sa propre responsabilité, la SA Enedis rappelle sa qualité de concessionnaire du réseau de distribution d'électricité, étant une entité juridique propre, distincte d'EDF, dont elle est une filiale à 100 %. Elle estime que sa responsabilité ne pourrait être retenue qu'au visa des articles 1386-1 et suivants, anciens, et 1245 et suivants, nouveaux, du Code civil et qu'elle ne pouvait être condamnée sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.

Elle soutient que le sinistre a pour origine, et non pour cause, une défaillance de l'électricité livrée, et invoque une franchise légale de 500 euros applicable dans le cadre de la responsabilité du fait des produits défectueux. Invoquant les dispositions de l'article 1252 du Code civil, selon lesquelles la victime partiellement indemnisée par son assureur est payée par préférence, elle soutient qu'il appartient à la SA ACM de supporter seule la franchise légale de 500 euros et de lui en restituer le montant.

Sur le préjudice des époux T.-B., la SA Enedis soutient que le montant de la valeur à neuf d'une nouvelle pompe à chaleur ne peut leur être alloué et que doit être retenue la valeur de remplacement, qu'elle définit comme le prix d'acquisition, au jour du sinistre, d'un bien identique quant à son ancienneté, son état général, ses caractéristiques et ses performances. Elle fait valoir qu'il existe un marché fourni de l'occasion pour l'ensemble de ces matériels.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives datées du 14 mai 2018, la SAS Engie Home Services, anciennement Savelys, sollicite, au visa de l'article 1231-1 du Code civil, l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et le rejet de toute demande de la SA Enedis, de la société d'assurance et des époux T.-B. à son encontre.

Formant appel incident, elle sollicite la condamnation de la SA Enedis à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

À l'appui de ses demandes et de son appel incident, la SAS Engie Home Services fait valoir que :

- la SA Enedis est soumise à une obligation de résultat dans la fourniture du courant et elle admet que la pompe à chaleur s'est mise en défaut pour cause de sous-tension,

- cette sous-tension est une faute qui a entraîné la détérioration définitive de la pompe à chaleur,

- elle-même doit être mise simplement hors de cause, pour n'avoir commis aucune faute contractuelle.

La SAS Engie Home Services indique être intervenue dès le 2 février 2012 en urgence et avoir diagnostiqué que la panne de la pompe à chaleur était liée une fois encore à une baisse importante de tension au tableau électrique, le voltage oscillant entre 190 et 195. Elle indique que son technicien a remis en service la pompe à chaleur et a permis la reprise du chauffage.

Cette remise en route ne pouvait cependant qu'être provisoire, vu l'important problème de chute de tension connu de ERDF dès octobre 2011 et pour lequel les époux T.-B. avaient à nouveau alerté ERDF (SA Enedis), par un courrier du 4 février 2012. Cependant, la SA Enedis n'a entrepris aucune intervention d'urgence et, le 9 février 2012, la pompe à chaleur s'est mise en défaut pour cause de sous-tension. Ce n'est que le 10 et le 11 février 2012 qu'un technicien de la SA Enedis est intervenu sur le réseau pour augmenter la section du câble et la puissance du transformateur, alors que le gel avait déjà endommagé la pompe à chaleur.

La SAS Engie Home Services invoque un lien de causalité entre la faute de la SA Enedis, qui, par son intervention tardive, n'a pas permis une tension suffisante pour que la pompe puisse continuer à fonctionner dans des conditions normales, et le dommage.

Elle soutient, en revanche, qu'il n'existe aucun lien de causalité entre son intervention réussie et le dommage. Elle a remis la pompe à chaleur en route pour éviter le gel, imaginant que la SA Enedis allait, de son côté, faire immédiatement le nécessaire pour rétablir la tension. La seconde solution, qui était de vidanger totalement l'installation, était inenvisageable en cette période hivernale.

Elle précise qu'elle était débitrice d'une obligation d'entretien de la pompe à chaleur, mais nullement de l'entretien et du contrôle du réseau relié à cette pompe et de l'électricité. Elle n'était pas non plus l'installateur de la pompe. À ce sujet, elle observe que c'est à la SA Enedis de démontrer la non-conformité de l'installation de la pompe pour s'exonérer de sa propre responsabilité, et affirme que la pompe à chaleur était conforme à la norme NFC 15-100.

Dans leurs conclusions récapitulatives datées du 18 septembre 2017, la SA Assurances du Crédit Mutuel (ACM), M. T. et Mme B., épouse T., sollicitent le rejet de l'appel principal et de l'appel incident ainsi que la confirmation du jugement déféré, mais aussi :

- qu'il soit dit que la condamnation intervient à l'encontre de la SA Enedis, venant aux droits de la SA ERDF, et de la SAS Engie Home Services, anciennement dénommée Savelys,

- la condamnation in solidum des sociétés Savelys et Enedis aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au versement d'un montant de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel.

Ils évoquent des dysfonctionnements répétés de la pompe à chaleur se mettant en défaut du fait du manque de tension électrique, dès l'hiver 2009-2010, aucune amélioration n'ayant été apportée au réseau malgré une lettre recommandée adressée à la SA ERDF le 1er octobre 2011. Les mêmes difficultés sont survenues au cours de l'hiver 2011-2012.

Ils évoquent la panne du 2 février 2012 qui a donné lieu à l'intervention de la SA Savelys et au constat d'une tension électrique insuffisante, puis, après lettre recommandée à la SA ERDF, une nouvelle panne survenue le 9 février 2012, alors que la température extérieure était de -15 à -20°, et l'impossibilité de réparer et redémarrer la pompe ou d'obtenir un générateur de secours, si bien que le gel a endommagé définitivement la pompe à chaleur. Ce n'est qu'ensuite que la SA ERDF a effectué des travaux sur le réseau d'alimentation de la maison pour augmenter la section du câble et la puissance du transformateur, la fourniture d'électricité ayant été rendue conforme, mais la pompe étant devenue définitivement hors d'usage.

Les époux T.-B. et la SA Assurances du Crédit Mutuel (ACM) se fondent sur les dispositions de l'ancien article 1147 du Code civil, les variations de tension, non contestées, ressortant, selon eux, du régime des non-conformités contractuelles.

Ils reprennent les motifs du jugement déféré relatifs au non-respect, par la SA ERDF, de son obligation contractuelle de résultat de distribuer l'électricité au domicile des clients en continu et avec une tension égale. Les chutes de tension ont bien entraîné la mise en défaut de la pompe à chaleur, qui elle-même a entraîné les dommages de gel ayant détérioré la pompe.

S'agissant de la SA Savelys, ils reprennent également les motifs du jugement déféré et lui reprochent de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour éviter la détérioration définitive de la pompe à chaleur, soit la vidange de l'appareil et une mise hors tension, qui auraient permis d'éviter la destruction du matériel.

Ils reprennent leur demande tendant à une condamnation solidaire des deux sociétés et, s'agissant de leur préjudice, ils rappellent qu'une nouvelle pompe à chaleur a été achetée pour 10 127,55 euros, que l'ancienne pompe n'avait que deux ans d'âge, que leur assureur a remboursé, en vertu des dispositions contractuelles, 4 850 euros, et qu'il est donc subrogé, pour ce montant, dans les droits et actions des époux T.-B., qui réclament légitimement le surplus.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises à la cour par voie électronique

- le 7 mars 2018 pour la SA Enedis, anciennement nommée ERDF,

- le 14 mai 2018 pour la SAS Engie Home Services, anciennement Savelys,

- le 18 septembre 2017 pour la SA Assurances du Crédit Mutuel (ACM), M. T. et Mme B. épouse T..

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance en date du 3 juillet 2019.

MOTIFS

1°) Sur la demande principale des époux T.-B.

Sur les responsabilités

Selon les dispositions des articles 1386 et suivants du Code civil (devenus les articles 1245 et suivants) applicables au présent litige, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

L'électricité est considérée comme un produit au sens de ce texte.

Un produit est défectueux au sens de ces dispositions lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu.

Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Selon la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation, ainsi que le souligne la SA Enedis, anciennement ERDF, si le juge n'a pas, sauf règles particulières, l'obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux, même si le demandeur ne les a pas invoquées.

En conséquence, si, en l'espèce, les époux T.-B. et leur assureur n'invoquent pas ce fondement juridique, ainsi que le souligne la SA Enedis, anciennement ERDF, c'est cependant lui qui doit être appliqué qu'en l'espèce, dans la mesure où est en cause la défectuosité de l'électricité qui leur a été fournie par ERDF, laquelle reconnaît explicitement que c'est sur ce fondement que sa responsabilité serait susceptible d'être engagée.

Or, le défaut invoqué, à savoir une tension insuffisante de l'électricité fournie, est établi, au vu de l'intervention de la SAS Savelys le 2 février 2012, qui soulignait cette insuffisance et mentionnait une tension, au tableau électrique, située entre 190 et 195 volts, de la lettre des époux T.-B. du 4 février 2012, ainsi que des comptes-rendus des experts privés intervenus suite au sinistre, qui évoquent une sous-tension ayant entraîné la mise en sécurité de la pompe à chaleur.

Cette tension insuffisante constitue bien un défaut au sens des dispositions évoquées plus haut. En effet, elle est de nature à entraîner une surintensité de l'électricité pouvant détériorer certains appareils électriques ou entraîner leur mise en sécurité, ce qui a été le cas en l'espèce de la chaudière des époux

T.-B.. Dès lors, l'électricité fournie n'a pas offert la sécurité que l'on pouvait attendre, à savoir une tension suffisante pour assurer le fonctionnement de la chaudière d'une maison d'habitation abritant une famille, dont deux très jeunes enfants, de 2 ans et demi et 6 mois, à une période de grand froid, et pour éviter la détérioration de cette chaudière par l'effet du gel.

De plus, ce défaut a bien causé un dommage, en entraînant la mise en sécurité de la pompe à chaleur des époux T.-B., laquelle, par grand froid, a causé le gel de la pompe à chaleur elle-même et sa mise hors d'usage.

C'est bien l'insuffisance de tension électrique qui a causé la mise en sécurité de la pompe à chaleur et sa détérioration par le gel, et non pas une non-conformité aux normes de la pompe elle-même, qui n'est nullement établie.

De plus, il peut être souligné qu'au vu des pièces produites par les époux T.-B., ces derniers avaient déjà alerté ERDF de cette insuffisance de tension électrique, notamment par une lettre recommandée du 1er octobre 2011. Suite à une panne du 2 février 2012, une nouvelle lettre recommandée venait d'être adressée à ERDF le 4 février 2012, soit cinq jours avant la panne fatale. D'ailleurs, dans une lettre du 30 août 2012, la SA ERDF ne contestait pas ces baisses de tension : " Nous ne contestons pas le fait qu'il y a eu des baisses de tension, car elles ont été très clairement avérées. Nous contestons le fait que ce soit ces baisses qui aient causé les dommages de la pompe à chaleur ".

L'appelante affirme en effet que seule la faute de la SAS Engie Home Services, anciennement Savelys, serait la cause du dommage, celle-ci étant le professionnel chargé de l'entretien de la pompe à chaleur en vertu d'un contrat souscrit par les époux T.-B. et étant intervenue lors des pannes successives de cette pompe, liées à une tension électrique insuffisante.

S'agissant de la SAS Engie Home Services, anciennement Savelys, le fondement de la responsabilité contractuelle est le seul sur lequel sa responsabilité est susceptible d'être engagée à l'égard des époux T.-B..

Dans la situation présente, il est démontré que la SAS Savelys est intervenue le 2 février 2012 suite à une panne de la pompe, sa recherche de l'origine de la panne, d'après son compte-rendu d'intervention, l'ayant conduite à détecter une tension électrique insuffisante. La SAS Savelys a alors remis la pompe à chaleur des époux T.-B. en état de fonctionnement et l'a redémarrée. Il n'est pas contesté que la chaudière a fonctionné pendant les jours suivants, durant une semaine entière, avant la nouvelle panne survenue le 9 février 2012, qui a conduit au gel de l'installation de chauffage et à sa détérioration.

Or, le compte rendu de l'intervention suivante de la SAS Savelys est daté du 13 février 2012, suite à une demande du 10 février 2012. Il mentionne un contrôle de la pompe à chaleur suite au gel et la nécessité de prévoir un devis de remplacement de celle-ci. Il n'est pas démontré d'intervention de la SAS Savelys le 9 février 2012, suite à la nouvelle panne, aucun compte-rendu d'une intervention à cette date n'étant produit et les époux T.-B., dans l'historique qu'ils ont établi, n'en faisant aucune mention. Seule la SA Enedis, anciennement ERDF, en fait état, de même que son expert, ce qui n'en constitue pas une preuve.

En revanche, dans une lettre du 20 février 2012, le directeur de ERDF a admis l'intervention de ses services les 8, 9 et 10 février 2012 afin de diminuer les variations de tension et de garantir une tension d'alimentation correcte, les moyens mis en œuvre avant la panne du 9 février n'ayant manifestement pas été suffisants à cette fin.

Il est reproché à la SAS Savelys de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour éviter la détérioration définitive de la pompe à chaleur en vidangeant l'appareil et en le mettant hors tension, ou en le mettant en eau sous tension. Cependant, le 2 février 2012, il n'existait pas de motif de ne pas remettre en marche la pompe à chaleur, ce que le fonctionnement de celle-ci pendant les jours suivants n'a fait que confirmer. Une mise hors tension n'avait pas lieu d'être effectuée, la chaudière étant en état de redémarrer et les époux T.-B. ayant impérativement besoin de chauffage. De plus, il n'appartenait pas à la SAS Savelys d'anticiper une défaillance persistante de ERDF et l'absence de résolution du problème de sous-tension électrique, qui ne relevait pas de sa propre compétence.

En conséquence, aucune faute ayant causé le dommage subi par les époux T.-B. n'est démontrée à l'encontre de la SAS Engie Home Services, anciennement Savelys, et il n'est pas établi à ce titre de motif d'exonération de la responsabilité de ERDF sur le fondement de la garantie des produits défectueux.

Dans la mesure où la SA Enedis, anciennement ERDF, ne rapporte pas la preuve d'une autre cause d'exonération, sa responsabilité doit être retenue sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux.

Seule la responsabilité de la SA Enedis, anciennement ERDF, devant être retenue, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la SA ERDF à la réparation du préjudice des époux T.-B., mais infirmé en ce qu'il a condamné la SAS Savelys, in solidum avec elle, à cette réparation. Les demandes formulées contre cette société doivent toutes être rejetées.

Sur le montant du préjudice

Si la SA Enedis conteste l'évaluation du préjudice effectuée par le premier juge, qui a retenu une valeur de remplacement à neuf, il doit être souligné que le principe de la réparation intégrale du dommage nécessite que la victime soit replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, ce qui exige en l'espèce le paiement d'une somme d'argent permettant le remplacement de la pompe à chaleur, sans application d'un coefficient de vétusté et sans référence à un marché d'occasion, très peu fourni en la matière.

En outre, si la pompe à chaleur de remplacement est une pompe à chaleur en alimentation électrique triphasé e, alors que la précédente était monophasée, ce qui nécessite une modification du tableau électrique dont les frais sont inclus dans le coût de la nouvelle installation, il convient de souligner que ce changement a été préconisé par ERDF elle-même. En effet, dans son courrier du 20 février 2012, le passage de l'alimentation électrique monophasée en alimentation triphasée faisait partie des travaux demandés aux époux T.-B. par ERDF. En conséquence, la réparation intégrale du préjudice des époux T.-B. exige le remplacement de la pompe à chaleur initiale par une pompe à chaleur adaptée à la demande du distributeur d'électricité.

C'est pourquoi le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a retenu, pour fixer l'indemnisation des époux T.-B., le montant de la facture du 1er mars 2012, à savoir 10 127,55 euros.

Cependant, selon l'article 1386 -2 du Code civil, dans sa version applicable en l'espèce, les dispositions relatives à la responsabilité des produits défectueux s'appliquent à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même. Ce montant a été fixé à 500 euros, ainsi que le souligne la SA Enedis, et il convient d'en faire application.

La SA ACM justifie avoir indemnisé les époux T.-B. à hauteur de la somme de 4 850 euros, après application d'une franchise de 150 euros, en vertu du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle, et elle justifie être subrogée dans les droits de ses assurés à hauteur de ce montant.

Conformément au principe de préférence énoncé par l'article 1252, devenu article 1346-3, du Code civil, applicable en l'espèce, il convient d'imputer la franchise de 500 euros sur le montant qui sera alloué à la SA ACM, laquelle a partiellement indemnisé ses assurés et, dès lors, d'infirmer le jugement déféré sur ce chef. La SA Enedis sera donc condamnée à lui payer la somme de 4 350 euros (4 850 500). Le jugement déféré sera en revanche confirmé en ce qu'il a alloué aux époux T.-B. le montant de 5 277,55 euros (10 127,55 4 850).

Par ailleurs, l'évaluation du préjudice de jouissance des époux T.-B. n'est pas contestée et ce préjudice est largement établi, au vu des explications des intimés et des pièces produites, étant rappelé que ces derniers étaient, lors de la détérioration de leur installation de chauffage, parents de deux tout jeunes enfants et qu'ils ont été contraints à être hébergés par des tiers dans l'attente de la réparation, ne pouvant demeurer plus longtemps dans une maison non chauffée. De plus, ce sinistre est intervenu après des hivers difficiles, au vu des pannes récurrentes de ladite chaudière pour les mêmes motifs.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SA ERDF à la réparation de ce préjudice, mais infirmé, pour les motifs évoqués plus haut, en ce qu'il a condamné également la SAS Savelys à cette réparation.

2°) Sur l'appel en garantie de ERDF

Dans la mesure où, ainsi qu'il a été retenu, aucune faute contractuelle n'est établie à l'encontre de la SAS Engie Home Services, anciennement Savelys, susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la SA Enedis, anciennement ERDF, l'appel en garantie de cette dernière ne peut être accueilli et il convient dès lors confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a rejeté.

3°) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé seulement en ses condamnations prononcées contre la SA ERDF, il le sera en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile uniquement à l'égard de cette dernière. Il sera en revanche infirmé en ses condamnations relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens prononcés contre la SAS Savelys.

Pour les mêmes motifs, la SA Enedis, anciennement ERDF, supportera seule les dépens appel et sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile sera rejetée.

En revanche, il apparaît inéquitable de laisser à la charge des époux T.-B. et de la SA ACM la charge des frais non compris dans les dépens qu'ils ont engagés en appel. La SA Enedis sera donc condamnée à leur payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Il en est de même de la SAS Engie Home Services, anciennement Savelys, appelée en la cause lors de la première instance par la SA ERDF, le rejet de l'appel en garantie de cette dernière étant confirmé. La SA Enedis sera donc également condamnée à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

En revanche, les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile présentées par la SA Enedis seront rejetées, de même que celle des époux T.-B. et de la SA ACM dirigées contre la SAS Engie Home Services.

Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique, Confirme le jugement rendu entre les parties le 23 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, à l'exception de toutes les condamnations qu'il a prononcées contre la SAS Savelys, devenue SAS Engie Home Services, et à l'exception du montant de la condamnation prononcée contre la SA ERDF, désormais nommée Enedis, au profit de la SA ACM ; Statuant à nouveau dans cette limite, Rejette les demandes de M. Pierre T., de Mme Lætitia B., épouse T., et de la SA ACM dirigées contre la SAS Engie Home Services, anciennement Savelys ; Condamne la SA Enedis, anciennement ERDF, à payer à la SA ACM la somme de 4 350,00 € (quatre mille trois cent cinquante euros), avec les intérêts au taux légal à compter du jugement déféré ; Ajoutant au jugement déféré, Condamne la SA Enedis, anciennement ERDF, aux dépens d'appel ; Condamne la SA Enedis, anciennement ERDF, à verser à M. Pierre T., à Mme Lætitia B., épouse T., et à la SA ACM, ensemble, la somme totale de 1 200,00 € (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SA Enedis, anciennement ERDF, à verser à la SAS Engie Home Services, anciennement Savelys, la somme totale de 1 200,00 € (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette les demandes présentées par la SA Enedis sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette la demande des époux T.-B. et de la SA ACM présentée contre la SAS Engie Home Services sur le fondement l'article 700 du Code de procédure civile.