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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 10 décembre 2019, n° 18-02209

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Macif (Sté)

Défendeur :

Cocelec Est (SA), Fagor Brandt (SAS), Selarl Fhb, Selarl Christophe B, XL Insurance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mmes Lefort, Lecler

TGI Reims, du 4 mai 2018

4 mai 2018

Le 16 juillet 2001, Monsieur Bernard D. et Madame Mauricette P. épouse D. (les époux D.) ont acquis un lave-linge de marque Vedette auprès de la société Sachen à Reims.

Dans la nuit du 3 avril 2011, un incendie s'est déclaré au domicile des demandeurs.

Le 4 avril 2011, les époux D. ont procédé à une déclaration de sinistre auprès de leur assureur la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce (la Macif).

L'expertise extra-judiciaire diligentée par la Macif a conclu que la machine à laver, présentée par les époux D. comme achetée le 16 juillet 2001 auprès des magasins Sachen de Reims, était à l'origine du sinistre.

Le 12 mai 2011, les époux D. ont fait assigner la société par actions simplifiée Fagor Brandt devant le juge des référés aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 6 juillet 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims a ordonné, au contradictoire de la société anonyme Cocelec Est et de la société Fagor Brandt, une expertise judiciaire.

Le 27 mars 2012, l'expert commis a déposé son rapport définitif.

Le 16 avril 2013, les époux D. et la Macif ont fait assigner la société Cocelec Est, l'estimant venir aux droits de la société Sachen.

Le 28 février 2014, la société Cocelec Est a fait assigner en garantie les sociétés XL Insurance, Fagor Brandt, ainsi que la Selarl Christophe B., en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société Fagor Brandt, et la Selarl Fhb, prise en la personne de Madame B., administrateur au redressement judiciaire de la société Fagor Brandt.

Le 19 mai 2014, a été ordonnée la jonction des deux instances.

Dans le dernier état de ses demandes, les époux D. et la Macif demandent de :

- les dires recevables et bien fondées en leurs demandes ;

- débouter la société Cocelec Est et la société XL Insurance de leurs demandes tendant à les voir déclarés irrecevables ;

- dire et juger la société Cocelec Est responsable du fait d'un produit défectueux ;

- condamner la société Cocelec Est à payer à la Macif la somme totale de 28 021,29 euros, se décomposant en :

10 088,83 euros au titre des dommages au bâtiment ;

7967,65 euros au titre des frais de décontamination mobilière et immobilière et d'installation provisoire ;

930 euros au titre du contenu ;

6750,69 euros au titre du sinistre automobile ;

- condamner la société Cogelec à payer aux époux D. la somme totale de 4 356 euros, se décomposant en :

356 euros au titre de la franchise restée à leur charge (250 + 106 euros)

4 000 euros au titre du préjudice moral ;

- inviter subsidiairement et avant dire droit, conformément aux dispositions de l'article 245 du Code de procédure civile, l'expert judiciaire à compléter, préciser ou expliquer ses constatations et conclusions, soit par écrit, soit à l'audience ;

- condamner la société Cocelec aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise, et à leur payer à chacun la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions, la société Cocelec Est a demandé de :

- déclarer les demandeurs irrecevables et en tous cas mal fondés, et les débouter de l'intégralité de leurs prétentions ;

- condamner les époux D. et la Macif à leur payer une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- débouter les sociétés Fagor Brandt, XL Insurance Company, la Selarl B., mandataire judiciaire et la Selarl Fhb, représentée par Madame B. ;

- donner acte subsidiairement, au visa des dispositions des articles 1361-1 et suivants du Code civil et subsidiairement 1641 et suivants du même Code, à la société Cocelec Est de ses observations au sujet des sommes mises en compte au titre du préjudice subis par les époux D. et par leur assureur la Macif ;

- condamner avant-dire droit la Selarl B., mandataire judiciaire et la Selarl Fhb, représentée par Madame B., sous astreinte à verser aux débats le contrat d'assurance et/ou l'attestation d'assurance de la société Fagor Brandt EcoBrandt au moment du sinistre survenu le 3 avril 2011 ;

- condamner in solidum et/ou solidairement la société Fagor Brandt, la Selarl B., mandataire judiciaire et la Selarl Fhb, représentée par Madame B. et la société XL Insurance Company Plc à garantir la société Cocelec Est de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- fixer, en tout état de cause, la créance de la société Cocelec dans le cadre de la procédure collective dont a fait l'objet la société Fagor Brandt à la somme totale équivalant à celle qui sera allouée aux époux D., outre intérêts, frais et dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire ordonnée en référé, et ordonner l'inscription de ladite créance au passif de la société Fagor Brandt ;

- condamner les sociétés Fagor Brandt, XL Insurance Company, la Selarl B., mandataire judiciaire et la Selarl Fhb, représentée par Madame B. aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions, la Selarl B., en qualité de mandataire liquidateur de la société Fagor Brandt a demandé :

A titre liminaire :

- de mettre hors de cause la Selarl Fhb, prise en la personne de Madame B., en qualité d'administrateur judiciaire de la société Fagor Brandt ;

A titre principal :

- dire et juger à titre principal que le lave-linge à l'origine du sinistre n'est pas clairement identifié, et donc que les demandeurs n'ont pas rapporté la preuve que ce lave-linge est celui qu'ils ont acheté auprès de la société Sachen, aux droits de laquelle vient la société Cocelec Est ;

- débouter les époux D. et la Macif de l'ensemble de leurs demandes ;

- dire et juger que le lave-linge prétendument à l'origine du litige a été mis en circulation antérieurement à l'immatriculation de la société Fagor Brandt ;

- dire et juger que la société Cogelec ne démontre pas que la responsabilité de la société Fagor Brandt ait pu être engagée, et la débouter de toutes ses prétentions ;

A titre subsidiaire :

- dire que les époux D. et la Macif ne rapportent pas la preuve d'un défaut du lave-linge qui serait à l'origine du sinistre intervenu le 3 avril 2011 et de ses conséquences ;

- débouter les époux D. et la Macif de toutes leurs prétentions ;

A titre infiniment subsidiaire :

- dire qu'aucune condamnation pécuniaire ne pourra être prononcée à l'encontre de la Selarl B. ès qualités ;

- débouter la société Cocelec Est de ses demandes dirigées contre la Selarl B. ès qualités, et ne tendant pas à la fixation d'une somme au passif de la procédure collectif de la société Fagor Brandt ;

En tout état de cause :

- constater que Monsieur Christophe B., ès qualités, ne peut pas produire le contrat d'assurance responsabilité civile dont était titulaire son administré au moment du sinistre ;

- constater que Monsieur Christophe B., ès qualités produit en conséquence une attestation permettant de déterminer l'assureur responsabilité civile de la société Fagor Brandt et le numéro de contrat y afférent ;

- débouter les époux D. et la Macif d'une part, et la société Cocelec Est d'autre part, de toutes leurs prétentions dirigées à l'encontre de la Selarl B. ès qualités ;

- débouter la société XL Insurance de toutes ses prétentions dirigées à l'encontre de la Selarl B. ès qualités ;

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans le dernier état de ses demandes, la société XL Insurance demande de :

A titre principal :

- constater que la Macif ne rapporte pas la preuve du paiement effectif de l'indemnité d'assurance, ni celle de la concomitance du paiement avec la subrogation ;

- dire et juger la Macif irrecevable, faute de justifier d'une subrogation valable ;

- débouter la société Cogelec de ses demandes à son encontre ;

A titre subsidiaire :

- constater que les opérations d'expertises ne sont pas opposables à la société XL Insurance ;

- constater qu'il n'est pas établi que le fabricant du lave-linge litigieux est la société Fagor Brandt ;

- constater qu'il n'est pas certain que le lave-linge de marque Vedette, dont les époux D. ont fourni une facture d'achat, soit bien le lave-linge détruit par l'incendie ;

- constater que l'expert n'a pas mis en évidence un défaut du lave-linge ;

- tenir compte de l'absence d'éléments probants versés aux débats pour les demandeurs principaux pour minorer au maximum les dommages-intérêts qui leur seraient accordés ;

- débouter la société Cocelec Est et toute autre partie de toutes leurs demandes à son encontre ;

En toute hypothèse :

- débouter les époux D. de leur demande, avant dire-droit, tendant à inviter l'expert judiciaire à compléter, préciser ou expliquer ses constatations et conclusions, soit par écrit, soit à l'audience ;

- condamner tout succombant aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire et à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Selon jugement contradictoire en date du 4 mai 2018, le tribunal de grande instance de Reims a :

- jugé que la société Cocelec Est, venant aux droits de la société Sachen, a la qualité de fournisseur au sens de l'article 1386-7 du Code civil ;

- déclaré recevables les époux D. et la Macif en leur action à l'encontre de la société Cocelec Est ;

- jugé que la qualité de fabricant du lave-linge litigieux n'est pas démontrée par la société Cocelec Est ;

- jugé par suite que l'examen des prétentions de la société Cocelec Est à l'encontre de la société Fagor Brandt, ainsi que des organes de la procédure collective de cette dernière, mais encore à l'encontre de la société XL Insurance, était de ce seul fait sans objet ;

- débouté la Macif et les époux D. de l'intégralité de leurs prétentions ;

- jugé que les demandes de garantie de la société Cogelec Est se trouvaient dès lors sans objet ;

- condamné in solidum la Macif et les époux D. aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire ordonnée en référé, et à payer à la société Cocelec Est la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- rejeté le surplus des prétentions des parties au titre des frais irrépétibles.

Le 17 octobre 2018, la Macif a relevé appel de ce jugement, en intimant :

- la société Cocelec Est, la société Fagor Brandt représentée par la Selarl B. prise en la personne de Monsieur Christophe B., d'abord en qualité de représentant des créanciers, puis en qualité de liquidateur,

- la société Fhb, en qualité d'administrateur judiciaire de la société Fagor Brandt, fonction ayant pris fin par jugement de liquidation du 11 avril 2014 ;

- la Selarl B. prise en la personne de Monsieur Christophe B., d'abord en qualité de représentant des créanciers, puis en qualité de liquidateur ;

- la société XL Insurance.

Le 24 septembre 2019, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées :

- le 23 septembre 2019 par la Macif, appelante ;

- le 10 septembre 2019 par la société Cocelec Est, intimée ;

- le 15 avril 2019 par la Selarl B. et la Selarl Fhb, chacune ès qualités, intimées ;

- le 20 septembre 2019 par la société XL Insurance, intimée.

La Macif demande à voir dire son appel recevable, et d'écarter comme constitutif d'un argument nouveau le moyen tiré de l'irrecevabilité sur le fondement de l'article 1245-6 du civil.

La Macif demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit son action recevable.

Elle en demande l'infirmation en ce qu'elle en a été déboutée, et demande à voir dire la société anonyme Findis, venant aux de la société Cocelec Est, responsable du fait d'un produit défectueux, et réitère sa demande indemnitaire initiale.

Elle demande la condamnation de la société Findis ès qualités aux dépens, ce compris les frais d'expertise, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

A titre principal, la société Cocelec Est demande la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il a débouté la Macif de toutes ses prétentions dirigées en son encontre.

Elle demande le débouté de toute prétention plus ample ou contraire tant de la Macif que de toute autre partie, et la condamnation de la Macif et de tout succombant, le cas échéant in solidum, aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

A titre subsidiaire, et en cas d'infirmation, la société Cocelec Est demande à voir déclarer la Macif irrecevable en ses prétentions, et en tout cas mal fondée, en raison de l'absence de démonstration de la reprise du passif de la société Sachen par la société Cocelec Est, de la forclusion et/ou de la prescription de l'action diligentée par la Macif, du défaut de qualité à agir de la Macif, et enfin de l'irrecevabilité et de l'absence de fondement de ses demandes articulées au visa des articles 1386 et suivants, devenus 1245 et suivants du Code civil, en raison de " l'indentification " (sic) du fabricant.

A titre plus subsidiaire, si elle devait être condamnée, elle demande la condamnation de la société Fagor Brandt, représentée par son liquidateur la Selarl B., et de la société XL Insurance à la garantir de toute condamnation mise à sa charge en principal, intérêts et accessoires.

A titre encore plus subsidiaire, elle demande de fixer sa créance à la procédure collective de la société Fagor Brandt à une somme totale équivalente à celle éventuellement allouée à la Macif, et d'en ordonner l'inscription au passif.

La Selarl B. et la Selarl Fhb, chacune ès qualités, demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a :

- mis hors de cause la Selarl Fhb ès qualités ;

- débouté la Macif de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, elles demandent le débouté de toute condamnation dirigée à l'encontre de la Selarl B. ès qualités, et ne tendant pas à la fixation d'une somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Brandt.

En toute état de cause, elles demandent le débouté de toute prétention formée à leur encontre par une quelconque partie, et la condamnation de tout succombant à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société XL Insurance demande à voir dire :

La Macif forclose en ce que ni elle ni son assuré, dans les droits desquels elle indique être subrogée, n'a engagé son action sur le fondement de la responsabilité au titre des produits défectueux dans le délai de 10 ans de la mise en circulation du produit ;

- que celle-ci ne peut bénéficier de la subrogation dans les droits de son assureur pour les sommes qu'elle lui a versées avant l'introduction de son action ;

- dire la Macif irrecevable et mal fondée à agir à l'encontre du vendeur, alors que le fabricant du produit mis en cause, à savoir la société Brandt SA, est identifiée ;

-dire la Macif mal fondée à agir à l'encontre du vendeur, alors que le produit livré n'est pas formellement identifié comme étant celui à l'origine de l'incendie, et qu'aucun défaut du produit n'a été établi ;

- dire que les opérations d'expertises ne sont pas opposables à la société XL Insurance ;

- dire qu'il n'est pas établi que l'assureur de la société Fagor Brandt soit la société XL Assurance ;

- constater que la Macif ne forme aucune demande à l'encontre de la société XL Insurance.

Elle demande donc la confirmation intégrale du jugement, et sa mise hors de cause.

Elle demande la condamnation de la Macif aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil et à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles.

MOTIVATION :

A titre principal, la société Cocelec Est a demandé la confirmation du jugement, en ce qu'il a débouté la Macif de l'intégralité de ses prétentions.

Ce n'est qu'à titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement, que la société Cocelec Est soulève divers moyens, déjà développés en première instance, tendant à voir dire l'action de la Macif déclarer irrecevable.

A titre principal, la Selarl B. et la Selarl Fhb ès qualités, quel que soit l'ordre de leurs prétentions, sollicitent le débouté intégral des prétentions de la Macif.

Tout en commençant par soulever divers moyens notamment tendant à la forclusion ou à l'irrecevabilité de l'action de la Macif, la société XL Insurance demande néanmoins la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Or, ce dernier a déclaré recevable l'action de la Macif.

Sur l'intérêt à agir de la Macif :

Contrairement aux affirmations de la société Cocelec Est, la Macif a bien produit aux débats les conditions générales et particulière du contrat multi-garantie vie privée résidence principale, ainsi que les conditions particulières automobiles, en lien avec l'indemnisation des désordres subis par le véhicule des demandeurs à l'occasion du sinistre.

En outre, la Macif produit aux débats deux quittances subrogatives et divers autres éléments justifiant les sommes qu'elle a versées aux époux D. en exécution des contrats d'assurance susdits.

La Macif a suffisamment justifié de son intérêt à agir : son action sera donc déclarée recevable, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la forclusion :

Selon l'article 1386-16, devenu 1245-15 du Code civil, sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci fondée sur les dispositions du présent titre, est éteinte 10 ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage, à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice.

L'article 1386-5, devenu 1245-4 du même Code, dispose qu'un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement, et qu'un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation.

Il appartient à celui invoquant la forclusion de démontrer le point de départ du délai afférent.

Les premiers juges ont considéré que la société Cocelec Est n'avait pas établi avec précision la date de mise en circulation du lave-linge litigieux, au-delà de simples affirmations hypothétiques et non étayées. Ils ont observé que le seul fait que la vente du produit litigieux soit intervenue le 16 juillet 2001 ne permettait pas d'établir une mise en circulation de celui-ci moins de 10 ans avant l'assignation le 12 mai 2011 de la société Fagor Brandt en référé expertise. Ils ont remarqué que la copie d'écran des achats de la société Sachens auprès de son fournisseur Elcobrandt portait la date de saisie du 11 juin 2001. Ils en ont déduit que dans cette hypothèse, l'action en justice des demandeurs n'était pas forclose.

En tout état de cause, les premiers juges ont retenu que la société Cocelec Est n'avait pas apporté la preuve de la date mise en circulation du produit litige, et consécutivement, ont retenu sa défaillance dans la démonstration qui lui appartenait de l'acquisition du délai de forclusion.

A hauteur d'appel, le liquidateur de la société Fagor Brandt se borne à indiquer que la mise en circulation s'entend du départ des entrepôts du fabricant ; il entend en voir déduire que si le lave-linge a été vendu le 16 juillet 2001, on peut raisonnablement penser que celui-ci a été commandé en amont par la société Sachen, et qu'il avait quitté les entrepôts de la société Elco Brandt plus de deux mois avant.

Là encore, l'intéressé se borne à ses seules affirmations, par ailleurs contredites par la date du 11 juin 2001, figurant sur la copie d'écran des achats de la société Sachen.

Selon la société Cocelec Est, il conviendra de rappeler aux parties qu'en vertu de l'article 2241 du Code civil, la demande en justice, même en référé interrompt le délai de prescription et le délai de forclusion.

C'est donc à la date à laquelle la société Fagor Brandt a été assignée en référé expertise qu'il convient de se placer pour apprécier l'interruption du délai de forclusion, soit le 12 mai 2011, et non pas la date à laquelle il a été fait droit à cette demande de référé expertise, soit le 6 juillet 2011.

Vainement, la société Cocelec Est soutient que faute de s'être alors fondée sur les articles 1386-1 et suivants du Code civil, l'action en référé expertise des époux D. n'aurait pas été de nature à interrompre le délai de forclusion de l'action en responsabilité pour produits défectueux.

Cependant, cette affirmation ne repose sur aucune disposition légale, réglementaire ou conventionnelle.

La société Cocelec Est soutient que l'interruption de prescription résultant de l'assignation en référé n'a pas vocation à bénéficier à la Macif, qui n'était pas partie à l'instance en référé expertise.

La société XL soutient pour sa part qu'il aurait appartenu à la Macif d'agir de manière autonome à compter de ces paiements, car elle a été subrogée dans les droits de ses assurés, et ce sans pouvoir bénéficier elle-même de l'effet interruptif attaché à l'assignation en référé expertise engagée par ses seuls assurés.

Avec cette dernière, il y a lieu de convenir que l'action subrogatoire de l'assureur est calquée sur l'action transmise par le subrogeant, de telle sorte que l'assureur se doit d'agir contre le responsable avant que l'action dont disposait le subrogeant ne soit prescrite.

Les quittances subrogatives portent les dates des 14 et 15 juillet 2011.

Aussi, la circonstance que la Macif n'ait pas été partie à l'instance en référé expertise, introduite par ses assurés, aux droits desquels elle se trouve désormais subrogée, est inopérante.

En effet, il est constant qu'à la date du 16 avril 2013, à laquelle la Macif a assigné au fond la société Cocelec Est, l'action des époux D. ne se trouvait pas prescrite, puisque interrompue par l'assignation en référé expertise délivrée le 12 mai 2011, tandis que leur assureur s'est par la suite trouvé subrogé dans leurs droits.

La demande de la Macif n'est pas forclose : elle sera donc déclarée recevable, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la qualité de fournisseur de la société Cocelec Est :

Le premier juge a retenu exactement que les stipulations du traité définitif de fusion absorption passé entre la société Cocelec Est, société absorbante, et la société Cocelec Nord, société absorbée intervenu le 1er juillet 2010 établissent que :

- la société Cocelec Est est devenue débitrice de tous les créanciers de la société absorbée en ses lieux et place (article 6.2, page 5) ;

- le fonds de commerce de la société absorbée, soit la société Cocelec Nord, a principalement pour origine la fusion absorption de la société Sachen, intervenue le 24 décembre 2001 avec effet rétroactif au 1er janvier 2001 (article 9.2, page 7).

De surcroît, l'article 6 du traité de fusion absorption indique que l'opération de fusion portera transmission au profit de la société absorbante de tous les droits, biens et obligations de la société absorbée.

Surabondamment, il a aussi observé que par courrier du 21 novembre 2011, annexé au rapport d'expertise, le directeur de région de la société Cocelec Est a déclaré pour ce qui concerne cette dernière, que " n'étant que metteur en marché de ce produit, il est appréciable de constater que dans ce contexte, le fabriquant se soit déplacé pour l'expertise ".

C'est dès lors de manière inopérante que la société Cocelec Est invoque son procès-verbal d'assemblée générale du 1er juillet 2010, qui ne mentionne aucune reprise du passif de la société Sachen.

La société Cocelec Est a donc la qualité de fournisseur vis à vis des époux D..

Sur l'identification du produit ayant occasionné le sinistre :

L'article 1245-8, anciennement 1386-9 du Code civil, impose au demandeur de prouver le dommage, le défaut, et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Les époux D., et la Macif soutiennent que la machine à laver ayant occasionné le sinistre survenu dans la nuit du 3 avril 2011 était celle qu'ils avaient achetée auprès de la société Sachen le 16 juillet 2001.

Ils ont produit une facture d'achat à leur nom auprès de la société Sachen, en date du16 juillet 2001, faisant état de l'achat d'une machine à laver essoreuse 1000T Vedette, pour un prix net toutes taxes comprises de 3 990 francs.

Il convient d'observer que le juge des référés avait imparti à l'expert d'examiner le lave-linge litigieux de marque Vedette, référencé SUR EG 1075 E.

Finalement, dans le cadre de ses opérations, l'expert judiciaire n'a pas par lui-même constaté la marque ou le type de la machine à laver, ni ne s'est prononcé sur son âge, ne serait-ce que de manière approximative.

De même, le rapport d'expertise amiable du 7 avril 2011 se borne à faire état des renseignements transmis par les époux D., selon lesquels le produit à l'origine du sinistre serait la machine à laver Vedette achetée le 16 juillet 2001 auprès de la Sachen, les intéressés transmettant la facture y afférente.

La Macif, subrogée dans les droits des époux D., démontre suffisamment que ses assurés ont acheté un lave-linge de marque Vedette le 16 juillet 2001 auprès de la société Sachen.

En revanche, en l'état de ces seules pièces produites par les époux D., leur assureur ne démontre pas suffisamment que c'était bien le lave-linge qu'ils avaient acheté le 16 juillet 2001 qui a été à l'origine du sinistre survenu le 3 avril 2011.

Il conviendra donc de débouter la Macif de l'intégralité de ses prétentions dirigées à l'encontre de la société Findis, venant aux droits de la société Cocelec Est, et le jugement sera confirmé ce chef.

Sur le surplus des demandes :

En l'état du litige ainsi tranché à hauteur de cour, il conviendra de dire sans objet la question relative à la détermination, par la société Cocelec Est, de la qualité de fabricant du lave-linge litigieux, et le jugement sera infirmé de ce chef.

En revanche, le jugement sera confirmé en ce qu'il a :

- jugé par suite que l'examen des prétentions de la société Cocelec Est à l'encontre de la société Fagor Brandt, ainsi que des organes de la procédure collective de cette dernière, mais encore à l'encontre de la société XL Insurance, était de ce seul fait sans objet ;

- jugé que les demandes de garantie de la société Cogelec Est se trouvaient dès lors sans objet.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il condamné in solidum la Macif, avec les époux D., aux entiers dépens de première instance, comprenant ceux afférents aux frais d'expertise judiciaire et aux procédures de référé, et à payer à la société Cocelec Est une somme de 2 500 euros au titre titre des frais irrépétibles de première instance.

Il sera confirmé pour avoir débouté les parties du surplus de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles de première instance.

Il y aura lieu de condamner la Macif à payer à la société Cocelec Est, une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel.

La Macif sera condamnée aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit du conseil de la société Cocelec Est.

Il n'y aura pas lieu d'ordonner distraction des dépens au profit du conseil de la société XL Insurance : la Macif n'a pas appelée la société XL Insurance en garantie ; c'est la société Cocelec Est qui a formé cet appel en garantie : cependant qu'aucune condamnation n'a été prononcée contre elle, son appel en garantie se trouve sans objet. La société Cocelec Est n'est donc pas succombante.

Il conviendra encore de rappeler, en tant que de besoin, que la société Findis vient aux droits de la société Cocelec Est.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé que la qualité de fabricant du lave-linge litigieux n'est pas démontrée par la société anonyme Cocelec Est ; Infirme le jugement de ce seul chef ; Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant : Déclare sans objet la question de la détermination, par la société anonyme Cocelec Est, de l'identité du fabricant du lave-linge litigieux ; Condamne la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce à payer à la société anonyme Cocelec Est la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au titre des frais irrépétibles d'appel ; Condamne la Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce aux entiers dépens d'appel, et ce avec distraction au profit de Maître Florence S., conseil de la société anonyme Cocelec Est, de ceux des dépens d'appel dont elle a eu à faire l'avance sans en avoir reçu provision ; Rappelle en tant que de besoin que la société anonyme Findis vient aux droits de la société anonyme Cocelec Est.