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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 11 décembre 2019, n° 18-01219

LIMOGES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Auto ZI Nord (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrier

Conseillers :

M. Soury, Mme Voisin

TGI Limoges, du 7 nov. 2018

7 novembre 2018

FAITS et PROCÉDURE

Le 14 mars 2011, les époux G. ont acquis auprès de la société Auto ZI Nord, garagiste du réseau Opel (le garagiste), un véhicule neuf Opel Meriva diesel pour un prix de 18 400 euros.

Le 19 juillet 2016, ce véhicule est tombé en panne alors qu'il totalisait 100 063 km.

Le garagiste a remplacé le moteur et il a pris à sa charge une partie du prix de la réparation.

Le moteur endommagé a fait l'objet d'une expertise contradictoire le 20 janvier 2017 et l'expert, M. Fabrice D., a déposé son rapport le 7 février 2017.

Au vu de ce rapport, les époux G. ont, par acte du 14 novembre 2017, assigné le garagiste devant le tribunal de grande instance de Limoges en résolution de la vente, subsidiairement en réduction du prix de vente, sur le fondement de la garantie des vices cachés et paiement de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 7 novembre 2018, le tribunal de grande instance a déclaré irrecevable comme prescrite l'action des époux G..

Ces derniers ont relevé appel de ce jugement.

MOYENS et PRÉTENTIONS

Les époux G. concluent à la recevabilité de leur action qu'ils estiment non prescrite et ils demandent la résolution de la vente du véhicule, à titre principal, sur le fondement de la garantie des vices cachés en soutenant que le moteur de ce véhicule est affecté d'un défaut de conception et à titre subsidiaire sur le fondement de l'erreur. Très subsidiairement, ils demandent la réduction du prix de vente à raison du vice caché affectant le véhicule. En toute hypothèse, ils recherchent la responsabilité du garagiste qui leur a vendu un produit défectueux et ils demandent des dommages-intérêts en réparation de leurs divers préjudices.

Le garagiste conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement. Subsidiairement, il considère irrecevables comme nouvelles les prétentions formées pour la première fois en appel par les époux G. sur le fondement de l'erreur et de la responsabilité des produits défectueux. Très subsidiairement, il conclut à la réduction des demandes indemnitaires des époux G..

MOTIFS

Le véhicule diesel des époux G., acheté neuf le 14 mars 2011, est tombé en panne plus de cinq années plus tard, le 19 juillet 2016, alors qu'il totalisait 100 063 km. La panne est décrite comme étant l'arrêt subit du moteur, qui a calé à un " stop ", avec impossibilité de remise en route.

Dans son rapport contradictoire du 7 février 2017 (p. 4), l'expert du BCA, M. D., après examen du moteur défectueux, a retenu que la panne trouvait son origine dans la défectuosité de l'injecteur n° 4 du moteur qui a provoqué un apport excessif de gazole dans la chambre de combustion à l'origine d'une surchauffe à un point tel que le métal a fondu, l'expert constatant la fusion de la culasse avec le bloc moteur. Le garagiste partage les conclusions de l'expert sur l'origine de la panne dont la réparation impose le remplacement du moteur (rapport p. 3).

Au soutien de leurs actions rédhibitoire et, subsidiairement estimatoire, et de leurs demandes indemnitaires dirigées à l'encontre du garagiste, les époux G. invoquent trois fondements juridiques distincts :

- la garantie des vices cachés,

- l'erreur sur une qualité substantielle du véhicule vendu,

- la responsabilité du fait des produits défectueux.

L'erreur et la responsabilité du fait des produits défectueux, invoqués pour la première fois en cause d'appel, ne tendent qu'à soutenir les demandes des époux G. qui restent les mêmes que celles formulées en première instance. Il s'agit donc de moyens nouveaux qui sont recevables en cause d'appel.

Les époux G. se prévalant d'un défaut dans la conception du moteur équipant le véhicule vendu, l'action en garantie des vices cachés constitue l'unique fondement juridique possible à leur action, à l'exclusion de l'erreur sur la conformité du véhicule à sa destination. En effet, l'automobile a pu parcourir plus de 100 000 km en cinq ans sans problème particulier, en sorte qu'il n'est pas démontré que le consentement des époux G. ait été vicié lors de l'achat du 14 mars 2011 par une erreur sur les qualités substantielles de ce véhicule.

Pour conclure à l'irrecevabilité de l'action des époux G. sur le fondement de la garantie des vices cachés, le garagiste oppose la prescription de cette action.

Selon l'article 1648 du Code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être engagée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Ce délai de deux ans doit s'articuler avec la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du Code civil selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'occurrence, le point de départ de chacun de ces délais de prescription est le même, à savoir la découverte du vice constituée par le dépôt du rapport d'expertise contradictoire de M. D. intervenu le 7 février 2017. En effet, avant le dépôt de ce rapport, les époux G. étaient dans l'ignorance des faits qui leur permettaient d'exercer leurs droits. L'assignation des époux G. ayant été délivrée par acte du 14 novembre 2017, leur action est recevable. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Cette action, pour prospérer, suppose que les époux G. fassent la démonstration que leur véhicule était affecté, à la date de son acquisition, d'un vice caché le rendant impropre à sa destination ou en diminuant notablement l'usage.

Pour soutenir que le moteur du véhicule était affecté d'un vice de conception, les époux G. se fondent sur le rapport d'expertise contradictoire de M. D. qui a relevé un dysfonctionnement de l'injecteur équipant le cylindre n° 4 qui alimentait excessivement en gazole la chambre de combustion créant une surchauffe du moteur.

Pour autant, si ce technicien indique (rapport p. 4) qu'il lui paraît anormal de rencontrer ce type de panne au vu du kilométrage et de l'entretien régulier du véhicule, cette appréciation ne saurait suffire à elle seule à caractériser l'existence d'un vice de conception existant à la date de la vente du 14 mars 2011, ce que le garagiste conteste d'ailleurs formellement, étant ici observé que l'expert ne fait mention à aucun moment dans son rapport d'un " vice de conception ".

En effet, les injecteurs qui équipent le système d'alimentation en carburant d'un moteur sont des pièces dont les mouvements et contraintes mécaniques internes les rendent sensibles à des dysfonctionnements liés à l'usure. Un tel dysfonctionnement -même qualifié d'anormal- qui, en l'espèce, n'affecte qu'un seul des injecteurs du véhicule qui, même s'il a été bien entretenu, n'en a pas moins parcouru plus de 100 000 km en cinq ans, ne permet pas d'affirmer l'existence d'un défaut de conception alors qu'un tel vice aurait inévitablement présenté un caractère " chronique " qui aurait conduit à une campagne de rappel des véhicules concernés pour remédier au problème, ce dont il n'est pas justifié en l'espèce.

Les époux G. échouent donc à rapporter la preuve d'un vice caché affectant leur véhicule à la date de sa vente. Pour autant, le garagiste a tout de même entendu garantir -de façon limitée- la panne du moteur, nonobstant sa survenance plus de cinq ans après la vente du véhicule et l'expiration de sa garantie contractuelle. En effet, l'expert indique (rapport p. 2) que, dès le 12 août 2016, le garagiste a demandé à la société Opel France, importateur de la marque, une participation de 50 % sur le prix du moteur de remplacement, ce que cette société a accepté. Ce remplacement du moteur a été effectué et facturé le 9 septembre 2016 aux époux G. -qui ont accepté la solution de réparation de leur véhicule- et le garage a pris à sa charge 50 % du coût de cette réparation, soit 2 065,57 euros HT selon sa " facture garantie " établie le même jour.

Cette prise en charge partielle consentie unilatéralement par le garagiste, qui n'était pas légalement tenu à garantie, s'analyse en un geste commercial envers des clients qui lui avaient acheté le véhicule neuf. Dès lors, cette garantie limitée ne saurait être étendue au-delà des limites dans lesquelles elle a été accordée (50 % du coût de remplacement du moteur).

Les époux G., qui ont accepté la réparation de leur véhicule et qui allèguent sans le démontrer que celui-ci reste affecté du même vice de conception, ne peuvent qu'être déboutés de leur action tant rédhibitoire qu'estimatoire, tout comme de leur action indemnitaire.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Limoges le 7 novembre 2017 ; Statuant à nouveau, Déclare recevable l'action des époux G. ; Déboute les époux G. de leur action ; Vu l'équité, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne les époux G. aux dépens de première instance et d'appel.