Cass. com., 11 décembre 2019, n° 18-16.190
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Reverdy (ès qual.), GTA Automobiles (Sté), Mythic (Sté)
Défendeur :
FCA France (SA), FCA Motor village France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Barbot
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Thiriez, SCP Alain Bénabent
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et cinquième branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2018), que la société Fiat France, devenue FCA France, exploite un réseau de distribution de véhicules neufs Alfa Roméo sur le territoire français, tandis que la société International Metropolitan Automotive Promotion (la société Intermap), devenue la société FCA Motor Village France, a pour activité la distribution de véhicules ; que la société GTA automobiles (la société GTA), dont la holding est la société Mythic, a été constituée pour l'exploitation d'une concession automobile sous l'enseigne Alfa Roméo, à Nice ; que par une lettre du 26 février 2007, la société Fiat France a informé la société Mythic de son accord sur la conclusion de contrats de distributeur agréé pour la vente et l'après-vente, à Nice, de véhicules de la marque Alpha Roméo ; qu'en vertu de cette promesse de contrat, signée par la société Mythic le 21 mars 2007, la société GTA a débuté son activité le 1er août 2007 ; que reprochant à la société Fiat France de leur avoir causé des pertes financières, les sociétés GTA et Mythic l'ont assignée en réparation de leurs préjudices le 17 septembre 2009 ; que le 3 avril 2010, la société GTA a informé la société Fiat de sa décision de résilier les contrats, en invoquant divers manquements de celle-ci ; que le 6 avril 2010, les sociétés Mythic et GTA ont été mises en liquidation judiciaire, M. Reverdy étant désigné liquidateur ; que le 5 avril 2011, celui-ci s'est désisté de l'instance introduite le 17 septembre 2009 et, par des actes du 22 août 2014, a assigné les sociétés Fiat France et Intermap devant le tribunal de commerce en demandant, d'abord, l'indemnisation des préjudices subis par les sociétés GTA et Mythic du fait de manœuvres dolosives imputées à la société Fiat France, ensuite, la résiliation des contrats aux torts de la société Fiat France, pour manquement à son obligation d'exécuter les contrats de bonne foi, et l'indemnisation des préjudices en résultant, et, enfin, la condamnation de la société Intermap au paiement de dommages-intérêts pour concurrence parasitaire ;
Attendu que le liquidateur des sociétés Mythic et GTA fait grief à l'arrêt de dire irrecevables, comme prescrites, ses actions intentées contre les sociétés FCA France et FCA Motor Village alors, selon le moyen : 1°) qu'en matière de responsabilité civile le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit ; qu'en jugeant, sur les demandes de la société GTA à l'encontre de la société FCA France pour manquement à son obligation précontractuelle, que les faits dommageables invoqués " datent de la période précontractuelle et en tout état de cause avant le 26 juin 2008, date à laquelle elles en font elles-mêmes la liste ", et " qu'elle n'invoque également pas utilement les discussions avec la société Fiat France après le dépôt du rapport, les faits dommageables dans le cadre de cette instance étant connus de manière certaine dès le 26 juin 2008 par la société GTA (...) tout comme la date de résiliation des contrats DARA le 3 avril 2010, cette résiliation n'étant pas nécessaire à la détermination d'un préjudice invoqué au titre d'un manquement de la société Fiat France à son obligation d'information précontractuelle ", et en méconnaissant ainsi que jusqu'au constat de l'impossibilité, pour la société GTA, de poursuivre la relation contractuelle, son dommage ne s'était pas manifesté de façon certaine, la cour d'appel a violé l'article 2224 du Code civil ; 2°) qu'en matière de responsabilité civile le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit ; qu'en jugeant, sur les demandes de la société GTA à l'encontre de la société FCA, anciennement Fiat, pour résiliation abusive des contrats DARA, que " la société GTA sollicitant sur ce chef de demande le manque à gagner sur la période entre le 2 juillet 2007 et le 30 juin 2009, il y a lieu de considérer que celle-ci connaissait son préjudice au 30 juin 2009 ", de sorte que le délai de prescription a commencé à courir " au plus tard le 30 juin 2009 ", après avoir relevé que " la date de résiliation des contrats DARA (était) le 3 avril 2010 ", de sorte que le délai de prescription de l'action en responsabilité du fait de cette résiliation ne pouvait pas courir avant cette date, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2224 du Code civil ; 3°) qu'en matière de responsabilité civile le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit ; qu'en jugeant, sur les demandes formées à l'encontre de la société FCA Motor Village et de la société FCA France pour agissements fautifs, que " les faits reprochés par la société GTA ont été commis au cours de l'année 2008, alors qu'elle en avait connaissance pour en avoir fait état au cours de la réunion du 26 juin 2008 avec la société Fiat France et pour avoir fait examiner les conséquences de ces agissements par les experts-comptables dans leur rapport remis le 31 juillet 2009 aux appelants ", que " la société GTA avait donc connaissance des faits dommageables et de leurs conséquences au plus tard le 31 juillet 2009 " et que " le délai de prescription de l'action a donc commencé à courir au maximum le 31 juillet 2009 ", et en méconnaissant ainsi que jusqu'au constat de l'impossibilité, pour la société GTA, de poursuivre la relation contractuelle, son dommage ne s'était pas manifesté de façon certaine, la cour d'appel a violé l'article 2224 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève, d'abord, qu'au soutien de sa demande indemnitaire formée contre la société FCA France pour manquement à l'obligation d'information précontractuelle, le liquidateur fait valoir que, si la société GTA avait été informée, avant la conclusion des contrats, de certains faits dont la société Fiat France lui a caché l'existence, elle n'aurait pas signé le contrat, eu égard à l'impossibilité d'exploiter les locaux conformément à leur destination, compte tenu des vices affectant ces locaux, à la non-conformité des locaux aux standards de la marque Alfa Roméo tels que définis aux contrats, en raison de la surface insuffisante des locaux sous-loués par la société Fiat France et des désordres affectant ceux-ci, aux conséquences de la concurrence déloyale et parasitaire exercée par la société Intermap, à la suite de la signature, en mai 2007, d'une promesse de cession d'un fonds de commerce de distributeur situé au Cannet consentie au profit de cette société, et aux conséquences de la concurrence déloyale et parasitaire exercée par la société Barailler, concessionnaire de la marque Alfa Roméo sur la zone de chalandise attribuée à la société GTA, du fait de la continuation de ses rapports contractuels avec la société Fiat France ; qu'après avoir exactement énoncé qu'il convient de déterminer à quelle date les faits dommageables ci-dessus exposés se sont réalisés et à quelle date les sociétés GTA et Mythic en ont eu connaissance et étaient en mesure d'exercer une action judiciaire, l'arrêt relève, ensuite, que lors d'une réunion du 26 juin 2008, la société GTA a exposé à la société Fiat France qu'elle rencontrait des difficultés financières catastrophiques la conduisant à souhaiter arrêter l'activité notamment du fait du caractère inutilisable de l'atelier du 1er juillet 2007 au 20 janvier 2008, des dégâts des eaux subis dans l'atelier, de la présence des établissements Barailler et de l'installation d'une succursale d'Intermap à Cannes ; que l'arrêt en déduit que les faits dommageables litigieux datent de la période précontractuelle et sont, en tout état de cause, antérieurs au 26 juin 2008, date à laquelle les sociétés Mythic et GTA en font elles-mêmes la liste ; que de ces énonciations, constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu déduire que la société GTA avait connaissance des éléments reprochés à la société Fiat France et de leurs conséquences dommageables dès le 26 juin 2008, peu important la date de résiliation des contrats intervenue le 3 avril 2010, cette résiliation n'étant pas une manifestation du dommage allégué mais une conséquence voulue par les sociétés débitrices, de sorte que, le dommage s'étant manifesté dès le 26 juin 2008, le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à cette date, ce dont il résulte que l'action, introduite le 22 août 2014, était prescrite ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant rappelé que le liquidateur reprochait également à la société Fiat France d'avoir manqué à son obligation d'exécuter les contrats de bonne foi, l'arrêt relève, d'abord, que sont formulés les mêmes griefs que ceux développés ci-dessus, à savoir le caractère impropre des locaux, leur non-conformité, l'activité de la société Intermap et l'activité poursuivie par la société Barrailler ; qu'il retient que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment explicités, les faits dommageables se sont réalisés antérieurement au 26 juin 2008 et étaient connus de la société GTA dès cette date ; que de ces seuls motifs, procédant de ses constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a exactement déduit que le délai de prescription de l'action avait commencé à courir au plus tard le 30 juin 2009, peu important la date de résiliation des contrats intervenue le 3 avril 2010, cette résiliation n'étant pas une manifestation du dommage allégué mais une conséquence voulue par les sociétés débitrices, de sorte que l'action, introduite le 22 août 2014, était prescrite ;
Et attendu, enfin, qu'ayant constaté que le liquidateur reprochait encore aux sociétés FCA Motor Village et FCA France d'avoir commis des actes de parasitisme ayant privé la société GTA du produit de ventes conclues au profit de la société Intermap, l'arrêt relève que les faits reprochés ont été commis au cours de l'année 2008 et que la société GTA en avait connaissance pour en avoir fait état au cours de la réunion du 26 juin 2008 et pour avoir fait examiner les conséquences de ces agissements par des experts-comptables dans un rapport du 31 juillet 2009 ; que l'arrêt en déduit que la société GTA avait connaissance des faits dommageables et de leurs conséquences au plus tard le 31 juillet 2009 ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a exactement déduit que le délai de prescription de l'action avait commencé à courir au maximum le 31 juillet 2009, de sorte que l'action, introduite le 22 août 2014, était prescrite ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième, sixième, septième et huitième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.