CA Montpellier, 1re ch. C, 10 décembre 2019, n° 17-00870
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Vicat Produits Industriels (SAS)
Défendeur :
Mutuelle Orasanté LR (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gaillard
Conseillers :
Mmes Azouard, Remili
EXPOSE DES FAITS
Mohamed H. L. exploite l'Eurl Sud Renovation qui propose des prestations d'imperméabilisation de façades.
Le 5 juin 2013 il a acheté au magasin Brico Dépôt à Colombier des enduits de façade mono couche de marque VPI fabriqués par la société Vicat Produits Industriels.
Le 12 juin 2013 dans le cadre d'un travail de projection de l'enduit sur une façade, Mohamed H. L. a reçu une projection sur son avant-bras droit lequel présentera des brûlures.
Par ordonnance de référé en date du 15 novembre 2013 une mesure d'expertise médicale confiée au docteur Lionel F. et une mesure d'expertise de l'enduit confiée à Philippe D. ont été ordonnées.
Le rapport d'expertise médicale a été déposé le 17 juin 2014, l'expert concluant que la consolidation n'était pas encore acquise.
Le rapport d'expertise de l'enduit était déposé le 26 octobre 2014.
Par acte en date du 28 janvier 2015 Mohamed H. L. a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Narbonne la société Vicat Produits Industriels et Orasanté LR pour voir juger une défectuosité du produit utilisé, pour voir la société Vicat Produits Industriels déclarée responsable des préjudices subis et la voir condamné à lui verser une provision.
Il a sollicité en outre une nouvelle mesure d'expertise avec désignation du même expert médecin.
Le jugement en date du 17 janvier 2017 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Narbonne énonce :
- Déboute Mohamed H. L. de l'ensemble de ses demandes.
- Condamne Mohamed H. L. à payer la société Vicat Produits Industriels la somme de 1 500 en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamne Mohamed H. L. aux dépens.
Sur la responsabilité le juge de première instance rappelle d'abord les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil sur la responsabilité du producteur pour les dommages causés par un défaut de son produit.
Le juge se réfère au rapport d'expertise du produit litigieux établi par Philippe D. et sur les déclarations faites par la victime dans le cadre des réunions d'expertise sur les conditions dans lesquelles il a utilisé ce produit, déclarations confirmées lors de l'expertise médicale.
Il retient qu'il ressort de l'ensemble des éléments que si les mises en garde de l'utilisation du produit et des préconisations en matière de sécurité sont bien décrites sur la fiche internet des données de sécurité en revanche l'information relative au risque de sensibilisation du produit et le logo portés sur le sac n'alertent pas suffisamment le consommateur qui n'est pas forcément un professionnel sur la dangerosité potentielle du produit par le risque de brûlures, la nécessité de se protéger le corps entier et de le nettoyer à l'eau dès le contact avec le produit.
Il ajoute que le fait que les mentions portées sur le sac d'enduit et sur la fiche de données de sécurité soient conformes à la réglementation en vigueur ne suffit pas à démontrer que la société VPI a satisfait pleinement à son obligation de sécurité.
Ainsi le jugement retient que si le caractère défectueux d'un produit pour ne pas offrir la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre doit s'apprécier in abstracto et si en l'espèce le produit litigieux par sa présentation visuelle directement accessible ne répond pas aux conditions de sécurité imposées par l'article 1386-4 du Code civil pour tout utilisateur potentiel, en revanche concernant l'accident subi par Mohamed H. L. les diverses fautes commises par ce dernier sont à l'origine des dommages qu'il a subis et de nature à exclure la responsabilité de la société.
En effet le jugement entrepris relève que :
- Mohamed H. L. professionnel façadier connaissait les risques de brûlures d'un enduit à base de ciment,
- il ne pouvait se dispenser de prendre connaissance des informations portées sur la fiche de données de sécurité sur internet,
- il s'est abstenu de porter des gants appropriés dont il pouvait appréhender la nature en sa qualité de professionnel pour porter des gants ménagers,
- il a continué à travailler et à garder les gants alors que la brûlure s'était produite ce qui a aggravé la lésion en raison de la chaleur, de la macération et de la transpiration,
- il ne disposait d'aucune protection minimale pour son corps portant un simple tee-shirt pour projeter un produit contenant du ciment,
- la projection a eu lieu au moment où de façon imprudente Mohamed H. L. démontait la buse de la lance de la machine à projeter alors qu'elle était sous pression.
Le 15 février 2017, Mohamed H. L. a déposé au greffe une déclaration d'appel.
La clôture de l'instruction a été ordonnée par décision en date du 7 octobre 2019.
Les dernières écritures pour Mohamed H. L. ont été déposées le 23 juin 2017.
Les dernières écritures pour la société Vicat Produits Industriels ont été déposées le 22 mai 2017.
La mutuelle Orasanté LR assignée le 28 mars 2017, n'a pas constitué avocat, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
Le dispositif des dernières écritures de Mohamed H. L. énonce :
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mohamed H. L. de ses demandes.
- Statuant à nouveau,
- Dire que les mentions informant les utilisateurs sur les risques et les précautions d'emploi du produit litigieux sont insuffisantes.
- Dire que le produit fabriqué par la société Vicat Produits Industriels est un produit défectueux n'offrant pas la sécurité à laquelle l'utilisateur peut légitimement s'attendre.
- Dire que la société Vicat Produits Industriels a manqué à son obligation de sécurité.
- Dire qu'il n'est rapporté la preuve d'aucune faute de la victime.
- Dire que la société Vicat Produits Industriels ne peut invoquer de cause exonératoire de sa responsabilité et que sa responsabilité est pleinement engagée.
- En conséquence,
- Déclarer la société Vicat Produits Industriels responsable des préjudices subis par Mohamed H. L..
- Condamner la société Vicat Produits Industriels à verser à Mohamed H. L. à titre provisionnel la somme de 5 000 à valoir sur l'indemnisation définitive de l'intégralité des préjudices subis.
- Ordonner une expertise médicale de Mohamed H. L. et désigner le docteur F. avec mission habituelle en la matière.
- Dire la décision à intervenir opposable à l'organisme de sécurité sociale appelé en la cause.
- Surseoir à l'évaluation des préjudices subis par Mohamed H. L. dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
- Débouter la société Vicat Produits Industriels de l'intégralité de ses demandes.
- Condamner la société Vicat Produits Industriels à verser la somme de 2 500 en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers des dépens.
Sur la responsabilité de la société Vicat Produits Industriels Mohamed H. L. soutient en substance concernant les fautes qui lui sont opposées :
- sur sa qualité de professionnel que les dispositions légales et la jurisprudence n'instaurent pas une distinction entre les acheteurs professionnels et non professionnels et que l'obligation de sécurité du fabricant d'un produit défectueux s'applique à toute victime d'un dommage causé par ce produit, qu'enfin il ne pouvait pas s'attendre à une telle brûlure car c'était la première fois qu'il utilisait un produit de la marque VPI et il a agi comme il le fait quotidiennement depuis des années sans subir de telles blessures.
- Sur sa qualité d'employeur Mohamed H. L. rappelle que l'obligation de sécurité qui pèse sur un fabriquant s'applique que l'utilisateur du produit soit employeur, salarié, professionnel ou profane et l'obligation de sécurité qui incombe à tout employeur ne saurait valablement être opposée à la victime d'un produit défectueux pour exclure son droit à indemnisation.
- Sur le port de gants appropriés Mohamed H. L. précise que cela n'était pas mentionné sur le sac d'enduit ou sur la fiche de sécurité et que la notion de gants appropriés sur l'emballage est trop vague tant il existe de catégorie de gants de protection, ainsi il a pu légitimement penser que des gants ménagers étaient adaptés ces derniers étant recommandés pour l'usage de produits irritants, et qu'en tout état de cause les gants prétendument adaptés selon l'expert sont plus courts que les gants qu'il a utilisés et donc ne l'auraient pas protégé des brûlures,
- Sur le port d'un vêtement approprié Mohamed H. L. souligne qu'il ne figure sur l'emballage aucune consigne de port d'un vêtement de protection pour utiliser le produit et que le terme " peut entraîner une sensibilisation par contact avec la peau " n'équivaut pas à une interdiction totale de contact,
- Sur l'absence de lien causal entre le démontage de la machine à projeter l'enduit et le dommage qu'il a subi, Mohamed H. L. expose que ce n'est pas le compresseur qui a causé les brûlures mais l'enduit incriminé et le défaut de mise en garde d'utilisation du produit et les préconisations en matière de sécurité en cas de contact avec la peau,
- Sur le nettoyage imparfait des blessures et sur une venue tardive aux urgences Mohamed H. L. précise qu'immédiatement après la projection il a enlevé l'enduit, que s'il n'a pas procédé à un lavage de sa peau à l'eau et au savon c'est parce qu'il n'avait pas connaissance de ces consignes, qu'il s'est rendu dès la fin de sa journée de travail dans une pharmacie, puis aux urgences d'une clinique à Narbonne d'où il a été redirigé le lendemain matin vers le centre de traitement des brûlés à Montpellier, qu'enfin s'il a refusé un arrêt de travail c'est parce qu'il est travailleur indépendant, seul gérant de sa propre entreprise.
Sur la responsabilité du fait des produits défectueux l'appelant rappelle les dispositions des articles anciens 1386-1 et 1386-9 du Code civil sur la responsabilité du producteur du produit et sur le fait que le demandeur doit prouver le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage.
En l'espèce l'enduit fabriqué par la société VPI est défectueux au sens de l'article 1386-4 ancien du Code civil comme n'offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ce dans la mesure où l'emballage du produit indique seulement que celui-ci "peut entraîner une sensibilisation par contact avec la peau" et qu'en aucun cas l'utilisateur n'est mis en garde contre le risque de brûlure cutanée, et que le fait qu'il soit indiqué que le produit contient du ciment d'où un risque implicite de brûlures est insuffisant pour informer l'utilisateur des risques et dangers présentés.
Mohamed H. L. soutient que l'emballage aurait dû préciser les risques de brûlures au 2e et 3e degré, indiquer les consignes d'un rinçage immédiat et abondant à l'eau claire sur la zone touchée pendant 15 minutes.
Ces consignes ne figurent que sur la fiche de sécurité consultable sur le site internet mentionné sur l'emballage du produit et ne sont donc pas portées à la connaissance de l'utilisateur dans des conditions satisfaisantes.
Contrairement à ce que prétend la société VPI le fait que les critères de l'arrêté du 9 novembre 2004 définissant les critères de classification et les conditions d'étiquetage et d'emballage des préparations dangereuses aient été respectés ne suffit pas à couvrir la défectuosité qui doit en outre s'apprécier in abstracto.
Concernant enfin le lien de causalité Mohamed H. L. soutient que celui-ci ressort incontestablement des pièces du dossier et notamment des expertises médicales et chimiques ainsi que des témoignages des personnes présentes le jour de l'accident.
Le dispositif des dernières écritures de la société Vicat Produits Industriels énonce :
- Déclarer Mohamed H. L. mal fondé en son appel et irrecevable en toutes ses demandes.
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que le produit litigieux ne répondait pas aux conditions de sécurité imposées pour tout utilisateur potentiel quel qu'il soit.
- Dire que la société Vicat Produits Industriels a parfaitement respecté ses obligations.
- Dire que Mohamed H. L. ne démontre aucun lien de causalité.
- Confirmer le jugement déféré pour le surplus.
- Y ajoutant,
- Condamner Mohamed H. L. au paiement de la somme de 8 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens avec bénéfice de distraction.
Sur l'irrecevabilité de la demande de Mohamed H. L. la société VPI expose que ce dernier, lors de la réunion d'expertise en présence de son conseil, a répondu qu'il manipulait fréquemment les enduits de façade, qu'il a l'habitude des petites brûlures occasionnées par l'utilisation d'enduit à base de ciment et que pour cette raison il ne s'est pas précité pour nettoyer le produit, qu'il portait comme d'habitude ce jour-là des gants en caoutchouc souples " MAPA " et qu'il était en tee-shirt.
Pour la société VPI ces déclarations constituent un aveu en application de l'article 1354 du Code civil et Mohamed H. L. est donc parfaitement irrecevable sauf à mentir à soutenir ne pas connaître les consignes d'utilisation, les risques et la dangerosité de l'enduit contenant du ciment et en particulier les lésions qu'un contact avec la peau peut entraîner pour les avoir déjà subies.
Sur l'absence de faute de sa part la société VPI expose en substance que :
- le produit litigieux n'a aucun défaut comme cela ressort du rapport d'expertise,
- les mentions sur l'enduit litigieux sont parfaitement conformes à la législation en vigueur en ce qu'il est mentionné que l'enduit contient du ciment, que le ciment n'est pas classé comme préparation dangereuse, que l'enduit comporte un pictogramme mentionnant " irritant " ce qui est conforme à la norme européenne et aux décrets en vigueur,
- la fiche de données de sécurité est aussi conforme à la réglementation en vigueur,
- tant les mentions portées sur le sac que sur la fiche de données de sécurité constituent une mise en garde amplement suffisante de nature à alerter l'utilisateur sur le risque d'utilisation,
- Mohamed H. L. est employeur et comme tel il a obligation d'informer ses salariés et donc de s'informer lui-même des risques liés aux produits chimiques et donc la fiche de données de sécurité était nécessairement connue de lui ce d'autant qu'il est entrepreneur façadier depuis 2011 et qu'il a donc eu largement le temps et la possibilité de se documenter.
Par ailleurs la société VPI soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré que le caractère défectueux du produit devait s'apprécier in abstracto car en application de l'article 1386-4 du Code civil il y a lieu de prendre en compte l'attente légitime de l'utilisateur, attente légitime qui ne saurait s'apprécier de la même façon selon que le produit en cause est inerte ou pas, selon qu'il est inoffensif ou pas, selon le fait que de simples consommateurs l'utilisent ou seulement des professionnels ou des consommateurs avertis.
Elle ajoute que s'agissant de l'obligation d'information pesant sur le fabriquant elle s'apprécie en fonction du degré de connaissance et du comportement de l'utilisateur.
En l'espèce Mohamed H. L. en qualité de professionnel averti ne peut donc légitimement soutenir que l'information qui lui était donnée était insuffisamment explicite sur les risques de danger du produit.
Enfin la société VPI invoque l'absence de lien de causalité car selon elle la cause des brûlures n'est pas liée à l'information insuffisante mais à la négligence de Mohamed H. L. et à son inobservation des préconisations d'usage.
En tout état de cause comme retenu par le tribunal les fautes commises par Mohamed H. L. sont de nature à exonérer la société VPI de toute responsabilité dans la survenue du dommage.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité des demandes de Mohamed H. L. :
La société VIP soutient au premier chef que les demandes de Mohamed H. L. seraient irrecevables au seul motif que ce dernier ayant reconnu lors des réunions d'expertise de Philippe D. qu'il est un professionnel façadier, connaissant les produits contenant du ciment et les risques liés à leur utilisation, et qu'il s'agit là d'un aveu au sens de l'article 1354 ancien du Code civil ne peut sauf à mentir soutenir ne pas connaître les consignes d'utilisation et les risques de l'enduit de façade.
Toutefois ces déclarations en cours d'expertise qui ne sauraient constituer qu'un aveu extrajudiciaire au sens de l'article 1383-1 (anciennement 1355) du Code civil, déclarations dont la valeur probante est laissée à l'appréciation du juge si elles doivent être prises en considération pour analyser les circonstances d'utilisation du produit en cause ne peuvent entraîner en tant que telle une irrecevabilité des demandes de Mohamed H. L..
Sur la responsabilité de l'accident dont a été victime Mohamed H. L. :
C'est pertinemment que le premier juge a rappelé les dispositions qui régissent la responsabilité du fait des produits défectueux à savoir les articles 1245 à 1245-17 du Code civil anciennement 1386-1 à 1386-18 et en particulier l'article 1245-3 ( 1386-4 ancien) selon lequel un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et dans cette appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.
Il est constant que la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre s'entend d'un usage normal du produit, sans abus et compte tenu des circonstances.
Par ailleurs la référence dans le texte au terme " on " renforcée par l'usage du terme " raisonnablement " impose d'apprécier le défaut selon les informations concernant tant le produit que ses conditions d'utilisation et de déterminer le degré d'attente du consommateur par référence au comportement d'un individu moyen.
Il n'existe pas en appel de discussion sur le fait comme cela ressort du rapport d'expertise de Philippe D. que la composition de l'enduit acheté et utilisé par Mohamed H. L. portant le n° 2275, appartenant au lot 306350 et fabriqué par la société VPI ne présente pas de défaut dans sa composition qui est conforme aux indications de composition figurant sur le produit et qui apparaît " habituelle " en regard de celles rencontrées pour ce type de matériau.
Concernant le défaut de sécurité il ressort de l'expertise de Philippe D. que figure sur l'emballage de l'enduit à côté du logo danger " irritant " le texte suivant :
- Contient du Ciment
- Peut entraîner une sensibilisation par contact avec la peau
- Risque de lésions oculaires graves
- Conserver hors de la portée des enfants
- En cas de contact avec les yeux, laver immédiatement et abondamment avec de l'eau et consulter un spécialiste
- Porter des gants appropriés et un appareil de protection des yeux/ du visage
- En cas d'ingestion consulter immédiatement un médecin et lui montrer l'emballage ou l'étiquette.
L'emballage du sac mentionne également le lien internet ou figure les données de sécurité et les fiches de données de sécurité sont disponibles sur le site internet Vicat Bricolage.
Cette fiche de données de sécurité précise notamment la composition exacte du produit, la conduite à tenir en cas de contact avec la peau à savoir se laver immédiatement et abondement avec de l'eau savonneuse puis rincer, et enfin le port de vêtements appropriés.
Elle comporte également une section sur les premiers secours en cas de contact avec la peau détaillant précisément la conduite à tenir.
Enfin il est indiqué concernant les premiers symptômes et effets aiguës et différés en cas de contact avec la peau : " du ciment sec en contact avec une peau mouillée ou une exposition à du ciment humide ou gâché peut entraîner un épaississement de la peau et l'apparition de fissures ou de crevasses. Un contact prolongé combiné à des abrasions peut provoquer de graves brûlures ".
Ainsi au vu de ces constatations expertales qui ne font l'objet d'aucune critique c'est à juste titre et par des motifs pertinents que le premier juge a retenu que si les mises en garde d'utilisation du produit et des préconisations en matière de sécurité sont bien décrites sur la fiche de données de sécurité figurant sur internet en revanche l'information relative au risque de sensibilisation du produit et le logo porté sur le sac n'alertent pas suffisamment le consommateur sur la dangerosité potentielle du produit en raison du risque de brûlure cutanée, la nécessité de se protéger le corps en entier et de nettoyer la peau à l'eau dès contact avec le produit alors que l'emballage du produit constitue sa présentation directement visible pour un utilisateur moyen.
Si le risque de brûlure cutanée peut être déduit implicitement du terme porté sur le sac " contient du ciment " c'est insuffisant pour qu'un utilisateur moyen appréhende cette notion avec ses conséquences et en déduise qu'il existe un risque de brûlure cutanée en cas de contact avec la peau.
Par conséquent c'est à juste titre que le premier juge a dit qu'en l'espèce le produit litigieux par sa présentation visuelle directement accessible ne répond pas aux conditions de sécurité de l'article 1245 (1386-4 ancien) du Code civil pour tout utilisateur moyen.
Mais c'est également à juste titre que le juge de première instance a ensuite recherché comme prévu par l'article 1245-12 (anciennement 1386-13) du Code civil si la victime n'avait pas commis une faute exonératoire de responsabilité du producteur.
Il ressort en effet des éléments versés au débat et notamment de l'audition de Mohamed H. L. par l'expert Philippe D. que :
-Mohamed H. L. est façadier professionnel depuis plusieurs années et utilise chaque jour du ciment d'enduit ;
- il travaille au moment des faits avec deux employés un ouvrier qui tire l'enduit à la règle une fois que celui-ci est projeté par Mohamed H. L. et un stagiaire qui surveille le compresseur et assure l'approvisionnement en sacs d'enduit ;
- il manipule fréquemment les enduits de façade et à l'habitude des petites brûlures occasionnées par l'utilisation d'enduit à base de ciment raison pour laquelle il ne s'est pas empressé de se nettoyer ;
- Mohamed H. L. portait le jour de l'accident comme d'habitude des gants de caoutchouc souples type " MAPA " utilisés habituellement pour un usage ménager ;
- Mohamed H. L. portait un simple tee-shirt et ses avants bras n'étaient pas protégés.
C'est donc à juste titre au vu de ces éléments par des motifs que la cour adopte que le premier juge a considéré que : Mohamed H. L. professionnel façadier connaissait les risques de brûlures d'un enduit à base de ciment, qu'il ne pouvait se dispenser de prendre connaissance des informations portées sur la fiche de données de sécurité sur internet ne serait-ce que dans le cadre de son obligation d'assurer la sécurité de ses salariés, qu'il s'était abstenu de porter des gants appropriés pour porter des gants ménagers alors qu'en sa qualité de professionnel il était en capacité d'appréhender le type de gants à utiliser, qu'il a continué à travailler et à garder les gants alors que la brûlure s'était produite ce qui a aggravé la lésion en raison de la chaleur, de la macération et de la transpiration, qu'il ne disposait d'aucune protection minimale pour son corps portant un simple tee-shirt pour projeter un produit contenant du ciment et qu'il avait donc commis diverses fautes.
Ainsi le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a dit que Mohamed H. L. professionnel qui ne pouvait ignorer le risque potentiel d'utilisation d'un enduit à base de ciment a commis des fautes qui par leur conjugaison sont à l'origine de ses dommages et qui sont exonératoires de la responsabilité de la société VPI et en ce qu'il a en conséquence débouté Mohamed H. L. de l'ensemble de ses demandes.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement dont appel sera également confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.
En outre Mohamed H. L. succombant en son appel sera condamné à payer la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de la procédure d'appel.
Par ces motifs : LA COUR statuant par arrêt réputé contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe ; Dit que les demandes formées par Mohamed H. L. ne sont pas irrecevables ; Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Narbonne ; Y ajoutant, Condamne Mohamed H. L. à payer à la société Vicat Produits Industriels la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Mohamed H. L. aux dépens de la procédure d'appel.