CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 9 décembre 2019, n° 17-00208
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Zimmer Biomet France (SAS), Zimmer GmbH (Sté)
Défendeur :
Oniam (Sté), CPAM du Lot, Mutuelle du Rempart
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blume
Conseillers :
M. Desfontaine, Mme Arriudarre
EXPOSE DU LITIGE
Le 23 février 2006, Christian B. a subi une intervention chirurgicale pratiquée par le Dr G. au sein de la Clinique du Comminges sise à St-Gaudens pour la mise en place d'une prothèse totale de hanche droite, fabriquée par le laboratoire Zimmer.
En décembre 2006, le patient s'est plaint de douleurs lombaires et une radiographie pratiquée le 28 décembre 2006 a mis en évidence une rupture de la tête fémorale de la prothèse.
Il a été opéré le 4 janvier 2007 par le Dr G. qui a retiré les débris de la tête céramique et a mis en place une nouvelle tête en métal. Suite à cette intervention, le patient a présenté une paralysie des releveurs du pied et du nerf sciatique poplité externe et a dû subir une nouvelle opération le 5 mars 2007 au niveau de la cuisse afin d'évacuer des débris métalliques.
Une troisième intervention a été réalisée le 7 mai 2007 afin de procéder à l'ablation d'un kyste para articulaire.
Les suites opératoires ont été marquées par une métallose au niveau de la cicatrice.
Des prélèvements ont mis en évidence une infection occasionnée par la substance popionibacterium avidum.
M. B. a été pris en charge par le Dr T. du C. de Toulouse, qui a été contraint de retirer la prothèse le 30 août 2007 avec mise en place d'un spacer, puis le 16 novembre 2007 d'une nouvelle prothèse.
Le 14 mai 2008, une fracture du fut fémoral a dû être traitée par ostéosynthèse.
M. B. présente à ce jour des séquelles d'une paralysie du nerf sciatique poplité externe.
Le 8 octobre 2010, il a saisi la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation de la région Midi-Pyrénées en mettant en cause les docteurs G. et T..
La Commission a désigné le docteur B., neurologue, le docteur B., chirurgien orthopédiste, et le docteur L., médecin légiste en qualité d'experts. Le laboratoire Zimmer, fabricant de la prothèse litigieuse, a été appelé dans la cause et l'expertise s'est poursuivie contradictoirement en sa présence.
Le rapport déposé le 28 juillet 2012 conclut que la rupture de la tête fémorale fabriquée par le laboratoire Zimmer est l'événement à l'origine des interventions chirurgicales suivantes.
La Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux réunie à Toulouse le 14 novembre 2012 a estimé que le dommage subi résultait exclusivement de la défectuosité de la prothèse fabriquée par le laboratoire Zimmer et a donné un avis favorable au processus d'indemnisation.
Le laboratoire Zimmer n'ayant formulé aucune offre d'indemnisation, M. B. a saisi aux fins d'indemnisation l'Oniam qui lui a versé une indemnité de 48 120,48 .
Par acte d'huissier de justice en date du 26 mars 2015, l'Oniam, subrogée dans les droits de M. B., a saisi le Tribunal de grande instance de Saint Gaudens aux fins d'exercer son action subrogatoire à l'encontre de la SAS Zimmer et a attrait dans la procédure la CPAM du Lot et la mutuelle du Rempart.
Par jugement réputé contradictoire en date du 9 décembre 2016, le Tribunal de grande instance de St-Gaudens a :
Vu les articles L. 1142-1, I, L. 1142-14 et L. 1142-15 du Code de la santé publique,
Vu les anciens articles 1386-1 du Code civil repris à l'article 1245 nouveau, issu de l'ordonnance du 10 février 2016,
Vu l'article 1386-4 ancien du Code civil repris à l'identique à l'article 1245-3 nouveau du Code civil issu de l'ordonnance du 10 février 2016,
Vu l'avis des commissions régionales des victimes d'accidents médicaux de 2012,
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Zimmer GmbH,
- déclaré la SAS Zimmer France et la société Zimmer GmbH responsables du préjudice subi par Christian B. du fait de la rupture de la prothèse de la hanche dont il a été victime,
- condamné en conséquence la SAS Zimmer France et la société Zimmer GHBH in solidum à payer à l'Oniam régulièrement subrogée dans les droits de Christian B. la somme de 48 120,48 , montant de l'indemnisation réglée et 7 218,07 au titre de la pénalité de 15 %,
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation introductive d'instance,
- condamné la SAS Zimmer France et la société Zimmer GHBH in solidum à payer à l'Oniam 2 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance,
Vu les dispositions de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale,
- condamné in solidum la SAS Zimmer France et la société Zimmer GHBH à payer à la CPAM du Lot la somme de 164 251,72 , montant des prestations définitives servies à son assuré Christian B. avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance,
- les a condamnées in solidum à lui payer 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et 1 037 sur le fondement des dispositions de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ainsi que les dépens de la présente instance,
- débouté les parties demanderesses de leurs autres demandes,
- débouté les sociétés Zimmer France et la société Zimmer GHBH de leurs demandes reconventionnelles,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Les sociétés Zimmer Biomet France et Zimmer GmbH ont interjeté appel du jugement par déclaration en date du 13 janvier 2017.
DEMANDES DES PARTIES
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 7 août 2017, la SAS Zimmer Biomet France et la société Zimmer GmbH, appelantes, demandent à la cour, au visa des articles 1386-1 et suivants du Code civil, L. 1142-1 et suivants du Code de la santé publique, d'infirmer le jugement et de :
- prononcer la nullité du rapport d'expertise du 28 juillet 2012 ;
- dire que la preuve d'un défaut de la prothèse n'est pas rapportée ;
- débouter l'Oniam et la CPAM du Lot de toutes leurs demandes ;
A titre subsidiaire,
- dire qu'elles ne sauraient être tenues pour responsables que de la nécessité d'une intervention de reprise de la prothèse ;
- dire que leur responsabilité ne saurait être engagée pour le surplus des préjudices subis par M. B. ;
- à défaut de prétentions rattachées spécifiquement à la nécessité d'une opération de reprise de la prothèse, débouter l'Oniam et la CPAM du Lot de toutes leurs demandes à leur encontre ;
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter l'indemnisation accordée au titre du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 4 667,50 , écarter l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'agrément, et débouter l'Oniam de ses demandes au titre de ces chefs de préjudice excédant ces montants ;
En tout état de cause,
- débouter les parties de toutes leurs fins, demandes et conclusions à leur encontre ;
- condamner l'Oniam à leur payer la somme de 10 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner l'Oniam aux entiers dépens dont distraction au profit de Me J., conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de leur appel elles font valoir essentiellement :
- que les experts ont violé le principe du contradictoire et méconnu les termes de leur mission, que par suite leur rapport mérite annulation. Elles soutiennent à cet égard que les experts ont émis des conclusions sans avoir recueilli les observations des sociétés Zimmer sur la défectuosité de la tête fémorale de la prothèse, en se fondant à tort sur les simples affirmations du Dr G. ; qu'ils se sont prononcés sur une question de droit relevant de la seule compétence du juge, relative au lien de causalité entre la rupture de la tête fémorale et les préjudices subis par M. B..
- que la responsabilité des sociétés Zimmer a été retenue à tort sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil, la preuve d'un défaut affectant la prothèse n'étant pas rapportée. Elles soutiennent que le tribunal a inversé la charge de la preuve en retenant qu'elles ne rapportaient pas la preuve de ce que la rupture de la prothèse était due à une autre cause. La prothèse en céramique (référencée 18-2707) ne présente pas de défaut et l'indication selon laquelle il aurait été procédé à l'abandon de sa commercialisation est erronée. Cette prothèse a été utilisée dans 8 500 opérations en France et n'a donné lieu qu'à 22 plaintes, portant le taux de rupture à 0,026 %. Elles considèrent que toutes les prothèses sont de nature à entraîner de telles complications. Une notice en français, produite aux débats, est fournie dans l'emballage de la prothèse remise au chirurgien.
Elles exposent que la rupture de la tête fémorale peut avoir de multiples causes :
- La technique chirurgicale mini-invasive choisie par le Dr G. qui est inadaptée (mini invasive) ;
- La masse corporelle du patient de 109 kg qui est un facteur de risque explicitement mentionné dans la notice ;
- Le chirurgien qui n'a pas informé le patient des risques possibles présentés par l'opération.
Elles contestent avoir reçu du chirurgien l'implant prétendument envoyé par ce dernier pour analyse.
Elles ajoutent qu'en tout état de cause, si la défectuosité est retenue, seule l'opération de reprise du 4 janvier 2007 serait causalement liée au défaut constaté. L'atteinte du nerf sciatique est due au geste chirurgical lors de l'opération de reprise et non à la rupture de la prothèse. Quant à l'infection, elle n'a pas davantage été causée par la prothèse et relève du régime de responsabilité institué par l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique, de sorte que la clinique du Comminges est responsable de plein droit et ne justifie pas d'une cause étrangère exonératoire de responsabilité.
Elles ajoutent que si la tête fémorale endommagée est en céramique, elle ne peut être remplacée que par une nouvelle tête en céramique et non en métal, le non-respect de cette recommandation étant à l'origine d'une partie des dommages.
Subsidiairement elle demande à la Cour de limiter l'indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 4 667,50 et d'écarter l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'agrément.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 19 juillet 2019, l'Oniam, intimé, demande à la cour, au visa de la loi n° 220-303 du 4 mars 2002, des articles L. 1142-1, I, L. 1142-14, L. 1142-15 du Code de la santé publique, 1386-1 du Code civil, de :
- confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions ;
- le rectifier en ce qu'il a omis de reprendre dans son dispositif la condamnation in solidum des sociétés Zimmer à lui rembourser la somme de 2 100 au titre des honoraires des experts missionnés par la Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ;
- en conséquence, débouter les sociétés Zimmer de leur demande de nullité du rapport d'expertise des docteurs B., B. et L. ;
- dire que le laboratoire Zimmer engage sa responsabilité en raison de la défectuosité de la tête fémorale de la prothèse totale de hanche posée le 23 février 2006 chez M. B. ;
- condamner in solidum les sociétés Zimmer à lui payer la somme de 48 120,48 , au titre du remboursement de l'indemnisation versée à M. B. ;
- condamner in solidum les sociétés Zimmer, à lui verser la somme de 2 100 au titre du remboursement des frais d'expertise ;
- condamner in solidum les sociétés Zimmer à lui verser une pénalité à hauteur de 15 % du montant des sommes mises à sa charge, soit une somme de 7 218,07 ;
- condamner le laboratoire Zimmer à lui payer une somme de 3 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date d'assignation ;
- prononcer la capitalisation des intérêts par périodes annuelles ;
- dire qu'aucun recours des organismes sociaux ne saurait être accueilli contre elle.
Elle fait valoir l'argumentation suivante :
-Sur la demande de nullité du rapport d'expertise :
L'expertise des Docteurs B., B. et L. a été ordonnée dans un cadre amiable par la Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux en application des articles L. 1142-12 et suivants du Code de la santé publique, il ne s'agit donc pas d'une expertise judiciaire ; par suite les dispositions des articles 143 à 284-1 du Code de procédure civile relatives aux mesures d'instructions judiciaires ne peuvent s'appliquer et la cour n'a pas compétence pour annuler cette expertise. De plus les sociétés Zimmer ont pu faire valoir leurs observations au cours des opérations d'expertise et devant la commission.
Si la cour est compétente pour annuler le rapport d'expertise amiable, la demande de nullité aurait dû être présentée avant toute défense au fond. Les experts n'ont pas outrepassé leur mission consistant à évaluer les préjudices subis par Monsieur B. imputables à l'accident médical initial constitué par la rupture de la tête fémorale.
- Sur la défectuosité de la prothèse :
La prothèse litigieuse fabriquée par le Laboratoire Zimmer n'a pas apporté à Monsieur B. la sécurité à laquelle il pouvait légitimement s'attendre. Elle s'est rompue au bout de 10 mois alors la durée de vie moyenne d'une prothèse est d'environ 15 ans. La documentation scientifique produite par les appelantes sur la typologie et l'épidémiologie des prothèses totales de hanche en France (pièce 17) cite le défaut de fabrication de la céramique comme l'origine la plus courante de fracture de la tête fémorale. De plus la fabrication de ce type de tête en céramique a été abandonnée ainsi que l'indique le rapport d'expertise en pages 13 et 14.
La rupture de la tête de prothèse défectueuse a été la cause de l'enchaînement des pathologies présentées par M. B., les experts ayant écarté toute faute imputable au Docteur G. qui du reste n'a pas été appelé en la cause par les appelantes.
Enfin la notice afférente à la prothèse versée aux débats n'est pas datée et n'indique aucunement que le poids du patient pourrait expliquer une rupture de la prothèse.
- sur le dommage :
La défectuosité de la tête fémorale en céramique est à l'origine des complications présentées par la suite par Monsieur B..
Elle précise que ses offres d'indemnisation sont fondées sur un référentiel d'indemnisation qui lui est propre.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 28 juillet 2017, la CPAM du Lot, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale de :
- déclarer l'appel mal fondé ;
- les débouter de toutes leurs demandes ;
- y ajoutant, condamner la société Zimmer France et la société Zimmer GmbH in solidum à lui verser la somme de 1 500 au titre des frais irrépétibles d'appel par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens.
La société Mutuelle du Rempart, intimée, a été assignée à personne par acte d'huissier de justice en date du 7 juillet 2017 et n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er octobre 2019.
L'affaire a été examinée à l'audience du 14 octobre 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de nullité du rapport d'expertise
Le rapport d'expertise, objet du débat, a été établi le 28 juillet 2012 par un collège de trois experts à la demande de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux sur le fondement des articles L. 1142-12 et L. 1142-9 du Code de la santé publique, il ne s'agit donc pas d'un rapport d'expertise judiciaire relevant des dispositions des articles 143 à 284-1 du Code de procédure civile. De ce fait et à la différence de la nullité des actes d'exécution de mesure d'instruction qui est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure, la demande de nullité dudit rapport n'est pas soumise à ces dernières règles, notamment celles énoncées par l'article 112 du Code de procédure civile qui impose de soulever la demande de nullité avant toute défense au fond.
Cette fin de non-recevoir soulevée par l'Oniam sera écartée comme inopérante.
De même les dispositions de l'article 232 du Code de procédure civile relatives aux mesures d'instruction, dont se prévalent les sociétés Zimmer ne sont pas applicables au rapport d'expertise concerné.
Par ailleurs c'est à tort que les sociétés Zimmer excipent d'un non-respect du principe du contradictoire motif pris de ce que les experts auraient établi leurs conclusions définitives sans recueillir leurs observations, alors qu'il s'évince clairement des énonciations du rapport que par un courrier recommandé du 5 janvier 2012 la société Zimmer a, d'une part, été informée des premiers examens de M. B., d'autre part, été invitée à fournir ses observations avant le 30 janvier avant fixation d'une nouvelle séance d'expertise, demande à laquelle elle a répondu de façon circonstanciée le 27 février 2012, tous éléments qui attestent du caractère contradictoire des opérations d'expertise dans le respect des exigences de l'article L. 1142-12 du Code de la santé publique.
De surcroît les sociétés Zimmer ont pu prendre connaissance du rapport d'expertise versé aux débats et former librement toutes observations utiles sur son contenu.
Il n'est donc pas justifié d'une cause de nullité du contrat d'expertise.
Sur la responsabilité du fait des produits défectueux
En vertu des dispositions combinées des articles 1386-1 ancien du Code civil devenu 1245 issu de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1386-4 ancien devenu 1245-3 du Code civil, le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par le défaut de son produit qu'il soit ou non lié par un contrat à la victime, un produit étant défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, étant rappelé que, dans l'appréciation de cette notion, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation, un produit ne pouvant être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.
Conformément à l'article 1386-9 devenu 1245-8 du Code civil, il incombe à celui qui se prétend victime d'un produit défectueux de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, cette preuve pouvant être rapportée par des présomptions graves, précises et concordantes.
Sur le dommage et l'imputabilité au produit
Il est un fait constant que la tête fémorale de la prothèse de hanche posée sur M. B. le 23 février 2006 s'est rompue 10 mois après la pose, cette rupture ayant été constatée par un examen radiologique réalisé le 27 décembre 2016.
Il est également acquis au débat que la prothèse à tête de céramique concernée et référencée 17.28.07 (Allo Classic Allofit) a été fabriquée par la société Zimmer.
Le rapport d'expertise, qui ne se heurte sur ce point à aucune contestation, expose que la rupture de la tête fémorale a nécessité une chirurgie de reprise le 4 janvier 2007 avec pose d'une nouvelle prothèse suivie de complications en cascade ayant conduit à plus de cinq opérations successives.
Il peut donc être considéré comme l'a fait le premier juge, que l'Oniam subrogée dans les droits de M. B., fait la démonstration d'un dommage subi par ce dernier après la rupture du matériel prothétique.
Sur le défaut
La société Zimmer conteste toute défectuosité de la prothèse et fait grief au tribunal de n'avoir pas établi la réalité du défaut prétendument présenté par la tête fémorale.
Si le rapport d'expertise évoque l'abandon de la fabrication de ce type de tête en céramique ('il semblerait que le lot dont faisait partie cette prothèse a été retiré des stocks hospitaliers), cette affirmation d'ordre général formulée en termes hypothétiques est fermement contestée par les sociétés Zimmer et n'est étayée par aucun élément précis et sérieux permettant d'objectiver un arrêt de commercialisation de ce matériel et un retrait des stocks hospitaliers. Pour autant, par application de l'article 1386-4 ancien du Code civil, le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art et des normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative. Dès lors, la poursuite d'une commercialisation de cette prothèse et l'absence de retrait du marché ne sont pas de nature à exclure une possible défectuosité du produit.
Il en va de même de l'absence de justification d'une déclaration de matériovigilance dont excipent les sociétés Zimmer qui est sans incidence sur l'appréciation d'un défaut susceptible d'être présenté par la prothèse rompue.
Il est manifeste qu'au cas d'espèce les raisons de la rupture de la tête fémorale prothétique sont difficiles à déterminer, d'autant que la disparition de l'explant, que le chirurgien aurait adressé à la société Zimmer pour analyse de la pièce sans que la réalité de cet envoi soit démontrée, n'autorise pas de plus amples investigations. Au demeurant aucune contre-expertise n'est sollicitée par l'appelante.
Il importe de préciser pour autant qu'aucune preuve scientifique certaine du défaut n'est exigée et que la responsabilité des fabricants, producteurs au sens de l'article 1245 du Code civil, est engagée de plein droit dès lors que le matériel n'a pas offert la sécurité que l'on pouvait légitimement en attendre.
La notion de sécurité que l'on est en droit d'attendre légitimement de la prothèse doit s'apprécier au regard du bilan entre les avantages et les risques, bilan qui doit être analysé au regard de l'aléa lié aux caractéristiques propres de chaque patient recevant une prothèse de hanche.
Au cas d'espèce les sociétés Zimmer évoquent plusieurs facteurs de risques de rupture de la prothèse sur lesquels elle indique avoir fourni des informations sur la notice contenue dans l'emballage de chaque prothèse :
- le risque lié au surpoids du patient, M. B. pesant 109 kg lors de la pose de la prothèse ;
- le risque lié à la technique chirurgicale " mini-invasive " adoptée par le Dr G. : selon les sociétés appelantes cette technique est inadaptée en ce qu'elle rend plus difficile le geste chirurgical complexe et précis qu'impose la mise en place de la tête fémorale du fait d'une moindre accessibilité du site opératoire rendant impossible la garantie d'un positionnement parfait des composants de la prothèse ;
- le risque lié au comportement post opératoire de M. B. ;
- l'absence d'information du patient par le chirurgien sur les risques possibles de l'opération envisagée.
Au-delà du fait que la preuve de la date d'établissement de la notice versée aux débats n'est pas rapportée (pièce 18 Zimmer), son contenu ne comporte aucune contre-indication relative au risque de rupture de la prothèse en cas surpoids des patients et n'évoque aucun risque de rupture qu'un usage régulier pourrait comporter.
S'agissant du manquement invoqué du chirurgien à son obligation de délivrance de l'information due à M. B., cette information prévue à l'article L. 1111-2 du Code de la santé publique porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention proposée aux patients, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.
En l'espèce, rien ne permet de considérer la rupture de la prothèse comme un risque fréquent ou un risque grave normalement prévisible, notamment du fait du surpoids. Dès lors, le risque de détérioration de la prothèse n'étant pas un risque fréquent ou prévisible pour le chirurgien, il ne peut lui être reproché un défaut d'information de son patient.
Par ailleurs le collège d'experts a écarté toute faute du chirurgien dans les actes chirurgicaux et médicaux et a exclu tout acte non conforme aux règles de l'art pouvant avoir contribué à la défaillance de la prothèse. Les sociétés Zimmer, si elles évoquent des risques possibles de rupture, tenant à des circonstances extérieures au matériel, n'évoquent que des hypothèses sans apporter d'élément permettant de contester les conclusions des experts sur ce point et de démontrer une faute caractérisée du chirurgien en lien avec la rupture de la tête fémorale.
Ainsi, rien ne démontre que la technique opératoire et le type de matériel choisis par le chirurgien aient eu une incidence caractérisée sur la rupture de la tête fémorale.
De plus, il n'est pas évoqué de chute, de choc subi par le patient ou de comportement inadapté de ce dernier pouvant avoir provoqué ou contribué à la rupture du matériel prothétique.
Enfin la survenance de la rupture du matériel dans un délai très court de 10 mois suivant la pose conduit à écarter la cause pouvant résulter d'une usure du matériel.
Les causes exogènes possibles d'une rupture de tête fémorale prothétique, telles que sus évoquées, doivent donc être écartées.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il existe des présomptions graves, précises et concordantes établissant la preuve du caractère défectueux de la prothèse de hanche posée sur la personne de M. B. dont la tête fémorale s'est rompue 10 mois après sa pose, ce qui est une durée très inférieure à la durée moyenne d'une quinzaine d'années des prothèses, de sorte que la prothèse n'a pas présenté toute la sécurité qu'un patient est en droit d'en attendre.
Sur le lien de causalité entre le défaut et le dommage
Le lien de causalité entre la défectuosité de la prothèse et le dommage constitué par la nécessaire ablation de la prothèse ainsi que la pose d'une nouvelle prothèse lors d'une seconde intervention chirurgicale du 4 janvier 2017 ne laisse aucun doute et est établi par les constatations de l'expert et du chirurgien ayant observé la rupture de la tête prothétique.
Si ainsi que le soutiennent les sociétés Zimmer les complications que M. B. a subi font suite aux opérations de reprise, notamment à un geste chirurgical lors de l'opération d'ablation de prothèse du 4 janvier 2007 qui a entraîné l'étirement du nerf sciatique poplité, ou encore à l'infection contractée lors d'une des opérations, ainsi qu'à des dommages résultant d'un non-respect des consignes du fabricant dans le choix du type de prothèse de remplacement, pour autant c'est bien la rupture de la prothèse initiale qui est à l'origine non seulement de l'opération de reprise du 4 janvier 2007 mais aussi de tous les actes chirurgicaux subséquents et des dommages successifs qui en ont résulté.
Il est du reste justement rappelé par le premier juge que la rupture de la tête fémorale a projeté du métal dans l'articulation par une mise en contact de pièces métalliques qui n'auraient pas dû l'être, provoquant une métallose qui a nécessité une nouvelle opération le 5 mars 2007 pour procéder au retrait des débris métalliques.
Il s'en déduit que l'ensemble des dommages susvisés résultant des actes médicaux et chirurgicaux subis par M. B. consécutivement à la rupture de la prothèse de hanche et au remplacement du matériel prothétique présentent bien un lien de causalité direct avec la défectuosité de la tête fémorale de la prothèse.
Par suite la preuve est rapportée par l'Oniam d'un dommage subi par M. B., d'un défaut présenté par la prothèse fabriquée par les sociétés Zimmer et d'un lien de causalité entre le défaut et le dommage. Par voie de conséquence la responsabilité de plein droit des sociétés Zimmer en qualité de fabricants de la prothèse de hanche, producteurs au sens de l'article 1245 du Code civil, est engagée.
Le jugement entrepris mérite donc confirmation en ce qu'il a fait droit à l'action subrogatoire de l'Oniam.
Sur le montant de la condamnation
Les sociétés Zimmer contestent les indemnisations accordées au titre du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice d'agrément mais ne remettent pas en cause les indemnités allouées en réparation des autres postes de préjudice.
Il s'évince des éléments versés aux débats en cause d'appel que les indemnités allouées par l'Oniam dont il est réclamé le remboursement aux sociétés Zimmer ont été fixées sur la base d'un barème de capitalisation propre à l'Oniam et actualisé au 1er septembre 2011. Il prévoit une indemnisation comprise entre 300 et 500 euros par mois de déficit fonctionnel temporaire total. Les périodes de déficit temporaire indemnisées par l'Oniam sont conformes aux conclusions du rapport d'expertise, seul étant en discussion le montant de l'indemnisation que les sociétés Zimmer estiment ne pouvoir excéder la somme de 4 666,50 sur la base d'un DFTT indemnisé sur la base de 10 par jour soit 304 par mois. Toutefois le référentiel de l'Oniam, qui ne lie en aucune façon la juridiction, prévoit une indemnisation comprise entre 300 et 500 euros par mois du déficit fonctionnel temporaire total. Ce barème qui fonde l'indemnisation de 8 415 euros allouée à M. B. ne présente pas un caractère excessif par rapport à l'indemnité qui aurait été allouée sur le fondement des barèmes des cours d'appel. En conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fait droit au recours subrogatoire de l'Oniam de ce chef de préjudice.
Il découle des dispositions de l'article 246 du Code de procédure civile que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien. Dès lors, bien que le collège d'experts n'ait pas retenu de préjudice d'agrément, c'est par une juste prise en considération des déclarations faites aux experts par M. B. concernant la limitation de ses activités touchant à ses centres d'intérêts et loisirs (notamment culture du jardin, pêche) reprises dans le rapport d'expertise, et en cohérence avec les déficits constatés, que l'Oniam a indemnisé ce préjudice par le versement d'une somme de 3 000 euros.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ses dispositions ayant condamné in solidum les sociétés Zimmer France et Zimmer GmbH à payer à l'Oniam la somme de 48 120,48 euros au titre de l'indemnité versée à M. B..
Par ailleurs, la demande d'annulation du rapport d'expertise dont excipent les sociétés Zimmer pour justifier l'absence de proposition d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 1142-15 du Code de la santé publique est infondée et rejetée suivant les développements qui précèdent, de sorte que le jugement mérite confirmation en ses dispositions ayant condamné les sociétés Zimmer France et Zimmer GmbH au paiement d'une pénalité de 15 % d'un montant de 7 218,07 euros à l'Oniam pour n'avoir pas proposé d'indemnisation dans le délai imparti motif pris des causes de nullité de l'expertise. Cette condamnation a été justement assortie des intérêts légaux à compter de l'assignation introductive d'instance. Les sociétés intimées seront également condamnées au paiement de la somme de 2.100 euros en remboursement des frais d'expertise avancés par l'Oniam.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions non critiquées en cause d'appel ayant condamné in solidum les sociétés Zimmer France et Zimmer GmbH à payer à la CPAM du Lot la somme de 164 252,72 euros en remboursement des indemnités versées à son assuré M. B. avec intérêts légaux à compter de l'assignation introductive d'instance.
Sur les frais et dépens
Les sociétés Zimmer succombent en leur appel et supporteront les entiers dépens. Leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile sera rejetée.
L'équité justifie leur condamnation à payer au titre des frais irrépétibles d'appel la somme de 3 000 euros à l'Oniam et de 1 500 euros à la CPAM du Lot, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.
Par ces motifs, LA COUR : Dit n'y avoir lieu à nullité du rapport d'expertise, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne in solidum les société Zimmer GmbH et Zimmer France à rembourser à L'Oniam la somme de 2 100 au titre des honoraires des experts missionnés par la Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties, Condamne les sociétés Zimmer France et Zimmer GmbH aux entiers dépens, Condamne les sociétés Zimmer à payer au titre des frais irrépétibles la somme de 3 000 euros à l'Oniam et la somme de 1 500 euros à la CPAM du Lot.