ADLC, 17 décembre 2019, n° 19-D-24
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Milena Sabeva, rapporteure, , l'intervention de M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint, par M. Henri Piffaut, vice-président, président de séance, Mme Séverine Larere, M. Jérôme Pouyet, membres de la concurrence
L'Autorité de la concurrence (section IV),
Vu la demande du 28 janvier 2014, complétée le 2 juillet 2014 et enregistrée sous le numéro 14/0055 AC, par laquelle la société Stichting Administratiekantoor OKB, la société Coroos International NV et l'ensemble de ses filiales dont les sociétés Coroos Beheer BV et Coroos Conserven BVont sollicité le bénéfice des dispositions du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu l'avis conditionnel de clémence n° 15-AC-01 du 1er juillet 2015 ; Vu la décision n° 15-SO-08 du 1er juillet 2015, enregistrée sous le numéro 15/0060 F, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes ; Vu les décisions de secret des affaires n° 16-DSA-166 du 5 juillet 2016, n° 16-DSA-169 du 5 juillet 2016, n° 16-DSA-226 du 8 août 2016, n° 16-DSA-245 du 22 août 2016, n° 16-DSA-249 du 23 août 2016, n° 16-DSA-278 du 6 septembre 2016, n° 16-DSA-311 du 3 octobre 2016, n° 16-DSA-358 du 24 octobre 2016, n° 16-DSA-384 du 18 novembre 2016, n° 16-DSA-387 du 18 novembre 2016, n° 16-DSA-393 du 24 novembre 2016, n° 16-DSA-394 du 28 novembre 2016, n° 16-DSA-412 du 9 décembre 2016, n° 16-DSA-415 du 12 décembre 2016, n° 17-DSA-014 du 11 janvier 2017, n° 17-DSA-077 du 16 février 2017, n° 17-DSA-084 du 21 février 2017, n° 17-DSA-483 du 10 novembre 2017, n° 17-DSA-484 du 10 novembre 2017, n° 17-DSA-511 du 27 novembre 2017, n° 17-DSA-512 du 27 novembre 2017, n° 17-DSA-514 du 28 novembre 2017, n° 17-DSA-519 du 29 novembre 2017, n° 17-DSA-520 du 29 novembre 2017, n° 17-DSA-521 du 29 novembre 2017, n° 17-DSA-534 du 7 décembre 2017, n° 17-DSA-543 du 13 décembre 2017, n° 17-DECR-551 du 18 décembre 2017, n° 17-DECR-565 du 21 décembre 2017, n° 17-DECR-566 du 21 décembre 2017, n° 17-DECR-567 du 21 décembre 2017, n° 17-DEC-568 du 21 décembre 2017, n° 17-DEC-570 du 21 décembre 2017, n° 17-DEC-572 du 21 décembre 2017, n° 18-DSA-015 du 10 janvier 2018, n° 18-DECR-043 du 31 janvier 2018, n° 18-DEC-045 du 31 janvier 2018, n° 18-DSA-144 du 28 mai 2018, n° 18-DSA-145 du 28 mai 2018, n° 18-DSA-149 du 29 mai 2018, n° 18-DSA-151 du 29 mai 2018, n° 18-DSA-153 du 29 mai 2018, n° 18-DSA-349 du 12 octobre 2018, n° 18-DSA-350 du 12 octobre 2018, n° 18-DSA-351 du 12 octobre 2018, n° 18-DECR-368 du 22 octobre 2018, n° 18-DEC-372 du 22 octobre 2018, n° 18-DEC-373 du 25 octobre 2018, n° 18-DECR-370 du 25 octobre 2018, n° 18-DECR-369 du 23 novembre 2018, n° 18-DECR-419 du 23 novembre 2018, n° 19-DEC-076 du 22 février 2019, n° 19-DSA-122 du 17 avril 2019, n° 19-DSA-124 du 23 avril 2019, n° 19-DSA-126 du 23 avril 2019, n° 19-DSA-127 du 23 avril 2019, n° 19-DSA-128 du 23 avril 2019, n° 19-DSA-135 du 29 avril 2019 et n° 19-DSA-230 du 27 juin 2019 ; Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et notamment, le premier paragraphe de l'article 101 ; Vu le livre IV du Code de commerce et notamment son article L. 420-1 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par les sociétés Coroos ConservenBV, Coroos Beheer BV, Coroos International NV et Stichting Administratiekantoor OKB, Andros SNC et Andros et Cie SAS, Charles Faraud SA, Charles & Alice SAS et CAI Développement SAS, Conserves France SA et Conserve Italia à cooperativa agricola, Valade SAS et Financière Lubersac, Materne SAS, MBMA SAS, MBMA Holding SAS, Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg, Groupe Lactalis SA et B.S.A. et par le commissaire du Gouvernement ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Coroos ConservenBV, Coroos Beheer BV, Coroos International NVet Stichting Administratiekantoor OKB, Andros SNC et Andros et Cie SAS, Charles Faraud SA, Charles & Alice SAS et CAI Développement SAS, Conserves France SA et Conserve Italia societa cooperativa agricola, Valade SAS et Financière Lubersac, Materne SAS, MBMA SAS, MBMA Holding SAS, Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg, Groupe Lactalis SA et B.S.A., entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 10 juillet 2019, Adopte la décision suivante :
Résumé (1)
Aux termes de la présente décision, l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité " ) sanctionne les sociétés Materne, Andros, Conserves France, Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg, Charles Faraud, Charles & Alice, Valade et Coroos Conserven BV pour avoir mis en œuvre entre octobre 2010 et janvier 2014, une pratique anticoncurrentielle par objet visant, d'une part, à manipuler les prix des produits vendus à la grande distribution sous marques de distributeur (ci-après " MDD " ) et aux distributeurs de la restauration hors foyer (ci-après " RHF " ) dans le secteur des compotes et, d'autre part, à se répartir, pour ces mêmes produits, les clients et les volumes.
Ces entreprises ont mis en œuvre une pratique anticoncurrentielle qui a consisté à :
- mettre en place et appliquer un plan d'ensemble destiné à augmenter les prix de vente des compotes auprès des clients MDD et RHF, définir un discours commun justifiant ces hausses de prix, fixer des prix cibles par type de produit, stabiliser la répartition des volumes de compotes vendus entres les entreprises participantes et décliner ces principes en échangeant lors des appels d'offres des clients ;
- décliner les principes fixés dans ce plan d'ensemble en concluant des accords d'augmentation des prix, de répartition des volumes de produits vendus et des clients ;
- dresser le bilan du respect des règles fixées dans ce plan d'ensemble et prévoir un système de compensation pour les entreprises qui ont perdu des volumes de vente. Afin de mettre en œuvre cette infraction unique et continue, les entreprises concernées ont multiplié les contacts multilatéraux et bilatéraux lors de réunions, de rencontres, d'échanges de courriels ou d'appels téléphoniques. Le mécanisme d'entente déployé en l'espèce revêtait un caractère secret sophistiqué. En effet, certains salariés des sociétés impliquées bénéficiaient de téléphones portables spécialement dédiés aux échanges et à la mise en œuvre de l'entente. De même, la plupart des réunions se tenaient non pas dans des locaux professionnels mais dans des hôtels ou des restaurants.
Cette entente secrète a été révélée grâce à la procédure de clémence qui permet aux entreprises ayant participé à une entente d'en révéler l'existence à l'Autorité et d'obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d'une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire, en fonction notamment de leur rang d'arrivée à l'Autorité.
En effet, l'affaire a été portée à la connaissance de l'Autorité au début de l'année 2014 par les sociétés du groupe Coroos, qui ont sollicité le bénéfice de la clémence et ont bénéficié d'une exonération totale de la sanction.
Les opérations de visite et saisie réalisées en France en septembre 2015 ont permis de réunir de nombreuses preuves qui ont complété les preuves apportées par le demandeur de clémence. L'infraction a notamment consisté en la mise en place d'accords horizontaux secrets sur les prix et sur les volumes qui constituent, par leur nature, les infractions les plus graves du droit de la concurrence. Elle s'est également traduite par des échanges d'informations dont la gravité, moins importante, est néanmoins réelle car ces échanges ont fortement diminué l'incertitude du comportement des opérateurs concernés sur le marché. Cette infraction, qui a impliqué les principaux fabricants de compotes vendues aux distributeurs MDD et RHF, était d'une ampleur nationale. Elle a porté sur des produits de grande consommation que sont les compotes en coupelles et en gourdes.
L'Autorité, après avoir examiné l'ensemble des faits du dossier, a estimé qu'il y avait lieu de prononcer des sanctions pécuniaires d'un montant total de 58 283 000 euros à l'encontre des entreprises mises en cause.
I. Les constatations
1. Seront successivement présentés la procédure (A), le secteur d'activité concerné (B), les acteurs du secteur (C) et les pratiques constatées (D).
A. LA PROCEDURE
2. Le 28 janvier 2014, un rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence (ci-après : " l'Autorité " ) a reçu une demande sommaire de clémence pour le compte des sociétés Coroos Beheer BV, Coroos Conserven BV et de toutes les autres sociétés appartenant au même groupe. Cette demande, complétée le 3 juillet 2014 et étendue à la société Stichting Administratiekantoor OKB, concernait une entente présumée dans le secteur des fruits en coupelles et en gourdes vendus dans les segments des marques de distributeurs (ci-après : " MDD " ), marques petits prix (ci-après : " MPP " ) et restauration hors foyer (ci-après : " RHF " ) en France, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas.
3. Les déclarations des demandeurs faisaient état de pratiques impliquant des répartitions de volumes dans le cadre d'appels d'offres des distributeurs sur les marchés précités et des ententes sur la hausse des prix des produits vendus entre elles et les sociétés Andros, Charles Faraud, Conserves France, Lactalis / Délis, Materne et Valade.
4. Par un avis n° 15-AC-01 du 1er juillet 2015, l'Autorité a accordé aux sociétés Stichting Administratiekantoor OKB, Coroos International NV et à l'ensemble de leurs filiales le bénéfice conditionnel d'une exonération totale des sanctions éventuellement encourues en France pour les pratiques décrites dans le secteur des fruits en coupelles et en gourdes vendus à la grande et moyenne distribution sous MDD ou MPP et dans le segment de la RHF, sur le territoire français.
5. Par décision n° 15-SO-08 du même jour, l'Autorité s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.
6. Le 11 septembre 2015, le juge des libertés et de la détention (ci-après : " JLD " ) du tribunal de grande instance (ci-après : " TGI " ) de Paris a autorisé les services d'instruction à mener des opérations de visite et saisie dans les locaux de Materne, Andros, Novandie, Charles Faraud, Valade, Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg " Unifruit ", Groupe Lactalis et Conserves France. Ces opérations se sont déroulées le 22 septembre 2015. Le même jour, des opérations de même nature se sont déroulées dans les locaux des sociétés Coroos Beheer BV et Coroos Conserven BV, avec la coopération de l'autorité de la concurrence néerlandaise (Authority for Consumers and Markets, ACM), sur le fondement de l'article 22, paragraphe 1 du règlement 1/2003 du Conseil de l'Union européenne.
7. L'autorisation et le déroulement des opérations de visite et saisie ont fait l'objet de recours de la part des sociétés Valade, Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg, Groupe Lactalis, Materne, Charles Faraud et Conserves France. Le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris a, par des ordonnances du 28 juin 2017, confirmé l'ordonnance du JLD. Il a également rejeté les recours contre les opérations de visite et saisie, sauf en ce qui concerne deux procès-verbaux d'auditions menées dans les locaux de Charles Faraud, qui ont été annulés, la saisie de certaines pièces collectées chez Valade et Conserves France qui étaient protégées par le secret des correspondances avocat-client, ainsi que deux pièces hors champ de l'ordonnance saisies chez Conserves France.
B. LE SECTEUR D'ACTIVITE CONCERNE
1. LES PRODUITS CONCERNES
8. Le secteur de la transformation de fruits regroupe trois grandes catégories de produits :
- les compotes et purées de fruits ;
- les confitures, gelées et marmelades et,
- les conserves.
9. Il comprend également, de façon plus marginale, les fruits surgelés, les fruits frais prêts à l'emploi (épluchés) et les fruits déshydratés.
10. Les compotes et purées de fruits sont des fruits cuits avec ou sans sucre. Elles sont mises sur le marché dans différents conditionnements : bocaux en verre, boîtes de conserve, coupelles individuelles en plastique ou en aluminium (de 90 g ou 100 g en général) ou gourdes (de 90 g à 120 g en France).
11. Les compotes et purées de fruits qui se conservent à température ambiante relèvent de l'épicerie, contrairement à celles qui se conservent au frais et qui sont rattachées au segment ultra-frais. Cette différence de segmentation tient à la qualité des fruits utilisés et aux températures de pasteurisation.
12. Pour les besoins de la présente décision, les compotes et purées de fruits seront regroupées sous le terme générique de " compotes " 12. Pour les besoins de la présente décision, les compotes et purées de fruits seront regroupées sous le terme générique de " compotes ".
2. LES CANAUX DE DISTRIBUTION
a) La grande distribution
13. Le principal débouché des producteurs de compotes et purées de fruits est le circuit des grandes et moyennes surfaces de distribution (ci-après : " GMS " ), y compris les enseignes de hard discount.
14. Une partie des produits sont vendus sous marques dites premiumou nationales (par exemple Materne, Pom'Potes, Andros, St-Mamet, Charles et Alice). Dans ce cas, fournisseurs et distributeurs conviennent, à l'occasion de négociations bilatérales, des conditions de référencement en rayon de ces produits (des prix de gros, des remises, des frais de référencement et des promotions).
15. Une autre partie des compotes et purées de fruits sont vendues sous MDD. L'article L. 1126 du Code de la consommation précise qu' " est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu ". Les MDD peuvent notamment être des MPP ou des premiers prix (ci-après : " PPX " ).
16. Pour la commercialisation des MDD, des procédures d'appels d'offres sont généralement organisées par chaque distributeur ou centrale d'achat pour sélectionner les fournisseurs, mais il peut aussi y avoir des ventes de gré à gré. Dans cette hypothèse, les distributeurs n'organisent pas un appel à la concurrence et négocient directement avec les producteurs. Les distributeurs disposent de toute latitude pour décider des modalités d'organisation des appels d'offres et notamment de leur fréquence et du regroupement ou de la segmentation des produits et de la durée des contrats, qui est en règle générale annuelle.
b) La restauration hors foyer
17. Le second débouché pour les producteurs de compotes et purées de fruits est la RHF, qui comprend notamment la restauration collective, les hôtels et restaurants, les hôpitaux et autres établissements d'hébergement. Ces organismes recourent à des distributeurs spécialisés en RHF, comme Sodexo, Compass, Pomona, Pro A Pro ou Transgourmet.
18. Les négociations avec les distributeurs du segment RHF se déroulent généralement à l'occasion des procédures d'appels d'offres organisées par les distributeurs spécialisés.
C. LES ACTEURS DU SECTEUR
1. LES ENTREPRISES CONCERNEES
a) Le groupe Andros
19. Propriété de la famille Gervoson, le groupe Andros est le leader de l'industrie française de la transformation de fruits. Il est également actif dans le secteur des produits laitiers à travers la société Novandie.
20. Le groupe Andros est particulièrement présent dans les segments des compotes et des confitures par l'intermédiaire de ses marques fortes, Andros et Bonne Maman. Il produit également pour les MDD et la RHF. Trois sociétés du groupe participent à l'activité de transformation de fruits : Andros SNC (enregistrée au RCS de Cahors sous le n° 428 682 447), Odenwald Früchte (SARL de droit allemand - GmbH - enregistrée au Amtsgericht Darmstadt sous le n° HRB 70104) et Materne Confilux (société anonyme belge enregistrée à Namur sous le n° 32).
21. Ces trois sociétés sont détenues à plus de 99 % par la maison mère Andros et Cie (SAS enregistrée au RCS de Cahors sous le n° 395 287 519), comme le montre l'organigramme simplifié ci-dessous, inchangé depuis 2001 (jusqu'au 30 juin 2011, Fruival était une filiale distincte, détenue directement par Andros et Cie). Dans le graphique ci-dessous, l'encadré " Andros " représente la société Andros SNC.
Figure 1-Organigramme du groupe Andros
[TABLEAU]
Source : Andros (2)
22. En 2010, M. A était directeur général de Novandie et directeur MDD Europe mais les pièces du dossier montrent qu'il exerçait aussi des fonctions concernant l'activité fruitière du groupe Andros, avant même de devenir directeur général d'Andros SNC en 2013. À partir de 2011, Mme B devient directrice générale adjointe d'Andros SNC et responsable MDD.
b) Charles Faraud et Charles & Alice
23. Charles Faraud (RCS Avignon 328 024 898) est à l'origine une entreprise spécialisée dans la transformation de fruits à destination de la RHF. Le 8 septembre 2010, elle a racheté la société Hero France, qu'elle a rebaptisée Charles & Alice (RCS Romans 347 681 074) en janvier 2012. Les marques Charles Faraud et Hero ont disparu au profit de la marque Charles & Alice, qui est commercialisée à la fois en GMS et en RHF. Le groupe produit aussi des produits à base de fruits pour les MDD de la grande distribution.
24. M. C est président de Charles Faraud et Charles & Alice. Sur la période des faits concernés, M. D était le directeur commercial de Hero France, puis de Charles Faraud et Charles & Alice. M. C et M. D représentent donc à la fois Charles Faraud et Charles & Alice.
c) Conserves France
25. La société Conserves France est née en 1997 de la fusion des sociétés OTRA (groupe Conserve Italia) et Verjame. Implantée à Nîmes, elle est spécialisée dans les conserves. Jusqu'au 30 septembre 2015, date de la cession de sa branche fruits au fonds d'investissement Florac, Conserves France produisait des fruits au sirop, des salades de fruits en conserves et des compotes. Pour cette branche fruits, sa marque principale était St-Mamet. Elle commercialisait ses compotes essentiellement sous MDD et auprès de la RHF, mais proposait également des compotes en gourdes au rayon épicerie en partenariat avec la marque Oasis.
26. Conserves France est une société anonyme (RCS Tarascon 706 220 548), détenue à 95,17 % par Conserve Italia, société coopérative agricole du deuxième degré à but non lucratif immatriculée au registre italien des sociétés coopératives sous le numéro A10633318. À partir du 1ermai 2016, la participation de Conserve Italia atteint 99,76 %.
27. Le président directeur général de Conserves France était M. E. M. F était directeur d'exploitation de Conserves France jusqu'en 2015. En 2010, M. G était directeur commercial de Conserves France. Il a été remplacé à ce poste en 2011 par M. H, lequel a exercé ses fonctions jusqu'en avril 2015.
d) Coroos
28. Coroos est une conserverie néerlandaise de fruits et de légumes.
29. À la tête du groupe Coroos se trouve la société OKB ( " Stichting Administratiekantoor ", bureau d'administration de droit néerlandais, numéro d'entreprise 41114051). Elle détient l'intégralité du capital de la holding financière Coroos International NV. (Coroos International NV., numéro d'entreprise 22037823), qui détient elle-même l'intégralité du capital de la holding financière opérationnelle Coroos Beheer BV (COROOS Beheer BV, numéro d'entreprise 22027291).
30. Coroos Beheer BV détient deux filiales à 100 % : Coroos Conserven BV qui s'occupe entre autres de la vente de tous les produits du groupe Coroos (Coroos Conserven BV, numéro d'entreprise 22014802) ; la filiale de production, Coroos Productie BV (Coroos Productie BV, numéro d'entreprise 11019227).
31. Coroos Conserven BV détient la SARL Servero, bureau de vente établi à Paris qui n'a pas de personnel (RCS Paris 477 613 194).
Figure 2 - organigramme du groupe Coroos
[TABLEAU]
Source : Coroos (3)
32. M. I est directeur général de Coroos Conserven BV et de Coroos International NV. Sur la période examinée, M. J est directeur des ventes de Coroos Conserven BV.
e) Le Groupe Lactalis et les sociétés Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg
33. Fondé en 1933, Lactalis est le premier groupe laitier mondial. Il est actif dans le secteur des compotes et fruits transformés à travers les sociétés SAS Vergers de Châteaubourg et Délis SA.
34. La société anonyme Groupe Lactalis (RCS Laval 331 142 554) détient directement à 99,99 % SAS Vergers de Châteaubourg SAS (RCS Rennes 399 539 782), laquelle détient directement 99,98 % de Délis SA (RCS Rennes 394 134 977).
Figure 3 - organigramme de la société Délis de décembre 2014 à 2016
[TABLEAU]
Source : Délis SA (4)
35. La société SAS Vergers de Châteaubourg est un spécialiste de la transformation de fruits (5). Elle gère l'outil de production et vend des produits dans des conditionnements à grands volumes à destination de l'industrie alimentaire et de l'artisanat.
36. De son côté, la société Délis SA commercialise les produits, principalement sous MDD et marques PPX. Sous la marque Breizh'pom, elle vend des compotes et purées de fruits en coupelles et en gourdes à la grande distribution, seulement en Bretagne. L'entreprise s'est désengagée progressivement, à partir de 2012, du segment de la RHF. Les reliquats de ventes sur ce segment sont liés à l'exécution de contrats en cours.
37. M. K est à la tête de Délis SA en tant que directeur des clients. Il était rattaché directement au directeur du site de Châteaubourg, M. L. Ce dernier a été remplacé par M. M au 1er janvier 2014.
f) Materne et le groupe MOM
38. Issu de la fusion opérée en 2007 entre Materne, spécialiste des compotes de fruits, et Mont-Blanc, fabricant de desserts lactés, le groupe MOM assure la production et la commercialisation de confitures, de compotes et de desserts lactés. Le groupe est présent industriellement en France et aux États-Unis (deux usines dans chaque pays). Il axe sa croissance sur les goûters, avec des compotes et des desserts lactés en gourdes.
39. L'activité fruitière est exercée par Materne SAS. À l'époque des pratiques dénoncées, la société Materne est filiale à 100 % de MOM SAS, elle-même contrôlée directement ou indirectement à 100 % par MBMA SAS.
40. À l'automne 2016, les fromageries Bel ont racheté le groupe Mont-Blanc. Materne SAS, qui était filiale à 100 % de MOM SAS (RCS Paris 492 247 978), est devenue filiale à 100 % de MBMA (RCS Paris 528 048 572) à l'issue de la dissolution de MOM dans MBMA au 30 juin 2017.
41. Installée à Dardilly (69), Materne SAS (RCS Lyon n° 398 404 194) est spécialisée dans la transformation de fruits (compotes et confitures). Elle vend ses compotes et purées de fruits sous les marques Materne, Pom'potes et Ma Pause Fruit. Elle produit également pour les MDD et la RHF.
42. M. Nest à la tête de MOM SAS et de MBMA SAS, ainsi que de Mont-Blanc SAS et Materne SAS jusqu'en 2015. M. O est alors directeur général de Materne SAS et M. P directeur commercial. Depuis 2015, M. O est président de Mont-Blanc SAS et de Materne SAS, M. N restant à la tête de MBMA SAS.
g) Valade
43. Valade (RCS Brive 677 120 263) est une PME corrézienne spécialisée dans la transformation de fruits, principalement en confitures et compotes. Elle fournit la RHF, la grande distribution et la pâtisserie.
44. Elle est détenue à plus de 99 % par la société Financière Lubersac (RCS Brive 518 672 647). Fin 2010, la Financière Lubersac a racheté l'italien Boschetti alimentaire, spécialiste de la transformation de fruits également, et début 2011, elle a racheté la société Caraman fruit, spécialiste de la surgélation de fruits, située dans la Drôme.
45. M. Q est président de Valade ainsi que de la Financière Lubersac. M. R est le directeur commercial RHF de Valade. M. S est directeur MDD.
2. LES ORGANISMES DE REPRESENTATION ET DE DEFENSE DE LA PROFESSION
46. Hormis Coroos, toutes les entreprises mises en cause sont membres de l'Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (ci-après : " l'ADEPALE " ).
47. Au sein de cette association, elles font partie de la Fédération française des industries d'aliments conservés (FIAC) et participent à des réunions du " groupe Fruits " présidé par M. C, président de Charles Faraud, depuis 2012 et dont elles sont membres. Ce groupe est constitué de 36 entreprises qui produisent des compotes, confitures, conserves de fruits ainsi que des préparations à base de fruits à destination de l'industrie. La FIAC défend la profession et la filière, fait de la promotion collective des produits et a une activité de représentation auprès des pouvoirs publics.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
48. L'instruction a permis de constater l'existence, entre octobre 2010 et janvier 2014, d'échanges nombreux et protéiformes entre plusieurs producteurs de compotes et de purées de fruits concurrents, susceptibles de fausser la concurrence sur le marché français des produits de fruits transformés cuits, commercialisés en coupelles et en gourdes à destination de la grande distribution et des distributeurs RHF.
49. Ces échanges s'inscrivaient dans un contexte sectoriel particulier, en proie à une double contrainte. La première résultait de la baisse de rentabilité des produits commercialisés, due à l'augmentation du prix des matières premières et des emballages, ainsi qu'à la pression tarifaire continue exercée par les distributeurs de MDD et de RHF qui les achetaient. La seconde découlait du souhait de Coroos de mener une politique tarifaire agressive de nature à déstabiliser durablement la répartition du marché entre les acteurs historiques du secteur.
50. Ainsi, elles ont, au travers de réunions qui se sont déroulées d'octobre à décembre 2010, décidé de modifier les paramètres de la concurrence sur le marché, en augmentant le prix des biens vendus à la grande distribution en MDD et aux distributeurs de la RHF et en se répartissant les clients (6). La réalisation de cet objectif passait par le trucage d'appels d'offres de la grande distribution et de distributeurs RHF (7). Par ailleurs, lorsque les résultats des appels d'offres n'étaient pas conformes à ce qui avait été convenu, un mécanisme de compensation permettait à l'entreprise concernée d'équilibrer ses pertes (8).
51. Ces échanges ont duré jusqu'au 10 janvier 2014, date à laquelle Coroos a fait savoir à Materne qu'elle ne souhaitait plus participer à ces pratiques. En pratique, ces échanges ont pris la forme de réunions multilatérales (1.), de rendez-vous bilatéraux ou trilatéraux (2.), de prises de contact par messageries électroniques personnelles (3.) et par téléphone (4.).
1. LES REUNIONS MULTILATERALES ENTRE SOCIETES CONCURRENTES
52. Il résulte des pièces du dossier que des représentants des sociétés en cause ont participé à au moins neuf réunions et un dîner. Ces rencontres sont détaillées ci-après en passant en revue les preuves de participation à la réunion et des éléments relatifs à son objet.
La réunion du 5 octobre 2010
53. Divers éléments du dossier attestent de la tenue d'une réunion le 5 octobre 2010, à l'hôtel Concorde Opéra, situé 108 rue St-Lazare à Paris.
54. M. J, directeur des ventes de la société Coroos, qui a sollicité le bénéfice de la clémence, a indiqué que des représentants des sociétés Andros, Charles Faraud, Conserves France, Délis SA, Valade, Materne et lui-même, se sont réunis le 6 octobre 2010, dans un hôtel du quartier St-Lazare (Concorde Opéra ou Opéra Diamond). À l'appui de sa déclaration, il a fourni des notes manuscrites sur papier à en-tête des hôtels Concorde (9). Il a déclaré que toutes les entreprises qu'il a identifiées comme participant à la pratique dénoncée étaient présentes lors de cette première réunion.
55. Par ailleurs, les services d'instruction ont saisi, lors des perquisitions, des notes manuscrites de M. K, responsable commercial de Délis SA (10), prises sur du papier à en-tête des hôtels Concorde et datées du 5 octobre 2010 (11). Sur la première page de ces notes, en introduction et après la mention " nouvel intervenant ", sont listées les indications suivantes : " [M. O], [M. P], [M. N] - St-Mamet, Cooros, Farraud ".
56. Enfin, en audition, MM. O et P, directeur général et directeur commercial de Materne (12) et M. C, président de la société Charles Faraud (13), ont confirmé la tenue d'une réunion le 5 octobre 2010 à l'hôtel Concorde Opéra ainsi que leur présence et celle d'autres participants. M. O, directeur général de Materne a indiqué avoir réservé la salle de réunion.
Les preuves de participation à la réunion
57. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à cette réunion.
Tableau 1 -- preuves de participation
[TABLEAU] (14) (15) (16) (17)
Les éléments relatifs à l'objet de la réunion
58. Le demandeur de clémence a indiqué que lors de cette première réunion, M. O, directeur général de Materne, a présenté aux participants une étude des livraisons de fruits en coupelles et en gourdes MDD à la grande distribution et à la RHF, au moyen d'un document Powerpoint (18).
59. Or, les deux pages de notes manuscrites de M. K, directeur des clients de Délis SA, datées du 5 octobre 2010 (19), ainsi qu'une autre page de notes manuscrites (20), correspondent en détail à une présentation Powerpoint saisie chez Materne et intitulée " P&L novembre 2010 " (21), dont M. P, directeur commercial de Materne, a indiqué être l'auteur (22). En anglais, l'acronyme " P&L ", signifie " profit and loss ", soit profits et pertes.
60. Certains chiffres diffèrent entre le document Powerpoint précité et les notes des participants à la réunion. Ces différences s'expliquent par le fait que la présentation a pu être rectifiée ou mise à jour entre octobre et novembre 2010. La circonstance que les notes correspondent presque mot pour mot au document Powertpoint intitulé " P&L " montre que celui-ci a été présenté en réunion ou qu'il a, à tout le moins, servi de base à une partie substantielle de la discussion.
61. Ce document présente le contexte du marché. Il fait état de l'augmentation du coût des matières premières et des emballages, concluant sur une " faible rentabilité des MDD " (23). Les notes manuscrites de M. K[...], directeur des clients de Délis SA, indiquent aussi " MCV-marge coût variable ".
62. Il présente également les objectifs des participants pour 2010 et 2011 en termes de prix et de profitabilité. À ce titre, il précise qu'il convient de " couvrir l'intégralité des hausses de prix de revient des produits et de remonter le niveau de profitabilité de l'ensemble du marché " (24).
63. Par ailleurs, ce même document indique l'évolution des volumes en tonnes entre 2008 et 2010 par entreprise (25). Les notes saisies dans le bureau de M. K, reprennent l'historique des ventes " GMS " (grandes et moyennes surfaces) des mêmes enseignes pour la même période (26).
64. Ce document présente aussi les marchés qui ont changé de producteur. À ce titre, il mentionne notamment que 3 500 tonnes de coupelles au rayon frais chez Carrefour sont passées d'Andros à Charles Faraud (27).
65. Il indique également les appels d'offres de la grande distribution en cours ou à venir pour des compotes en coupelles (28). Les notes de M. K saisies chez Délis SA (29) reflètent également cette partie de la présentation " P&L ".
66. Enfin, il dresse la liste des marchés à rentabilité négative ou faible (30). Les notes de M. K correspondant à cette page indiquent " revoir les prix nets nets " (31).
67. Les notes de M. K, directeur des clients de Délis SA, reprennent les éléments contenus dans la présentation " P&L ". Ainsi, elles font notamment référence aux volumes des appels d'offres de l'année à venir par entreprise (32). Sur ce point, les notes indiquent : " revoir les volumes par distributeur, coupelles frais, Carrefour épicerie " (33).
68. Ces notes retranscrivent aussi les projections de répartition des parts de marché pour la RHF (34).
69. Par ailleurs, les volumes attribués à chaque entreprise sont identiques à ceux du tableau produit par Materne en ce qui concerne la colonne " cups " (coupelles) (35). En revanche, pour la colonne " autres ", les chiffres dans les deux documents diffèrent, ce qui indique que le tableau discuté en octobre 2010 n'était pas tout à fait le même que celui de la présentation " P&L novembre 2010 ".
70. En conclusion, si la présentation retrouvée chez Materne est datée de novembre 2010, les notes de M. K attestent du fait qu'une présentation similaire, probablement mise à jour par la suite, a été montrée lors de la réunion du 5 octobre 2010.
71. Le tableau comparatif de la présentation " P&L novembre 2010 " et des notes manuscrites précitées, présentés à la page suivante, le démontre.
Tableau 2 -- Tableau comparatif du " P&L " et des notes de M. K, directeur des clients de Délis SA
[TABLEAU]
72. Par ailleurs, un tableau édité le 1er décembre 2010, veille d'une autre réunion, a été saisi chez Délis SA, dans le bureau de M. K (36). Il porte sur la répartition des volumes du segment RHF en tonnes par producteur et par client concernant les coupelles.
73. À l'appui de sa demande de clémence, Coroos a fourni des données identiques à celles figurant dans ce tableau saisi chez Délis SA (37), lesquelles indiquent qu'elle avait tiré ces informations de la présentation faite par M. O, directeur général de Materne, lors de la première réunion (38).
74. Les participants ont partagé ces données sur la répartition des fournisseurs et clients RHF.
75. Enfin, certains documents saisis chez Délis SA établissent la mise en œuvre des principes discutés pendant la réunion du 5 octobre 2010.
76. En effet, un message électronique envoyé par M. K en interne le 12 octobre 2010, soit quelques jours après cette réunion, contient un tableau intitulé " DELIS Projection atterrissage Budget Tarification 2011.xls ", présentant, selon l'expéditeur, les " différents paramètres pour exécuter/réaliser nos objectifs 2011 " (39).
77. Ce tableau indique notamment les réalisations en 2009 et 2010 pour les coupelles et les gourdes, les prévisions pour le budget 2011 et les évolutions tarifaires souhaitées pour 2011.
78. Il est cohérent avec les discussions de la réunion du 5 octobre 2010 :
- à propos des coupelles demandées par le client Scamark (Leclerc) au rayon frais, il est écrit : " Nous prenons à Materne ", et en face sont indiquées 500 tonnes, alors que le document " P&L ", intitulé " volumes 2011 " (40), indique que Lactalis doit gagner sur Materne 660 tonnes de coupelles au rayon frais pour le client Leclerc ;
- il est également indiqué " Carrefour frais : AO (appel d'offres) à venir (1/06/11) à Novandie " en cohérence avec la présentation " P& L " (41) qui attribue la moitié de l'appel d'offres Carrefour coupelles frais à Andros ;
- à propos de l'appel d'offres Intermarché ambiant gourdes, il est écrit " face à Delvert. Autres ne doivent pas coter " (42) et
- à propos d'un appel d'offres de Scamark (Leclerc) pour des gourdes, il est écrit : " Materne en place ne doit pas nous bloquer " - à propos d'un appel d'offres de Scamark (Leclerc) pour des gourdes, il est écrit : " Materne en place ne doit pas nous bloquer ".
79. Ce tableau, édité le 28 octobre 2010, a été saisi chez Délis SA, dans le bureau de M. K (43), dans le même dossier que les notes manuscrites correspondant aux premières réunions, notamment celle du 5 octobre 2010.
80. D'autres notes manuscrites de M. K (44) ont été saisies dans le même dossier. L'une fait notamment référence à un appel d'offres de Carrefour frais pour le 1er mars 2011. Il est également question de hausse de prix de l'ordre de " 0,19 - 0,22 euros kg ". Ces notes correspondent aux hausses indiquées dans une présentation " P&L " ultérieure intitulée " P&L 2 " saisie chez Valade et chez Délis SA. Ces dernières font également référence à un appel d'offres de Carrefour Ambiant du 1er janvier 2011, et une annotation qui semble concerner ces deux appels d'offres. En haut de la page, le nom de M. N, président de MOM, apparaît.
81. Il y est par ailleurs question d'un appel d'offres d'Intermarché pour 600 tonnes de gourdes (45). Il est écrit " pour couper court il faut dire que St-Mamet et Délis SA vont se tel semaine prochaine ". Ces éléments sont cohérents avec le tableau attribuant l'appel d'offres Intermarché pour les gourdes à Délis SA (46).
82. Pour conclure, la réunion du 5 octobre 2010 avait donc pour objet de :
- faire le point sur le niveau des prix et des marges (paragraphes 61 et 66) ;
- fixer les objectifs des participants pour 2010-2011 (paragraphe 62) ;
- discuter de la répartition du marché français MDD et RHF des fruits en coupelles et en gourdes entre producteurs en l'état (2010) et à venir (2011) (paragraphes 64 et 65) ;
- échanger sur les prix (paragraphe 80) ;
- échanger sur les appels d'offres en cours et à venir (paragraphes 67 et 80) et,
- répartir les clients et appels d'offres entre concurrents (paragraphes 68, 77 et suivants).
La réunion du 4 novembre 2010
83. Les éléments du dossier attestent de la tenue d'une réunion le 4 novembre 2010, à l'hôtel parisien Concorde Opéra.
84. Le demandeur de clémence a indiqué qu'une réunion avait rassemblé ce jour-là toutes les entreprises participant à la pratique à 9 heures (47).
85. L'existence de cette réunion est par ailleurs attestée par la réservation, par Materne, d'une salle de réunion de 9 heures à midi dans cet hôtel (48), pour le compte de M. O (Materne) (49).
86. Les déclarations en audition de M. K, directeur des clients de Délis SA (50) et de M. Q, président de Valade (51) confirment la tenue de cette réunion. Ce dernier a indiqué avoir reçu une invitation de la part de Materne, qui organisait la réunion.
Les preuves de la participation à cette réunion
87. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à cette réunion.
Tableau 3 -- preuves de participation
[TABLEAU] (52) (53) (54) (55) (56) (57) (58)
Les éléments relatifs à l'objet de la réunion
88. D'après M. Q, président de Valade, cette réunion a porté sur la GMS, la difficulté de " passer " les hausses auprès de la grande distribution en période d'augmentation du prix des matières premières - c'est-à-dire de compenser intégralement une hausse du coût des matières premières par une hausse du prix facturé aux distributeurs - et de l'expansion du marché des gourdes (59).
89. Des notes manuscrites sur papier à en-tête de l'hôtel " Concorde " saisies dans le bureau de M. K, directeur des clients de Délis SA (60), correspondent, d'une part, à la dernière page de la présentation Powerpoint " P&L novembre 2010 " (61) saisie chez Materne et, d'autre part, à des notes manuscrites sur papier Concorde présentées par Coroos dans sa demande de clémence (62). M. Q a par ailleurs déclaré, concernant une des versions de la présentation " P&L ", dont un exemplaire a été saisi dans les locaux de son entreprise, qu'elle a été projetée lors de la réunion de novembre 2010 (63).
90. Les notes de M. K (Délis SA) et de M. J (Coroos) et la présentation " P&L novembre 2010 " (64) montrent que les participants à la réunion ont parlé de la répartition de l'appel d'offres " en cours ou à venir " de Carrefour pour les coupelles de fruits au rayon épicerie, auquel il était déjà fait référence à la page 6 de cette présentation (65). Les différentes gammes de produits demandées par Carrefour en MDD sont réparties entre les fournisseurs actuels : Lactalis, Charles Faraud, Valade, Materne et Coroos. Les notes manuscrites présentent un bloc Carrefour discount et ED, partagé entre Coroos et Lactalis et un bloc Carrefour classique et sans sucre ajouté, fourni par Charles Faraud (Hero) et par Valade. Le bio est fourni par Charles Faraud.
91. D'autres notes dactylographiées et manuscrites apportées par le demandeur de clémence (66) confirment la répartition du marché des coupelles Carrefour pour 2011 entre Charles Faraud (Hero) et Valade. Ces notes dressent une liste de produits et de prix de vente correspondant visiblement à des compotes en coupelles vendues par Charles Faraud à Carrefour. Pour les " dessert[s] de fruits ", elles mentionnent également " marché 50-50 % Farraud et Valade " (sic). Le demandeur de clémence indique qu' " il découle clairement du tableau que lors de la réunion, Coroos a été informée de ce que Faraud et Valade partageaient le marché du dessert de fruits chez Carrefour " (67).
92. Par ailleurs, les tableaux retranscrits par M. K (Délis SA) dans ses notes, prises sur papier Concorde et saisies dans son bureau (68), correspondent exactement aux tableaux copiés à la main par M. J (Coroos) sur le même papier à en-tête. Ces tableaux sont rassemblés sur une seule page chez Coroos (69) et sur deux pages chez Délis SA (70). Il en ressort que les participants ont discuté des hausses de prix envisageables pour l'appel d'offres Carrefour précité.
93. D'après les explications du demandeur de clémence, ces tableaux présentent, pour chaque catégorie de produit, trois hypothèses de prix correspondant respectivement à une marge sur coût variable de 0,30, 0,40 et 0,50 euro. Il s'agissait de savoir " à concurrence de combien les prix des producteurs devraient augmenter " (71) pour obtenir ces marges.
94. En audition, M. K (Délis SA) a indiqué que le chiffre encadré " 0,16 " représentait la hausse du prix de la pomme à répercuter sur le client en 2011 (72). Le dernier tableau (73) présente une application pratique de ces hausses pour l'hypothèse d'une marge de 30 centimes. Le prix actuel et le nouveau prix, repris du premier tableau, sont mis en rapport. Ainsi, par exemple, une coupelle de " pomme x 4 " qui coûtait 0,406 euro devait augmenter à 0,526 euro, soit de plus de 30 %.
95. Enfin, si les notes de MM. K (Délis SA) et J (Coroos) ne sont pas explicitement datées, elles peuvent être rattachées à la réunion du 4 novembre 2010 car elles ont été prises sur du papier à en-tête de l'hôtel Concorde et elles correspondent en partie à la dernière page de la présentation " P&L novembre 2010 ". En outre, la date de la réunion suivante est indiquée sur les notes saisies dans le bureau de M. K (Délis SA) puisqu'il est indiqué, en marge du tableau reproduit, la mention " 2/12/2010 13h30 RdV ".
96. En conclusion, cette réunion a porté notamment sur la répartition entre fournisseurs d'un appel d'offres de Carrefour (Carrefour classique, ED, Carrefour discount) pour des gourdes et des coupelles de compote au rayon épicerie (paragraphes 90 à 92) et sur la possibilité d'obtenir des hausses de prix pour ces différents produits (paragraphes 93 et 94).
La réunion du 2 décembre 2010
97. Divers éléments du dossier attestent de la tenue d'une réunion le 2 décembre 2010 à l'hôtel Best Western Opéra Diamond, situé 4 rue de la Pépinière à Paris.
98. Comme l'indique le paragraphe 95 de cette décision, une note manuscrite de M. K (Délis SA) indiquait qu'une prochaine réunion devait se tenir à cette date à 13h30.
99. En outre, un message électronique envoyé par M. G (Conserves France) à M. E (Conserves France), faisant référence à un " rendez-vous compote " est rédigé en ces termes : " Le rendez-vous compote de demain est maintenu à 13H30. il a lieu à l'hotel BESTWESTERN Opéra diamond, 4 rue de la pépinière Paris 8. C'est près de la gare STLAZARE. Suivant a l'heure que tu arrives on fera la réunion avec COOROS après la réunion compote ou alors on dinera le soir avec lui. Tiens-moi au courant de ton heure d'arrivée " (74) (sic).
100. M. O (Materne) a confirmé en audition la tenue de cette réunion (75). M. P (Materne) a déclaré avoir réservé la salle (76).
Les preuves de la participation à la réunion
101. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à cette réunion.
Tableau 4-- preuves de participation
[TABLEAU] (77) (78) (79) (80) (81) (82) (83) (84) (85) (86) (87)
Les éléments relatifs à l'objet de la réunion
102. D'après M. A, directeur général de Novandie (du groupe Andros), cette réunion a porté sur la hausse du prix des matières premières, dont celle de la pomme et du sucre, et ses répercussions sur les prix des produits MDD. Ainsi, " certains participants ont évoqué des besoins chiffrés de hausse en MDD et RHF " (88).
103. Les services d'instruction ont saisi des notes manuscrites prises sur du papier à en-tête Best Western -Hôtel Opéra Diamond chez Délis SA, dans le bureau de son directeur des clients, M. K (89). Il y est question du rayon frais, d'Auchan, de Metro, de Carrefour et de prix, pour une échéance au 1er janvier 2011. Cette date et l'en-tête du papier constituent, pris ensemble, un faisceau d'indices permettant le rattachement de ces notes à cette réunion. Les derniers mots, écrits avec un autre stylo, font référence à une personne qui, d'après la déclaration de M. Ken audition, occupait les fonctions d'acheteur chez Carrefour.
104. Par ailleurs, les services d'instruction ont saisi lors des perquisitions, dans l'ordinateur de M. Q, président de Valade (90), une présentation intitulée " P&L 2 ". Les métadonnées de ce document - c'est-à-dire certaines de ses propriétés électroniques qui le décrivent ou l'identifient et comportent des informations telles que le titre, le nom de l'auteur et l'objet d'un document, font apparaître le nom du directeur commercial de Materne et indiquent qu'il a été créé le 1er décembre 2010 et modifié le 5 décembre 2010 (91).
105. Selon M. Q (Valade), cette présentation a été projetée lors de la réunion du 4 novembre 2010 (92). Cependant, étant donné la date de création du document et celle de son dernier enregistrement, il est probable que Materne l'ait présenté lors de la réunion du 2 décembre 2010 pour l'envoyer ensuite à M. Q, qui n'avait vraisemblablement pas pu y participer. Par ailleurs, M. Q a commenté le contenu de cette présentation dans les termes suivants : " La première page présente des hausses de matières premières et la deuxième des impacts sur des coûts de revient. La dernière partie est sur des hausses de prix avec des objectifs, qui pour moi ne voulaient rien dire " (93).
106. De plus, au regard du contenu de la présentation, les déclarations de M. A (Andros) mentionnées au paragraphe 102 corroborent la discussion de cette présentation lors de cette réunion.
107. Dans le même sens, des notes manuscrites saisies dans le bureau de M. K (Délis SA) (94) attestent de sa connaissance du contenu de cette présentation. Cela renforce la vraisemblance de sa présentation au cours d'une réunion. Ces notes comportent, outre les données exactes de la présentation, les numéros de téléphone de M. G de Conserves France et de M. R (Valade). Ce dernier correspond au numéro indiqué pour cette personne dans la demande de clémence.
108. Les notes manuscrites de M. K (Délis SA) (95) reprennent, dans l'ordre, les éléments des trois pages de la présentation " P&L 2 " (96) : les hausses de matières premières, les objectifs de hausse pour les gourdes, les coupelles et les bocaux et une liste de prix par produit.
109. La deuxième page de la présentation " P&L 2 ", intitulée " Les hausses " (97), présente une liste de produits entrant dans la fabrication des compotes (fruits, emballages et autres coûts) en indiquant, pour chacun, un pourcentage d'augmentation.
110. La page suivante s'intitule " Objectifs de hausse en /kg " (98). Elle fixe une fourchette de hausse de 0,19 euro à 0,22 euro par kilogramme pour les gourdes, les coupelles et les bocaux. Les participants ont discuté d'un objectif de hausse des prix pour ces produits, justifiée par une augmentation des coûts de production. Cela corrobore la déclaration du demandeur de clémence, selon laquelle les participants à la pratique dénoncée se seraient entendus sur des hausses de prix sur le marché français des fruits en coupelles et en gourdes, et auraient convenu d'un discours commun pour justifier les hausses demandées aux clients (99).
111. La quatrième page de la présentation (100) indique des fourchettes de prix cibles en euros par unité de vente conditionnée, en " prix net CEE incluse ", et " au départ " pour plusieurs variétés de gourdes et de coupelles. Aucun client n'étant indiqué, il est probable qu'il s'agisse de prix cibles pour l'ensemble du marché.
112. Enfin, les services d'instruction ont saisi, lors des perquisitions, une version imprimée de la présentation Powerpoint en cause dans le bureau de M. K (Délis SA) (101). Elle est quasiment identique à celle trouvée chez Valade, mais elle comporte une page supplémentaire (102). Celle-ci s'intitule " Point sur les appels d'offres ". Elle dresse la liste de clients de la grande distribution et du hard discount, à savoir : " Lidl, Carrefour Coupelles Epicerie, Carrefour UF : coupelles & gourdes, Le Mutant, Intermarché Gourdes et EMC ".
113. En conclusion, la réunion du 2décembre 2010 avait pour objet de :
- couvrir les hausses de prix de revient (matières premières notamment) et mettre au point un discours pour justifier ces hausses auprès des clients (paragraphes 102 et 109) ;
- fixer des objectifs de hausse de 0,19 à 0,22 euro par kg notamment pour les coupelles et les gourdes (paragraphe 110) ;
- fixer des fourchettes de prix cibles par produit (paragraphes 110 et suivants) et,
- s'entendre sur certains appels d'offre au cas par cas (paragraphes 112 et suivants).
114. En outre, les participants y ont échangé leurs numéros de téléphone.
La réunion et le dîner du 24 janvier 2011
115. Le demandeur de clémence a indiqué qu'une réunion avait eu lieu le 24 janvier 2011 dans un hôtel proche de l'aéroport de Lyon, en présence de MM. I et J (Coroos), de M. O et M. P (Materne) et de M. K (Délis SA). Materne est désigné comme l'organisateur. Les participants auraient ensuite dîné au restaurant (103).
116. Materne a fourni la facture de la réservation d'une salle au Novotel de Lyon Gerland le 24 janvier 2011 (104).
117. MM. O et P (Materne) ont confirmé en audition l'existence de cette réunion et de ce dîner auquel, selon eux, MM. I et J (Coroos) et M. K (Délis SA) ont également participé (105). Ces éléments, qui corroborent la déclaration du demandeur de clémence, contredisent la position de M. K (Délis SA) selon laquelle il s'agissait d'une grande tablée réunissant industriels et distributeurs (106).
118. Concernant la réunion au Novotel, M. O (Materne) a indiqué en audition qu'il y avait peut-être, outre les personnes précitées, un représentant de Charles Faraud (107).
Les preuves de la participation à la réunion et au dîner
119. Le demandeur de clémence a fourni la facture d'une partie du dîner (108), en indiquant que M. O (Materne) avait payé l'autre partie. La facture correspondant à cette partie a été fournie par Délis SA dans le cadre de la demande d'information des services d'instruction sur les notes de frais (109).
120. M. K (Délis SA) a dormi dans le même hôtel que MM. O (110) et P (Materne), l'Arbresle (111), la réservation ayant été faite par l'assistante de ce dernier, y compris pour M. K (Délis SA) (112).
121. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à la réunion et au dîner.
Tableau 5-- preuves de participation
[TABLEAU] (112) (113) (114) (115)1 (116) (117) (118) (119)
Les éléments relatifs à l'objet de la réunion et du dîner
122. M. P (Materne) a déclaré : " On a abordé toujours le même sujet, la situation inextricable dans laquelle nous étions. On était dans une phase où il y avait des hausses de matière premières importantes (pomme, fruits rouges notamment) " (120).
123. Les services d'instruction ont saisi, lors des perquisitions, des notes prises par M. K sur du papier à en-tête Meeting@Novotel (121). Elles ne sont pas datées, mais mentionnent des échéances au 1er février 2011 et au 15 février 2011. En outre, la date " 24/01/2011 " est indiquée à propos de Leader Price avec la mention " pas de retour ". Ces éléments, pris ensemble, permettent d'inférer que ces notes ont été prises lors de la réunion ou du dîner en cause.
124. En exergue, on lit la mention " pas de hausses, pas de développements ". Sur la première page, il est question de prix en réponse à un appel d'offres de Carrefour pour le 1er février 2011. Des hausses de 19 % et 16 % sont proposées.
125. Sur la deuxième page, il est question d'appels d'offres de Lidl, " BVio ", Leader Price, Scamark (Leclerc), Intermarché et EMC (Casino et Monoprix). Des prix sont indiqués, ainsi que des prix cibles.
126. Sur la troisième page, il est question d'un appel d'offres Leader Price pour des produits " bio " et sans sucre ajouté (SSA), sans retour (122) au 24 janvier 2011, avec une application au 15 février pour " C " (vraisemblablement Coroos) et au 1er février pour " Mat " (certainement Materne). Une règle est indiquée à propos d'un appel d'offres ou des appels d'offres en général (AO) : " le premier appelle l'autre ". Il est ensuite question de Casino et Monoprix, mais aucun détail n'est indiqué. Enfin, après le sigle PPX, qui signifie petits prix (voir paragraphe 15), des prix sont indiqués ainsi que la date du 1ermars pour certains, mais ils sont barrés.
127. Le contenu de ces notes vient par ailleurs corroborer les dires du demandeur de clémence, qui a indiqué que lors de cette réunion, " les dossiers en cours, à savoir, des offres en cours et des hausses de prix ont été discutés " (123).
128. En conclusion, lors de la réunion du 24 janvier 2011, les participants ont échangé sur les appels d'offres en cours et sur les prix.
La réunion du 17 mars 2011
129. Cette réunion s'est tenue le 17 mars 2011 dans l'après-midi, à l'hôtel parisien Concorde Opéra.
130. Les services d'instruction ont saisi, dans le bureau de M. K (Délis SA) (124), des notes manuscrites prises sur du papier à en-tête des hôtels Concorde datées du 17mars 2011. Interrogé en audition, M. K a indiqué qu'il pourrait s'agir de notes prises pendant une réunion avec d'autres industriels sur la crise de la pomme (125).
131. La réservation d'une salle louée par le groupe MOM à l'hôtel Concorde Opéra pour M. P (Materne) le 17 mars 2011 confirme l'existence de cette réunion. Les preuves de participation à la réunion
132. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à cette réunion.
Tableau 6-- preuves de participation
[TABLEAU] (126) (127) (128) (129) (130) (131)
Les éléments relatifs à l'objet de cette réunion
133. D'après les notes manuscrites de M. K (Délis SA), plusieurs points étaient à l'ordre du jour de cette réunion, dont les surcoûts entraînés par la " crise de la pomme " et la RHF. Les discussions ont notamment porté sur les prix d'appels d'offres concernant Carrefour, Auchan et EMC (Casino/Monoprix). Les participants ont également échangé au sujet de Delvert, producteur de compote appartenant à Intermarché, qui n'est pas concerné par les pratiques litigieuses.
134. Ainsi, il a été question des gourdes Carrefour au rayon épicerie, avec un prix indiqué de 0,22 euro par kg, et des pots, avec une échéance au 1er mars 2011 et la mention " nouveau tarif pas enregistré " (132).
135. Ce prix de 0,22 euro par kg correspond à une variation et, vraisemblablement, à un objectif de hausse. En effet, il concorde avec les objectifs de hausse définis dans le document " P&L 2 ", lequel indique notamment : " coupelles [ :] + 0,19 à 0,22 /Kg " (133).-
136. Ensuite, à propos d'Auchan, il a été question des coupelles vendues au rayon frais destinées à Materne ( " Mat " ). Il est précisé que " l'acheteur ne veut pas " du prix proposé. Il ressort également de ces notes une hausse de 14 % pour les PPX de Valade et que le marché des gourdes ultra-frais n'a pas encore été attribué.
137. Pour EMC, il est indiqué " Mat " et 0,26 euro par kg. 2 200 tonnes auraient été vendues à LP (Leader Price).
138. Enfin, il est question de Delvert et du prix de lots de 4x100 g en pomme-poire et pomme-fraise, avec une indication de 260 tonnes.
139. En conclusion, lors de cette réunion, les participants ont échangé sur des appels d'offres en cours, sur les prix, sur la RHF et sur les coûts de production.
La réunion du 13 avril 2011
140. Les éléments du dossier attestent de la tenue d'une réunion le 13 avril 2011 à l'Espace Vocation St-Lazare, situé 92 rue St-Lazare à Paris.
141. Les déclarations du demandeur de clémence, corroborées par la réservation, par le groupe MOM, d'un salon à l'Espace Vocation St-Lazare pour le 13 avril après-midi (134), confirment l'existence de cette réunion.
142. M. A (Andros) a confirmé par écrit la tenue de cette réunion (135). M. P (Materne) a confirmé avoir rencontré des concurrents dans ce lieu (136).
Les preuves de participation à la réunion
143. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à cette réunion.
Tableau7-- preuves de participation
[TABLEAU] (137) (138) (139) (140) (141) (142) (143) (144) (145) (146)
Les éléments relatifs à l'objet de la réunion
144. D'après le demandeur de clémence, il a été discuté des prix et des appels d'offres (147).
145. M. A (Andros) indique, quant à lui, qu'un point a été fait sur les évolutions du marché de la MDD.
146. Enfin, lors de son audition, M. P (Materne) a précisé qu'il avait été question du suivi des MDD : " les appels d'offres se terminent dans cette période et nous devions commencer à compter les dossiers pris par Coroos et les appels d'offres déjà attribués " (148).
147. En conclusion, lors de cette réunion, les entreprises présentes ont dressé un bilan de la situation du marché des MDD au regard des résultats des appels d'offres.
La réunion du 10 juin 2011
148. Les éléments du dossier attestent de la tenue d'une réunion le 10 juin 2011 à l'Espace Vocation St-Lazare, situé 92 rue Saint-Lazare à Paris.
149. La réservation, pour le groupe MOM, d'un salon à l'Espace Vocation St-Lazare pour la matinée du 10 juin 2011 (149) et la réponse écrite de M. A (150) confirment l'existence de cette réunion, mentionnée par le demandeur de clémence (151).
Les preuves de participation à la réunion
150. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à cette réunion.
Tableau 8-- preuves de participation
[TABLEAU] (152) (153) (154) (155) (156) (157) (158)
Les éléments relatifs à l'objet de la réunion
151. D'après le demandeur de clémence, les participants ont parlé de la tendance des prix à l'automne 2011 à partir de l'évolution du prix des matières premières (159). Andros aurait fait part de ses prévisions en fonction des récoltes, du prix des emballages en carton et de l'énergie. Les participants seraient parvenus à un accord sur une argumentation fondée sur la hausse des prix des matières premières (160) pour justifier l'augmentation des prix auprès des clients. M. J (Coroos) a réalisé un compte rendu de cette argumentation à M. I (Coroos) (161).
152. Par ailleurs, selon M. J (Coroos), il aurait également été question des compensations (162), sujet qui aurait notamment entraîné une dispute entre les participants (163).
153. De son côté, M. A (Andros) a écrit qu'il avait été question de gels de volumes MDD et de " compenser les pertes " (164). Ces éléments sont susceptibles de corroborer les informations du demandeur de clémence, selon lesquelles il a été question d'accords de répartition de marchés et de compensations (165).
154. En conclusion, lors de cette réunion, les participants ont au moins évoqué des volumes, leur répartition et la compensation des " pertes de volumes " des précédents appels d'offres.
Le dîner du 3 novembre 2011
155. Les éléments du dossier attestent de la tenue d'un dîner le 3 novembre 2011 dans le restaurant parisien Visconti.
156. Le demandeur de clémence a déclaré qu'une réunion avait eu lieu le 3 novembre 2011 à Paris, suivie d'un dîner au restaurant Visconti situé au 4 rue de l'Arcade à Paris (75008), en présence de MM. O et P (Materne), A (Andros), L (Délis SA) et J (Coroos). Ce dernier a payé une partie de l'addition, dont il a fourni le ticket de paiement (166) et sur lequel il est écrit " 3 repas complets " pour 158,50 euros. Le demandeur de clémence a indiqué que l'autre partie de l'addition avait été payée par M. O (Materne) (167).
157. M. O (Materne) a passé en notes de frais un paiement de 158,50 euros au Visconti le 3 novembre 2011 (168). Le ticket est peu lisible mais la date du 3 novembre apparaît dans le relevé de notes de frais. Le montant étant égal à celui payé par M. J (Coroos), il s'en déduit que six repas ont été servis.
158. Dans l'agenda de M. P (Materne), figure le rendez-vous " Dîner P&L " au Visconti, 4 rue de l'Arcade, à la date du 3 novembre 2011 de 20h à 22h30. Figure également la mention " organisateur de la réunion " (16)9.
159. La réponse écrite de M. A (Andros) (170) et l'audition (171) de MM. O et P (Materne) confirment l'existence de ce dîner.
Les preuves de participation au dîner
160. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à cette réunion.
Tableau 9-- preuves de participation
[TABLEAU] (172) (173) (174) (175) (176) (177) (178) (179)
Les éléments relatifs à l'objet du dîner
161. Le titre " dîner P&L " inscrit dans l'agenda de M. P (Materne) atteste que ce dîner s'inscrivait dans la continuité des réunions de l'automne 2010, au cours desquelles ont été discutés les éléments des présentations intitulées " P&L ". Lors de son audition, M. P (Materne) a indiqué que " le sujet était toujours le même, la situation des MDD " et qu'il y avait un lien avec son " document de travail " intitulé " P&L " (180).
162. En conclusion, les participants à ce dîner ont échangé sur la situation du marché des compotes et sur les appels d'offres en cours.
La réunion du 17 juillet 2013
163. Les éléments du dossier attestent de la tenue d'une réunion le 17 juillet 2013 à Paris, à l'hôtel Concorde Opéra.
164. La réservation, par Materne, d'une salle à l'hôtel Concorde Opéra pour cinq personnes lors de la matinée du 17 juillet 2013 (181) permet d'établir l'existence de cette réunion, révélée par le demandeur de clémence (182).
165. M. J (Coroos) a également déclaré avoir pris un café avant la réunion avec M. O (Materne) au café Starbucks, près de la gare St-Lazare (183).
Les preuves de la participation à la réunion
166. M. J (Coroos) a, lors de ses déclarations recueillies le 15 juillet 2015 (184), dressé la liste des participants aux réunions du 17 juillet 2013 et du 3 septembre 2013. Cependant, plusieurs pièces au dossier permettent de considérer que ce dernier a interverti la liste de participants à ces deux réunions. L'hypothèse d'une telle confusion est renforcée par le procès-verbal d'audition de Coroos, dont il ressort que M. J a hésité à attribuer des notes manuscrites à l'une ou l'autre des deux réunions (185).
167. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à cette réunion.
Tableau 10-- preuves de participation
[TABLEAU] (186) (187) (188) (189) (190) (191) (192) (193)
Les éléments relatifs à l'objet de la réunion
168. D'après le demandeur de clémence, lors de cette réunion, Coroos aurait exigé la compensation de ses pertes de volume (194).
169. Un courriel (195) de M. D (Charles Faraud) à M. C (Charles Faraud), daté de la veille, dresse un bilan des " gains " et " pertes " des uns et des autres chez différents clients des marchés MDD et RHF. Il évoque aussi la récupération de volumes, et fait également état d'une " punition ". Sont cités Valade, Andros, Materne, Coroos, Lactalis (Délis SA) et St-Mamet (Conserves France).
170. Cet élément de preuve vient corroborer la déclaration du demandeur de clémence, selon laquelle la réunion portait sur la répartition des volumes et la récupération ou la compensation des pertes et gains des participants, en MDD et en RHF.
171. En conclusion, la réunion du 17 juillet 2013 a eu pour objet de tirer un bilan des gains et des pertes des participants à la pratique à l'issue des appels d'offres passés et de discuter des compensations et récupérations à prévoir.
La réunion du 3 septembre 2013
172. Les éléments du dossier attestent de la tenue d'une réunion le 3 septembre 2013, au Novotel de la Gare de Lyon à Paris.
173. Le demandeur de clémence a indiqué qu'il s'agit de l'ultime réunion plénière à laquelle il ait participé. Il a également relevé la présence de représentants de Valade, contrairement aux réunions précédentes (196).
174. M. Q, président de Valade, a reconnu être l'auteur des notes manuscrites, titrées " réunion compotes 3/09/13 " (197), qui ont été saisies dans son bureau. Il a reconnu en avoir pris une partie pendant cette réunion.
175. M. D (Charles Faraud) a envoyé à M. C (Charles Faraud) (198) un SMS le 2 septembre 2013 précisant : " Novotel Gare de Lyon demain 18h salle de réunion réserve (sic) au noms (sic) de Montblanc ". Par ailleurs, dans l'agenda électronique de M. C (Charles Faraud) figure un rendez-vous intitulé " réunion com " le 3 septembre 2013 à 16h UTC (18h à Paris) (199).
176. La tenue de cette réunion a été confirmée en audition par M. Q (Valade) (200). Les preuves de la participation à la réunion
177. Le tableau suivant synthétise les preuves de participation des représentants des entreprises mises en cause à cette réunion.
Tableau 11-- preuves de participation
[TABLEAU] (201) (202) (203) (204) (205) (206) (207) (208) (209) (210)
Les éléments relatifs à l'objet de la réunion
178. Les notes manuscrites saisies chez Valade (211) indiquent " point marché compotes et sans sucre ajouté ". Elles attestent de l'objet de cette réunion.
179. D'après les déclarations de M. Q (Valade), les cotes 1 775 et 1 776 correspondent à des notes prises pendant la réunion en cause. En revanche, il a déclaré ne pas se souvenir si les notes correspondant aux cotes 1 779 et 1 780 avaient bien été prises au cours de cette réunion. Cependant, celles-ci correspondent à la troisième page des notes de M. J (Coroos) fournies par le demandeur de clémence (212). Elles peuvent donc être regardées comme se rapportant à la réunion du 3 septembre 2013.
180. Selon le demandeur de clémence et M. Q (Valade), cette réunion a porté, pour l'essentiel, sur Andros, qui avait gagné beaucoup de parts de marché au cours des dernières années.
181. Il ressort des deux premières pages de notes manuscrites de M. Q (Valade) et de M. J (Coroos) précitées et des explications du demandeur de clémence que (213) :
- il a été question de compensations et de répartitions de tonnages et de marchés entre les entreprises participantes. C'est notamment le cas de St-Mamet, qui recherchait 1 500 tonnes et en avait déjà reçu 450 de Valade. C'est aussi le cas d'Andros, qui devait rendre du volume étant donné qu'elle avait gagné 4 000 à 5 000 tonnes depuis 2010 (dans le segment RHF d'après les notes de M. J de Coroos). Andros France ou sa filiale allemande Odenwald avaient 1 000 tonnes à rendre ;
- il a également été question d'un discours à tenir sur la baisse du prix de la tonne de pommes ;
- il semble que Délis SA et St-Mamet aient réduit leurs prix respectifs de 3 % et 1,5 % chez Carrefour (pour Délis SA il s'agit des gourdes épicerie) ; et
- à propos de l'expression " date d'application " qui est utilisée dans les notes manuscrites de MM. Q (Valade) et J (Coroos), le demandeur de clémence a indiqué que les participants à la réunion auraient convenu que la date d'application des hausses de prix serait désormais la date anniversaire des contrats conclus avec les clients - ici il est question du 8 août.
182. Les notes de M. J (Coroos) font allusion au plafond des sanctions pour les infractions au droit de la concurrence.
183. Les pages des notes de MM. Q (Valade) et J (Coroos), traitent également des appels d'offres suivants, pour lesquels sont mentionnés les mêmes chiffres :
- Intermarché ultra-frais : 900 tonnes de coupelles quatre parfums vendues par 16, 200 tonnes de SSA pommes-poires et pommes bio - ces références seraient nouvelles ;
- Galec (214) coupelles ultra-frais : 220 tonnes poire, 140 t rhubarbe, 200 t framboise, 480 t pomme nature SSA en packs de 8 ;
- Scamark/Galec a lancé trois nouvelles références en appels d'offres : un marché de coupelles 16 x 100 g 4 parfums a été attribué à Valade pour 560 tonnes sous forme de compensation, un autre pour 630 t de gourdes en packs de 20 a été attribué à Materne et enfin 216 t de gourdes ont été attribuées à St-Mamet ; ces trois attributions ont précisément été notées par M. Q (Valade) et M. J (Coroos) ;
- chez Aldi France, 2 300 tonnes ont été attribuées à Délis SA (à ce moment-là, le marché était détenu par Materne Confilux, filiale d'Andros) et ;
- Auchan a cherché à acheter 500 tonnes de " délices de pêches " et " délices de poires " en ultra-frais.
184. Dans les notes de Valade (215) comme dans celles de Coroos (216), il est question d'une réunionà venir de l'AFIDEM, l'association française interprofessionnelle des fruits et légumes à destinations multiples.
185. Le demandeur de clémence a indiqué que lors de cette réunion, il avait été convenu qu'Andros et Faraud " rendraient du volume à Coroos ". Coroos " recevrait " ainsi le contrat pour les gourdes vendues par douze chez Leclerc pour 1 631 tonnes, à titre de compensation (217). Le demandeur de clémence a précisé que c'était la seule fois où Coroos avait reçu une compensation des autres participants.
186. Il a également fourni des tableaux de l'appel d'offres de Leclerc de l'automne 2013, comportant une série de prix annotés (218). Pour certaines références, il est indiqué " Valade " ou " St Mam " (219). Sur l'un de ces tableaux (220), trois produits sont indiqués d'un tiret. Il s'agirait des références attribuées à Coroos en compensation d'une perte de volume de 2 500 tonnes subie au début de la pratique dénoncée (221). En effet, la somme des tonnages de ces produits, indiqués sur un autre tableau (222) (1 631 tonnes de gourdes de compotes pomme allégée 12x90 g, 440 tonnes de coupelles pomme allégée par 4 et 300 tonnes de coupelles pomme banane allégée par 4) compenserait à peu près la perte de Coroos. La liste des contrats (223) de Coroos montre que Coroos a remporté la première de ces trois références, contrairement aux deux autres. D'après le demandeur de clémence, Charles Faraud n'aurait pas respecté l'accord sur les prix. S'agissant de la première référence, soit 1 631 tonnes de compote de pommes allégée par 12, l'information correspond aux notes prises par M. J (Coroos) pendant la réunion du 3 septembre 2013 (224).
187. Par ailleurs, il ressort des notes prises au cours de cette réunion par MM. J (Coroos) (225) et Q (Valade) que Valade (226) a également bénéficié d'une mesure de répartition et de compensation. Celle-ci a pris la forme de l'attribution, chez le client Leclerc/Galec, de 560 tonnes de coupelles 16x100 g quatre parfums. Cela résulte, d'une part, de la mention " Galec (_) Cup 16x100 4 goût 560 t nouveau Valade " (227) dans la troisième page des notes manuscrites de M. J et, d'autre part, de la mention " Scamarck (_) 560 T x16 OK " (228) dans les notes de M. Q. La conjonction de ces deux mentions atteste de la réalité de cette mesure de répartition.
188. À la suite de cette réunion, un courrier électronique daté du 6 septembre 2013 montre que Valade a évité de faire concurrence à Coroos. Ainsi, M. Q (Valade) a donné pour directive à son collaborateur M. S, à propos d'un appel d'offres de Supertrade aux Pays-Bas pour des compotes et purées de fruits de 100 g : " On n'y touche pas. On évite de chatouiller Coroos sur son marché domestique pour un volume aussi faible. Donnez des prix hauts " (229).
189. En conclusion, lors de la réunion du 3 septembre 2013, les participants ont discuté en détail de la répartition des volumes et des clients (paragraphes 183 et 188), des compensations de volumes perdus (paragraphes 181, 185, 186 et 187) et des prix (paragraphes 181et 186), sur les segments MDD et RHF. Coroos et Valade ont bénéficié d'une mesure de compensation lors de cette réunion.
190. Les pièces du dossier permettent donc d'établir la tenue de neuf réunions et d'un dîner (auquel il sera fait référence ci-après sous la dénomination " dix réunions multilatérales " ) entre octobre 2010 et septembre 2013, dans des hôtels, des salles louées ou des restaurants.
Tableau 12- récapitulatif des participations aux réunions multilatérales
[TABLEAU]
2. LES RENCONTRES BILATERALES ET TRILATERALES
a) Les premières prises de contact entre Materne et Coroos
191. Materne aurait contacté le demandeur de clémence pour la première fois en mai 2008. Le but de la conversation aurait été de parvenir à des accords. Lors d'une réunion à Paris le 12 juin 2008, M. N (Materne), président de MOM, aurait proposé une entente anticoncurrentielle à Coroos, consistant à lui garantir un certain volume sur le marché français, en échange de quoi les fournisseurs français seraient protégés de son expansion commerciale sur le territoire national. Coroos aurait refusé cette proposition (230).
192. La mise en relation, le 21 mai 2008, de M. N (Materne) et M. I (Coroos) par un partenaire commercial néerlandais de Materne (231) corrobore cette prise de contact.
193. Materne aurait de nouveau contacté Coroos à l'été 2010. D'après le demandeur de clémence, MM. I (Coroos) et N (Materne) se seraient retrouvés au restaurant Garnier rue St-Lazare à Paris. Coroos aurait cette fois accepté un accord de préservation des volumes car l'exercice de la concurrence sur ce marché avait conduit à des prix inférieurs aux coûts.
b) Les rendez-vous bilatéraux et trilatéraux établis
Le 6 avril 2011 à Roissy entre Materne et Coroos
194. Le demandeur de clémence a déclaré que M. J (Coroos) a retrouvé M. P (Materne) le 6 avril 2011 à l'hôtel Hyatt de Roissy pendant une heure. Son agenda indique une rencontre à 14h00 (232).
195. Les notes de frais de M. P (Materne) accréditent l'existence de ce rendez-vous. Elles montrent que ce dernier a effectué un aller-retour Lyon-Roissy Charles de Gaulle en train le 6 avril 2011 (départ de Lyon 10h26, retour de Roissy CDG à 16h57) (233).
196. Lors de son audition, M. P (Materne) a déclaré se rappeler un déplacement au Hyatt de Roissy pour prendre un café avec M. J (Coroos), " peut-être en 2012 ". C'était " toujours sur le même sujet " (234).
Le 3 novembre 2011 entre Materne et Conserves France
197. Un extrait de l'agenda électronique de M. H, de Conserves France (235), indique que celui-ci avait un rendez-vous avec M. P de Materne le 3 novembre 2011 à 18 heures à l'hôtel Mercure de Gare de Lyon - soit juste avant le dîner qui a réuni Andros, Charles Faraud, Coroos, Délis SA et Materne au restaurant Visconti, mentionné aux paragraphes 155 et suivants.
198. Ce rendez-vous avait notamment pour objet d'échanger sur les conditions de marché de la MDD (236).
Le 2 mars 2012 au Novotel de Lille entre Materne et Coroos
199. Le demandeur de clémence a déclaré que M. J (Coroos) avait rencontré M. O (Materne) au Novotel de Lille le 2 mars 2012 à 9 heures (237).
200. Le groupe MOM a fourni une facture pour un aller-retour Paris-Lille en train au nom de M. O (Materne) le 2 mars 2012 (238), corroborant la déclaration de Coroos.
201. Le demandeur de clémence a fourni des notes qu'il aurait prises pour préparer ce rendez-vous (239). Il a expliqué que, contrairement à ce qui avait été convenu deux ans auparavant dans l'accord relatif à la préservation des volumes, Coroos avait perdu des volumes. Les notes préparatoires du demandeur de clémence comparent les gains et pertes de volumes des participants les uns par rapport aux autres. À titre d'exemple, Materne a perdu 2 000 tonnes globalement, tandis qu'Andros, Délis SA et Saint Mamet ont respectivement gagné du volume à concurrence de 1 500 tonnes, 200 tonnes et 1 000 tonnes (240).
202. Lors du rendez-vous, M. J (Coroos) aurait indiqué à M. O qu'il voulait recevoir une compensation des autres participants pour les volumes perdus. MM. J (Coroos) et O (Materne) auraient calculé qui avait gagné/perdu quels volumes, chez quels clients et pour quels produits.
En septembre 2012 à la gare du Nord entre Materne et Coroos
203. Le demandeur de clémence a fourni des notes manuscrites (241) prises par M. J (Coroos) lors d'un rendez-vous à la gare du Nord avec M. O (Materne), vraisemblablement datées de septembre 2012, compte tenu des dates ultérieures mentionnées dans le document.
204. D'après le demandeur de clémence, lors de cette entrevue, M. J aurait appris que le 2 octobre 2012, la FIAC allait invoquer la pénurie de pommes comme cas de force majeure (242). Grâce à cette information, M. J savait qu'il devait reporter sa réponse aux appels d'offres de clients pour les nouveaux prix à partir du 1er novembre 2012.
205. Cette information est corroborée par la saisie informatique d'une dernière version de ce courrier avant envoi définitif adressée aux membres de la FIAC et en particulier à un employé de chez Andros et à MM O (Materne), L (Délis SA), F (Conserves France), Q (Valade) le 23 novembre 2012 (243).
206. D'après le demandeur de clémence (244), M. O (Materne) aurait aussi donné un ordre de grandeur de la hausse des prix : Materne France allait envoyer ses nouveaux prix le 1er octobre 2012, avec une augmentation de 15 à 18 centimes par kg. Andros allait augmenter ses prix de 15 %.
207. En outre, M. O aurait annoncé que Materne avait augmenté ses prix chez Système U de sorte que ce dernier allait lancer un appel d'offres. Cet appel d'offres allait permettre à Coroos d'être compensée pour sa perte de volume. D'après le demandeur de clémence, cette compensation n'a finalement pas pu être mise en œuvre
L'entrevue du 28 mai 2013 entre Materne, Coroos et Andros
208. Le demandeur de clémence a indiqué que M. O (Materne), Mme B (Andros) et M. J (Coroos) se sont rencontrés en marge de la foire PLMA à Amsterdam le 29 mai 2013.
209. M. O (Materne) a confirmé avoir rencontré M. J (Coroos) et Mme B (Andros) au " Private Label Manufacturers Association ", salon annuel sur les MDD, ci-après " PLMA " Lors de son audition (245), Mme B (Andros) a indiqué être allée au PLMA et y avoir été seulement présentée à M. J (Coroos) par M. O (Materne) : " J'ai croisé dans les allées du PLMA en mai 2013 un représentant de Coroos, qui m'a été présenté par M. Ode chez Materne. Il n'y a eu que des présentations brèves. C'était un grand monsieur dégarni dont je ne me souviens plus du nom ". Néanmoins, M. O (Materne) a indiqué avoir eu une vraie conversation avec M. J (Coroos) et Mme B (Andros) : " On a pris un café. Ça a dû durer une demi-heure ". Il a précisé qu'ils ont discuté du " sujet dont on parle depuis le début de cette audition, les velléités de Coroos de prendre des parts de marché en France (246) ".
210. D'après le demandeur de clémence, ces trois personnes ont discuté des offres pour EMC, la centrale d'achats de Casino et Leaderprice, et en particulier du niveau des prix pour les nouveaux contrats applicables jusqu'en 2014 ; le but était de s'assurer que les trois entreprises maintiendraient leurs volumes chez EMC (247).
211. S'agissant de la date, M. O (Materne) était au salon PLMA le 28 mai 2013, mais pas le 29 mai, comme en atteste un échange de courrier électronique avec M. N (Materne) (248). Il a enregistré en notes de frais un ticket de transport de l'aéroport de Schiphol le 28 mai (249). Mme B (Andros) était également au salon PLMA du lundi 27 mai au soir au mercredi 29 mai 2013 au matin (250). Il ressort de ces éléments que cette rencontre entre Coroos, Materne et Andros a probablement eu lieu le 28 mai.
212. D'après le demandeur de clémence (251) et Andros, il s'agirait de l'unique fois où M. J (Coroos) a rencontré physiquement Mme B (Andros).
213. En conclusion, des rencontres ayant donné lieu à des échanges sur les prix, les appels d'offres et la situation du marché des compotes sont établies pour Materne, Coroos, Andros, et Conserves France.
Les autres rencontres entre Materne et Coroos
214. Le demandeur de clémence a fait état d'un certain nombre de rendez-vous bilatéraux entre Coroos et Materne, principalement dans des cafés Starbucks du quartier St-Lazare. Le demandeur de clémence a déclaré : " M. J a également rencontré M. O quelques fois dans le café Starbucks près de la gare St. Lazare. Ça se passait entre 7h30 et 8h30 avant que M. One se rende à son bureau et M. J était à Paris pour d'autres raisons " (252). 215. Il ressort des déclarations de M. O (Materne) recueillies en audition qu'il a admis avoir " rencontré des concurrents dans des cafés " (253).
216. Le demandeur de clémence a déclaré que M. J (Coroos) avait retrouvé M. O (Materne) le 15 mars 2011 entre 7h30 et 8h au café Starbucks de la gare St-Lazare. Le demandeur de clémence a fourni une note de taxi de la gare du Nord à la gare St-Lazare (254). Il a déclaré que MM. O (Materne) et J (Coroos) avaient discuté quelques appels d'offres, à propos de répartition de clients, dans le sens : " il faut que tu t'assures que telle et telle entreprise ne touchent pas à ce client " (255).
217. Le demandeur de clémence a déclaré avoir retrouvé M. O (Materne) au café Starbucks de la gare St-Lazare dans la matinée du 8 juin 2012. Lors de son audition, à propos des rencontres de l'année 2012, M. O a déclaré : " Au Starbucks de la gare St-Lazare, j'ai rencontré une fois M. J de Coroos, toujours sur le même sujet, ses velléités de prise de parts de marché en France " (256).
218. Enfin, le demandeur de clémence (257) a évoqué d'autres rendez-vous avec M. O (Materne) dans des cafés près de la gare St-Lazare.
219. Il ressort de ce qui précède qu'il existait une grande proximité ente certains acteurs du secteur, qui s'est traduite par de nombreuses rencontres, dont les rendez-vous ont pu permettre d'échanger des prix, des informations sur le marché et de discuter sur des répartitions de clients et d'appels d'offres.
3. LES ECHANGES PAR MESSAGERIES ELECTRONIQUES PERSONNELLES
220. Il ressort des pièces du dossier que de nombreux échanges de courriers électroniques entre certains représentants d'entreprises ont eu lieu par le biais de messageries privées ou non professionnelles.
221. M. O (Materne) a admis avoir utilisé sa messagerie personnelle à des fins professionnelles et a déclaré : " Oui, pour des raisons de confidentialité ; le sujet c'était les prix par exemple. Ce sont des échanges qui ont eu lieu avec [Mme B], avec [M.M] de la société Délis SA et avec M. J " (258). À la même occasion, il a indiqué que les adresses électroniques privées lui avaient été communiquées par téléphone.
222. Ces messages, échangés via des adresses non professionnelles, contiennent des échanges d'informations. Ils témoignent aussi de la régularité et du caractère informel des discussions des représentants des entreprises en cause et du souhait de dissimuler certains de leurs comportements.
Entre Materne et Coroos
223. Coroos a fourni une dizaine de messages électroniques échangés depuis la messagerie personnelle de M. J (Coroos) avec M. O (Materne) entre le 12 septembre 2012 et le 6 mars 2014 (259). De plus, les services d'instruction ont saisi un certain nombre de messages électroniques échangés par MM. J (Coroos) et O (Materne) via leur messagerie personnelle, dont certains coïncident avec ceux communiqués par Coroos.
224. Ainsi, les 6 et 9 septembre 2011, M. J (Coroos) a adressé à M. O (Materne) un tableau Excel " Compote 2011 aperçu " concernant les " autres marchés ", lui demandant d'arranger un rendez-vous avec Andros " pour cette démarche " (message saisi chez Materne) (260). Il s'agissait vraisemblablement de discuter des marchés étrangers sur lesquels Coroos et Andros vendaient des compotes puisque le tableau joint présentait la liste des clients de Coroos en Allemagne pour les gourdes et les coupelles entre 2008 et 2011. Le client Rewe a échappé à Coroos en 2011, au profit de la filiale d'Andros, Odenwald. Le même message a été fourni et commenté par le demandeur de clémence (261) qui a montré qu'il contenait une analyse par pays - Allemagne, Pays-Bas, Belgique et autres marchés. Il a expliqué qu'il voulait obtenir d'Andros qu'elle ne touche pas aux clients de Coroos, viases filiales Materne Confilux et Odenwald.
225. Le 12 septembre 2012, M. O (Materne) a envoyé à M. J (Coroos) un dossier de presse interne à Materne sur le " contexte matières " (262), qui rassemble des articles sur les récoltes fruitières ainsi que sur d'autres coûts de production, dont le tarif écoemballage et le prix du plastique. 226. Le même jour, M. J (Coroos) a adressé sur la messagerie personnelle de M. O (Materne) un message intitulé " brief Leclerc ", contenant une pièce jointe et a sollicité son avis à M. O (Materne) (263). Cette pièce jointe est une lettre de la centrale Scamark indiquant à M. J (Coroos) qu'elle considère que les conditions générales de vente du producteur ne s'imposent pas au client dans le cadre de la production pour marque de distributeur.
227. Le 16 novembre 2012, M. O (Materne) a transféré à M. J (Coroos) un courrier adressé par le directeur MDD et RHF du groupe MOM à la centrale Scamark indiquant qu'étant donné le refus de cette dernière d'accepter les augmentations tarifaires demandées par Materne, Materne ne pourra pas garantir les approvisionnements de ce client (264).
228. Le 23 novembre 2012, M. O (Materne) a transmis à M. J (Coroos), un courrier de la FIAC à la grande distribution (265) alors que Coroos ne fait pas partie de la FIAC, puisqu'elle ne réunit que des producteurs français. Un autre projet de la FIAC a été transmis à M. J (Coroos) par M. O (Materne) le 25 octobre 2012 (266).
229. Le 8 janvier 2013, M. J (Coroos) a adressé à M. O (Materne) une copie d'écran d'un catalogue Lidl indiquant une promotion sur des gourdes pomme-fraise (267).
230. Le 7 février 2013, M. J (Coroos) a envoyé à M. O (Materne) un contrat qui était proposé à Coroos par Intermarché pour 2013 (268).
231. L'ensemble de ces documents montre qu'il y a eu des échanges par messageries électroniques non-professionnelles entre Coroos et Materne, entre 2011 et 2013, sur le marché des compotes et purées de fruits, les clients, les contrats, les matières premières et les coûts de production.
Entre Materne et Andros
232. Le 19 juillet 2013, M. O (Materne) a envoyé de sa messagerie personnelle un message sans texte comportant une pièce jointe intitulée " MDD Compotes 2013 mouvements.xls " (269) sur celle de Mme B (Andros). Cet envoi est intervenu deux jours après la réunion multilatérale du 17 juillet 2013, à laquelle aucun représentant d'Andros n'avait participé. Le titre du tableau dans le document indique 2012 mais le nom du document joint comporte bien l'année 2013.
233. Ce tableau, que M. O (Materne) s'est d'abord envoyé depuis sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle le même jour (270), est présenté ci-après (271). Il indique les volumes de production pour la MDD qui ont changé de producteur ou bien qui sont nouveaux. Il y a au moins deux marchés de RHF (Sodexo et AP-HP). Il indique sur quels produits, sur quel concurrent et pour quel client les volumes ont été perdus ou gagnés : par exemple, Coroos a gagné 500 tonnes contre Charles et Alice pour des coupelles chez Système U en épicerie, et Charles et Alice a gagné 650 tonnes sur Coroos en coupelles chez Deli XL (distributeur de RHF aux collectivités en Belgique et aux Pays-Bas) ; Lactalis a gagné 150 tonnes sur Andros chez EMC en coupelles de purées de fruits. Dans l'ensemble, on voit que certains ont perdu des volumes (Materne, Coroos), que d'autres en ont gagné (Andros, Charles et Alice, Lactalis, St-Mamet) et, enfin, que ceux de Valade et Delvert, lequel n'est pas concerné par les pratiques, sont stables.
234. Ce tableau a de nouveau été envoyé par un auditeur interne au directeur MDD et RHF du groupe MOM en janvier 2014, sous la dénomination " MDD Compotes 2013 mouvementsHPC0713.xls " (272). Ce message précise qu'il s'agit d'un document confidentiel car il n'y a pas de " Nielsen " (panéliste) par fabricant MDD.
235. En réponse au message du 19 juillet 2013, Mme B (Andros) a, le 28 juillet 2013, envoyé de sa messagerie personnelle vers celle de M. O (Materne) un message intitulé " ALDI " (273) comportant une série de trois " prix minimum franco, TEE comprise : X 12 : 2,19, X 20 : 3,58, X 4 panache : 0,89).
236. Lors de son audition, Mme B (Andros) a affirmé (274) qu'il s'agissait là de prix correspondant à un " marché partagé " entre Andros et Materne. Cette affirmation n'est pas confirmée par M. O (Materne), qui a déclaré en audition (275) : " il s'agit de prix de produits en format par 12, par 20 et par 4 pratiqués par notre client ALDI. [Mme B]me donne les prix auquel ALDI achète ces produits (prix minimum franco) ".M. O a ajouté : " Il est possible qu'on se soit échangé une ou deux autres informations de ce type ".
237. Il s'avère que M. O (Materne) a transmis à M. J (Coroos) les prix que Mme B (Andros) lui avait envoyés. En effet, le demandeur de clémence a fourni la grille d'un appel d'offres Aldi France du 31 juillet 2013, sur laquelle sont annotés les prix suivants : " 12x90 : - 1,219 ; 20x90 : - 3,58 ; 4x90 : - 0,89 " (276). Il aurait noté ces prix au cours d'une conversation téléphonique avec M. O (Materne) (277).
238. Il résulte de ce qui précède que M. O (Materne) et Mme B (Andros) ont échangé par messagerie électronique non professionnelle en 2013 sur la répartition du marché des compotes MDD entre producteurs et entre clients MDD et RHF, ainsi que sur des prix pour un appel d'offres MDD, et que ces informations ont également été partagées avec Coroos. Entre Materne et Délis SA
239. Lors des opérations de visite et saisies, l'adresse personnelle de M. L (SAS Vergers de Châteaubourg) (278), a été trouvée dans le répertoire de la messagerie personnelle de M. O (Materne).
240. Le 7 octobre 2014, M. O (Materne) a envoyé à M. M (Délis SA), de messagerie personnelle à messagerie personnelle, un document intitulé " hard discount intervenants compotes doc.xls " (279). Ce document présente la répartition en 2014 des clients (Dia, Leader Price, Netto, Le Mutant, Norma, Lidl, Aldi) du segment hard discount entre producteurs (Materne, Fruival, Coroos, Faraud, Délis SA, St Mamet, Confilux, Delvert), par catégorie de produits (coupelles et gourdes, épicerie et ultra frais, comportes et purées sans sucre ajouté, BBF).
241. Par ailleurs, un document similaire, intitulé " GMS intervenants compotes doc.xls " a été saisi informatiquement chez Délis SA (280) ; ce document contient un tableau intitulé " Compotes MDD GMS : Intervenants par clients - Volumes année pleine (T) proj. 2014 ", qui indique les volumes et parts de marché de chaque producteur, pour six catégories de produits (ultra-frais ou épicerie, coupelles ou gourdes, avec ou sans sucre ajouté) par client GMS (Carrefour, EMC, Auchan, etc.). Les propriétés informatiques du document indiquent que le directeur MDD et RHF du groupe MOM en est l'auteur (281). Il semble qu'il s'agisse d'un document de travail interne à Materne, régulièrement mis à jour, car une version plus ancienne du même document a été trouvée dans la messagerie de son auteur (282). Il comprend les onglets suivants : Compotes : Intervenants par clients -Volumes annuels ( T ) base 2006 (hors hard discount, petits prix et boîtes fer), le même base 2007, base 2008, projection 2009, projection 2010, projection 2011 ; il a été actualisé en 2012 (283).
242. Il ressort de ce qui précède que des tableaux de répartition du marché des compotes par producteur et par client de la grande distribution et du hard discount élaborés et mis à jour chaque année chez Materne ont été transmis à Délis SA en 2014. Ces documents sont confidentiels. En effet, comme l'indique un auditeur interne de Materne dans un message directeur MDD et RHF du groupe MOM : " [ces documents] sont confidentiels car ils englobent aussi nos concurrents et il n y a pas de Nielsen (284) par fabricant MDD " (285).
243. Par ailleurs, le 24 octobre 2014, M. M (Délis SA) a, depuis sa messagerie personnelle, adressé un courriel comportant une série de treize prix " avec éco prix emballage et transport " pour des préparations de fruits en coupelles (100 g) sur la messagerie personnelle de M. O, directeur général de Materne. M. O a transféré ce message électronique à M. P, directeur commercial de Materne, le 27 octobre suivant (286).
244. M. M (Délis SA) a affirmé qu'il s'agissait d'une proposition de sous-traitance (287). Cependant, M. O (Materne) a déclaré en audition qu'il avait eu des échanges par messageries personnelles sur les prix pour des raisons de confidentialité avec, notamment, M. M (Délis SA) (288).
245. En conclusion, les pièces du dossier montrent que Materne et Délis SA ont échangé des informations sur la répartition du marché des compotes MDD entre producteurs et entre clients MDD et RHF ainsi que sur des prix pour un appel d'offres MDD en 2014.
Entre Materne et Charles Faraud et Charles & Alice
246. Lors de son audition, M. P (Materne) a indiqué qu'il avait pu échanger depuis sa messagerie personnelle avec M. D (Charles Faraud et Charles & Alice), " avec qui on s'envoyait des documents qu'on pouvait récupérer chez nos clients comme des cadenciers par exemple " (289).
247. Il résulte de ce qui précède que des échanges sur le marché, les clients, les appels d'offres notamment futurs et les prix par le biais de messageries non professionnelles sont établis au moins pour les parties suivantes : Materne, Coroos, Andros, Délis SA, Charles Faraud et Charles & Alice.
4. LES ECHANGES TELEPHONIQUES
248. Le demandeur de clémence a déclaré qu'à la fin de la première réunion multilatérale, les participants se sont échangé leurs numéros de téléphone, afin de pouvoir mettre en œuvre les principes convenus au moment des appels d'offres, relatifs à la préservation des volumes et à l'augmentation des prix (290). Ainsi, " pour chaque appel d'offre d'un détaillant, les participants se mettaient d'accord sur qui pourrait s'engager pour quel volume afin qu'un des participants - conformément aux accords concernant la préservation de volume et la rétention de clients - remplisse les conditions pour l'offre. Ces contacts avaient lieu par téléphone, au début en direct avec les différents participants concernés, après - plutôt vers la fin de la participation de Coroos à l'entente - via M. O comme personne de contact pour Coroos ".
249. Lors de son audition (291), le demandeur a également indiqué que : " tous les fournisseurs ne participaient pas nécessairement à tous les appels d'offres ou à tous les produits référencés dans l'appel d'offre initié par un client ". " Parfois il arrivait que le fournisseur titulaire du volume indique (par l'intermédiaire de M. O à Coroos) aux autres participants le prix en dessous duquel ces derniers ne pouvaient offrir. Les autres participants indiquaient alors le prix qu'ils envisageaient d'offrir. L'augmentation générale convenue pour la saison n'était pas toujours réalisable auprès de certains clients. A ce moment, les contacts fréquents entre concurrents permettaient d'adapter le scénario de prix afin d'arriver à une hausse de prix réalisable ".
250. La réalité et le contenu de ces échanges téléphoniques sont par nature difficiles à prouver, mais certains éléments au dossier accréditent l'existence de ces échanges. a) Les coordonnées téléphoniques enregistrées dans les téléphones, messageries ou notées à la main
251. Le téléphone de M. P (Materne) contient les coordonnées téléphoniques mobiles du responsable comptes clés MDD chez Andros (292), de MM. H (Conserves France) (293), J (Coroos) (294), A (Andros) (295), Q (Valade) (296), Det C (Charles Faraud et Charles & Alice) (297), et Ket L (Délis SA) (298).
252. Les coordonnées téléphoniques mobiles de MM. C (Charles Faraud et Charles & Alice) (299), M (Délis SA) (300) et E (Conserves France) (301) sont enregistrées dans le téléphone de M. O (Materne).
253. Les numéros de téléphone de MM. C (Charles Faraud et Charles & Alice)302, J (Coroos) (303) et P (Materne) (304) sont inscrits dans les contacts de messagerie électronique de M. A (Andros).
254. Dans le téléphone et la tablette de M. C (Charles Faraud et Charles & Alice), on trouve les coordonnées téléphoniques mobiles de MM. O (Materne) ( " Pascal Mat " ) (305), A (Andros) (306), K (Délis SA) et J (Coroos) (307). Dans le téléphone de M. D (Charles Faraud et Charles & Alice), on retrouve le numéro de téléphone portable de MM. P (Materne) (308) et K (Délis SA) (309). En outre, M. D (Charles Faraud et Charles & Alice) a demandé à M. C (Charles Faraud et Charles & Alice) par SMS le numéro de téléphone de M. J (Coroos) le 20 juin 2013 (310). Interrogés sur ce SMS en audition, MM. C et D ne voyaient pas de qui il était Question (311). Pourtant, M. Da envoyé le contact de M. J (Coroos) à M. C quelques minutes plus tard (312).
255. La messagerie électronique de M. Q (Valade), contient les coordonnées de M. J (Coroos) (313) ainsi que celles de M. O (Materne), qui ont été ajoutées le 25 novembre 2010, soit peu de temps après les premières réunions mentionnées aux paragraphes 53 et suivants (314).
256. Enfin, M. K (Délis SA) a noté les numéros de téléphone portable de M. G de Conserves France et de M. R (Valade) (315) dans ses notes de la présentation " P&L2 " 256. Enfin, M. K (Délis SA) a noté les numéros de téléphone portable de M. G de Conserves France et de M. R (Valade) (315) dans ses notes de la présentation " P&L2 ".
b) Les téléphones spéciaux
257. Le demandeur de clémence a également expliqué qu'il utilisait une carte SIM spéciale pour certains appels (316). Lors de l'audition du 30 avril 2015, le " GSM spécial " utilisé par M. J (Coroos) depuis le mois d'octobre 2013 et sa carte SIM ont été remis aux services d'instruction. Ce téléphone conserve uniquement la trace des communications de la période allant d'octobre 2013 à janvier 2014, date à laquelle Coroos a mis fin à sa participation à la pratique dénoncée. Le demandeur de clémence explique cela par le fait que M. J aurait été contraint de se procurer un nouveau téléphone portable à la suite du vol de son précédent " GSM spécial ". Un procès-verbal du 3 octobre 2013 établi par la police néerlandaise rapporte les événements entourant ce vol (317).
258. L'exploitation par les services d'instruction du " GSM spécial " utilisé par M. J (Coroos) (318) a donné, pour une période d'utilisation allant du 10 octobre 2013 au 4 février 2014, les résultats suivants :
- le 10 janvier 2014, un appel entrant correspondant au numéro fixe de la représentation parisienne de Materne ;
- entre le 4 novembre 2013 et le 10 janvier 2014, 20 appels entrants, sortants ou manqués du numéro correspondant au téléphone portable de M. O (Materne) (319) ;
- entre le 22 octobre 2013 et le 5 novembre 2013, trois appels sortants vers le numéro de M. D (Charles Faraud) (320).
259. De plus, dans sa présentation des entreprises participant aux pratiques, le demandeur a aussi fourni le numéro de " GSM spécial " pour les personnes physiques en disposant d'un à sa connaissance (321), soit M. D (Charles Faraud et Charles & Alice) et MM. O et P (Materne).
260. Outre le téléphone courant de M. D (Charles Faraud et Charles & Alice), mentionné précédemment, un second téléphone lui appartenant a été saisi chez Charles Faraud (322). Il semble qu'il corresponde au " téléphone spécial " évoqué au paragraphe précédent. La liste des appels, qui se rapporte à la période allant d'octobre 2013 à septembre 2014, comprend trois appels à M. P (Materne) sur un numéro de téléphone fixe (323) le 5 octobre 2013, trois autres appels à un numéro fixe de l'entreprise Coroos le 14 octobre 2013, ainsi que trois appels à M. K (Délis SA) sur un numéro fixe dit " perso " (324) le 18 octobre 2013, le 14 janvier 2014 et le 4 février 2014.Cette liste contient également un grand nombre d'appels au numéro " 123 ", lequel correspond au répondeur de la ligne téléphonique en cause.
c) Les preuves d'appels téléphoniques entre concurrents
261. Le demandeur de clémence a relaté un certain nombre de conversations téléphoniques avec ses concurrents.
262. Les téléphones de MM. J (Coroos), O et P (Materne), K (Délis SA), C et D (Charles Faraud et Charles & Alice) ont été inspectés. Certaines données relatives à la période en cause ont été recueillies (SMS, rendez-vous d'agenda, messages vocaux), en revanche les relevés d'appels ne permettent pas de remonter à la période précédant l'année 2015.
263. Les personnes auditionnées ont été interrogées sur leurs relations téléphoniques avec leurs concurrents entre 2010 et 2014.
Les appels entre Coroos et ses concurrents
264. Le demandeur de clémence a produit des notes manuscrites ou dactylographiées qui auraient été prises par M. J (Coroos) lors d'appels téléphoniques avec ses concurrents. Il a précisé que la plupart de ses contacts anticoncurrentiels avaient eu lieu par téléphone, entre M. J (Coroos) et M. O (Materne) (325).
Entre Coroos et Materne
265. M. O (Materne) a déclaré avoir téléphoné fréquemment à M. J (Coroos), " toujours sur le même sujet " (326).
266. Le demandeur de clémence a indiqué quelques appels d'offres qui auraient fait l'objet d'échanges entre M. J (Coroos) et M. O (Materne). Les paragraphes qui suivent décrivent les conversations téléphoniques pour lesquelles le demandeur de clémence a fourni des notes manuscrites datées :
Conversation entre le 17 janvier et le 1er février 2011 sur les clients Leclerc, Carrefour et Lidl
267. Le demandeur de clémence a fourni des notes prises au verso d'une feuille imprimée le 17 janvier 2011 (327). Selon lui, ces notes concernent les hausses de prix qui ont fait l'objet de la réunion d'octobre 2010. Elles contiennent les prix que les fournisseurs historiques de Leclerc (Andros, Charles Faraud et Materne) et Carrefour (Charles Faraud) voulaient facturer au 1er février 2011 dans l'idée de maintenir la répartition du marché existante. Ainsi, il y aurait une baisse de 30 % des prix d'Andros en raison d'une chute du prix du sucre. Chez Lidl, le prix de Délis SA ( " Delys " ) augmenterait de 0,31 à 0,38 euro. D'après le demandeur de clémence, ces notes correspondent aux accords sur les prix notés à l'automne 2010 sur le papier à en-tête Concorde (328).
Appel d'offres Carrefour de 2012
268. Une feuille imprimée le 16 juillet 2012 a servi de support à des notes de M. J (Coroos) (329), lesquelles ont donc été prises ce jour-là ou dans les semaines suivantes. Le demandeur de clémence a indiqué qu'il s'agissait de notes prises pendant une conversation avec M. O (Materne) (330). À cette occasion, Coroos aurait appris que Materne effectuait une hausse de prix de neuf centimes par kilogramme. Les notes indiquent aussi quels producteurs fournissaient des gourdes ou des coupelles à Carrefour et à quel prix. Délis SA, St-Mamet, Hero et Faraud sont cités. En outre, ces notes indiquent aussi les nouveaux produits demandés par Carrefour. Les prix que Coroos devait offrir pour de nouveaux produits et des petits prix afin de respecter la répartition convenue avec Materne sont mentionnés dans la partie droite de la page.
Conversation de l'automne 2012 sur des appels d'offres de Carrefour, Leclerc et EMC au 1er novembre 2012
269. À l'automne 2012 (331), M. O (Materne) aurait informé par téléphone M. J (Coroos) du fait que les contrats seraient renégociés avec Carrefour, Leclerc et EMC (Casino, Monoprix et Leader Price) le 1er novembre 2012. Les prix seraient susceptibles d'augmenter sur la base du prix des pommes.
270. Fin 2012, M. J (Coroos) aurait été informé par M. O (Materne) des hausses de prix pour les gourdes Materne et pour les coupelles Charles Faraud chez Leader Price (LP). Materne aurait augmenté son prix de 2012 de 19 centimes (de 0,839 à 0,907 en 2013) pour les gourdes pomme vanille et pomme fraise. Le prix des gourdes pomme poire, pomme banane, pomme abricot de Materne aurait lui augmenté de 18 centimes. M. O aurait également fait savoir que Charles Faraud augmentait le prix de ses coupelles à concurrence de 20 centimes/kg.
271. Le demandeur de clémence a également indiqué que M. O (Materne) l'avait informé du fait que Délis SA proposait une hausse de prix de 11,6 % chez Système U (332). Il lui a aussi fourni les prix par produit.
Trois conversations de décembre 2012 sur le client Casino / Leaderprice pour un appel d'offres de mars 2013
272. Des notes, prises sur un document daté du 21 décembre 2012 et donc vraisemblablement au cours de ce même mois (333), montrent, d'après le demandeur de clémence (334), que M. O (Materne) aurait communiqué les prix courants (2012) et futurs (2013) d'Andros pour des coupelles chez Leaderprice/Casino. Il est écrit que les prix augmenteraient de 17 à 19 centimes par kg à partir du 1ermars 2013. Il est aussi indiqué que les prix augmenteraient de 14 % au rayon frais.
273. D'autres notes (335) portent aussi sur des prix (franco) de coupelles et de gourdes d'Andros pour le client Casino au 1ermars 2013 et correspondent aussi, d'après le demandeur de clémence, à une conversation téléphonique avec M. O (Materne). Coroos a aussi indiqué que lors de cette conversation, des informations concernant les prix de Materne chez Casino lui avaient aussi été transmises, de même que les tarifs de transport.
274. D'autres notes (336) traitent des prix proposés par Materne à Casino/Leaderprice. Le verso de ces notes (337) montre qu'elles ont été prises après le 3 décembre 2012. Materne aurait prévu une hausse de prix. Les notes mentionnent d'abord le niveau des prix par kg, le volume (1 000 tonnes) et des coûts de transport (24 centimes). En bas, le demandeur de clémence a indiqué qu'il s'agissait de calculs de M. J (Coroos) concernant les gourdes (désignées par la lettre " p ", soit l'initiale de traduction du terme gourde en anglais : " pouches " ), dans le but de comparer le prix des produits Coroos avec ceux de Materne et d'expliquer l'écart au client Casino/Leaderprice (338).
Conversation de l'été 2013 sur un appel d'offres de Carrefour
275. Des notes de M. J (Coroos), prises au verso d'un contrat du 16 juillet 2013, portent, d'après les explications du demandeur de clémence (339), sur un appel d'offres de Carrefour. Y figurent les prix pratiqués à l'époque par Délis SA, Materne et Conserves France (St-Mamet), les prix que ces dernières voulaient obtenir, et les prix que Coroos devait offrir dans le but de laisser les marchés aux fournisseurs historiques.
276. En conclusion, M. O de Materne et M. J de Coroos ont eu de nombreux échanges téléphoniques à propos des appels d'offres pour des compotes en MDD, sur les prix et sur la répartition des volumes et des clients entre 2010 et 2013.
Entre Coroos et Andros
277. M. A (Andros) a indiqué que M. J (Coroos) l'avait appelé deux ou trois fois, " surtout pour s'assurer que je ne lui prendrais pas de volumes. Il voulait aussi que j'intervienne pour que Materne Confilux en Benelux et qu'Odenwald en Allemagne arrêtent d'être agressifs en prix en MDD et arrêtent de lui prendre des volumes, ce que j'ai clairement refusé de faire " (340). M. A (Andros) a indiqué qu'il avait lui-même rappelé M. J (Coroos) une ou deux fois sur son portable.
278. Il y a donc eu des conversations téléphoniques entre M. A d'Andros et M. J de Coroos sur les appels d'offres MDD et des répartitions de volumes.
Entre Coroos et Charles Faraud
279. Le demandeur de clémence a fourni des notes manuscrites (341) qu'il aurait prises lors d'une conversation avec un représentant de Charles Faraud à propos des prix de ce concurrent chez ses clients (Leclerc, Sodexo, Casino/Leaderprice). La mention " 10 octobre 2013 " correspondrait à la date pour laquelle Charles Faraud attendait une réponse de Sodexo concernant une offre de prix.
280. Interrogés en audition, MM. C et D (Charles Faraud et Charles & Alice) ont déclaré n'avoir jamais eu M. J (Coroos) au téléphone (342). Cependant, l'examen du téléphone de M. D (Charles Faraud et Charles & Alice) révèle deux appels manqués et un appel sortant le 14 octobre 2013 vers l'entreprise Coroos (343).
281. Ces éléments permettent de conclure qu'il y a bien eu un échange d'information sur des appels d'offres MDD et RHF et des prix en octobre 2013 entre Charles Faraud et Coroos.
Entre Coroos et Conserves France
282. Dans un message électronique interne à Conserves France daté du 3 octobre 2011, rédigé à l'attention de son directeur commercial, il est question d'échanges avec Charles Faraud et Coroos. Ce courriel indique : " c'est cooros ? si oui, tu peux leurs (sic ?) dire la même chose que j'ai dit à Faraud la semaine dernière : - que nous allons répondre sur une partie seulement de l'appel d'offre (pas la totalité) mais sur la base des prix des marchés publics français afin de rentrer dans la compétition " (344).
283. Il y a donc eu un échange entre Conserves France et Coroos sur un appel d'offres.
Entre Coroos et Valade
284. Le demandeur de clémence a fourni des notes manuscrites (345) que M. J (Coroos) aurait prises pendant une conversation téléphonique avec M. Q (Valade) à l'automne 2011. Les prix de Valade ainsi que les prix de Conserves France concernant le client Carrefour sont indiqués, probablement pour la date notée en bas de page (12 janvier 2012). D'après le demandeur de clémence, Valade voulait conserver le marché et s'assurer que Coroos ne proposerait pas de prix inférieur.
285. Interrogé sur cet appel téléphonique, M. Q (Valade) a confirmé avoir eu M. J (Coroos) au Téléphone (346). " Il cherchait des informations et je ne lui ai donné aucune information " ; Sur le compte-rendu des notes de [M. J] sur un échange qui aurait eu lieu entre lui et moi, les fournisseurs sont faux (Conserves France n'a jamais été fournisseur de Carrefour), les prix ne correspondent pas aux prix pratiqués par Valade en 2012, certains produits ne sont pas fabriqués par Valade. Ces informations n'ont donc pas été données par Valade. Ensuite, les hausses prévues ne correspondent à rien, car il n'y a pas eu de hausses en 2012 chez Carrefour. "
286. En conclusion, il y a eu un échange téléphonique entre MM. Q de Valade et J de Coroos sur un appel d'offres en cours.
Entre Coroos et Délis SA
287. M. J (Coroos) indique avoir pris des notes relatant une conversation avec M. K (Délis SA) au dos d'un document interne à Coroos daté du 16 août 2012 détaillant les coûts de production d'une coupelle pomme-banane (347). Le prix de 0,86 euro correspondant au tarif d'une coupelle Coroos à cette époque est indiqué sous la colonne dactylographiée des coûts. À côté, le prix " 1,00 " constitue le prix auquel Coroos souhaitait parvenir. Pour cela, il était nécessaire que Délis SA propose 1,042 euro afin que le contrat reste chez Coroos.
288. Un autre prix devait être augmenté de 17 %, mais le demandeur de clémence ne se souvient plus de quel produit il s'agissait.
289. Enfin, M. K (Délis SA) aurait indiqué qu'il allait offrir 0,45 euro à Lidl pour des coupelles.
290. Lors de son audition, M. K (Délis SA) a indiqué n'avoir eu au téléphone M. J (Coroos) qu'une seule fois pour une question de sous-traitance vers 2011. Il ne se souvenait plus comment il avait obtenu son numéro de téléphone (348).
291. Compte tenu de l'ensemble du dossier, et notamment du fait que le demandeur de clémence a fourni un autre document manuscrit très précis concernant des coupelles fournies par Délis SA au client Lidl (349), il est établi qu'il y a eu un échange téléphonique entre Coroos et Délis SA sur des appels d'offres et des prix.
Les autres échanges téléphoniques établis
Entre Materne et Délis SA
292. Interrogé sur ses relations téléphoniques avec M. O (Materne), M. K (Délis SA) a répondu " je ne me souviens pas l'avoir eu au téléphone, hormis si cela aurait concerné le copacking " (350).
293. De son côté, M. P (Materne) a déclaré qu'il avait appelé " de temps en temps " M. K (Délis SA) au téléphone, " pour parler du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui et pour échanger sur les appels d'offres, sur ce qui se passe sur le marché, sur les attitudes de nos clients distributeurs. Parfois aussi à titre personnel ". M. O (Materne) a indiqué avoir également téléphoné à M. K (Délis SA), sur les mêmes sujets (351).
294. Ces déclarations montrent donc que M. O et P de Materne, et M. Kde Délis SA ont eu des conversations téléphoniques sur les appels d'offres et les clients.
Entre Materne et Charles Faraud
295. Dans le téléphone et la tablette numérique de M. C (Charles Faraud et Charles & Alice) sont recensés quatre appels à M. O (Materne) et quatre appels reçus de ce dernier en 2015 (352), ainsi que quinze messages vocaux entre 2012 et 2015 (353). M. O (Materne) a déclaré avoir eu M. C (Charles Faraud et Charles & Alice) au téléphone à propos de la FIAC Fruits.
296. M. P (Materne) a déclaré qu'il avait souvent M. D (Charles Faraud et Charles & Alice) au téléphone, " sur le sujet dont on parle depuis ce matin, sur la veille sur le marché, notamment à propos de nos clients. On échangeait librement sur des sujets qui ne sont pas confidentiels et concernent la vie de nos clients " (354).
297. De son côté, M. D (Charles Faraud et Charles & Alice) a indiqué qu'il avait souvent M. P (Materne) au téléphone, avec lequel il a une relation amicale de longue date. Interrogés sur un SMS que M. D (Charles Faraud et Charles & Alice) avait envoyé à M. C (Charles Faraud et Charles & Alice) le 11 décembre 2014 rédigé en ces termes (355) : " J'ai eu HP au téléphone. II est en train de se faire sortir chez Casino en Gourdes ; pour lui c'est Delvert, en regroupant nos infos sur l'épicerie c'est Coroos et Delvert qui tire le marché par vers le bas ; Sur la hollande HP n'a pas réussi à prendre un Kg de compote a Coroos ", MM. D et C (Charles Faraudet Charles & Alice) ont déclaré ne pas savoir qui est " HP ". Or, ces lettres correspondent aux initiales de l'un des directeurs de Materne.
298. Il ressort de ce qui précède que MM. O (Materne) et C (Charles Faraud et Charles & Alice), d'une part, et MM. P (Materne) et D (Charles Faraud et Charles & Alice), d'autre part, avaient une grande proximité et des contacts très fréquents. MM. D (Charles Faraud et Charles & Alice) et P (Materne) ont échangé au téléphone sur le marché, sur leurs concurrents et leurs clients et sur des appels d'offres pendant la période des pratiques en cause.
Entre Materne et Andros
299. M. P (Materne) a déclaré qu'il avait eu " de rares fois " M. A (Andros) au téléphone en 2011 ou 2012 : " On a parlé de la situation des appels d'offres MDD et des informations clients que je pouvais glaner à droite ou à gauche ".
300. M. A (Andros) a indiqué qu'il avait eu plusieurs fois M. O (Materne) au téléphone pour évoquer un projet de sous-traitance. " Suite à ces appels, nous avons eu des conversations sur nos portables respectifs (...), M. O cherchait surtout à s'assurer que je n'essayais pas de leur prendre des volumes et il a évoqué les prises de volume d'Andros en MDD (gains Lidl, Casino, Leader price,...) " (356). Concernant l'organisation pratique des réunions multilatérales entre concurrents auxquelles il a participé, M. A (Andros) a déclaré : " je pense que c'était M. O[ (Materne)] qui m'invitait en téléphonant et il me communiquait par téléphone les informations pratiques (lieu, date, horaire) " (357).
301. M. O (Materne) a indiqué avoir eu " quelques contacts téléphoniques avec Mme B dans le cadre qui nous occupe depuis ce matin, on parlait des appels d'offres, de la situation concurrentielle sur le marché, de nos clients et de leur agressivité commerciale. Je ne saurais pas exactement vous dire quand, je dirais 2012/2013 ".
302. De son côté, Mme B (Andros) a indiqué que ses seuls contacts avec M. O (Materne) avaient porté sur la fabrication des gourdes de crème Mont-Blanc (358).
303. En conclusion, MM. O et P de Materne et M. A d'Andros ont échangé, par téléphone, en 2011 et 2012 au sujet du marché des compotes, des appels d'offres MDD, de la répartition des volumes et des clients. M. O (Materne) et Mme B (Andros) ont également échangé au téléphone en 2012 ou 2013 sur le marché, les appels d'offres MDD et les clients.
Entre Andros et Délis SA
304. M. A (Andros) a indiqué qu'il se souvenait avoir eu au téléphone environ cinq ou six fois M. K (Délis SA) entre 2010 et 2011 : " Il m'a appelé trois ou quatre fois sur mon portable (...) surtout pour s'assurer que je n'essayais pas de lui prendre des volumes chez Lidl car nous étions en marché partagé, ce que j'ai effectivement réussi à faire après deux ou trois appels d'offre en 2013 ou 2014 en devenant fournisseur exclusif de Lidl. Je l'ai également rappelé sur son portable (...) deux ou trois fois " (359).
Entre Andros et Charles Faraud
305. Lors de son audition, M. C (Charles Faraud et Charles & Alice) a déclaré avoir eu des contacts téléphoniques avec M. A et Mme B d'Andros pour parler de la FIAC uniquement.
306. Mme B (Andros) a également indiqué avoir eu M. C (Charles Faraud et Charles & Alice) au téléphone à propos de la FIAC.
307. M. A (Andros) a indiqué avoir eu M. D (Charles Faraud et Charles & Alice) au téléphone, notamment entre 2010 et 2011pour échanger " sur nos difficultés à passer des hausses " (360).
308. MM. A d'Andros et D de Charles Faraud et de Charles & Alice ont donc échangé, par téléphone, au sujet des prix.
Entre Délis SA et Conserves France
309. 69 occurrences ( " times contacted " ) vers M. H (Conserves France) (361) sont recensées dans le téléphone de M. K (Délis SA). Les coordonnées téléphoniques de M. H fournies par le demandeur de clémence (362) correspondent à celles retrouvées dans le terminal de M. K (Délis SA). Interrogé sur ces appels en audition, M. K (Délis SA) a déclaré qu'il avait " beaucoup de relations sur le foot avec [M. H], qui est un fan du Real de Madrid alors que je suis un fan du PSG. Depuis qu'il est reparti en Espagne nos relations ont cessé " (363).
310. Des notes manuscrites prises par M. K (Délis SA) au sujet d'un appel d'offres Intermarché de début 2011 pour 600 tonnes de gourdes indiquent : " il faut dire que St-Mamet et Délis SA vont se tel semaine prochaine " (364).
311. En conclusion, il y a eu un grand nombre d'appels entre MM. K de Délis SA et H de Conserves France au cours de la période des pratiques litigieuses. Au moins un a porté sur un appel d'offres de la grande distribution.
Entre Charles Faraud et Conserves France
312. Le message électronique du 3 octobre 2011 interne à Conserves France et cité au paragraphe 282 (365) montre qu'il y a eu un échange téléphonique entre Conserves France et Charles Faraud sur un appel d'offres à venir.
Entre Valade et Charles Faraud
313. Le 13 août 2013, un SMS de M. D (Charles Faraud et Charles & Alice) à M. C (Charles Faraud et Charles & Alice) évoque une information à propos des prix de Conserves France obtenue de Valade : " st Mamet abaisser ces prix marches de 4 % notre écart est maintenant de 6 % j'attends validation info valade " (366) (sic).
314. Interrogé au sujet de ses échanges téléphoniques avec ses concurrents, M. D (Charles Faraud) n'a pas indiqué avoir eu de contacts téléphoniques avec Valade. Le SMS précité montre cependant que Valade et Charles Faraud ont, par le biais de M. D, échangé sur les prix de Conserves France.
315. Il résulte de ce qui précède que des échanges téléphoniques sur le marché, les clients, les appels d'offres notamment futurs et les prix par le biais de messageries non professionnelles sont établis entre les parties. Le tableau qui suit produit une synthèse des échanges téléphoniques entre les parties.
Tableau 13 - Synthèse des échanges téléphoniques ayant porté sur des informations confidentielles relatives aux offres ou au prix sur le marché des compotes.
[TABLEAU]
E. RAPPEL DU GRIEF NOTIFIE
316. Au vu des éléments précédemment rappelés, les services d'instruction ont, le 22 février 2018, notifié un grief aux entreprises concernées (367).
317. Les services d'instruction ont reproché aux sociétés ci-après :
- la société Materne (RCS Lyon n° 398 404 194) pour la période du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014 en raison de sa participation directe et aux sociétés MBMA (RCS Paris n° 528 048 572) et MBMA holding (RCS Paris n° 527 552772) en leur qualité de sociétés mères de la société Materne, mais pour la société MBMA holding uniquement à compter de mars 2011 ;
- la société Andros (RCS Cahors n° 428 682 447) pour la période du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014 en raison de sa participation directe, à la société Andros et Cie (RCS Cahors n° 395 287 519) en sa qualité de société mère exerçant une influence déterminante sur la première ;
- la société Conserves France (RCS Tarascon n° 706 220 548) pour la période du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014 en raison de sa participation directe ;
- la société Délis SA (RCS Rennes n° 394 134 977) pour la période du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014 en raison de sa participation directe, et aux sociétés SAS Vergers de Châteaubourg (RCS Rennes n° 399 539 782) et Groupe Lactalis (RCS Laval n° 331 142 554) en leur qualité de sociétés mères de la société Délis SA ;
- la société SAS Vergers de Châteaubourg (RCS Rennes n° 399 539 782) pour la période du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014 en raison de sa participation directe et à la société Groupe Lactalis (RCS Laval n° 331 142 554) en sa qualité de société mère de la société SAS Vergers de Châteaubourg ;
- la société Charles Faraud (RCS Avignon n° 328 024 898) pour la période du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014 en raison de sa participation directe et à la société CAI Développement (RCS Romans 794 350 843) en sa qualité de société mère de la société Charles Faraud ;
- la société Charles & Alice (RCS Romans n° 347 681 074) pour la période du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014 en raison de sa participation directe et aux sociétés Charles Faraud (RCS Avignon n° 328 024 898) et CAI Développement (RCS Romans 794 350 843) en leur qualité de société mère de la société Charles & Alice ;
- la société Valade (RCS Brive n° 677 120 263) pour la période du 4 novembre 2010 au 10 janvier 2014 en raison de sa participation directe et à la société Financière Lubersac (RCS Brive n° 518 672 647) en sa qualité de société mère de la société Valade ;
- la société Coroos Conserven BV (n° 22014802) pour la période du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014 en raison de sa participation directe, les sociétés Coroos Beheer BV (n° 22027291), Coroos International N.V. (n° 22037823) et OKB (n° 41114051) en leur qualité de sociétés mères de Coroos Conserven BV ;
" d'avoir, dans le secteur des fruits transformés cuits commercialisés en coupelles et en gourdes et vendus à la grande distribution sous marques de distributeur et aux distributeurs de la restauration hors foyer sur le territoire français, participé à une entente visant à manipuler les prix et à se répartir les clients et les volumes. Ces comportements ont un objet anticoncurrentiel et sont prohibés par les articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du Code de commerce ".
318. Par une notification de griefs complémentaire du 28 mai 2018 (368), le grief précité a également été notifié à :
- la société B.S.A. (RCS Paris n° 557 350 253) en tant que maison mère contrôlant les sociétés Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg et Groupe Lactalis précitées ;
- la société Conserve Italia societa cooperativa agricola (immatriculée au registre italien des sociétés coopératives sous le numéro A106333) en tant que maison mère contrôlant la société Conserves France précitée.
II. Discussion
319. Seront successivement examinés les questions de procédure (A), l'applicabilité du droit de l'Union (B), le bien-fondé des griefs notifiés (C), l'imputabilité (D) et les sanctions (E).
A. SUR LA PROCEDURE
1. EN CE QUI CONCERNE L'IMPARTIALITE DE LA PROCEDURE
a) S'agissant de l'instruction prétendument à charge
Arguments des parties
320. Dans leurs écritures, les sociétés Charles Faraud et Materne allèguent que l'instruction a été menée à charge. Elles lui reprochent, en substance, de ne pas avoir mentionné certains éléments à décharge, d'avoir tronqué et déformé les propos de leurs employés, d'avoir procédé à des déductions parfois trop rapides et d'avoir accordé trop de crédit aux déclarations du demandeur de clémence, ce qui aurait conduit les rapporteurs à porter une appréciation erronée sur les faits litigieux.
Appréciation de l'Autorité
321. La pratique décisionnelle comme la jurisprudence considèrent, de manière constante, que le rapporteur des services d'instruction dispose d'un pouvoir d'appréciation quant à la conduite de ses investigations (369). Ce dernier fonde la notification des griefs sur les faits qui lui paraissent de nature à en établir le bien-fondé et n'a pas à répondre à tous les arguments développés par les parties (370). Ainsi, le fait que la notification des griefs ne cite pas tous les faits et indices qui n'ont pas été retenus comme indices des pratiques anticoncurrentielles ne peut faire grief aux entreprises, dès lors que celles-ci ont eu accès à l'ensemble de la procédure (371).
322. La cour d'appel de Paris a par ailleurs relevé, dans son arrêt du 17 mai 2018, société Umicore France, qu'il " ne peut être reproché aux rapporteurs d'avoir retenu les éléments " à charge " des entreprises et écarté les éléments que celles-ci invoquaient à leur décharge, dès lors qu'ils ont pour fonction d'instruire et de décrire dans la notification de griefs, puis dans le rapport, ce qui à leurs yeux doit conduire à la qualification et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, l'Autorité ayant en charge d'examiner le bien-fondé des éléments ainsi retenus. À ce titre, seule la déloyauté dans l'interprétation ou la présentation des pièces, ou encore dans la façon d'interroger les personnes en cause ou les tiers, peut conduire à constater une atteinte aux droits de la défense des parties (...) " (372).
323. En l'espèce, les parties ont eu accès à l'ensemble des pièces du dossier et ont eu toute latitude pour apporter les éléments qui paraissaient utiles à leur défense et, notamment, contester la qualification juridique des faits retenus par les services d'instruction. Les exemples présentés par les sociétés Charles Faraud et Materne pour contester le caractère impartial de l'instruction ne révèlent aucune déloyauté des services d'instruction mais reposent seulement sur une divergence d'interprétation des éléments de preuve ou d'analyse des données du dossier qui relève strictement de l'appréciation des questions de fond.
324. Dès lors, les sociétés Charles Faraud et Materne ne sont pas fondées à soutenir que l'instruction aurait été conduite à charge, en méconnaissance du principe d'impartialité.
b) S'agissant de l'absence de séparation entre les fonctions d'instruction de la demande de clémence et de la saisine d'office
Arguments des parties
325. La société Materne relève, dans ses écritures, que les rapporteurs qui ont examiné la demande de clémence de Coroos et proposé au collège de l'accepter sont les mêmes que ceux qui ont, par la suite, proposé au collège de se saisir d'office des pratiques en cause et instruit la présente affaire. Elle en déduit que ces rapporteurs ont, tour à tour et sans distinction, exercé des fonctions de poursuite et d'instruction, en méconnaissance du principe d'impartialité protégé par l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Appréciation de l'Autorité
326. Conformément aux I et III de l'article L. 462-5 du Code de commerce, l'Autorité peut, sur proposition du rapporteur général, se saisir d'office " de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1 à L. 420-2-2 et L. 420-5 ou contraire aux mesures prises en application de l'article L. 410-3, ou de faits susceptibles de constituer une telle pratique (...) ".
327. La faculté de se saisir d'office est l'une des prérogatives essentielles des Autorités indépendantes dotées de missions de régulation et une condition essentielle de leur efficacité. Pour le Conseil de la concurrence (ci-après : " le Conseil " ) comme pour l'Autorité, cette possibilité a été déclarée, de façon constante, conforme aux principes d'indépendance et d'impartialité par les jurisprudences administrative (373), judiciaire (374) et constitutionnelle (375) des cours suprêmes.
328. À ce titre, la Cour de cassation a notamment relevé que " la décision par laquelle le Conseil de la concurrence décide de se saisir d'office n'est pas un acte de poursuite " (soulignement ajouté) et que la circonstance qu'un même rapporteur rassemble les éléments permettant au collège d'apprécier l'opportunité d'une saisine d'office et instruise ultérieurement, le cas échéant, cette saisine, ne méconnaît pas le principe de la séparation des fonctions de poursuite et d'instruction et, partant, le principe d'impartialité (376).
329. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre le III de l'article L. 462-5 du Code de commerce, le Conseil constitutionnel a relevé, dans sa décision du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus " qu'au regard [d]es garanties légales [qui entourent l'auto-saisine et] dont il appartient à la juridiction compétente de contrôler le respect, [la faculté, pour l'Autorité, de se saisir d'office] n'opère pas de confusion entre les fonctions de poursuite et d'instruction et les pouvoirs de sanction ; que, dans ces conditions, les dispositions du paragraphe III de l'article L. 462-5 du Code de commerce ne portent aucune atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; " (377).
330. La saisine d'office de l'Autorité de la concurrence peut, comme en l'espèce, intervenir après que l'Autorité ait eu connaissance de faits susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles dans le cadre d'une demande de clémence, en application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce et de l'article R. 464-5 du même Code.
331. Aux termes de ces articles, la procédure de clémence est initiée par une entreprise ou un organisme qui adresse sa demande au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou au rapporteur général de l'Autorité. Cette dernière adopte ensuite, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'Economie, un avis de clémence qui précise, sur le fondement des propositions d'un rapporteur de l'Autorité, les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération de sanction envisagée.
332. L'Autorité a, dans une décision n° 15-D-04 du 26 mai 2015, souligné que " l'avis de clémence est un acte par nature conditionnel, dépourvu de caractère public. Il s'agit en effet d'un acte préparatoire à la décision " (378). La portée de l'avis de clémence est strictement limitée à l'appréciation de l'éventuelle exonération de sanction sollicitée par le demandeur de clémence. Comme la saisine d'office, l'avis de clémence ne constitue pas un acte de poursuite et n'emporte aucun préjugement de l'affaire (voir l'arrêt de la cour d'appel de Paris dans l'affaire des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la boulangerie artisanale (379)).
333. La procédure de clémence peut donc, sous l'impulsion du rapporteur général, conduire l'Autorité à se saisir d'office. Ces deux procédures sont complémentaires et concourent à l'ouverture de la phase d'instruction susceptible de déboucher sur un acte de poursuite, la notification des griefs. En revanche, ni l'une ni l'autre de ces procédures ne constituent, en elle-même, un acte de poursuite.
334. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient Materne, les rapporteurs des services d'instruction qui ont eu à connaître de la demande de clémence de Coroos, de la saisine d'office et qui ont instruit la présente affaire n'ont pas successivement exercé des fonctions de poursuite et d'instruction au mépris du principe d'impartialité. L'argument de Materne relatif à la méconnaissance de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
2. EN CE QUI CONCERNE LE DEROULEMENT DES OPERATIONS DE VISITE ET SAISIE DU 22 SEPTEMBRE 2015
Arguments des parties
335. La société Charles Faraud conteste la régularité de la mise en œuvre des opérations de visite et saisies du 22 septembre 2015. Elle estime qu'un rapporteur aurait, lors de celles-ci, posé à MM. C et D, respectivement président et directeur commercial de la société Charles Faraud, " des questions intimidantes qui tendaient à leur faire directement reconnaître leur prétendue participation à des pratiques anticoncurrentielles ". Elle soutient également que M. D aurait subi des pressions au cours de son audition. Enfin, elle fait valoir qu'elle n'a pas eu accès aux éléments matériels justifiant l'autorisation des visites et saisies faute, pour les services d'instruction, de lui avoir communiqué les pièces annexées à la demande de clémence de la société Coroos.
Appréciation de l'Autorité
336. Aux termes de l'article L. 450-4 du Code de commerce, " [l]es agents mentionnés à l'article L. 450-1 ne peuvent procéder aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents et de tout support d'information que dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne, le ministre chargé de l'Economie ou le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence sur proposition du rapporteur, sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure, suivant les règles prévues par le Code de procédure pénale. (...) Le déroulement des opérations de visite et saisie peut faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé ces dernières, suivant les règles prévues par le Code de procédure pénale. "
337. Il ressort de ces dispositions que l'ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention territorialement compétente a autorisé les agents des services d'instruction à réaliser des opérations de visite et saisie et le déroulement de ces opérations peuvent faire l'objet d'un recours spécifique devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure. Il n'appartient pas à l'Autorité de se prononcer sur la légalité d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant des opérations de visite et saisie, ni sur le déroulement de ces dernières. Seul le juge judiciaire, régulièrement saisi, est compétent pour effectuer un tel contrôle (380). Dans ces conditions, la société Charles Faraud n'est pas recevable à contester, devant l'Autorité, la régularité de la mise en œuvre des opérations de visite et saisies.
338. Au surplus, d'une part, les pièces annexées à la demande de clémence de la société Coroos ont été versées à la procédure.
339. D'autre part, le premier président de la cour d'appel de Paris a, par une première ordonnance du 28 juin 2017, rejeté les conclusions de la société Charles Faraud dirigées contre l'ordonnance du 11 septembre 2015 par laquelle le JLD a autorisé les agents des services d'instruction à procéder à des visites et saisies dans ses locaux. Par ailleurs, par une seconde ordonnance du même jour, le même magistrat a annulé les procès-verbaux des auditions de M. C et M. D réalisées le 22 septembre 2015, au cours des opérations de visite et saisies, pour méconnaissance des droits de la défense et rejeté le surplus des conclusions dirigées contre les modalités d'exécution de ces opérations. Dès lors, en application de cette ordonnance, la présente décision n'est pas fondée sur ces procès-verbaux annulés.
340. Dans ces conditions, la société Charles Faraud n'est, en tout état de cause, pas fondée à contester devant l'Autorité les opérations de visite et saisies et leur déroulement.
3. EN CE QUI CONCERNE LA PRETENDUE IMPRECISION DU GRIEF NOTIFIE
Arguments des parties
341. Materne, Délis SA et B.S.A. soutiennent que le grief notifié, qui regroupe trois pratiques distinctes et floues, serait abscons, ce qui les aurait empêchées d'exercer utilement leurs droits de la défense. Certaines d'entre elles estiment également que la notification des griefs et le rapport seraient entachés de nombreuses imprécisions factuelles.
Appréciation de l'Autorité
342. Comme le Conseil l'a indiqué dans sa décision relative au secteur de la vente de voyages en ligne (381), " la notification des griefs est un document synthétique qui contient une description précise des faits reprochés, leur date, leur imputabilité et leur qualification, puis reprend, in fine, en les résumant, la rédaction des griefs eux-mêmes dans une formule concise. Elle constitue l'acte d'accusation et doit donc être précise (cour d'appel de Paris, 29 mars 2005, Filmdis Cinésogar), cette exigence n'excluant pas que les juges d'appel et de cassation recherchent, dans le corps même de la notification des griefs, la portée de ces derniers (Cour de cassation, 6 avril 1999, ODA) ". (soulignement ajouté)
343. En l'espèce, il ressort de la notification des griefs que les services d'instruction reprochent aux sociétés en cause d'avoir, " dans le secteur des fruits transformés cuits commercialisés en coupelles et en gourdes et vendus à la grande distribution sous marques de distributeur et aux distributeurs de la restauration hors foyer sur le territoire français, participé à une entente visant à manipuler les prix et à se répartir les clients et les volumes (382) ".
344. Ce grief, composé de trois pratiques, s'inscrit dans le cadre du plan global élaboré par les entreprises en cause. La notification des griefs (383) précise d'ailleurs que " ce plan reposait sur les principes suivants : une répartition des clients en fonction des volumes, le but étant de stabiliser la répartition des volumes entre les entreprises participantes 373F (384) ; une déclinaison en pratique par appel d'offres - certains appels d'offres étant discutés en réunion (ex : Carrefour coupelles épicerie 2011, cote 1744 ; Carrefour discount, cotes 4496 et cote 113 du dossier 14/0055AC), d'autres devant faire l'objet d'échanges bilatéraux ou trilatéraux par la suite ; des objectifs de hausse des prix 374F (385); des prix cibles par type de produit 375F (386) ; un discours commun sur la justification de ces hausses auprès des clients 376F (387) ". Elle détaille, sur plus de 70 pages, les diverses réunions qui ont permis d'élaborer ce plan et les modalités de sa mise en œuvre
345. Ainsi, la notification des griefs présente de manière suffisamment précise le grief en cause. La circonstance que ce grief regroupe trois pratiques distinctes est sans conséquence à ce titre, d'autant que ces pratiques relèvent toutes d'un plan d'ensemble.
346. Les sociétés en cause sont, en outre, d'autant moins fondées à soutenir que le grief litigieux est imprécis qu'elles ont, chacune, répondu de manière précise et détaillée au grief qui leur a été notifié.
347. Enfin, la circonstance que la notification des griefs et le rapport contiendraient de nombreuses imprécisions factuelles est une question de fond, qui est dépourvue d'incidence sur la régularité de l'instruction.
348. Dans ces conditions, les parties ne sont pas fondées à soutenir que le grief qui leur a été notifié serait imprécis.
4. EN CE QUI CONCERNE L'ATTEINTE AU SECRET DES AFFAIRES DES SOCIETES DELIS, VERGERS DE CHATEAUBOURG ET GROUPE LACTALIS
Arguments des parties
349. Les sociétés Délis, Vergers de Châteaubourg et Groupe Lactalis soutiennent que leur demande de classement du 26 mars 2019, au titre du secret des affaires, de certaines informations contenues dans leurs observations en réponse au rapport n'a pas été prise en compte (388). Elles précisent que l'Autorité a transmis aux autres parties à la procédure la version non-confidentialisée de ces observations. Elles estiment que cette erreur constitue une atteinte irrémédiable à leurs droits de la défense et à leur vie privée.
Appréciation de l'Autorité
350. S'il est avéré qu'une version non-confidentialisée numérique des observations au rapport formulées par les sociétés Délis, Vergers de Châteaubourg et Groupe Lactalis a été transmise, le 26 juin 2019, aux conseils des autres entreprises parties à la procédure, l'Autorité a, dès qu'elle a été informée par les parties, demandé la restitution des clefs USB contenant les observations litigieuses ou s'est assurée de leur destruction (389). Elle a également transmis une nouvelle version confidentialisée des observations au rapport des sociétés Délis, Vergers de Châteaubourg et Groupe Lactalis aux autres parties à la procédure dès le 28 juin 2019. Ainsi, en tout état de cause, la transmission des pièces couvertes par le secret des affaires en l'espèce demeure sans incidence sur l'exercice des droits de la défense de Délis, Vergers de Châteaubourg et Groupe Lactalis. De même, la circonstance que cette erreur ait porté atteinte au respect de la vie privée des sociétés en cause est sans influence sur la légalité de la présente décision.
B. SUR L'APPLICABILITE DU DROIT DE L'UNION
351. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE (390), trois éléments doivent être établis pour que des pratiques soient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres de l'Union : l'existence d'un courant d'échanges entre les États membres portant sur les produits en cause, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.
352. La circonstance que des ententes ou abus de position dominante ne soient commis que sur le territoire d'un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. À cet égard, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31 janvier 2012, que les termes " susceptibles d'affecter " énoncés par les articles 101 et 102 TFUE " supposent que l'accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d'un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire " (391).
353. S'agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé, dans ce même arrêt que " le caractère sensible de l'affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d'un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause " (392).
354. Par ailleurs, le point 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs en deçà desquels un accord est présumé, du point de vue de la Commission européenne, ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres :
- la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l'accord n'excède pas 5 % ;
- et, dans le cas d'accords horizontaux, le chiffre d'affaires annuel moyen réalisé dans l'Union par les entreprises en cause avec les produits concernés par l'accord n'excède pas 40 millions d'euros.
355. En l'espèce, les pratiques examinées concernent la vente de fruits transformés cuits commercialisés en coupelles et en gourdes, dans les rayons dits épicerie et ultra-frais, sous MDD et pour la RHF. Ces produits sont commercialisés entre États membres. En effet, Coroos, demandeur de clémence et société néerlandaise, fournit des enseignes françaises de grande distribution ainsi que des distributeurs de la RHF français tandis que les producteurs français approvisionnent des enseignes d'autres États membres, notamment allemandes et belges. Par ailleurs, les pratiques en cause portent sur les prix et la stabilisation des parts de marché sur, à tout le moins, l'ensemble du territoire national. Enfin, ces pratiques impliquent des entreprises qui représentent la quasi-totalité du chiffre d'affaires du secteur des compotes et desserts de fruits vendus en MDD et en RHF en France. Du reste, le chiffre d'affaires réalisé sur les produits concernés par les pratiques dépasse les 40 millions d'euros (393).
356. Il en résulte que les pratiques en cause sont susceptibles d'avoir affecté sensiblement le commerce entre les États membres. Elles doivent, en conséquence, être examinées tant au regard des règles de concurrence de l'Union que des règles internes.
C. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF NOTIFIE
1. EN CE QUI CONCERNE L'EXISTENCE D'UNE INFRACTION UNIQUE ET CONTINUE
a) Rappel des principes
357. L'article 101, paragraphe 1 du TFUE et l'article L. 420-1 du Code de commerce prohibent notamment les accords et les pratiques concertées entre entreprises qui ont pour objet ou effet de restreindre la concurrence. L'Autorité peut sanctionner ces pratiques individuellement ou globalement, dans le cadre d'une infraction unique et continue.
Accords et pratiques concertées
358. L'existence d'un accord est établie dès lors que les entreprises ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (394). L'existence d'une pratique concertée peut être démontrée par des éléments convergents prouvant que des contacts ont eu lieu entre un certain nombre d'entreprises et qu'elles poursuivaient le but commun d'éliminer ou de réduire l'incertitude relative à leur comportement futur sur le marché (395).
359. La jurisprudence comme la pratique décisionnelle estiment par ailleurs de manière constante que la participation, même passive, d'une entreprise à une réunion dont l'objet est anticoncurrentiel suffit à prouver son adhésion à l'accord de volontés et sa participation à l'entente, sauf si cette entreprise démontre qu'elle n'a pas souscrit aux pratiques anticoncurrentielles décidées lors de ladite réunion, en s'en distanciant publiquement (396). À cet égard, il est constant qu'il incombe à l'entreprise de prouver sa désapprobation ferme et claire de l'entente en s'en distanciant publiquement et, dès lors qu'il s'agit d'un élément d'exonération de la responsabilité, cette notion doit être interprétée de manière restrictive (voir notamment l'arrêt du Tribunal de l'Union du 12 juillet 2018, Silec Cable SAS, T-438/14, point 151).
Preuve des accords et pratiques concertées
360. La preuve des accords et pratiques concertées peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d'un faisceau d'indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d'instruction, qui peuvent être tirés d'un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant (397). Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants (398).
361. La pratique décisionnelle et la jurisprudence ont, en outre, reconnu la valeur probante des déclarations des participants à des accords et pratiques concertées y compris dans le cas particulier où les déclarations émanent d'un demandeur de clémence.
362. À cet égard, il ressort de la jurisprudence européenne qu'une " une valeur probante particulièrement élevée peut (...) être reconnue [aux déclarations] qui, premièrement, sont fiables (JFE Engineering e.a./Commission, point 62 supra, points 205 à 210), deuxièmement, sont faites au nom d'une entreprise, troisièmement, proviennent d'une personne tenue de l'obligation professionnelle d'agir dans l'intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l'encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d'un témoin direct des circonstances qu'elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 62 supra, points 205 à 210). En outre, bien qu'une certaine méfiance à l'égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné la possibilité, invoquée par les requérantes, que ces participants aient tendance à minimiser l'importance de leur contribution à l'infraction et de maximiser celle des autres, il n'en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de l'application de la communication sur la coopération en vue d'obtenir une immunité ou une réduction de l'amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l'entente. En effet, toute tentative d'induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération " (399).
363. Enfin, il convient de rappeler, en ce qui concerne le standard de preuve de la participation d'une entreprise à une entente horizontale, qu'une entreprise doit s'abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d'échanger sur leurs politiques commerciales et, notamment, sur le prix des biens ou des services qu'elles offrent sur le marché. Ce type de réunion n'appelle qu'une réponse de la part des entreprises : refuser d'y participer ou, si la bonne foi du participant est surprise, se distancier sans délai et publiquement du mécanisme anticoncurrentiel dont la réunion est le support. La participation à une seule de ces réunions, même si elle est passive, suffit en effet à conforter le mécanisme de l'entente. D'une part, elle renseigne sur le comportement commercial que les autres acteurs ont décidé d'adopter sur le marché, alors que l'autonomie qu'exige la concurrence entre entreprises suppose que celles-ci restent dans l'incertitude sur la stratégie de leurs concurrents ; d'autre part, elle permet aux participants plus actifs d'escompter que l'absence d'opposition de l'entreprise en cause ne viendra pas perturber le jeu collusif (400).
Restriction par objet
364. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que " certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire (arrêt CB/Commission, C-67/13 P, EU:C:2014:2204, point 49 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 50 et jurisprudence citée). Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu'il peut être considéré inutile, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, de démontrer qu'ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l'expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 51 et jurisprudence citée) " (401).
365. Dans le même sens, la Cour de justice considère également que " les accords qui visent la répartition des marchés ont un objet restrictif de la concurrence en eux-mêmes et relèvent d'une catégorie d'accords expressément interdite par l'article 101, paragraphe 1, TFUE, un tel objet ne pouvant être justifié au moyen d'une analyse du contexte économique dans lequel le comportement anticoncurrentiel en cause s'inscrit (arrêt Siemens e.a./Commission, C-239/11 P, C-489/11 P et C-498/11 P, EU:C:2013:866, point 218) " (402).
Infraction unique et continue
366. La notion d'infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d'un comportement poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d'infractions individuelles liées entre elles par une identité d'objet (même finalité de l'ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l'objet commun) (403).
367. Il ressort de la jurisprudence européenne que " la notion de plan d'ensemble permet à [l'autorité de concurrence] de présumer que la commission d'une infraction n'a pas été interrompue même si, pour une certaine période, elle ne dispose pas de preuve de la participation de l'entreprise concernée à cette infraction, pour autant que celle-ci a participé à l'infraction avant et après cette période et pour autant qu'il n'existe pas de preuves ou d'indices pouvant laisser penser que l'infraction s'était interrompue en ce qui la concerne. En ce cas, elle pourra infliger une amende pour toute la période infractionnelle, y compris la période pour laquelle elle ne dispose pas de preuve de la participation de l'entreprise concernée (arrêt du Tribunal du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T-147/09 et T-148/09, point 87).
368. Toutefois, le principe de sécurité juridique impose que, en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée d'une infraction, [l'autorité de concurrence] invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 79 ; du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T-62/98, Rec. p. II-2707, point 188 ; du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279/02, Rec. p. II-897, points 114 et 153, et IMI e.a./Commission, point 413 supra, point 88).
369. Si la période séparant deux manifestations d'un comportement infractionnel est un critère pertinent afin d'établir le caractère continu d'une infraction, il n'en demeure pas moins que la question de savoir si ladite période est ou non suffisamment longue pour constituer une interruption de l'infraction ne saurait être examinée dans l'abstrait. Au contraire, il convient de l'apprécier dans le contexte du fonctionnement de l'entente en question (arrêt IMI e.a./Commission, point 413 supra, point 89) " (404).
b) Application au cas d'espèce
370. Seront successivement examinées la matérialité des pratiques, leur qualification juridique et leur durée.
S'agissant de la matérialité des pratiques
371. Les sociétés mises en cause contestent l'objet des différentes réunions et échanges constatés aux paragraphes 52 et suivants ci-dessus.
372. À titre liminaire, l'Autorité rappelle que la double circonstance que les accords litigieux n'aient pas été mis en œuvre ni les données échangées entre les parties commercialement exploitées demeure sans incidence sur leur existence (405).
373. En l'espèce, l'objet des échanges est établi par les déclarations du demandeur de clémence, lesquelles sont corroborées par divers éléments tels que des déclarations, des notes manuscrites ou des courriels émanant des salariés des entreprises en cause. Ces données forment, ensemble, un faisceau d'indices précis, graves et concordants. Elles établissent la matérialité des pratiques, tant en ce qui concerne les produits vendus sous MDD que ceux vendus à la RHF.
La matérialité des pratiques constatées lors des réunions multilatérales
La réunion du 5 octobre 2010
374. Le demandeur de clémence a indiqué que M. O, directeur général de la société Materne, a présenté aux participants un document Powerpoint contenant une étude des livraisons de fruits en coupelles et gourdes MDD à la grande distribution et à la RHF (406).
375. Or, un document Powerpoint intitulé " P&L novembre 2010 " créé par M. P (407) a été saisi dans les locaux de Materne (408). Les notes manuscrites de M. K, directeur des clients de la société Délis SA, datées du 5 octobre 2010, correspondent en détail à ce document, en dépit de quelques discordances. Ces différences concernent notamment les volumes attribués à chaque entreprise, s'agissant des produits qui ne sont pas conditionnés en coupelles, comme l'indique le paragraphe 69 ci-dessus. Dans ces conditions, une version antérieure à la présentation Powerpoint saisie dans les locaux de la société Materne a bien été projetée le 5 octobre 2010, contrairement à ce que soutient celle-ci.
376. Par ailleurs, le demandeur de clémence a communiqué des notes prises au cours de la réunion en cause relatives à la répartition, pour les coupelles, des volumes du segment RHF en tonnes par producteur et par client en expliquant que les données en question ont été communiquées à l'occasion de cette première rencontre multilatérale (409). Les mêmes données figurent également dans un tableau édité le 1er décembre 2010 saisi chez Délis dans le bureau de M. K (410).
377. Elles sont rappelées dans le tableau présenté ci-dessous.
Tableau 14 -- comparaison des données notées par Coroos et Délis lors de la réunion du 5 octobre 2010
[TABLEAU]
378. Ainsi, l'analyse de ces documents révèle que leur contenu est quasiment identique, contrairement à ce que soutient Délis SA.
379. L'objet de cette réunion, détaillé aux paragraphes 58 et suivants des constatations et tenant notamment à la fixation d'objectifs tarifaires pour les années 2010 et 2011 et à la répartition du marché français des MDD et de la RHF pour les compotes en coupelles et en gourdes est donc bien établi.
La réunion du 4 novembre 2010
380. Le président de la société Valade, M. Q, a précisé qu'il a été " question du marché de la GMS et de la difficulté de passer les hausses auprès de la grande distribution et l'expansion du marché des gourdes " (411). De même M. K a relevé que : " le but de cette entrevue était de trouver un argumentaire pour faire comprendre la hausse du prix de la pomme auprès des distributeurs. Il fallait expliquer ce qu'il se passait aux distributeurs sur le marché du fruit et cette augmentation. " (412).
381. Les notes de M. K et du demandeur de clémence, respectivement prises sur du papier à en-tête de l'hôtel Concorde, lieu où s'est tenue la réunion, correspondent en grande partie à la dernière page de la présentation " P&L novembre 2010 " qui, selon les dires de M. Q, a été projetée lors de la réunion en cause (413). En outre, les notes de M. K comportent la date de la réunion suivante (414). Dans ces conditions, les notes non datées de M. K et du demandeur de clémence se rapportent bien à la réunion du 4 novembre 2010, contrairement à ce que soutiennent les entreprises en cause.
382. L'objet de cette réunion, détaillé aux paragraphes 88 et suivants des constatations et tenant à la répartition entre les concurrents d'un appel d'offres Carrefour pour les compotes en gourdes et coupelles au rayon épicerie et à la hausse des prix de ces produits, est bien établi également.
La réunion du 2 décembre 2010
383. Les notes manuscrites de M. K, prises sur du papier à en-tête de l'hôtel où s'est tenue la réunion, reprennent le contenu d'une présentation " P&L2 " saisie dans les locaux de la société Valade. La dernière page de cette présentation, relative à un point sur les appels d'offres, a uniquement été retrouvée dans les notes saisies dans les locaux de la société Délis SA. Cependant, cette page, qui s'inscrit dans la continuité de la retranscription des pages précédentes de la présentation, doit être considérée comme ayant bien été discutée au cours de cette réunion.
384. L'objet de cette réunion, détaillé aux paragraphes 102 et suivants des constatations et tenant notamment à la fixation d'objectifs de hausse tarifaire pour les compotes vendues en gourdes et en coupelles et la discussion de certains appels d'offres, est donc bien établi.
La réunion et le dîner du 24 janvier 2011
385. Le demandeur de clémence indique que les entreprises présentes ont discuté des " dossiers en cours, à savoir, des offres en cours et des hausses de prix " au cours de la réunion et du dîner du 24 janvier 2011. Ces déclarations sont corroborées par celles de M. P, directeur commercial de la société Materne, qui a indiqué : " on a abordé toujours le même sujet, la situation inextricable dans laquelle nous étions. On était dans une phase où il y avait des hausses de matières premières importantes " (415). Cette réunion s'inscrivait dans la continuité des réunions précédentes à propos desquelles M. O a déclaré que les participants s'étaient entendus sur un " statu quo " (416).
386. C'est également ce qui ressort des notes de M. K, saisies dans les locaux de la société Délis SA. Ces notes, qui contiennent notamment des hausses de prix à appliquer à certains clients de la grande distribution à partir du 1er février 2011, peuvent être rattachées à la réunion du 24 janvier 2011. Les mentions " Se 36/10 " et " urgence " sont sans influence sur ce point.
387. L'objet de cette réunion, relative à des échanges sur les appels d'offres en cours et sur les prix, est détaillé aux paragraphes 122 des constatations. Il est bien établi.
La réunion du 17 mars 2011
388. Il ressort des deux pages (417) de notes manuscrites de M. K que la réunion portait sur " LP ; PRIX ; RHF ; EMBALLAGES /LOGISTIQUES ; DELTA ". Selon l'auteur des notes, " LP " signifie Leader Price et " delta " représente les surcoûts qu'entraîne la " crise de la pomme " (418).
389. La société Délis SA indique que la seconde page des notes n'est, contrairement à la première, pas datée, si bien qu'elle ne peut être rattachée à la réunion en cause. Cependant, les deux pages de notes de M. K ont été prises avec le même stylo et la seconde page litigieuse contient la mention " 1/3/2011 : nouveau tarif pas enregistré ". Ainsi, les deux pages de notes de M. K ont bien été prises au cours de la même réunion.
390. L'objet de cette réunion, détaillé aux paragraphes 133 et suivants ci-dessus et consistant en des échanges sur les appels d'offres en cours, les prix, la RHF et les coûts de production, est bien établi.
La réunion du 13 avril 2011
391. L'objet de la réunion du 13 avril, relatif au bilan de la situation du marché des MDD au regard des résultats des appels d'offres, est établi par les déclarations concordantes du demandeur de clémence, de M. A, directeur général de Novandie et de M. O, directeur général de Materne, ainsi que cela ressort des paragraphes 143 et suivants ci-dessus.
La réunion du 10 juin 2011
392. Le demandeur de clémence a indiqué que " les participants ont discuté les développements possibles après les vacances d'été. Andros a fait part de son idée de ce que pourraient être les tendances des prix, sur la base, entre autres, des récoltes à venir, du prix des emballages en carton et du prix de l'énergie. " (419).
393. M. J, directeur des ventes de Coroos, a également indiqué avoir exprimé la position de sa société qui " n'avait pas d'intérêt à participer aux accords sur la préservation de volumes et rétention de clients en France, si, en même temps, elle était attaquée par les autres participants - à savoir, Andros par Materne Confilux et Odenwald, et Lactalis - dans les autres pays ". Selon le demandeur de clémence, " Au cours de cette réunion, le marché avait été analysé, en particulier l'évolution des prix des matières premières, (...) suite à la hausse de prix, discuter des coûts des matières premières devenait pertinent, également du point de vue de la justification de la hausse de prix à donner aux clients. Les participants sont parvenus à un accord sur les hausses des prix des matières premières qui serviraient comme argumentation pour une hausse de prix des coupelles et des gourdes à l'égard de leurs clients. " (420).
394. M. A, directeur général de Novandie, a déclaré : " De mémoire, il avait été fait un point sur les évolutions du marché de la MDD. Certains ont commencé à parler de gel des volumes MDD, de compenser les pertes,... J'ai donc pris la décision que je ne participerais plus à ces réunions. " (421).
395. Contrairement à ce que soutient la société Materne, ces déclarations se corroborent mutuellement sur le fait que la réunion a porté sur des répartitions et des mesures de compensation des pertes de volumes. En outre, la déclaration de M. A, qui témoigne de l'existence de pratiques prohibées, est d'autant plus crédible qu'elle va à l'encontre des intérêts d'Andros.
396. L'objet de cette réunion, détaillé aux paragraphes 150 et suivants des constatations, est relatif à la répartition et à la compensation des pertes de volumes concernant des appels d'offres passés. Il est bien établi.
Le dîner du 3 novembre 2011
397. L'objet de ce dîner, qui a porté sur la situation du marché des compotes et des appels d'offres en cours, est établi, comme l'indique le paragraphe 161 des constatations.
La réunion du 17 juillet 2013
398. Un message électronique faisant le bilan des gains et des pertes des entreprises en cause auprès de différents clients des MDD et de la RHF a été échangé entre le directeur commercial et le président de la société Charles Faraud la veille de la réunion du 17 juillet 2013. Ce courriel contient la liste d'une quinzaine de marchés avec leur volumes et l'entreprise attributaire avec les mentions " perte ", " gain ", " récupère ", " punition " ou encore " transferts ". Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Charles Faraud, il ne s'agit pas d'une simple veille concurrentielle mais bien d'un document préparatoire à la réunion du 17 juillet. Cela corrobore les propos du demandeur de clémence qui a indiqué que cette réunion portait sur la répartition des volumes et la récupération ou la compensation des pertes et gains des participants (422).
399. Du reste, le tableau échangé deux jours après la réunion en cause entre Materne et Andros contient les volumes de production pour la MDD et la RHF qui ont changé de producteur ou bien qui sont nouveaux. Il y a au moins deux marchés de RHF (Sodexo et AP-HP) (423). Ce document présente les gains et les pertes de volumes par produit, concurrent et client. Il en ressort notamment que Charles Faraud (C&A) a pris 1000 tonnes à Coroos pour le client Sodexo et que Délis SA (Lactalis) a pris 550 tonnes à Andros chez le client APHP.
400. L'objet de cette réunion, au cours de laquelle les participants ont fait le bilan des gains et des pertes à l'issue des appels d'offres passés et ont discuté des compensations et récupérations à prévoir, est bien établi. Il est détaillé aux paragraphes 166 et suivants des constatations.
La réunion du 3 septembre 2013
401. Les notes manuscrites du directeur des ventes de la société Coroos et du président de la société Valade prises le jour de cette réunion concordent. Elles démontrent que les entreprises en cause ont discuté de la baisse du prix de la pomme, des compensations et des répartitions de tonnage entre les entreprises participantes. Il en ressort notamment que : " Andros France _Odenwalt 1000 tonnes à rendre " (424) et " Andros rend du tonnage dans GMS Veronique " (425) ; " quotations marché : 5 % écart avec St Mamet ; réaction 1500 T/RHF " et " St Mamet cherche 1500 t a déjà 450 t de Valade " (426) ; ou encore " -3 % 8.8.2013 chez Crf par Délis SA gourdes épicerie ; -1,5 % par St Mamet chez Crf " (427) et " 3 % de baisse sur Carrefour gourde épicerie " (428). Les entreprises en cause ont aussi discuté de la date anniversaire d'un contrat Carrefour. À ce sujet, le demandeur de clémence a précisé que les participants à la réunion seraient convenus que la date d'application de hausse des prix sera la date anniversaire du contrat.
402. Il en ressort également que le bilan des gains et pertes de chacun par rapport aux accords à partir duquel des compensations ont été décidées tenait compte du segment RHF en général et de certains clients en particulier (Pro A Pro, Sodexo).
403. Le demandeur de clémence note : " RHF : Delis M. L/M. K ; Materne M. O/M. P ; Faraud # prix M. D/M. C ; St Mamet -/- 2,0 % M. F/M. H; Andros pas présent (...); M. R/M. Q[...] Andros a depuis 2010 pris +/-4.500 tonnes dans le segment RHF / Andros dans RHF change sa marque de Berger de fruit à Andros " (429) ; " Odenwald + 600t 5kg conserve concernant Sodexo/Pro pro acquis de Faraud/Delis " (430). On peut également lire, dans les notes de M. Q, président de Valade : " Quotations marché : 5 % écart avec St Mamet ; Réaction 1500T/ RHF " (431).
404. L'objet de cette réunion, consacrée à la répartition des volumes et des clients, à la compensation des volumes perdus et aux hausses de prix sur les segments MDD et RHF, est détaillé aux paragraphes 178 et suivants des constatations. Il est bien établi.
Conclusion
405. Il ressort de l'ensemble de ces éléments et des constatations que l'objet des réunions multilatérales qui se sont tenues les 5 octobre 2010, 4 novembre 2010, 2 décembre 2010, 24 janvier 2011, 17 mars 2011, 13 avril 2011, 10 juin 2011, 3 novembre 2011, 17 juillet 2013 et 3 septembre 2013 est établi.
La matérialité des pratiques constatées lors des réunions bilatérales ou trilatérales
La réunion du 3 novembre 2011 entre Materne et Conserves France
406. Il ressort d'un mail interne à Conserves France émanant de M. H, qu'une réunion était envisagée le 4 novembre entre Materne et Conserves France afin de parler " de [leurs] conditions de marché sur la MDD en particulier " (432). Ce rendez-vous n'a pas eu lieu. Toutefois, il est établi que ce rendez-vous s'est finalement tenu la veille, à l'hôtel Mercure de Gare de Lyon, à Paris.
La réunion du 6 avril 2011 entre Materne et Coroos
407. Les représentants des sociétés Materne et Coroos se sont retrouvés le 6 avril 2011 à Roissy. Il ressort de l'audition de M. P, directeur commercial de Materne, que le sujet abordé était toujours le même et portait donc sur la situation des MDD (433).
La réunion de septembre 2012 entre Materne et Coroos
408. Les représentants des sociétés précitées se sont également retrouvés en septembre 2012 à la gare du Nord, pour discuter de la pénurie de pommes et des conséquences tarifaires qui en découlent, comme cela a été indiqué aux paragraphes 203 et suivants de la présente décision.
La réunion du 2 mars 2012 entre Materne et Coroos
409. Il ressort de l'instruction que le demandeur de clémence et le directeur général de la société Materne, M. O, se sont rencontrés le 2 mars 2012 au Novotel de Lille. Le demandeur de clémence a précisé que, contrairement à ce qui avait été convenu deux ans auparavant dans l'accord relatif à la préservation des volumes, Coroos avait perdu des volumes. Les notes préparatoires à cette réunion montrent les gains et pertes des volumes des participants les uns par rapport aux autres. Par exemple, la société Materne avait perdu 2 000 tonnes globalement, alors que les sociétés Andros, Délis SA et Saint Mamet avaient gagné du volume à concurrence de, respectivement, 1 500 tonnes, 200 tonnes et 1 000 tonnes. Lors de ce rendez-vous, le demandeur de clémence a indiqué à M. O qu'il souhaitait recevoir compensation par les autres participants des volumes perdus (434).
La réunion du 28 mai 2013 entre Materne, Coroos et Andros
410. Il ressort également de l'instruction que le 28 mai 2013, les représentants des sociétés Materne, Coroos et Andros se sont retrouvés lors de la foire PLMA. Le demandeur de clémence a indiqué qu'ils avaient échangé au sujet d'un appel d'offres d'EMC en termes de prix et de stabilité de la répartition des volumes entre Materne, Coroos et Andros. Ces éléments sont corroborés par les propos de M. O, directeur général de Materne, tenus en audition. En effet, il a déclaré que l'échange litigieux avait duré une demi-heure et qu'il portait " sur le sujet dont on parle depuis le début de cette audition, les velléités de Coroos de prendre des parts de marché en France " (435). Or, dans le contexte de cette audition, lorsque M. O évoque " le sujet dont on parle depuis le début ", il se réfère " la situation des MDD " (436) et à un accord de statu quo sur ce marché (437). Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les parties en cause, cette rencontre a bien donné lieu à des échanges sur la répartition du marché des MDD.
Conclusion
411. Il ressort de l'ensemble de ces éléments et des constatations que l'objet des réunions bilatérales est établi.
La matérialité des échanges par messagerie personnelle
412. Comme l'indiquent les paragraphes 220 et suivants des constatations, de nombreux courriels ont été échangés entre certains représentants des entreprises via des adresses électroniques personnelles. C'est notamment le cas entre les sociétés Materne et Coroos qui, à l'exception des messages du 12 septembre 2012 relatif au " contexte matière " (438) et du message du 8 janvier 2013, ont échangé des informations confidentielles de nature anticoncurrentielles, comme l'expliquent les paragraphes 223 et suivants.
413. Ainsi, les 6 et 9 septembre 2011, M. J, directeur des ventes de Coroos, a envoyé à M. O, directeur général de Materne, un tableau présentant la liste des volumes en gourdes et coupelles MDD de Coroos par client en Allemagne en demandant un rendez-vous avec Andros (439). Ce rendez-vous, qui ne constitue pas un échange de prix ou une répartition de marché, porte néanmoins sur des données confidentielles, sensibles du point de vue du droit de la concurrence.
414. Le 12 septembre 2012, M. J a demandé son avis à M. O sur un différend juridique avec le client Leclerc (440). Dès lors que ce courriel comporte un courrier adressé par Scamark (Leclerc) à Coroos relatif à leur relation commerciale contenant des informations relatives aux conditions commerciales applicables entre les deux parties, son caractère confidentiel et anticoncurrentiel est avéré.
415. Les 25 octobre, 16 et 23 novembre 2012, les représentants des mêmes sociétés ont échangé par courriel des courriers relatifs à la hausse des prix des produits en cause sollicitée auprès de la grande distribution, ainsi que cela ressort des constatations, aux paragraphes 227 et 228. Ces éléments s'inscrivent dans la continuité des discussions relatives à la stratégie anticoncurrentielle concernant les hausses des prix décidées au cours des réunions multilatérales par les parties en cause.
416. Le 7 février 2013, M. J a adressé à M. O une convention d'affaires qui lui était proposée pour 2013 par Intermarché et dont il attendait la signature. Ce document, confidentiel, constitue également un échange anticoncurrentiel entre concurrents.
417. Le 19 juillet 2013, soit deux jours après la tenue d'une réunion multilatérale, M. O a adressé à Mme B, directrice générale adjointe d'Andros, un tableau portant sur les mouvements dans la répartition des volumes MDD et RHF (441). Il présente, par produit et par client, le " détenteur " du marché ainsi que les volumes gagnés et perdus par producteur. Il s'agit d'un bilan des pertes et des gains des acteurs du marché des gourdes et coupelles MDD et RHF. Or, ce bilan correspond précisément à l'objet de la réunion du 17 juillet 2013 à laquelle Andros n'a pas participé, laquelle était notamment destinée à compenser les pertes de volume, comme cela a été indiqué au paragraphe 232 de la présente décision.
418. Enfin, le 28 juillet 2013, Mme B a envoyé à M. O un message contenant une liste de trois prix pour le client Aldi (442). Cette liste, identique à un chiffre près, a été communiquée par Materne à Coroos en vue d'un appel d'offres d'Aldi du 31 juillet 2013 (443). Ainsi, il est établi que les parties concernées ont échangé des prix avant un appel d'offres, Materne ayant servi d'intermédiaire entre Andros et Coroos.
La matérialité des échanges par téléphone
419. Comme relevé aux paragraphes 248 et suivants de la présente décision, les entreprises en cause ont participé à des échanges téléphoniques à de multiples reprises, parfois au moyen de téléphones secrets, pour mettre en œuvre le plan d'ensemble élaboré au cours des trois premières réunions multilatérales de l'année 2010. Ces discussions ont notamment porté sur le prix des produits vendus, la répartition des clients et des volumes.
Entre Coroos et Materne
420. La matérialité des échanges téléphoniques entre Coroos et Materne est établie au regard des éléments constatés aux paragraphes 265 et suivants des constatations.
421. Il en ressort que le demandeur de clémence et la société Materne ont échangé à plusieurs reprises par téléphone au sujet de la mise en œuvre du plan d'ensemble élaboré au cours des réunions multilatérales. Ainsi, M. O, directeur général de Materne, a admis (444) avoir téléphoné " fréquemment " à M. J, directeur des ventes de la société Coroos, " toujours sur le même sujet " ce qui, dans le contexte de son audition par les services d'instruction, signifiait dans le prolongement des réunions multilatérales lors desquelles les fabricants de compotes se sont entendus sur un statu quo.
422. Par ailleurs, les notes du demandeur de clémence prises au verso d'une feuille imprimée le 17 janvier 2011 correspondent aux accords sur les hausses de prix notés en octobre 2010, ainsi que cela ressort du paragraphe 267 des constatations. D'après lui, ces notes sont susceptibles d'avoir été prises au cours d'une conversation téléphonique avec M. O, directeur général de Materne (445).
423. De même, des notes prises au dos d'un contrat daté du 16 juillet 2012 illustrent l'objet des échanges intervenus entre Coroos et Materne. En effet, elles relatent avec précision la teneur de la discussion avec la société Materne concernant un appel d'offres Carrefour à l'été 2012 et s'inscrivent directement dans le plan d'ensemble échafaudé lors des premières réunions multilatérales.
424. Enfin, comme l'indique le paragraphe 272 ci-dessus, Materne a communiqué à Coroos les prix courants et futurs d'Andros pour des coupelles vendues au client Leaderprice/Casino. Contrairement à ce que soutient Materne, le demandeur de clémence a expressément rattaché ces notes à une conversation téléphonique du mois de décembre 2012 (446).
Entre Coroos et Andros
425. La réalité et l'objet des échanges anticoncurrentiels entre Coroos et Andros ressortent des paragraphes 277 et 278 de la présente décision.
Entre Coroos et Charles Faraud
426. La discussion téléphonique entre Coroos et Charles Faraud concernant des appels d'offres MDD et RHF en octobre 2013est établie par les déclarations du demandeur de clémence (447), elles-mêmes corroborées par l'examen du téléphone utilisé par M. D, directeur commercial de Charles Faraud.
Entre Coroos et Valade
427. La matérialité de l'échange entre les sociétés Valade et Coroos à l'automne 2011portant sur les prix d'un appel d'offres Carrefour est établie par les notes précises du demandeur de clémence (448), lesquelles sont corroborées par le fait que l'essentiel des produits concernés par cet appel d'offres étaient fournis par la société Valade.
Entre Coroos et Délis SA
428. La réalité et l'objet de l'échange entre Coroos et Délis SA ressortent des paragraphes 287 et suivants des constatations et des notes très précises du demandeur de clémence.
429. Les notes manuscrites prises par M. J, directeur des ventes de la société Coroos lors d'une conversation par téléphone avec M. K, directeur des clients de la société Délis SA, indiquent que la société Délis SA devrait proposer à un client le prix de 1,042 euro par coupelle pour que la société Coroos puisse conserver le marché tout en augmentant ses prix de 0,86 centimes à 1 euro. Il ressort également de ces notes que la société Délis SA a précisé qu'elle allait proposer des coupelles au client Lidl au prix de 0,45 euro.
430. Les notes manuscrites du demandeur de clémence sont précises et s'inscrivent dans le prolongement du plan d'ensemble mis en place par les parties en cause. Elles sont d'autant plus probantes que le demandeur de clémence a fourni un autre document manuscrit concernant des coupelles fournies par Délis SA à Lidl et qu'Andros et Délis SA ont échangé à propos du client Lidl, comme en témoigne le paragraphe 304 ci-dessus.
Les appels entre Materne et Délis SA
431. Le recoupement des déclarations des représentants des sociétés Materne et Charles Faraud d'une part et Materne et Délis SA d'autre part, démontre l'existence d'échanges bilatéraux anticoncurrentiels entre ces sociétés, comme l'indiquent les paragraphes 292 et suivants des constatations.
432. Par ailleurs, le directeur commercial et le directeur général de Materne ont chacun expressément déclaré échanger avec M. K sur plusieurs sujets, dont les appels d'offres (449).
Les appels entre Materne et Charles Faraud
433. Le recoupement des déclarations des représentants des sociétés Materne et Charles Faraud d'une part et Materne et Délis SA d'autre part, démontre l'existence d'échange bilatéraux anticoncurrentiels entre ces sociétés, comme l'indiquent les paragraphes 295 et suivants des constatations.
Les appels entre Materne et Andros
434. Le croisement des déclarations de M. O et M. P, respectivement directeur général et directeur commercial de la société Materne et les déclarations de M. A, directeur général de Novandie et Mme B, directrice générale adjointe d'Andros SNC démontrent que les sociétés Materne et Andros ont échangé sur le marché des compotes, des appels d'offres et des clients, comme cela ressort des paragraphes 299 et suivants de la présente décision.
Les appels entre Andros et Délis SA
435. La matérialité des échanges entre Délis SA et Andros concernant la répartition des volumes auprès du client Lidl ressort expressément des déclarations de M. A, directeur général de Novandie (450).
Les appels entre Andros et Charles Faraud
436. Comme cela a été indiqué aux paragraphes 305 et suivants ci-dessus, le directeur général d'Andros a expressément indiqué avoir eu des échanges téléphoniques avec M. D, directeur commercial de la société Charles Faraud, au sujet des prix.
Les appels entre Délis SA et Conserves France
437. Le caractère anticoncurrentiel des échanges entre les sociétés Conserves France et Délis SA portant sur la répartition d'un appel d'offres Intermarché prévu début 2011 ressort des déclarations de M. K, directeur des clients de la société Délis SA, comme l'indique le paragraphe 310 de la présente décision.
Les appels entre Charles Faraud et Conserves France
438. La matérialité des échanges entre Charles Faraud et Conserves France au sujet d'un appel d'offres au début du mois d'octobre 2011 ressort d'un courriel interne à la société Conserves France, cité au point 282 de la présente décision. Il en va de même pour les échanges entre Coroos et Charles Faraud.
Les appels entre Valade et Charles Faraud
439. Le message envoyé du directeur commercial de la société Charles Faraud à son président au terme duquel " St Mamet a baiss[é] ces prix marches de 4 % notre écart est maintenant de 6 % j'attends validation info valade " (451) témoigne de l'existence d'un échange sur les prix entre les sociétés Charles Faraud et Valade.
Conclusion
440. Il ressort de l'ensemble de ces éléments et des constatations que l'objet des échanges téléphoniques est établi.
Conclusion générale sur la matérialité des pratiques en cause
441. Il ressort de tout ce qui précède que l'objet des divers échanges entre les parties en cause est établi.
442. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent certaines des parties en cause, ces échanges, relatifs aux prix, aux volumes et aux clients des produits en cause ont aussi bien concerné les MDD que le secteur RHF. C'est notamment ce qui résulte des paragraphes 376, 377, 379, 390, 398 à 400, 402, 403, 417 et 426 ci-dessus et de la partie constatations. Il en ressort que le suivi et les discussions liées à la RHF et au MDD assurés par les entreprises concernées ne sont pas distincts et indépendants. Au contraire, ces achats s'inscrivent dans une procédure similaire d'appel d'offres, ce qui justifie qu'ils fassent souvent l'objet de discussions communes.
S'agissant de la qualification juridique des pratiques
443. Seront successivement examinés l'existence d'un plan d'ensemble, l'accord de volontés et l'objet des pratiques.
Quant au plan d'ensemble
Arguments des parties
444. Les sociétés en cause estiment que la mise en place d'un plan d'ensemble n'est pas établie. Elles soutiennent que les pratiques se concentraient essentiellement autour de Coroos et Materne, et ne concernaient que de manière sporadique les autres concurrents. Elles précisent également que le demandeur de clémence aurait lui-même admis l'inexistence d'un plan global. Materne allègue enfin que si des réunions entre concurrents se sont bien tenues et que les entreprises en cause étaient tentées de s'entendre afin de faire en sorte que les conditions de marché n'empirent pas davantage, les participants ne seraient jamais parvenus à un accord.
Appréciation de l'Autorité
445. Il a été constaté que toutes les entreprises en cause ont participé à plusieurs réunions multilatérales et, pour certaines, à des réunions bilatérales et trilatérales et qu'elles ont eu des contacts par messagerie électronique ou par téléphone.
446. L'objet de ces échanges, généralement secrets, a été précisé lors des trois premières réunions qui se sont tenues les 5 octobre, 4 novembre et 2 décembre 2010. L'ensemble des participants aux pratiques y ont assisté, à l'exception de la société Valade, qui n'était présente qu'à celle du 4 novembre 2010.
447. Au cours de ces réunions, les participants ont défini un objectif économique unique et commun tendant à " couvrir l'intégralité des hausses de prix de revient des produits " et " remonter le niveau de profitabilité de l'ensemble du marché " (452). Elles ont fixé des objectifs précis de hausse des prix généraux et par produit (453).
448. Ce plan d'ensemble leur permettait de se comporter de manière coordonnée sur le marché pour la commercialisation de certains de leurs produits, comme en témoignent les diverses retranscriptions manuscrites des présentations " P&L " et d'autres éléments discutés au cours de leurs rencontres.
449. Ces pièces, étayées par des déclarations concordantes, dont celles du demandeur de clémence (454), contrairement à ce que soutiennent certaines des parties en cause, montrent que ce plan d'ensemble reposait sur les principes suivants :
- une répartition des clients en fonction des volumes, le but étant de stabiliser la répartition des volumes entre les entreprises participantes (455) ;
- une déclinaison en pratique par appel d'offres - certains appels d'offres étant discutés en réunion (ex : Carrefour coupelles épicerie 2011, cote 1744 ; Carrefour discount, cotes 4496 et cote 113 du dossier 14/0055AC), d'autres devant faire l'objet d'échanges bilatéraux ou trilatéraux par la suite ;
- des objectifs de hausse des prix (456) ;
- des prix cibles par type de produit (457) et ;
- un discours commun sur la justification de ces hausses auprès des clients (458).
450. Ainsi, les entreprises mises en cause se sont entendues pour, au lieu de mener leur activité de façon autonome sur le marché, se comporter d'une manière déterminée pour commercialiser leurs produits en cause, et ce de manière dissimulée par rapport à leurs clients. Cette manière déterminée et continue d'adopter un tel comportement, pour tout un pan de leur activité, s'est manifestée par leur participation répétée à des réunions secrètes, organisées dans des salles de réunions louées pour l'occasion, pour élaborer, et par la suite mettre en œuvre un plan de répartition des volumes et des clients du secteur en cause, ainsi que s'accorder, de façon générale, sur le niveau des prix des produits à proposer aux clients.
451. Ainsi, l'ensemble des entreprises en cause ont participé à l'élaboration et à la mise en œuvre de ce plan ou y ont, à tout le moins, adhéré. La circonstance que certaines de ces entreprises indiquent n'avoir échangé avec des concurrents que de manière épisodique après la fixation de ce plan demeure sans influence sur l'existence même de ce plan fixé en commun.
452. Dans ces conditions, l'existence d'un plan d'ensemble est bien établie.
Quant à l'accord de volontés
Arguments des parties
453. Materne et Délis SA, soutiennent que les participants aux pratiques litigieuses ont tenté de parvenir à un accord mais qu'ils n'y sont jamais parvenus. Elles ajoutent aussi que ces prétendus accords n'ont, en tout état de cause, jamais été mis en œuvre elles estiment ainsi que les parties en cause ont seulement tenté de mettre en place des accords et rappellent qu'aux termes de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 juin 2002, SA Bloc Matériaux, " la seule tentative d'accord anticoncurrentiel non suivie d'effet et la seule intention de limiter la part de marché de leur concurrent non suivie de manœuvre en ce sens, ne sauraient caractériser une entente " (459).
454. La société Valade soutient que les présentations " P&L novembre 2010 " et " P&L2 " discutées au cours de réunions entre les concurrents ne démontrent pas l'existence d'un accord conclu entre les parties en cause sur des hausses de prix. Elle ajoute qu'aucun accord sur la répartition des appels d'offre ou sur des devis de couverture n'est établi non plus.
455. La société Charles Faraud indique que le demandeur souhaitait mettre en place une concertation avec les autres entreprises du secteur mais que celles-ci ont décliné cette proposition. À ce titre, elle précise notamment que son président, M. C, n'a assisté qu'un court moment à la réunion du 5 octobre 2010. Elle relève également que les déclarations du demandeur de clémence relatives à des échanges de volume ne sont corroborées par aucune pièce du dossier et qu'elles font état d'informations erronées, ce que soutient Valade également.
456. Enfin, Charles Faraud et Valade soutiennent que les déclarations du demandeur de clémence contenaient plusieurs données erronées les concernant, ce qui remet en cause leur volonté de participer à l'infraction litigieuse.
Appréciation de l'Autorité
457. Comme cela a été indiqué aux paragraphes 445 et suivants ci-dessus, les entreprises en cause ont participé à l'élaboration d'un plan d'ensemble qu'elles ont mis en œuvre en échangeant régulièrement. Ce faisant, elles ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée.
458. La circonstance, invoquée par Charles Faraud et Valade, de la présence d'informations erronées les concernant dans les déclarations du demandeur de clémence demeure, à considérer même qu'elle soit fondée, sans incidence sur l'appréciation de l'existence d'un accord de volontés entre les entreprises en cause. En effet, la jurisprudence et la pratique décisionnelle estiment, de manière constante, que la communication, par une entreprise, d'informations inexactes au cours de réunions entre concurrents peut constituer une stratégie destinée à tirer un avantage maximum de l'entente (460). En tout état de cause, l'accord de volontés de ces deux entreprises est établi par l'ensemble des autres pièces du dossier qui attestent de leur participation à l'infraction litigieuse.
459. De même, la circonstance, invoquée par la plupart des mises en cause, que l'accord anticoncurrentiel conclu entre les parties n'ait pas été appliqué et qu'il constitue, en ce sens, une simple tentative d'accord, est sans influence sur le principe même de l'adhésion à cet accord et, plus largement, de l'existence d'une infraction aux règles de concurrence (461). De plus, les parties en cause ne peuvent utilement se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, SA Bloc Matériaux précité. En effet, dans cette affaire, c'est parce que l'accord n'était pas suffisamment établi par les pièces du dossier que la cour d'appel de Paris a estimé que les pratiques sont demeurées au stade de la tentative. Il en va différemment au cas d'espèce, l'accord de volonté entre les parties étant bien établi, comme il ressort des paragraphes précédents.
460. Enfin, la société Valade ne peut se prévaloir de l'absence de preuve précise des répartitions des appels d'offres et des offres de couverture, dès lors qu'aucun texte ni principe n'exige que l'Autorité apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel le but poursuivi par les accords litigieux a été atteint (462).
461. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des parties en cause ont bien adhéré au plan d'ensemble précité.
Quant à l'objet anticoncurrentiel des pratiques
Arguments des parties
462. Charles Faraud, Délis SA, Materne et Valade indiquent que les échanges ne constituent pas des pratiques anticoncurrentielles par objet. À ce titre, elles soutiennent que les pièces du dossier démontrent seulement l'existence d'échanges d'informations et non une concertation sur les prix et les volumes. La société Materne précise également que les informations échangées au cours des réunions et lors de contacts bilatéraux sont des données agrégées et passées. Elle relève par ailleurs, avec la société Délis SA, que certaines informations sur les volumes et les prix échangées en réunion n'étaient pas confidentielles car elles étaient facilement reconstituables par les industriels du secteur, par relevé dans les points de vente ou grâce aux informations obtenues de leurs clients distributeurs. Enfin, la société Valade précise que certaines des données concernant ses volumes et indiquées dans la présentation " P&L novembre 2010 " sont erronées. Elle estime que ces erreurs démontrent qu'elle n'a fourni aucun renseignement à ses concurrents. Elle en déduit alors que ces derniers ont récupéré les données litigieuses dans le cadre d'une veille concurrentielle.
Appréciation de l'Autorité
463. Comme souligné aux points 457 et suivants ci-dessus, il ressort de l'instruction que les entreprises mises en cause ont eu la volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée. Celle-ci s'est traduite par la mise en place d'un plan d'ensemble permettant la manipulation des prix des produits en cause et la répartition des clients et des volumes.
L'objet des pratiques sur les prix
464. Au cours de la réunion du 5 octobre 2010, les entreprises mises en cause se sont accordées sur l'augmentation des prix de revient de leurs produits. Sur ce point, la présentation " P&L " du directeur général de la société Materne indique : " objectifs 2010-2011 : couvrir l'intégralité des hausses de prix de revient des produits ; remonter le niveau de profitabilité de l'ensemble du marché " ) (463). D'ailleurs, il ressort des notes prises au cours de cette réunion par M. K, directeur des clients de la société Délis SA, qu'au moment de l'évocation des dossiers à rentabilité négative ou faible, celui-ci a relevé qu'il convenait de " revoir les prix nets " (464).
465. Cet objectif a été précisé lors de la réunion du 2 décembre 2010, comme en témoigne la présentation " P&L 2 " qui a été projetée à cette occasion et dont il ressort : " objectifs de hausse en /kg : gourdes + 0.19 à 0.22 /kg ; coupelles : + 0.19 à 0.22 /kg ; bocaux/tetra : idem coupelles ". Ces objectifs, déclinés par type de produits, s'accompagnent d'un discours commun à l'intention des clients permettant de justifier ces hausses, en liant ces dernières à l'augmentation du prix des matières premières (465).
466. Lors de la réunion du 4 novembre 2010, il a été constaté que les participants ont discuté des hausses de prix envisageables pour l'appel d'offres de Carrefour, comme cela a été précisé aux paragraphes 92 et suivants de la présente décision.
467. De même, au cours des réunions des 24 janvier, 17 mars, 13 avril, 10 juin et 3 novembre 2011, les participants à chacune de ces réunions ont fait un point sur les appels d'offres en cours et à venir et ont, à nouveau, discuté de hausses de prix (466), ainsi que cela ressort des constatations ci-dessus.
468. Il s'ensuit que les pratiques en cause ont eu pour objet de manipuler les prix et de s'accorder sur une hausse du tarif du prix des compotes vendues aux distributeurs MDD et RHF.
L'objet anticoncurrentiel des pratiques relatives aux clients et aux volumes
469. Lors de la réunion du 5 octobre 2010, les entreprises présentes ont discuté des volumes des appels d'offres à venir. Comme relevé au paragraphe 68 ci-dessus, elles ont également fait un point sur la projection des parts de marchés par intervenant concernant les MDD et la RHF pour l'année 2011. Elles ont également procédé à la répartition de certains appels d'offres concernant notamment les clients Carrefour, Intermarché et Leclerc, comme en témoigne le contenu du tableau cité aux paragraphes 75 et suivants de cette décision.
470. À cette occasion, les parties en cause ont également évoqué la répartition des volumes du segment RHF, comme cela ressort notamment des paragraphes 72 et suivants ci-dessus. Il peut être admis que les appels d'offres et leurs attributions étaient des informations publiques. Pour autant, la répartition plus fine entre deux concurrents fournissant un même client (par exemple : 700 t fournis par Faraud et 1 300 t fournies par Valade à Pomona ; ou encore, 900 t fournies par Faraud et 900 t par Valade à Transgourmet ; 500 t fournies par Andros et 300 t par Conserves France (St. Mamet) à Gedal) constitue une information confidentielle.
471. De même, lors de la réunion du 4 novembre 2010, les parties en cause ont parlé de la répartition des appels d'offres en cours et à venir de Carrefour pour les coupelles de fruits au rayon épicerie.
472. Elles ont encore fait un nouveau point sur les appels d'offres au cours de la réunion suivante, le 2 décembre 2010 (467).
473. Au cours de la réunion du 10 juin 2011, les parties ont, pour la première fois, discuté de l'éventualité de " geler " les volumes des ventes aux clients de la grande distribution et de mettre en place un système de compensation pour les entreprises qui auraient perdu des volumes (468). Ce dernier sujet a de nouveau été abordé lors de la réunion du 3 septembre 2013 en même temps que la répartition de certains marchés, comme l'indiquent les paragraphes 181 et suivants de la présente décision.
474. Par ailleurs, il a été constaté aux paragraphes 191 et suivants ci-dessus qu'en partageant des informations tenant notamment aux prix des produits (469) ou aux mouvements de volumes de production pour la MDD et la RHF (470) de façon bilatérale par messagerie, téléphone ou lors de rendez-vous, les parties en cause ont manipulé des appels d'offres de clients de la grande distribution et de la restauration hors foyer. Ces manipulations, rappelées ci-dessus dans la partie constatations, concernent, d'une part, l'ensemble des plus grandes enseignes de la GMS (Lidl, Casino, Monoprix, Leader Price, Leclerc, Auchan, Système U et Carrefour), et, d'autre part, de très importants distributeurs actifs sur le segment RHF (comme Transgourmet, Pro à Pro, Pomona ou Sodexo).
Conclusion sur la qualification des pratiques en cause
475. Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que Materne, Andros, Conserves France, Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg, Charles Faraud, Charles & Alice, Valade et Coroos ont non seulement échangé des informations confidentielles sur leurs coûts de production et leurs marges, mais se sont accordées sur des objectifs communs de hausse des prix et ont discuté sur des appels d'offres, en cours et à venir, et de la répartition future du marché des compotes MDD et RHF en général, et de certains clients en particulier. Elles ont également décidé certaines compensations pour corriger des gains ou des pertes de volumes qui n'allaient pas dans le sens des accords ainsi conclus (471).
476. Ces pratiques, qui présentent un degré de nocivité réel pour la concurrence, constituent des infractions par objet au sens de l'article 101 du TFUE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce. La circonstance, avancée par plusieurs parties en cause, que certaines des informations échangées entre elles aient pu ne pas être confidentielles, est sans influence sur la qualification de ces pratiques.
S'agissant de la durée des pratiques
Arguments des parties
477. Les entreprises mises en cause soutiennent que l'infraction en cause ne serait pas continue, dans la mesure où l'instruction n'a pas permis d'établir l'existence de réunions entre le 3 novembre 2011 et le 17 juillet 2013. En effet, elles indiquent qu'aucun élément suffisamment rapproché dans le temps ne permet raisonnablement de considérer que l'infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre ces deux dates. Elles précisent en particulier que le fonctionnement du secteur en cause aurait nécessité des contacts très fréquents pour permettre aux entreprises concurrentes de coordonner leurs comportements et considèrent que l'absence de preuves concernant de tels contacts pendant cette période s'oppose à la qualification d'une pratique continue. Par ailleurs, Andros, Conserves France et Valade soutiennent qu'en tout état de cause, leur participation personnelle respective aux pratiques est très réduite. Elles en déduisent qu'elles ne sauraient être regardées comme y ayant participé de manière continue. Enfin, Andros, Délis SA, Materne, Charles Faraud et Valade contestent la date de fin des pratiques retenue par les services d'instruction, à savoir le 10 janvier 2014.Materne, Andros et Délis SA allèguent que les pratiques ont, au plus tard, pris fin au 3 septembre 2013, date de l'ultime réunion multilatérale. Délis SA, Charles Faraud, Materne et Valade précisent, par ailleurs, que le demandeur de clémence a relevé que " l'entente a pris fin en octobre 2013 " (472).
Appréciation de l'Autorité
Les bornes temporelles de la pratique
478. Comme souligné aux paragraphes 445 et suivants, les participants aux pratiques en cause ont, lors des trois premières réunions multilatérales, dont la première s'est tenue le 5 octobre 2010, échafaudé le plan d'ensemble qui a servi de support à leur entente. Cette date correspond donc au point de départ de la pratique litigieuse.
479. Cette dernière a, par ailleurs, pris fin le 10 janvier 2014.
480. En effet, la durée et la fin de la pratique doivent être appréciées à la lumière de l'ensemble des pièces du dossier. Sur ce point, la jurisprudence admet, de façon constante, que " dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence. De tels indices et coïncidences permettent, lorsqu'ils sont évalués globalement, de révéler non seulement l'existence de comportements ou d'accords anticoncurrentiels, mais également la durée d'un comportement anticoncurrentiel continu et la période d'application d'un accord conclu en violation des règles de concurrence " (473).
481. Or, au cas d'espèce, si Coroos a effectivement déclaré dans sa demande de clémence que les pratiques avaient duré jusqu'en octobre 2013, elle a ensuite précisé, dans sa déclaration du 2 juillet 2014 lors de son audition par les services d'instruction : " qu'elle a effectivement mis fin à sa participation aux pratiques anticoncurrentielles, qui font l'objet de sa demande de clémence, à la suite de l'appel téléphonique à M. [O], qui était en fait le coordinateur de l'entente, le 10 janvier 2014 " (474).
482. Par ailleurs, certaines pièces parmi les documents fournis par le demandeur de clémence indiquent que le 7 novembre 2013, M. O, directeur général de Materne a adressé à M. J, directeur des ventes de Coroos, sur son adresse de messagerie personnelle, deux messages se rapportant aux coûts de transport (475) et aux emballages (476) des produits.
483. De plus, l'analyse du " téléphone spécial " de M. J (Coroos) (477) a permis d'établir l'existence de plusieurs appels échangés entre ce dernier et M. O (Materne) en novembre et décembre 2013 ainsi que des appels échangés avec M. D, directeur commercial de Charles Faraud et de Charles & Alice en octobre et novembre 2013.
484. L'analyse d'un téléphone de M. D (Charles Faraud et Charles & Alice) sans carte SIM saisi lors des opérations de visite et saisies (478) montrait également des appels vers Coroos le 14 octobre 2013, ainsi que vers M. P, directeur commercial de Materne, le 5octobre 2013 et vers M. K, directeur des clients de Délis SA le 18 octobre 2013. Les observations de Charles Faraud contestent qu'il s'agisse d'un téléphone dédié à des appels entre concurrents (479) mais l'analyse des appels corrobore les indications du demandeur de clémence : à part des appels à Coroos, M. P (Materne) et M. K (Délis SA), seuls des appels au répondeur (123), un appel à un numéro SNCF et deux appels à des numéros inconnus sont répertoriés sur la période disponible (du 5 octobre 2013 au 11 juin 2014).
485. Les pièces du dossier montrent donc des échanges fréquents entre Materne, Coroos, Charles Faraud et Délis SA par des voies indirectes - en recourant parfois à des outils non-professionnels, entre octobre et décembre 2013.
486. Enfin, les décisions de compensation prises lors de la dernière réunion multilatérale du 3 septembre 2013 concernant en particulier Conserves France et Valade, ont été mises en œuvre à l'automne 2013.
487. La pratique litigieuse a donc perduré au cours de l'automne 2013, après la dernière réunion multilatérale. Des éléments du dossier attestent que certaines parties à l'entente ont poursuivi leurs échanges au cours de l'année 2014 (voir notamment les paragraphes 223, 234, 240, 243, 258 et 297 ci-dessus). Coroos ayant annoncé le 10 janvier 2014 sa sortie de l'entente, il est légitime de considérer que, dans la mesure où l'entente a pour raison d'être initiale l'entrée de Coroos sur le marché français, cette même entente a pris fin le 10 janvier 2014.
Le caractère continu de la pratique
488. La pratique litigieuse est présumée revêtir un caractère continu, en dépit de l'absence de constat d'une réunion multilatérale entre le 3 novembre 2011 et le 17 juillet 2013.
489. En effet, elle repose sur un plan d'ensemble qui, comme cela a été indiqué plus haut, a été élaboré par les entreprises mises en cause au cours des trois premières réunions multilatérales de la fin de l'année 2010.
490. Par ailleurs, il a été constaté que les entreprises concernées ont toutes participé à l'infraction avant le 3 novembre 2011 et après le 17 juillet 2013, comme en témoignent les éléments relatifs à leur participation individuelle détaillés aux paragraphes 502 et suivants ci-dessous.
491. En outre, il n'existe aucune preuve ou indice que la pratique litigieuse se soit interrompue entre ces deux dates. Au contraire d'ailleurs, il est établi que les pratiques ont bien perduré durant cette période.
492. En effet, d'une part, et contrairement à ce que les parties en cause laissent entendre, le caractère continu de l'infraction ne saurait être qualifié uniquement au regard des réunions multilatérales. Ce dernier peut en effet être établi au constat de l'existence d'échanges de toute nature entre les entreprises pour pouvoir se prononcer sur la continuité des pratiques. Or, sur ce point, il a été constaté que des représentants de Coroos et Materne se sont rencontrés le 2 mars 2012 et le 8 juin 2012. Ces derniers ont également échangé par courriel entre 2012 et 2013 et par téléphone, notamment sur des appels d'offres lancés en 2012. De même, Andros et Materne ont aussi échangé à plusieurs reprises en 2011 ou 2012 et 2012 ou 2013. De plus, les représentants de Materne, Coroos et Andros se sont rencontrés à l'occasion de la foire PLMA d'Amsterdam le 28 mai 2013.
493. D'autre part, il est également établi qu'au cours de la réunion multilatérale du 17 juillet 2013, les participants ont fait le bilan des gains et des pertes de chacun concernant des marchés attribués en 2011 et 2012 concernant des clients de la grande distribution et de la RHF. Toutes les parties sont prises en compte dans ce bilan, comme en atteste le tableau envoyé sur la boite mail personnelle de Mme B, directrice générale adjointe d'Andros par M. O, directeur général de Materne, depuis son adresse électronique personnelle.
494. Il ressort de ce qui précède que les pratiques ne se sont pas interrompues entre le 3 novembre 2011 et le 17 juillet 2013.
495. Enfin et en tout état de cause, l'organisation de réunions régulières de l'ensemble des entreprises en cause n'était pas indispensable à la continuité de la pratique et leur absence ne saurait, en elle-même, remettre en cause la qualification de pratique continue en l'espèce.
496. En effet, comme l'exige la jurisprudence, l'appréciation du temps qui s'est écoulé entre deux prises de contact anticoncurrentielles s'effectue à l'aune du contexte du fonctionnement du secteur concerné par l'entente. S'agissant des fruits vendus en coupelles et en gourdes, la fréquence des arbitrages commerciaux est beaucoup moins élevée que celle dans l'affaire ICAP (480) citée par les parties en cause. Ainsi, pour la commercialisation des compotes en MDD, des procédures d'appels d'offres sont généralement organisées par chaque distributeur pour sélectionner les fournisseurs, en principe, pour un contrat annuel, mais il peut aussi y avoir des ventes de gré à gré. Ce fonctionnement propre au secteur concerné est par ailleurs confirmé par Valade (481) et Conserves France (482) dans leurs observations. Le segment de la restauration hors foyer fonctionne de façon analogue. On y retrouve également des distributeurs grossistes et des grandes sociétés de restauration. Les appels d'offres y sont généralement annuels mais certains marchés publics (pour les hôpitaux ou la restauration scolaire, par exemple) peuvent être passés pour des durées plus longues (de deux à quatre ans) (483).
497. Par ailleurs, l'entrée de Coroos sur le marché de la vente de compote aux distributeurs de la MDD et de la RHF et la faible rentabilité des produits en cause, qui constituent les principaux motifs de l'entente, ont perduré pendant toute sa durée.
498. De plus, l'Autorité rappelle que dans sa décision relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires (484), l'Autorité de la concurrence a sanctionné les participants à l'entente relative au secteur des farines alimentaires pour l'intégralité de la durée constatée, soit du 14 mai 2002 au 17 juin 2008, et ce malgré " l'absence d'actes matériels l'établissant entre les mois de septembre 2004 et octobre 2006 ", soit pendant une durée de 26 mois. Le standard de la preuve relatif à l'appréciation de la durée de l'infraction par l'Autorité, qui a notamment tenu compte du fonctionnement du secteur et a procédé à une analyse globale des éléments relatifs à cette période, a été validé par la cour d'appel de Paris et par la Cour de cassation (485).
499. La jurisprudence de la Cour de justice va dans le même sens. Ainsi dans un arrêt du 6 décembre 2012 (486), elle a considéré que " quand bien même la Commission admet ne pas avoir apporté de preuve de la participation active de Coppens à l'accord sur les devis de complaisance pour les années 1994 et 1995, il n'en demeure pas moins que, en prenant en compte, d'une part, l'absence d'élément indiquant que Coppens se serait, au cours de cette période, publiquement distanciée du contenu de cet accord, notamment en informant par écrit ses concurrents de sa volonté de ne plus y participer, et, d'autre part, les nombreuses preuves de la participation active de Coppens audit accord après cette période, récapitulées notamment au considérant 280 de la décision litigieuse et qui ne sont pas contestées par Coppens, la Commission était fondée à considérer que cette société pouvait être tenue pour responsable d'avoir participé audit accord de manière ininterrompue pour l'ensemble de la période allant du 13octobre 1992 au 29 juillet 2003 ".
500. En conséquence, la circonstance qu'il n'y aurait pas au dossier d'éléments de preuve relatifs à des réunions multilatérales ayant eu lieu entre le 3 novembre 2011 et le 17 juillet 2013 ne s'oppose pas à ce qu'il soit considéré que l'entente litigieuse présente un caractère continu.
501. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la pratique en cause, qui a débuté le 5 octobre 2010 pour s'achever le 10 janvier 2014, est une infraction unique et continue.
2. EN CE QUI CONCERNE LA PARTICIPATION INDIVIDUELLE DE CHAQUE ENTREPRISE EN CAUSE
a) Rappel des principes
502. En ce qui concerne le standard de preuve de la participation d'une entreprise à une entente horizontale, il ressort de la pratique décisionnelle de l'Autorité que deux situations doivent être distinguées : celles dans lesquelles la concertation anticoncurrentielle se déroule au cours de réunions tenues dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle et celles dans lesquelles l'entente est mise au point au cours de réunions informelles, de nature le plus souvent occulte ou secrète, et auxquelles participent de leur propre initiative les entreprises concurrentes (487).
503. Une entreprise doit rigoureusement s'abstenir de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d'échanger sur les politiques commerciales et notamment sur la politique de prix des biens ou des services qu'elle offre sur le marché. L'Autorité a précisé, à cet égard, dans sa décision n° 15-D-03 du 11 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais, que " ce type de réunion n'appelle qu'une réponse de la part des entreprises : refuser d'y participer ou, si la bonne foi du participant est surprise, se distancier sans délai et publiquement du mécanisme anticoncurrentiel dont la réunion est le support. La participation à une seule de ces réunions, même si elle est passive, suffit en effet à conforter le mécanisme de l'entente : d'une part, elle renseigne sur le comportement commercial que les autres acteurs ont décidé d'adopter sur le marché, alors que l'autonomie qu'exige la concurrence entre entreprises suppose que ces dernières restent dans l'incertitude sur la stratégie de leurs concurrents ; d'autre part, elle permet aux participants plus actifs d'escompter que l'absence d'opposition de l'entreprise en cause ne viendra pas perturber le jeu collusif (décision n° 07-D-48 du Conseil du 18 décembre 2007, précitée, paragraphe 180, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 février 2009, précité, p. 9 ; voir également arrêt précité de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, Rec. p. I-04529, point 60) ". (488)
504. La responsabilité d'une entreprise déterminée est ainsi valablement retenue lorsqu'elle a participé à des réunions en ayant connaissance de leur objet anticoncurrentiel. Son assiduité plus ou moins grande à ces réunions, la durée de sa participation à l'entente ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues peuvent avoir des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (489).
505. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, dès lors qu'une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu'elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu'elle souscrit au résultat des réunions et qu'elle s'y conformera, il peut être considéré comme établi qu'elle participe à l'entente résultant de ces réunions (490).
506. Plus particulièrement, dans son arrêt Sarrio, du 16 novembre 2000, la Cour de justice a jugé que " la circonstance qu'une entreprise ne donne pas suite aux résultats des réunions n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l'entente à moins qu'elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu " (491). Cette position a été confirmée par l'arrêt Dansk Rorindustri du 28 juin 2005 qui précise que " aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité [devenu article 101, paragraphe 1, du TFUE], il suffit qu'un accord ait pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets. En conséquence, dans le cas d'accords se manifestant lors de réunions d'entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, la responsabilité d'une entreprise déterminée du chef de l'infraction est valablement retenue lorsqu'elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n'a pas, ensuite, mis en œuvre l'une ou l'autre des mesures convenues lors de celles-ci. L'assiduité plus ou moins grande de l'entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction " (492).
507. S'agissant de la notion de distanciation publique, le Tribunal a jugé que : " (...) il convient de rappeler que la notion de distanciation publique en tant qu'élément d'exonération de la responsabilité doit être interprétée de manière restrictive. Afin de se dissocier effectivement des discussions anticoncurrentielles, il incombe à l'entreprise concernée d'indiquer à ses concurrents qu'elle ne souhaite en aucun cas être considérée comme membre de l'entente et participer à des réunions anticoncurrentielles. En tout état de cause, le silence observé par un opérateur dans une réunion au cours de laquelle une discussion anticoncurrentielle illicite a lieu ne peut être assimilé à l'expression d'une désapprobation ferme et claire. En effet, l'approbation tacite d'une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d'encourager la continuation de l'infraction et compromet sa découverte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. I-4567, points 103 et 124). " (493)
508. Par ailleurs, il ressort d'une jurisprudence européenne constante, récemment réaffirmée (494), qu' " une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d'accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l'infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu'il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants et qu'elle avait eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d'autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque " (495).
b) Application au cas d'espèce
Materne
509. Il a été constaté que Materne a participé à l'ensemble des réunions multilatérales identifiées aux paragraphes 52 à 190 ci-dessus. Il ressort également des constatations qu'elle a échangé à plusieurs reprises avec les sociétés Coroos, Conserves France, Andros, Délis SA et Charles Faraud par courrier électronique et téléphone ou lors de rencontres bilatérales ou trilatérales, comme cela ressort des paragraphes 191 à 247, 265 à 276 et 292 à 303.
510. Dans ses écritures, Materne conteste l'existence même de l'entrevue avec Conserves France le 3 novembre 2011 et des rencontres avec Coroos, à l'exception de l'une d'entre elles qui a eu lieu en septembre 2012 à la gare du Nord. Elle conteste également avoir échangé des informations anticoncurrentielles à ces occasions, tout comme lors des réunions du 6 avril 2011 à Roissy, du 2 mars 2012 et de l'entrevue du 28 mai 2013 à Amsterdam. De même, elle affirme que les courriels des 12 septembre 2012, 7 février 2013, 16 novembre 2012, 25 octobre 2012, 23 novembre 2012, 6 et 9 septembre 2011, 19 juillet 2013 et 28 juillet 2013 n'ont pas porté sur des informations anticoncurrentielles. Enfin, elle considère qu'elle n'échangeait pas de manière fréquente et substantielle avec ses concurrents par téléphone, notamment Coroos.
511. Toutefois, Materne ne conteste pas sa participation aux dix réunions multilatérales précitées. De plus, et comme cela a été indiqué plus haut, sa participation à l'ensemble des échanges qui lui sont reprochés est établie au regard des éléments constatés. Par ailleurs, l'objet de ces échanges est également établi, ainsi que cela ressort des paragraphes 371 et suivants relatifs à la matérialité des pratiques.
512. Enfin, si l'origine de la prise de contact entre Materne et Coroos en 2010 ne peut pas être établie, il est toutefois démontré que l'intéressée a joué un rôle actif dans la conception et la mise en œuvre des pratiques. En effet, elle a réservé l'ensemble des salles destinées aux réunions multilatérales, comme le prouvent les factures de réservation portées au dossier (496) et les déclarations de MM. O et P en audition (497). Elle a par ailleurs servi d'intermédiaire entre Coroos et les industriels français en convoquant les entreprises en cause à une partie des réunions. Enfin, elle a élaboré les documents " P&L novembre 2010 " et " P&L 2 " qui ont servi de support aux discussions.
513. La participation de Materne est donc établie du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014.
Andros
514. Il a été constaté aux paragraphes 52 à 190 ci-dessus qu'Andros a participé aux réunions multilatérales des 5octobre 2010, 4 novembre 2010, 2 décembre 2010, 13 avril 2011, 10 juin 2011 et 3 novembre 2011. Elle a également participé à une réunion trilatérale, le 28 mai 2013, en marge de la foire PLMA à Amsterdam. Andros a, en outre échangé des informations confidentielles par courriel avec Materne, via la messagerie personnelle de sa directrice générale adjointe, Mme B, en juillet 2013. Enfin, elle a eu plusieurs contacts anticoncurrentiels par téléphone avec Coroos durant l'été 2013, avec Materne entre 2011 et 2013, avec Délis SA entre 2010 et 2011 et avec Charles Faraud au cours de la période infractionnelle.
515. Andros conteste sa participation à la réunion du 4 novembre 2010. Elle allègue, à cette fin, qu'elle n'est pas citée parmi les bénéficiaires des répartitions de volumes qui auraient été décidées lors de cette réunion, pour le client Carrefour. Elle soutient que M. A, directeur général de Novandie, n'a pas pu y assister car il se trouvait en Corrèze le 3 au soir et dans le Lot le jour de la réunion. Elle précise par ailleurs qu'elle s'est distanciée publiquement de l'entente le 3 novembre 2011. Sur ce point, elle indique qu'elle a commencé à mener une stratégie agressive vis-à-vis de ses concurrents à partir de ce moment-là. Elle soutient que les quelques échanges avec ses concurrents constatés après le 3 novembre 2011 sont insuffisants pour démontrer sa participation à l'entente après cette date.
516. L'Autorité relève que la participation d'Andros à cinq des six réunions multilatérales citées au paragraphe 514 n'est pas contestée. Tout comme sa participation aux autres échanges, elle est par ailleurs établie par les pièces du dossier, comme cela a été indiqué dans les parties de la présente décision relatives aux constatations.
517. Pour ce qui est de la réunion du 4 novembre 2010, il ressort effectivement d'une facture datée du même jour que M. A a passé la nuit du 3 novembre dans un hôtel situé à Beaulieu sur Dordogne. Sa présence la veille de la réunion en cause est donc impossible. Cependant, les autres pièces produites, dont une note de frais pour deux repas le 4 novembre dans le Lot ne mentionnant aucun nom, sont insuffisantes pour remettre en cause la présence de M. A à la réunion du 4 novembre qui s'est déroulée dans la matinée, et qui est établie par les déclarations concordantes du demandeur de clémence, de M. K (Délis SA) et de M. Q (Valade), ainsi que cela ressort du tableau 3. La participation d'Andros à cette réunion doit donc être considérée comme établie.
518. Par ailleurs, il ressort des différents échanges postérieurs au 3 novembre 2011, lesquels sont établis et non contestés par l'intéressée, qu'Andros a continué de participer à l'entente après cette date.
519. Ainsi, Andros a été tenue informée du contenu de la réunion multilatérale du 17 juillet 2013 par Materne, avec laquelle elle a échangé par courriel, en particulier sur les prix d'un appel d'offres Aldi (498). En outre, il ressort des paragraphes 181 et suivants des constatations que les mesures de compensation décidées lors de la réunion du 3 septembre 2013 concernent Andros. Par ailleurs, elle a échangé en marge de la foire PLMA d'Amsterdam avec des représentants de Coroos et Materne au sujet de la répartition du marché des MDD, comme relevé aux paragraphes 210 et suivants ci-dessus. Enfin, il ressort également des constatations qu'Andros a eu des échanges téléphoniques avec Coroos et Materne après le 3 novembre 2011 au sujet du marché des compotes, des appels d'offres et de la répartition des volumes et des clients de 2011 à 2013.
520. Andros ne démontre donc pas qu'elle se serait distanciée publiquement de l'entente à compter du 3 novembre 2011. La circonstance qu'elle ait gagné des parts de marché sur ses concurrentes au cours de la période de commission des pratiques demeure sans influence sur ce point. En effet, comme rappelé ci-dessus, le fait que le comportement d'une entreprise sur le marché n'ait pas été conforme au comportement convenu ou annoncé n'affecte en rien son adhésion à l'accord de volontés, et, par suite, sa responsabilité du chef d'une violation des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE.
521. La participation d'Andros est donc établie du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014.
Conserves France
522. Il a été constaté aux points 52 à 190 ci-dessus que Conserves France a participé à cinq réunions multilatérales. Elle a aussi rencontré Materne le 3 novembre 2011, juste avant la réunion multilatérale du même jour à laquelle elle n'a pas participé, comme l'indique le paragraphe 197. Elle a également échangé par téléphone avec Coroos, Délis SA et Charles Faraud, ainsi que cela ressort des paragraphes 282, 309 et 312.
523. Conserves France soutient qu'elle n'a pas participé à l'intégralité de la réunion multilatérale du 4 novembre 2010. Elle ajoute qu'elle n'a pas assisté aux réunions des 2 décembre 2010 et 10 juin 2011, ni participé à un échange bilatéral avec Materne le 3 novembre 2011. Elle indique qu'elle n'a eu aucun contact téléphonique avec Délis SA et Coroos. Enfin, elle précise que, s'agissant de la RHF, sa participation se limite à sa présence aux réunions des 5 octobre 2010 et 3 septembre 2011. Elle déduit de l'ensemble de ces éléments qu'elle n'a pas participé de manière continue aux pratiques en cause.
524. L'Autorité relève que Conserves France ne conteste pas sa participation aux réunions multilatérales des 5 octobre 2010 et 3 septembre 2013, laquelle est d'ailleurs établie par les pièces du dossier.
525. Il est par ailleurs établi que Conserve France a participé à la réunion du 4 novembre 2010, comme le précisent les éléments du tableau 3 inséré sous le paragraphe 87. La circonstance que le train de l'intéressé arrivait à 9 h 11 en gare de Lyon et qu'il ne pouvait participer à l'intégralité de la réunion est sans incidence sur ce point.
526. De même, elle était présente aux réunions des 2 décembre 2010 et 10 juin 2011 et à la rencontre bilatérale du 3 novembre 2011 avec Materne. Les éléments de preuve réunis dans les tableaux4 et 8qui précèdent les paragraphes 102 et 150 et au paragraphe 197 en attestent suffisamment, contrairement à ce que soutient l'intéressée.
527. L'échange téléphonique avec Coroos relatif à un appel d'offres RHF du 3 octobre 2011 concernant Sodexo est établi par le courriel interne échangé entre deux salariés de Conserves France, lequel corrobore d'ailleurs les déclarations du demandeur de clémence (499). Il en va de même pour l'échange téléphonique avec Délis SA, comme il a été relevé aux paragraphes 310 et suivants de la présente décision.
528. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Conserves France a participé aux trois réunions du dernier trimestre de l'année 2010 à l'occasion desquelles les entreprises en cause ont mis en place leur plan d'ensemble. Elle a également participé à plusieurs échanges au cours de l'année 2011 et à la réunion multilatérale du 3 septembre 2013 à l'occasion de laquelle les entreprises présentes ont décidé de mesures de compensation. Sa participation est donc établie pour l'ensemble de la durée de l'infraction litigieuse.
529. La circonstance qu'elle n'ait pas participé à l'ensemble des échanges constatés est, en tout état de cause, sans influence sur ce point. En effet, conformément à la jurisprudence Fresh Del Monte Produce citée au paragraphe 508, Conserves France a entendu contribuer, par son propre comportement, aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants. Par ailleurs, elle pouvait raisonnablement prévoir que, pour mettre en œuvre le plan d'ensemble auquel elle a adhéré, les parties étaient susceptibles de se rencontrer à plusieurs reprises sans qu'elle en soit nécessairement informée et était prête à en accepter les risques.
530. La participation de Conserves France aux pratiques est donc établie du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014.
Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg
531. Il a été constaté, aux paragraphes 52 à 190, que Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg ont participé aux dix réunions multilatérales. Le dossier ne contient pas d'éléments prouvant à suffisance qu'elles aient assisté à des rencontres bilatérales ou trilatérales ou procédé à des échanges de courriels pendant la durée des pratiques litigieuses. En revanche, leurs représentant ont échangé par téléphone avec des concurrents, comme en témoignent les appels avec Coroos, le 16 août 2012, au sujet d'appels d'offres et de prix et avec Materne, au sujet d'appels d'offres, comme cela a été indiqué aux paragraphes 287 et suivants.
532. La société Délis SA conteste sa participation aux sept réunions multilatérales qui se sont tenues les 5 octobre 2010, 24 janvier, 13 avril, 10 juin et 3 novembre 2011, 17 juillet et 3 septembre 2013. Elle conteste également les échanges téléphoniques avec Materne, Conserves France, Andros et Coroos.
533. Délis SA ne conteste pas, en revanche, sa participation à trois des six réunions multilatérales qui se sont tenues les 4 novembre et 2 décembre 2010 et le 17 mars 2011. Celle-ci est d'ailleurs établie, comme l'indique la partie constatations de la présente décision.
534. S'agissant de la réunion du 5 octobre 2010, l'intéressée précise que l'un de ses représentants, M. K, n'était pas en région parisienne entre les 4 et 6 octobre. Aux fins de sa démonstration, elle indique que l'intéressé était en Bretagne les 4 et 5 et qu'il a rallié l'Aquitaine le lendemain. Elle fournit également une attestation d'une employée indiquant que M. K était présent dans les locaux de Délis SA le jour de la réunion en cause.
535. L'attestation produite, rédigée près de neuf ans après les faits, contient essentiellement des détails relatifs à la charge de travail de son auteure. En revanche, elle ne précise pas que M. K était effectivement présent dans les locaux de Délis SA le 5 octobre 2010, comme l'indique cette dernière.
536. Par ailleurs, la présence du directeur des clients de Délis SA en Bretagne n'est établie par aucune pièce pertinente. En ce qui concerne le 4 octobre 2010, aucun élément contemporain n'atteste l'affirmation selon laquelle M. K se trouvait en Bretagne. S'agissant du jour de la réunion, le 5 octobre 2010, Délis SA communique une note de frais de déjeuner censée démontrer que M. K ne pouvait pas participer à cette réunion car il se trouvait à Châteaubourg (35) le 5 octobre 2010 à 13 h 58 (500) (dans le restaurant Ker Jo Ann au bord de la N157, soit sur l'axe Paris-Rennes).Elle affirme également qu'il avait un rendez-vous médical à Rennes le 5 octobre 2010 l'après-midi.
537. Toutefois, ce déjeuner et le rendez-vous médical ne sont pas incompatibles avec le fait d'avoir participé à une réunion à Paris tôt le matin du 5 octobre 2010, et ce d'autant plus que des notes manuscrites sur papier à en-tête des hôtels Concorde datées du même jour ont été saisies dans le bureau de M. K (501) qui a déclaré en être l'auteur (502). Par ailleurs, sur la première page de ces notes manuscrites, après la mention " nouvel intervenant ", sont listés les noms des autres participants à cette réunion. De surcroît, les déclarations du demandeur de clémence ont indiqué la présence de M. K (503) et de M. O, directeur général de Materne (504). Enfin, comme cela a été indiqué plus haut, les notes prises par M. K sont en grande partie identiques au document " P&L novembre 2010 " présenté le 5 octobre 2010. La participation de Délis SA à cette réunion est donc établie.
538. S'agissant de la réunion du 24 janvier 2011, Délis SA estime que les déclarations du demandeur de clémence et du directeur général et du directeur commercial de Materne ne démontrent pas que M. K y ait participé. Cependant, comme l'indiquent les paragraphes 115 et suivants des constatations, la participation de Délis SA à cette réunion et son objet anticoncurrentiel sont bien établis, notamment par les déclarations concordantes de Coroos et Materne.
539. S'agissant de la réunion du 13 avril 2011, Délis SA fait valoir que M. K n'a pu y assister dans la mesure où il déjeunait, ce même jour, à Montreuil-sous-Pérouse, en Ille-et-Vilaine (505). Cependant, le demandeur de clémence et M. A, directeur général de Novandie (groupe Andros), qui a reconnu sa propre participation à cette réunion, ont confirmé la présence d'un représentant de la société Délis SA (506). Du reste, un déjeuner tôt dans la journée du 13 avril 2011 à Montreuil-sous-Pérouse, n'est pas incompatible avec la réunion à Paris dans l'après-midi du 13 avril 2011, et ce d'autant plus que l'heure de déjeuner n'est pas lisible sur la note de frais.
540. S'agissant de la réunion du 10 juin 2011, la participation de Délis SA est établie, ainsi que cela ressort des éléments résumés dans le Tableau 8, sous le paragraphe 150. La circonstance que le tableau récapitulant la présence des entreprises aux réunions multilatérales présent en page 24 du rapport ait omis d'indiquer sa présence demeure sans incidence sur ce point. S'agissant du dîner du 3 novembre 2011, l'intéressée soutient que M. L, directeur du site de Châteaubourg, n'a pu y participer et que sa présence n'est pas suffisamment établie par les déclarations du demandeur de clémence. Cependant, comme cela a été indiqué aux paragraphes 160 et suivants dans la partie constatations, la présence de Délis SA à ce dîner et son objet sont établis par plusieurs éléments qui se recoupent. S'agissant des réunions des 17 juillet et 3 septembre 2013, la participation de Délis SA est établie par les différents éléments mentionnés aux paragraphes 166 et suivants de la présente, qui corroborent les déclarations du demandeur de clémence.
541. Enfin, les échanges téléphoniques avec Materne, Conserves France, Andros et Coroos sont matériellement établis, comme cela a notamment été indiqué aux paragraphes 261et suivants de la présente décision.
542. La participation de Délis SA et de SAS Vergers de Châteaubourg aux pratiques est donc établie du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014.
Charles Faraud et Charles & Alice
543. Il a été constaté, aux paragraphes 52 à 190 que Charles Faraud et Charles & Alice ont participé à huit réunions multilatérales. Il ressort également des constatations qu'elles ont participé à des échanges avec leurs concurrents par courriels et par téléphone et que son directeur commercial disposait d'un téléphone spécial, comme cela ressort respectivement des paragraphes 246, 279, 295, 305, 313 et 260.
544. En dehors de sa participation à une partie de la réunion du 5 octobre 2010, Charles Faraud conteste avoir pris part à d'autres échanges. Elle souligne également qu'elle a gagné des volumes et des parts de marché sur ses concurrents au cours de la période en cause.
545. En revanche, Charles Faraud ne conteste pas avoir assisté à la réunion du 5 octobre 2010. Sa participation est d'ailleurs établie par les pièces du dossier, tout comme sa présence à sept autres réunions multilatérales, les 4novembre 2010, 2 décembre 2010, 13 avril 2011, 10 juin 2011, 3 novembre 2011, 17 juillet 2013 et 3 septembre 2013.
546. S'agissant de la réunion du 4 novembre 2010, la participation de l'intéressée est notamment établie par les déclarations concordantes du demandeur de clémence et de Valade, ainsi que cela a été indiqué dans le tableau3 sous le paragraphe 87.
547. S'agissant de la réunion du 2 décembre 2010, Charles Faraud fait valoir que les preuves pour établir la participation de M. C, son président, seraient insuffisantes (507). Elle soutient notamment que le fait que M. Cait pris un taxi dans le quartier " Lafayette " à 15h30 (508) prouve qu'il ne pouvait être à une réunion dans le quartier St-Lazare en début d'après-midi. Toutefois, il est établi que la réunion a eu lieu à l'hôtel Best Western Opéra Diamond à partir de 13h30. Aussi, la présence de M. C dans le quartier Lafayette, situé à une dizaine de minutes à pied du lieu de rendez-vous, n'est pas incompatible avec cette réunion. De plus, ces deux quartiers étant contigus voire indifférenciés, et compte tenu du fait que la présence d'un représentant de Charles Faraud est indiquée dans la réponse écrite de M. A, directeur général de Novandie et dans les déclarations de MM. O et P, directeur général et directeur commercial de Materne, la présence de M. C à la réunion en cause est établie.
548. S'agissant de la réunion du 13 avril 2011, la participation de Charles Faraud est notamment établie par les déclarations concordantes du demandeur de clémence, d'Andros et de Materne, comme précisé dans le tableau 7 sous le paragraphe 143. L'attestation d'un employé de Charles Faraud (509), peu circonstanciée et réalisée sept ans après les faits, n'est pas de nature à remettre en cause la présence de l'intéressée à cette réunion multilatérale.
549. S'agissant de la réunion du 10 juin 2011, Charles Faraud conteste la présence de son directeur commercial, M. D. À ce titre, elle indique que cette rencontre aurait eu lieu l'après-midi et non le matin (510), si bien que M. D ne pouvait y être. Charles Faraud se réfère à la déclaration de clémence qui indique que la réunion a eu lieu à 14h et l'agenda de M. J, directeur des ventes de Coroos, qui comporte l'inscription " Paris " à 14h le 10 juin 2011.
550. Toutefois, cette réunion a bien eu lieu le matin. Cela ressort notamment de la réservation, par Materne, d'une salle de réunion dans la matinée du 10 juin 2011 (511) ; du ticket de parking de M. J relatif au stationnement de son véhicule au parking de la gare d'Anvers pour une entrée à 5h48 accréditant le fait qu'il a pris un train très tôt lui permettant d'être à Paris pour une réunion vers 9 heures (512) ; du fait que M. A, directeur général de Novandie, a stationné son véhicule de 8h à 10h52 au Passage du Havre, qui se trouve à proximité de la salle où s'est tenue la réunion ; de la nuit que M. D a passée la veille de la réunion dans le quartier St-Lazare (513) ; de la déclaration du demandeur de clémence (514) et de la réponse écrite de M. A d'Andros (515). Dans ces conditions, un représentant de Charles Faraud a bien assisté à cette réunion.
551. S'agissant du dîner du 3 novembre 2011, la participation de Charles Faraud est établie, comme cela ressort des paragraphes 155 et suivants des constatations. Par ailleurs, l'Autorité ayant estimé que la tenue d'une réunion multilatérale avant ce dîner n'était pas établie, l'intéressée ne peut utilement contester sa participation à cette réunion.
552. S'agissant de la réunion du 17 juillet 2013, Charles Faraud indique que la participation de son président, M. C, n'est pas démontrée. Elle précise que la mention " Pascal " à 8h30 dans l'agenda de ce dernier ne correspond " visiblement " pas à M. O, directeur général de Materne, mais " plus vraisemblablement " à une connaissance personnelle de M. C, qui atteste le rencontrer souvent à Paris. Cependant, cette attestation, peu circonstanciée, ne remet pas en cause la participation de M. C à la réunion litigieuse, établie par la déclaration du demandeur de clémence (516), une nuitée au Mercure de la rue de l'Isly (517) à proximité de l'hôtel Concorde Opéra où s'est tenue la réunion et l'extrait d'agenda précité de M. C (518).
553. S'agissant de la réunion du 3 septembre 2013, Charles Faraud conteste la présence de son président, M. C, et de son directeur commercial, M. D, à cette réunion. Toutefois, le message envoyé par le second au premier la veille est sans ambiguïté : " Novotel Gare de Lyon demain 18h salle de réunion réservée au nom de Montblanc " (519). Le faisceau d'indices, constitué également des déclarations de M. Q, président de Valade (520) et du demandeur de clémence (521) ainsi que des notes de frais de M. C (522), et de M. D (523) est suffisant pour établir la participation des représentants de Charles Faraud à la réunion du 3 septembre 2013.
554. Par ailleurs, la participation de Charles Faraud à des échanges téléphoniques anticoncurrentiels avec Andros, Materne et Valade est également établie par les pièces du dossier, comme l'indiquent les paragraphes 419 et suivants relatifs à la matérialité de ces échanges. Les paragraphes 279 à 281 des constatations établissent l'existence et l'objet de l'échange téléphonique d'octobre 2013 avec Coroos. Il ressort également de l'instruction que le directeur commercial de Charles Faraud et de Charles & Alice disposait d'un téléphone spécial qu'il utilisait parfois pour échanger avec ses concurrents. Ce téléphone spécial, mentionné par Coroos dans sa demande de clémence (524), a été saisi dans les locaux de Charles Faraud (525).
555. Enfin, Charles Faraud n'établit pas s'être distanciée publiquement des pratiques litigieuses. En effet, la circonstance que son président, M. C, ait déclaré avoir quitté la réunion du5 octobre 2010 " au bout d'une demi-heure ou trois quarts d'heure " (526) demeure sans influence sur ce point, d'autant que l'entreprise en cause a, par la suite, participé à de nombreux autres échanges avec ses concurrents. Dans le même sens, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle ait gagné des parts de marché sur ces concurrents au cours de la période de commission des pratiques. En effet, comme cela a été indiqué dans le rappel des principes applicables, le fait que le comportement d'une entreprise sur le marché n'ait pas été conforme au comportement convenu ou annoncé n'affecte en rien son adhésion à l'accord de volontés, et, par suite, sa responsabilité du chef d'une violation des articles L.420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE.
556. La participation de Charles Faraud et de Charles & Alice est donc établie du 5 octobre 2010 au 10 janvier 2014.
Valade
557. Il a été constaté que Valade a participé aux réunions multilatérales qui se sont tenues les 4 novembre 2010, 17 mars 2011 et 3 septembre 2013 et qu'elle a été tenue informée de la réunion multilatérale du 2 décembre 2010, comme l'indiquent les paragraphes 52 à 190. Les paragraphes 284 et 313 indiquent qu'elle a échangé deux appels téléphoniques avec Coroos et Charles Faraud.
558. Valade soutient qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir un quelconque contact entre Valade et ses concurrents entre la réunion du 4 novembre 2010 et la réunion du 3 septembre 2013, si bien qu'une interruption de la participation devrait être retenue. Ainsi, elle estime que compte tenu du mode de fonctionnement de l'entente et en l'absence de faits suffisamment rapprochés dans le temps, il ne peut être raisonnablement admis que la participation de Valade se serait poursuivie de façon ininterrompue pendant l'ensemble de la période visée par la notification des griefs.
559. Valade ne conteste pas avoir participé aux réunions multilatérales des 4 novembre 2010 et 3 septembre 2013.
560. Par ailleurs, il est établi que M. Q, président de Valade, a participé à la réunion du 17 mars 2011 relative à des appels d'offres en cours, aux coûts de production et au prix de vente des compotes ainsi qu'à la RHF, comme l'indiquent les paragraphes 133 et suivants de la présente décision. Sa présence est établie par la conjonction de plusieurs indices concordants. D'une part, il ressort d'une facture établie le 17 mars 2011 à 13h02 (527) que M. Q a déjeuné dans un restaurant parisien près de la gare Montparnasse le jour de la réunion en cause, laquelle s'est déroulée dans l'après-midi. D'autre part, Valade est citée à plusieurs reprises dans les notes manuscrites prises par M. K, directeur des clients de Délis SA, au cours de cette réunion (528).
561. En outre, il est également établi que M. Q (Valade), qui disposait de la présentation " P&L 2 " réalisée par Materne, fixant des objectifs de hausse et des fourchettes de prix cible et discutée lors de cette réunion, a été tenu informé de celle-ci, comme l'indiquent les paragraphes 104 et suivants.
562. Enfin, Valade a échangé par téléphone avec Coroos au sujet d'un appel d'offres Carrefour à venir au cours de l'automne 2011 et avec Charles Faraud sur les prix de certains produits en août 2013, comme l'indiquent respectivement les paragraphes 284 et suivants et 313 et suivants ci-dessus.
563. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que, s'agissant des trois premières réunions du dernier trimestre de l'année 2010 où le plan d'ensemble a été échafaudé, Valade a participé à la deuxième, datée du 4 novembre 2010 et a été tenue informée de la troisième, qui s'est déroulée le 2 décembre 2010. Elle a également participé à deux autres réunions multilatérales, les 17 mars 2011 et 3 septembre 2013. À l'occasion de cette dernière réunion, et comme l'indiquent les paragraphes 181 et suivants, elle a bénéficié de mesures de compensation concernant des marchés remportés par d'autres sociétés mises en cause en 2011 et 2012.Par ailleurs, le compte rendu du comité de direction de Valade du 20 décembre 2012, où il est écrit : " la concurrence ne tient pas les " engagements " quant au niveau de hausse (compote : annoncé + 11,18 % pour obtenir + 9,5 % ; confiture : annoncé + 5,5 % pour obtenir + 4,5) " (529), montre que Valade était partie prenante à l'entente à cette époque. Dans ces conditions, sa participation doit donc être regardée comme établie pour l'ensemble de la période litigieuse la concernant.
564. La circonstance qu'elle n'ait pas participé à l'ensemble des échanges constatés est, en tout état de cause, sans influence sur ce point. En effet, conformément à la jurisprudence Fresh Del Monte Produce citée au paragraphe 508, Valade a entendu contribuer, par son propre comportement, aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants. Par ailleurs, elle pouvait raisonnablement prévoir que, pour mettre en œuvre le plan d'ensemble auquel elle avait adhéré, les parties étaient susceptibles de se rencontrer à plusieurs reprises sans qu'elle en soit nécessairement informée, et elle était prête à en accepter les risques.
565. La participation de Valade est donc établie du 4 novembre 2010 au 10 janvier 2014.
Coroos
566. La participation de Coroos, demandeur de clémence, est établie pour l'ensemble des réunions et échanges constatés.
D. SUR L'IMPUTABILITE DES PRATIQUES
1. RAPPEL DES PRINCIPES
a) L'imputabilité au sein d'un groupe de sociétés
567. Il résulte d'une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises, comprises comme désignant des entités exerçant une activité économique. Le juge de l'Union a précisé que la notion d'entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales.
568. En droit interne comme en droit de l'Union, au sein d'un groupe de sociétés, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Ces solutions jurisprudentielles cohérentes sont fondées sur le fait qu'en l'absence d'autonomie de la société filiale par rapport à la société mère, ces deux sociétés font partie d'une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens du droit de la concurrence.
569. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ce cas de figure, l'autorité de concurrence sera en mesure de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l'amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (530).
b) L'imputabilité en cas de transformation des entreprises
570. Il ressort d'une jurisprudence constante que, tant que la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit être tenue pour responsable de ces pratiques.
571. Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n'en continue pas moins à répondre de l'infraction commise.
572. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a commis les pratiques a cessé d'exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a juridiquement été transmise, c'est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur de l'infraction, et, à défaut d'une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle (531).
2. APPLICATION AU CAS D'ESPECE
a) Materne, MBMA et MBMA Holding
573. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société Materne en tant qu'auteure des pratiques et celles de la société MBMA qui, détenant l'intégralité de son capital à la suite de la reprise de l'actif et du passif de la société MOM qui a été liquidée, est présumée avoir exercée une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, ce qui n'est pas contesté par les parties. De même, la responsabilité de la société MBMA Holding, en sa qualité de société mère de Materne détenant l'intégralité de son capital doit être retenue à compter du mois de mars 2011, ce qui n'est pas non plus contesté par les parties.
b) Andros et Andros & Cie
574. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société Andros en tant qu'auteure des pratiques et celle de la société Andros et Cie, détentrice du capital d'Andros à 99,9 % et qui, en sa qualité de société mère, est présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques, ce qui n'est pas contesté par les intéressées.
c) Conserves France et Conserve Italia societa cooperativa agricola
575. Les sociétés Conserves France et Conserve Italia contestent l'imputabilité des pratiques en cause à cette dernière en sa qualité de société mère. Elles considèrent que la présomption d'imputabilité n'est pas établie en l'espèce, au motif que Conserve Italia ne détiendrait pas la quasi-totalité du capital de Conserves France, d'une part, et, d'autre part, que Conserve France détermine sa politique commerciale de manière autonome.
576. Cependant, à l'époque des pratiques en cause, la société Conserve Italia societa cooperativa agricola possédait entre 91,83 % et 92,47 % du capital de la société Conserves France. Détenant ainsi la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure des pratiques en cause, elle est présumée, sur le fondement de la jurisprudence rappelée au paragraphe 569 ci-dessus, avoir exercé une influence déterminante sur cette dernière.
577. En tout état de cause, les éléments du dossier relatifs aux liens économiques et organisationnels entre Conserve Italia et Conserves France démontrent l'absence d'autonomie de la filiale envers sa société mère.
578. En effet, il ressort des pièces du dossier que le nom de domaine de l'adresse électronique des cadres de Conserves France est " ccci.it " ce qui montre que leurs messageries sont administrées de manière centralisée par le groupe (532), contrairement à ce que soutiennent les sociétés en cause.
579. Par ailleurs, M. T, alors Directeur général de Conserves France et " Agri Services Manager " de Groupe Conserve Italia (533), a été mis en copie d'un courriel envoyé par M. F, directeur d'exploitation de Conserves France à M. H, directeur commercial de cette même société. Ce message évoque un rendez-vous entre Conserves France et Materne au cours duquel il était question de discuter " de nos conditions de marché sur la MDD en particulier " (534). Si les sociétés en cause soutiennent que la fonction d' " Agri Services Manager " n'intervient pas dans la définition de la stratégie commerciale, elles n'apportent aucun commencement de preuve au soutien de leurs allégations.
580. En outre, un courriel a été envoyé le 22 mars 2010 par M. U, " Area Manager " de Conserve Italia, à M. G, directeur commercial de Conserves France sur la stratégie commerciale 2010-2011 (535). Ce message faisait notamment référence au maintien potentiel des remises sur facture. La circonstance invoquée par les sociétés en cause que M. U était en réalité salarié de Conserves France, à supposer même qu'elle soit fondée, demeure sans incidence sur le fait que le courriel en cause a été signé par l'intéressé au nom de Conserve Italia.
581. Enfin, M. V, qui occupait des fonctions de " Export Sales Director " chez Conserve Italia et de membre du conseil d'administration de Conserves France, a été mis en copie d'un courriel daté du 22 mars 2011 concernant un projet commun à Conserves France et au Groupe Mom, relatif à la production de gourdes. L'imbrication des fonctions exercées au sein des deux sociétés en cause par M. V démontre que Conserve Italia societa cooperativa agricola était impliquée dans le développement de la stratégie commerciale de Conserves France.
582. Dans ces conditions, il convient de retenir la responsabilité de la société Conserve Italia societa cooperativa agricola en sa qualité de société mère de la société Conserves France.
d) Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg, Groupe Lactalis et B.S.A.
583. Les sociétés Délis, SAS Vergers de Châteaubourg, Groupe Lactalis et B.S.A. contestent l'imputabilité des pratiques litigieuses à la SAS Vergers de Châteaubourg en tant qu'auteure et à cette dernière ainsi qu'au Groupe Lactalis en tant que société mère.
584. Cependant, il y a bien lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société Délis SA en tant qu'auteure des pratiques et celle des sociétés SAS Vergers de Châteaubourg, Groupe Lactalis et B.S.A. en leur qualité de société mère de la société Délis SA.
La responsabilité des sociétés SAS Vergers de Châteaubourg et Groupe Lactalis en leur qualité de société mère
585. Durant la période pendant laquelle les pratiques ont été mises en œuvre la société SAS Vergers de Châteaubourg, qui détenait 99,99 % du capital de la société Délis SA, était elle-même détenue à 99,99 % par le Groupe Lactalis. En raison de cette détention capitalistique, les sociétés SAS Vergers de Châteaubourg et Groupe Lactalis sont présumées avoir exercé une influence déterminante sur la société Délis SA.
586. Les sociétés SAS Vergers de Châteaubourg et Groupe Lactalis contestent l'imputabilité des pratiques. À ce titre, elles soutiennent que le régime de présomption d'imputabilité rappelé au paragraphe 569 ci-dessus est contraire à la présomption d'innocence et aux droits de la défense. Elles relèvent également que l'imputabilité des pratiques aux sociétés mères de Délis SA constitue une inégalité de traitement par rapport à la société mère de Conserves France, qui ne s'est pas vu imputer le grief. Enfin, elles soutiennent que la société Délis SA déterminait de façon autonome sa politique commerciale. Sur ce point, elles rappellent que M. K, directeur des clients de Délis SA, a déclaré, lors de son audition : " c'est moi qui fixait la politique commerciale ". Par ailleurs, elles relèvent que SAS Vergers de Châteaubourg a une activité commerciale distincte de Délis SA et que les locaux de Groupe Lactalis sont installés dans une autre ville.
587. Cependant, en premier lieu, contrairement à ce que soutiennent SAS Vergers de Châteaubourget Groupe Lactalis, les services d'instruction ont bien notifié le grief en cause à la société Conserve Italia societa cooperativa agricola en sa qualité de société mère de la société Conserves France, ainsi que cela ressort de la notification de grief complémentaire du 25 mai 2018 (536). Le moyen tiré de l'inégalité de traitement manque donc en fait.
588. En deuxième lieu, il est de jurisprudence constante, en droit de l'Union comme en droit interne, (537) que la présomption de responsabilité d'une société mère en raison de ses liens capitalistiques avec sa filiale (voir le paragraphe 569 ci-dessus) est une présomption simple, qui peut être renversée.
589. Sur ce point, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 18 octobre 2017, que " dans le cas où une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant enfreint les règles de concurrence, la présomption réfragable selon laquelle la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale, peut être renversée par la preuve contraire, rapportée par la société mère, prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui les unissent, établissant que sa filiale se comporte de manière autonome sur le marché et ne constitue donc pas avec elle une unité économique " (538).
590. En l'espèce, les sociétés SAS Vergers de Châteaubourg et Groupe Lactalis, ont été mises en mesure de répondre à la notification de grief et au rapport établis par les rapporteurs des services d'instruction et d'apporter tous les éléments qu'elles estiment nécessaires au renversement de leur présomption de responsabilité. Dès lors, elles ne sont pas fondées à soutenir que le régime de présomption de responsabilité méconnaîtrait les principes de présomption d'innocence et des droits de la défense. De plus, la circonstance, invoquée par les intéressées, qu'aucune autorité de concurrence ni aucune juridiction n'aurait encore admis le renversement de cette présomption est sans influence sur l'appréciation du respect de ces principes.
591. En dernier lieu, compte tenu du fait que M. K, directeur des clients de Délis SA, était à l'époque des pratiques directement rattaché hiérarchiquement au directeur du site de Châteaubourg, M. L (539), et intégré à l'organigramme des Vergers de Châteaubourg, la responsabilité de SAS Vergers de Châteaubourg pour sa filiale Délis SA doit être regardée comme établie au cas d'espèce. Par ailleurs, le fait que les produits commercialisés par Groupe Lactalis et que la situation géographique de son siège soient différents de ceux de Vergers de Châteaubourg et de Délis SA ne suffit pas à renverser la présomption de sa responsabilité.
La responsabilité de la société B.S.A. en sa qualité de société mère
592. Durant la période pendant laquelle les pratiques ont été mises en œuvre la société B.S.A. détenait directement et indirectement 99,99 % de la société Groupe Lactalis, laquelle détenait 99,99 % de la société SAS Vergers de Châteaubourg, qui détenait elle-même 99,99 % du capital de la société Délis SA (voir le paragraphe 585 ci-dessus. En raison de cette détention capitalistique, la société B.S.A. est présumée avoir exercé une influence déterminante sur la société Délis SA.
593. La société B.S.A. conteste avoir exercé une influence déterminante sur cette dernière. À ce titre, elle allègue que ni la société Délis SA, ni la société SAS Vergers de Châteaubourg ne sont mentionnées dans l'organigramme reproduit dans la notification de grief complémentaire (540). Elle estime que certains pourcentages de détention capitalistique qui y figurent violent les règles relatives au secret des affaires. Elle ajoute que le Groupe Lactalis étant détenu à quasi-parité par deux sociétés distinctes, l'Autorité ne peut présumer de sa responsabilité. Elle en conclut que l'Autorité est tenue d'analyser in concreto l'existence de l'influence déterminante qu'elles exercent sur la société Délis SA. Enfin, la société B.S.A. précise que le grief n'ayant pas été notifié à la société LBO France gestion qui détenait 93,8 % de la société MBMA Holding, société mère de Materne, l'Autorité méconnaîtrait le principe d'égalité de traitement en retenant sa responsabilité en sa qualité de société mère de Délis SA.
594. Cependant, il ressort des pièces du dossier (541), lesquelles comprennent des données publiques (542), que B.S.A. détient directement 50,81 % du capital du Groupe Lactalis et indirectement les 49,18 % restant par le biais de sa filiale Claudel-Roustang Galac dont elle contrôle 99,99 % du capital. Il est également établi que B.S.A. est la société mère de la société Délis SA qu'elle contrôle à travers le Groupe Lactalis et SAS Vergers de Châteaubourg. La présomption d'imputabilité de la société B.S.A. est donc établie et les parties intéressées n'apportent aucun élément de nature à la renverser.
595. Par ailleurs, la situation de B.S.A. n'est pas comparable à celle de LBO Holding. En effet, contrairement à ce que soutient B.S.A., LBO France ne contrôlait pas, au cours de la période pendant laquelle les pratiques ont été mises en œuvre l'intégralité ou la quasi-intégralité du capital de MBMA Holding à travers les fonds d'investissement White Khight et MF Private Equity IV (543). Ainsi, l'Autorité ne porte pas atteinte au principe d'égalité de traitement en retenant, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société B.S.A. en tant que société mère de Délis.
e) SAS Vergers de Châteaubourg, Groupe Lactalis et B.S.A.
596. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société SAS Vergers de Châteaubourg en tant qu'auteure des pratiques. En effet, il est établi que M. L, directeur du site de Châteaubourg, a directement participé aux réunions multilatérales entre concurrents qui se sont tenues les 2 décembre 2010, 10 juin 2011, 3 novembre 2011 et 17 juillet 2017, comme l'indiquent les tableaux 4, 8, 9 et 10 qui figurent sous les paragraphes 101, 150, 160 et 167 ci-dessus. Par ailleurs, M. L. était le responsable hiérarchique de M. K, directeur des clients de Délis SA, lequel a donc représenté à la fois Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg lors de ses échanges avec les entreprises concurrentes.
597. Par ailleurs, il convient également de retenir la responsabilité du Groupe Lactalis détentrice de SAS Vergers de Châteaubourg à 100 %, en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques. De même, il y a lieu de retenir la responsabilité de B.S.A, qui détient 99,99 % du capital de la société Groupe Lactalis, en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques.
f) Charles Faraud et CAI Développement
598. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société Charles Faraud en tant qu'auteure des pratiques et celle de la société CAI développement, détentrice de Charles Faraud à 100 % depuis son absorption de la société Ventoux Développement le 24 septembre 2013, en sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques, ce qui n'est pas contesté par les intéressés.
g) Charles & Alice, Charles Faraud et CAI Développement
599. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société Charles & Alice en tant qu'auteure des pratiques et celle de la société Charles Faraud, qui détient la société Charles & Alice à 100 %, en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques, ce qui n'est pas contesté par les intéressés. De même, il y a lieu de retenir la responsabilité de la société CAI Développement, détentrice de Charles Faraud à 100 % depuis son absorption de la société Ventoux Développement le 24 septembre 2013, en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques, ce qui n'est pas contesté par les intéressées.
h) Valade et Financière Lubersac
600. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société Valade en tant qu'auteure des pratiques et celle de la société Financières Lubersac, détentrice de Valade à 99,25 %, en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques, ce qui n'est pas contesté par les intéressées.
i) Coroos Conserven BV, Coroos Beheer BV, Coroos International NV et OKB
601. Il y a lieu de retenir, au titre du grief notifié, la responsabilité de la société Coroos Conserven BV en tant qu'auteure des pratiques. Par ailleurs, cette société étant détenue à 100 % par la société Coroos Beheer BV - elle-même détenue à 100 % par la société Coroos International NV, laquelle est également détenue à 100 % par la société OKB - il y a lieu de retenir la responsabilité de ces trois dernières sociétés en leur qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de leur filiale pendant la période de commission des pratiques, ce qui n'est pas contesté par les intéressées.
E. SUR LES SANCTIONS
1. EN CE QUI CONCERNE LA DETERMINATION DU MONTANT DE BASE
a) S'agissant de la valeur des ventes
Les principes applicables
602. En application du point 23 du communiqué sanctions, la pratique décisionnelle de l'Autorité retient comme assiette du montant de base pour le calcul de la sanction la valeur des ventes réalisées par l'entreprise mise en cause pour les biens ou les services qui sont en relation avec l'infraction. Les ventes en cause sont celles qui sont réalisées en France. Leur valeur correspond au chiffre d'affaires de l'entreprise ou de l'organisme concerné relatif aux produits ou services en cause (points 34 et 35 du communiqué).
603. La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le (s) secteur (s) ou marché (s) concerné (s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le (s) secteur (s) ou marché (s) concerné (s).
604. Par ailleurs, selon le point 33 du communiqué sanctions, la valeur des ventes est déterminée par référenc eau dernier exercice comptable complet de mise en œuvre des pratiques à moins que ce dernier exercice " ne constitue manifestement pas une référence représentative, l[dans ce cas] 'Autorité retient un exercice qu'elle estime plus approprié ou une moyenne d'exercices, en motivant ce choix " (point 37).
Application à l'espèce
Les entreprises concernées
605. Aux fins de détermination du montant de base de la sanction en l'espèce s'agissant de Coroos, Materne, Andros, Conserves France et Valade, l'Autorité retient les valeurs de ventes respectives des sociétés Coroos Conserven BV, Materne SAS, Andros SNC, Conserves France SA, et Valade SAS.
606. S'agissant des sociétés Charles Faraud et Charles & Alice qui ont toutes deux participé directement à l'infraction, l'Autorité retiendra, les valeurs des ventes cumulées de ces deux entités qui forment une seule et même entreprise au sens du droit de la concurrence. Sur ce point, comme l'a souligné l'Autorité dans sa décision n° 18-D-26 du 20 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, dans l'hypothèse où un groupe de sociétés, formant une seule et même entreprise au sens du droit de la concurrence, participe à une entente au travers de plusieurs des personnes morales qui la composent, il convient de considérer que cet ensemble ne constitue qu'un seul et unique participant à l'entente et non pas plusieurs (paragraphe 339). En conséquence, les sociétés Charles Faraud et Charles & Alice se verront infliger une sanction unique dont elles seront tenues solidairement.
607. S'agissant des sociétés Délis SA et SAS Vergers du Château, il a été constaté que seul Délis SA justifie d'une valeur des ventes alors que SAS Vergers du Château gère l'outil de production et vend des produits dans des conditionnements à grands volumes à destination de l'industrie alimentaire et de l'artisanat. En conséquence, et conformément aux principes rappelés au paragraphe qui précède, il y a lieu de retenir la valeur des ventes de la seule société Délis SA mais d'infliger une sanction unique aux sociétés Délis SA et SAS Vergers du Château qui forment une seule et même entreprise au sens du droit de la concurrence.
Les ventes en cause
608. En l'espèce, les pratiques en cause ont concerné les fruits transformés en coupelles et en gourdes destinés au MDD et à la RHF. L'Autorité retiendra ainsi, au titre de la valeur des ventes, les ventes de fruits transformés en coupelles et en gourdes sur ces deux segments de marché.
609. Charles Faraud, Materne et Andros critiquent le périmètre retenu par les services d'instruction s'agissant de la valeur des ventes.
610. Charles Faraud allègue que les ventes réalisées dans le secteur de la RHF doivent être exclues du calcul de la valeur des ventes au motif qu'il n'est pas établi que les pratiques en cause ont effectivement porté sur le secteur de la RHF. Mais, comme il a été relevé aux paragraphes 442 et suivants ci-dessus, les pratiques en cause ont bien été également mises en œuvre sur le secteur de la RHF. En conséquence, il n'y a pas lieu d'exclure les ventes réalisées sur ce segment de marché.
611. Materne conteste le montant retenu au titre de la valeur des ventes par les services d'instruction en ce qui concerne le segment de la RHF. Elle allègue que la valeur des ventes en ce qui la concerne doit exclure les ventes qu'elle a réalisées en application du contrat conclu avec la société McDonald's en 2013, lequel aurait été affecté au segment RHF pour des motifs comptables uniquement alors que McDonald's n'est pas à proprement parler distributeur de la RHF au sens du grief notifié.
612. Mais, Materne n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de ses allégations et ne justifie ni de l'existence du contrat allégué, ni du montant des ventes réalisées pour son exécution. En conséquence, l'Autorité considère qu'il n'y a pas lieu d'exclure les ventes réalisées en exécution de ce contrat de la valeur des ventes réalisées par Materne.
613. Andros allègue qu'elle agit en qualité de commissionnaire pour la société belge Confilux et que les ventes qu'elle réalise en France pour le compte de cette dernière ne donnent lieu qu'au versement d'une commission, qui doit seule être retenue et non la valeur des ventes réalisées auprès de Materne Confilux.
614. Mais, il ressort des éléments comptables transmis par Andros elle-même, qu'elle réalise bien un chiffre d'affaires tiré des ventes réalisées en France, notamment par l'intermédiaire de sa filiale Fruival (qui a fait l'objet d'une fusion avec la société Andros SNC, avec effet rétroactif comptable et fiscal au 1er janvier 2011 (544)) et qu'elle n'est pas rémunérée par une commission sur le montant des ventes réalisées (545). En conséquence, l'Autorité retiendra, au titre des ventes en relation avec l'infraction, pour chacune des sociétés mises en cause, les chiffres d'affaires réalisés par la vente de fruits transformés en coupelles ou en gourdes sous marques de distributeurs (MDD) et à la restauration hors foyer (RHF).
S'agissant de l'exercice de référence
615. En l'espèce, le dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction des entreprises mises en cause est l'exercice 2013.
616. Andros et Délis SA en contestent le caractère représentatif.
617. Andros soutient que l'Autorité devrait, en l'espèce, retenir - comme elle l'a fait dans certaines décisions (546) - la moyenne des ventes réalisées au cours de plusieurs exercices, dans la mesure où son chiffre d'affaires a évolué de manière significative durant la période pendant laquelle les pratiques ont été mises en œuvre. Mais, l'analyse de la valeur des ventes réalisées au cours des exercices pendant lesquels la pratique a été mise en œuvre ne fait pas apparaître de variation irrégulière ou de " pic " singulier. Si la valeur des ventes d'Andros a évolué à la hausse de manière notable sur la période, c'est en raison de son entrée sur le segment de la MDD. En conséquence, les ventes réalisées en 2013 ne représentent ni un pic - dans la mesure où les montants sont quasi similaires en 2013 et 2014 - ni une exception.
618. De manière analogue, Délis SA soutient que l'exercice 2013 n'est pas représentatif compte tenu de la hausse de son chiffre d'affaires intervenue entre 2010 et 2013. Cependant, la hausse de la valeur des ventes réalisées sur la période considérée ne résulte ni d'un pic ni d'une exception intervenue en 2013 mais résulte du positionnement croissant de Délis SA sur le segment de l'ultra-frais en MDD, comme en atteste l'évolution de ses ventes (qui ont quasiment doublé entre les exercices 2012 et 2013).
619. Les valeurs des ventes retenues pour les entreprises mises en cause figurent dans le tableau ci-après.
Tableau 15 - valeurs des ventes retenues
[TABLEAU]
b) S'agissant de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie
Quant à la gravité des faits
620. Pour apprécier la gravité des faits, l'Autorité tient notamment compte de la nature de l'infraction en cause et des faits retenus pour la caractériser, des paramètres de la concurrence concernés (tels que les prix, la nature de la clientèle, les conditions de production) ainsi que des caractéristiques objectives de l'infraction (caractère secret ou non, degré de sophistication, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d'une législation).
621. En l'espèce, l'ensemble des entreprises en cause tentent de minorer la gravité des pratiques en précisant que ces dernières ne consistaient qu'en des échanges d'informations, qu'aucun mécanisme de surveillance n'était véritablement mis en place, que les personnes susceptibles d'être affectées par l'infraction n'étaient pas vulnérables et que la situation économique particulière du secteur doit être prise en compte, comme l'Autorité a pu le faire dans ses décisions n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du porc charcutier (547) et n° 15-D-08 du 5 mai 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille (548) et conformément à la jurisprudence de la cour d'appel de Paris (voir notamment l'arrêt de la cour d'appel de Paris, société Laïta précité (549)).
622. Toutefois, il a été établi que les entreprises mises en cause ont toutes participé à une infraction unique et continue visant à manipuler les prix et à se répartir les clients et les volumes dans le secteur des fruits transformés cuits, commercialisés en coupelles et en gourdes vendus à la grande distribution sous MDD et aux distributeurs de la RHF sur le territoire français.
623. Comme il a été souligné aux paragraphes 463 et suivants ci-dessus, les entreprises en cause se sont accordées sur une hausse des prix de revient de leurs produits qu'elles souhaitaient imputer à leurs clients et ont conjointement élaboré un discours qui visait à justifier l'augmentation de leurs prix de vente auprès de leurs clients, soit les distributeurs de compotes MDD et RHF. Cet accord a notamment été décliné, appel d'offres par appel d'offres. Par ailleurs, les entreprises mises en cause se sont également accordées sur la répartition de certains appels d'offres et sur des volumes de vente de leurs produits. Elles ont mis en place un système de compensation pour les entreprises qui auraient perdu des volumes. Enfin, elles ont également échangé des informations tenant notamment aux prix des produits (550) ou aux mouvements de volumes de production pour la MDD et la RHF.
624. Ces pratiques ont été mises en place par le biais de réunions secrètes, d'échanges de courriels et d'appels téléphoniques permettant une concertation entre les concurrents. Il est par ailleurs établi que les représentants de trois des sociétés en cause, Coroos, Materne et Charles Faraud, ont utilisé un téléphone secret pour leurs échanges, comme il a été relevé aux paragraphes 257 et suivants.
625. Il résulte de ce qui précède que les entreprises ne sont pas fondées à soutenir que les pratiques en cause n'ont consisté qu'en des échanges d'informations.
626. Cette infraction unique et continue, constituée d'accords horizontaux secrets sur les prix et sur les volumes et d'échanges d'informations tarifaires ou relatives aux volumes de production, est particulièrement grave. En effets, les accords précités constituent, par leur nature, les infractions les plus graves du droit de la concurrence, comme l'indique le point 41 du communiqué sanctions, et comme l'a encore récemment rappelé la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 23 mai 2017, société Laïta, précité.
627. Enfin, la circonstance, invoquée par les parties mises en cause, que l'infraction précitée serait justifiée par le fonctionnement du secteur, compte tenu notamment de la puissance de négociation considérable des distributeurs demeure sans influence sur l'appréciation de sa gravité (551). De même, les parties en cause ne peuvent utilement se prévaloir du fait que l'infraction n'aurait pas concerné des personnes vulnérables pour tenter d'en minorer la portée.
Quant à l'importance du dommage causé à l'économie
628. Il ressort d'une pratique décisionnelle et d'une jurisprudence constante que l'importance du dommage causé à l'économie s'apprécie de façon globale pour l'infraction en cause, au regard de l'action cumulée de tous les participants à la pratique sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chaque entreprise prise séparément (552).
629. Par ailleurs, l'importance du dommage à l'économie ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée par ces pratiques à l'économie (553).
630. L'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause (554).
631. L'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée, y compris en cas d'entente (555).
632. En se fondant sur une jurisprudence établie et synthétisée dans le communiqué sanctions, l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'incidence économique de la pratique en cause, de l'ampleur de l'infraction telle que caractérisée, entre autres, par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des participants sur le secteur ou le marché concerné, des caractéristiques économiques pertinentes du secteur ainsi que de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles (556). Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre (557).
L'ampleur des pratiques
633. Les pratiques en cause ont été mises en œuvre sur l'ensemble du territoire national, par des fabricants des fruits transformés vendus en coupelles et en gourdes sous MDD ou aux distributeurs de la RHF. Les distributeurs mis en cause représentent près de 90 % des ventes réalisées sous MDD et la totalité des ventes au segment RHF en 2010 et 2011 (558).
634. Materne et Andros soutiennent que cette proportion ne tient pas compte du fait que les pièces du dossier ne concerneraient qu'une partie des appels d'offres organisés par les acteurs de la GMS pour les compotes MDD et par les acteurs de la RHF et qu'elle ne permet pas d'évaluer le nombre des appels d'offres qui auraient été effectivement concernés. Néanmoins, comme il est précisé aux paragraphes 442 et 475 de la présente décision, plusieurs pièces du dossier attestent, sans équivoque, du caractère global de l'infraction sur les compotes vendues en MDD et en RHF. En outre, s'agissant d'une pratique horizontale de cartel qui est, par nature, très difficile à détecter en raison de son caractère secret (559), les pièces du dossier ne peuvent être exhaustives. Ainsi, la circonstance que les éléments recueillis au cours de l'instruction ne couvrent pas l'ensemble des appels d'offres qui se sont déroulés sur la période des pratiques en cause demeure sans influence sur l'évaluation de leur ampleur.
635. Materne soutient par ailleurs qu'une telle analyse ne tient pas compte de la nature particulière de la concurrence s'exerçant sur le marché. Selon elle, sur ce marché de gros, la formation des prix et les volumes échangés entre les fournisseurs et les distributeurs s'effectuerait dans le cadre de passation de contrats attribués à l'issue d'appels d'offres concurrentiels organisés par les distributeurs, même s'il existe ponctuellement quelques ventes réalisées de gré à gré entre producteurs et distributeurs. L'analyse du fonctionnement du marché en cause devrait ainsi tenir compte du fait que les parts de marché de chaque concurrent ne sont pas nécessairement représentatives de son pouvoir de marché (560).
636. Cependant, dès lors que la pratique a couvert une part très importante du marché, de l'ordre de 90 % pour les MDD et de 100 % pour la RHF, l'entente était bien en mesure de priver les organisateurs des appels d'offres de la capacité de faire jouer la concurrence entre leurs fournisseurs. Ainsi, il importe peu que des fournisseurs déjà présents sur le marché aient été ou non en mesure de se positionner sur des appels d'offres auxquels ils n'avaient pas encore participé, dès lors que la quasi-totalité de ces fournisseurs participaient à la pratique. De surcroît, dans un contexte de marché fonctionnant au moyen d'appels d'offres, les parts de marché évaluées au niveau national, et non appel d'offres par appel d'offres, demeurent pertinentes pour apprécier le pouvoir de marché d'un opérateur ou sa capacité à déstabiliser une entente.
637. Valade, Andros et Materne soutiennent également que l'évaluation de l'ampleur des pratiques par les services d'instruction ne tiendrait pas compte de la concurrence que subissent les fabricants de compotes vendues en MDD ou en RHF, qu'il s'agisse de la concurrence exercée par d'autres produits (fruits frais, autres desserts ou goûters, etc.) ou par les compotes sous marque de fabricants (ci-après : " MDF " ).
638. S'agissant en premier lieu de la concurrence qu'exerceraient les compotes MDF sur les compotes MDD, l'ampleur du report de la demande des consommateurs vers les MDF en cas d'augmentation du prix de vente des fabricants de MDD dépend de la manière dont les GMS répercutent ces hausses de prix et de l'évolution des prix de la MDF. Cette répercussion est cependant sujette à caution, notamment si les distributeurs réalisent des marges sur les MDD supérieures à celles qu'ils réalisent sur les MDF. En effet, dans ce cas, l'essentiel du surprix est alors supporté par les distributeurs et non par les consommateurs, comme le relève d'ailleurs Andros dans ses écritures (561). En tout état de cause, le report allégué n'est pas de nature à dissuader une telle augmentation des prix, dans la mesure où les entreprises mises en cause sont, pour une large part d'entre elles, également fabricants de compotes MDF. Elles sont dès lors susceptibles de bénéficier d'un tel report. C'est d'autant plus vrai que l'ensemble des grands fabricants de MDF participaient à l'entente (562). Par ailleurs, si certaines entreprises, comme Valade, qui n'interviennent pas sur le marché des MDF (563), ne sont, de fait, pas susceptibles de bénéficier d'un tel report et ont pu être, ainsi, plus réticentes à augmenter significativement les prix de leurs MDD, elles ne représentent toutefois qu'une faible part des ventes de l'ensemble des mises en cause en GMS sur la période (comprise entre 10 % et 20 %).
639. S'agissant, en second lieu, de la concurrence qu'exerceraient les autres produits sur les ventes de compotes, l'impact de cette concurrence sur les incitations des entreprises mises en cause à augmenter leurs prix du fait de l'entente sur leurs ventes en MDD dépend de la répercussion par les distributeurs de la hausse de prix des compotes MDD (cf. supra). Par ailleurs, dans un environnement de produits différenciés (i.e., comprenant des compotes mais aussi des fruits frais, des desserts lactés, des goûters, etc.), le report éventuel des consommateurs de compotes MDD vers d'autres produits pourrait intervenir principalement vers des compotes MDF, sur lesquelles les fabricants mis en cause sont également très présents.
640. S'agissant en revanche des acteurs de la RHF, dont les achats de produits concernés par les pratiques représentent un peu moins d'un tiers du chiffre d'affaires des sociétés mises en cause sur les produits concernés par les pratiques, leur demande ne semble pas aussi contrainte que celle des distributeurs par celle de leurs clients finaux, i.e., les usagers des cantines et restaurants collectifs (564). Les entreprises du secteur de la RHF pourraient donc plus aisément reporter une partie de leurs achats sur d'autres produits, en cas d'augmentation des prix des compotes, avec pour conséquence de diminuer les incitations des parties mises en cause à augmenter leurs prix du fait de l'entente.
641. Enfin, Charles Faraud et Materne estiment que les caractéristiques de la pratique n'étaient pas de nature à lui permettre d'entraîner un dommage important (565). Elles s'appuient sur la comparaison entre la fréquence des échanges entre concurrents relevée par les services d'instruction et celles des appels d'offres de leurs clients, la faible structuration des réunions et l'absence de mécanisme de surveillance ou de représailles. Cependant, comme relevé au paragraphe 634 ci-dessus, les échanges anticoncurrentiels n'ont pas tous à être démontrés de manière exhaustive et il a donc pu y avoir d'autres réunions que celles dont l'existence a été établie par l'instruction. Par ailleurs, il est établi que certains échanges constatés portaient sur plusieurs appels d'offres. Ainsi, le nombre limité d'échanges constatés sur certaines périodes ne remet pas en cause l'ampleur du plan d'ensemble décidé au cours des premières réunions et de ses manifestations au cours des réunions suivantes. De plus, au cours des différentes réunions multilatérales, les participants à l'entente ont fait le bilan des répartitions des volumes compte tenu des données historiques. Ils ont, sur cette base, discuté les répartitions des volumes en cours et à venir tout en envisageant des compensations. Il ne peut donc être considéré que l'entente était peu structurée.
642. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, contrairement à ce qui est soutenu, les pratiques mises en œuvre ont une ampleur importante. Les participants à l'entente représentaient en effet près de 90 % des ventes de compotes MDD et la totalité des compotes vendues à la RHF. Pour les raisons évoquées plus haut, ni l'organisation du marché sous la forme d'appels d'offres, ni la concurrence des compotes MDF, ni celle des autres types de produits (cette concurrence des autres produits étant cependant plus forte dans le cas des compotes vendues à la RHF que dans le cas des compotes MDD), ne sont de nature à diminuer cette ampleur. Enfin, il ne peut non plus être considéré que l'entente était peu structurée ou qu'elle n'aurait couvert que peu d'appels d'offres.
Les caractéristiques économiques du secteur en cause
643. Les caractéristiques objectives du secteur en cause susceptibles d'influer sur l'importance du dommage causé par les pratiques sont l'existence de barrières à l'entrée, l'élasticité-prix de la demande et le contre-pouvoir des distributeurs et acteurs de la RHF.
Les barrières à l'entrée
644. La présence de barrières à l'entrée sur le marché en cause résultant, notamment, des exigences de qualité sur certains segments de la MDD se déduit de certaines pièces du dossier. En effet, il ressort notamment d'un document interne de la société Conserves France, saisi lors des perquisitions, que pour les distributeurs, la MDD est devenue " une marque à part entière, donc avec des exigences beaucoup plus importantes en termes de qualité et d'innovations. Désormais, la plupart des appels d'offres passent par un panel de sélection avant même toute négociation Prix " (566). De même, dans un courriel daté de mars 2014, M. C, de la société Charles Faraud indique : " En tout cas vous irez expliquer à Rossmann qu'il y eu une erreur avec du conventionnel mais que ces prix ne sont pas justes. Faites une offre avec 50 % de MV pour nous, on verra ensuite ce qu'ils disent... Et rappelez-vous peu de gens sont capables de faire en Europe ce que nous faisons en baby et en bio...!! " (soulignement ajouté) (567).
645. Mais l'importance des barrières à l'entrée alléguées doit être tempérée. En effet et en premier lieu, comme le relèvent les parties mises en cause, ces pièces ne concernent qu'une partie des produits concernés par l'entente, à savoir les MDD ayant le plus haut niveau de qualité, et en particulier les segments des aliments pour bébé et du bio qui ne représentent qu'entre 5 à 15 % du marché selon elles (568).
646. Par ailleurs et en deuxième lieu, il a été constaté que plusieurs entreprises sont entrées sur les segments de marché concernés par l'entente, ou des segments proches, au cours de la période pendant laquelle les pratiques ont été mises en œuvre. Sur ce point, Valade fait notamment référence, dans ses écritures, à Danone qui est entrée sur le segment de la MDF en 2009 avec la marque Taillefine et à Andros, entrée sur le segment des compotes MDD en 2005 et sur le marché de la RHF en 2010. Ce constat est d'ailleurs corroboré par l'entrée et le développement sur le marché de Coroos, acteur néerlandais, alors actif sur le segment proche de la transformation de fruits. En effet, celui-ci serait entré sur le marché français sur la sollicitation des distributeurs, d'abord sur les MDD de premier prix, et aurait rapidement gagné des parts de marché.
647. Enfin, s'agissant du taux d'investissement, qui peut être un indicateur de l'importance des barrières à l'entrée en fournissant une mesure des coûts fixes associés à la production, il a été constaté que celui-ci s'élève à 21,2 % dans le secteur de la transformation et de la conservation de fruits en 2015, soit un niveau relativement élevé pour une industrie alimentaire (569) mais qui reste proche du niveau moyen dans le secteur industriel (20,3 %) (570) et inférieur ou similaire à celui constaté dans le secteur des produits laitiers (21,4 %).
648. Ces éléments, qui sont également valables s'agissant de la RHF, suggèrent donc que la limitation des barrières à l'entrée a pu empêcher la fixation d'un surprix très important.
L'élasticité-prix de la demande
649. Les entreprises mises en cause estiment qu'elles ont fait face - durant la période pendant laquelle les pratiques ont été mises en œuvre - à la concurrence des compotes MDF et d'autres produits proches (fruits frais, autres desserts, autres goûters), ce qui aurait limité leurs incitations à augmenter les prix du fait de l'entente en accroissant l'élasticité-prix de la demande des consommateurs.
650. Cependant, l'élasticité-prix de la demande des consommateurs en compotes MDD ne tient pas compte du comportement des distributeurs en réaction à des augmentations du prix des compotes MDD. En particulier, il n'est pas certain que les distributeurs répercutent la hausse de leurs prix d'achat des compotes MDD sur leurs prix de revente, notamment si leurs marges sont plus élevées sur les compotes MDD que sur les produits de report - notamment sur les compotes MDF - ou si la hausse de prix peut entraîner, non pas un report, mais une simple diminution de la consommation. De surcroît, une partie du report de la demande s'effectuerait vers les compotes MDF, sur lesquelles la plupart des participants à l'entente sont également actifs. Ainsi, en dépit de la présence de ces autres produits, les participants à l'entente ont néanmoins pu trouver profitable d'accroître leurs prix.
651. Par ailleurs, les pièces du dossier ne permettent pas d'apprécier avec précision l'élasticité-prix de la demande des acheteurs de la RHF. Cependant, comme l'Autorité l'a déjà souligné, la demande des acteurs de la RHF n'est pas, dans les circonstances de l'espèce totalement contrainte par celle de leurs clients. Ces derniers pourront donc reporter une partie de leurs achats sur d'autres produits en cas d'augmentation des prix des compotes ce qui diminue les incitations des parties mises en cause à augmenter leurs prix du fait de l'entente.
Le contre-pouvoir des distributeurs et des acteurs de la RHF
652. S'agissant des compotes MDD, la cour d'appel de Paris, dans son arrêt précité du 23 mai 2017, société Laïta (571) qui concernait le secteur des produits laitiers, dont certaines caractéristiques sont comparables à celles de la présente espèce - notamment en ce qui concerne la nature des distributeurs, la part du marché couverte, l'absence de produits à marques notoires, l'organisation du marché en appels d'offres, - a estimé que le " très fort contre-pouvoir des distributeurs " constaté dans ce secteur " n'a pu qu'être de nature à limiter l'effet recherché par les pratiques en cause et, partant, à atténuer le dommage causé à l'économie ". Elle a effet souligné la situation de dépendance des fabricants vis-à-vis des distributeurs, particulièrement prégnante pour les produits sous MDD pour lesquels " les fabricants ne sont [...] pas identifiables par le consommateur final et ne peuvent se différencier les uns des autres pour fidéliser leur clientèle. En outre, la segmentation des approvisionnements, la durée des variables des contrats, les relations commerciales non formalisées par des documents écrits sont autant de pratiques qui accroissent le pouvoir de négociation des distributeurs au détriment des fabricants " (572). Du fait de la similarité des pratiques, des produits et de l'organisation du secteur, les acheteurs disposent dans le cas d'espèce d'un contre-pouvoir de négociation similaire à celui constaté par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 23 mai 2017 précité concernant les produits laitiers sous MDD.
653. Les parties mises en cause estiment également que les éléments cités dans le rapport de nature à relativiser le pouvoir de négociation de la grande distribution vis-à-vis des fabricants de compotes et, plus précisément, sa capacité à empêcher une hausse des prix de la part de l'entente ne concernent que des produits spécifiques et sont dès lors peu représentatifs de la situation de l'ensemble du secteur.
654. Ainsi, s'il résulte d'un courriel de mars 2014, de M. C, président de Charles Faraud et Charles & Alice adressé à un collaborateur (573), qui a été saisi lors des perquisitions, que la marge moyenne sur les produits " bébé " et " bio " vendus sous MDD par l'entreprise en France serait de 48 %, ce taux de marge ne serait pas observé sur l'ensemble des MDD et les produits bébé (574) et bio ne représenteraient, au demeurant, que 5 à 15 % du marché selon les mises en cause.
655. Par ailleurs, s'il ressort de ce même courriel que les prix proposés aux distributeurs français sont bien supérieurs à ceux proposés en Allemagne, rien n'atteste, comme le relève d'ailleurs Conserves France, de la pertinence d'une telle comparaison. En effet, les prix bas pratiqués en Allemagne peuvent résulter d'une stratégie d'entrée ou de développement dans un nouveau marché (575) et non refléter des conditions de concurrence équivalentes.
656. Ainsi, les éléments du dossier tendent à indiquer que les distributeurs bénéficieraient vis-à-vis des fabricants de compotes MDD d'un fort contre-pouvoir, de nature à atténuer le dommage à l'économie.
657. S'agissant du contre-pouvoir des acteurs de la RHF, Délis relève à juste titre que la RHF fonctionne également par appels d'offres, dont les " spécifications [...] sont moins strictes pour la RHF que pour la GMS. Notamment les caractéristiques des produits sont moins spécifiées, les points de livraison ne sont pas connus des fournisseurs, le " packaging " joue un rôle moins important que pour la GMS et il n'existe pas de distinction entre produits MDD et MDF comparable à celle en vigueur dans la GMS. Tous ces éléments renforçant d'autant le pouvoir de marché des acheteurs ". Ces appels d'offres seraient en outre " de taille plus importante que pour la GMS et n'impliquent pas seulement les fournisseurs mais également les distributeurs grossistes, qui sont dès lors en concurrence avec les fournisseurs " (576).
658. Les parties mises en cause soutiennent également que l'Autorité aurait reconnu le contre-pouvoir de ces acteurs dans diverses décisions, et en particulier la décision n° 15-D-08 (577) du 2 décembre 2015, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille, et la décision n° 10-DCC-158 du 22 novembre 2010, relative à la prise de contrôle exclusif de neuf sociétés du groupe Van de Woestyne par le groupe Les Maîtres Laitiers du Cotentin (578). Enfin, elles allèguent que la forte concentration observée sur divers segments de la RHF, en particulier dans le secteur de la restauration collective, serait de nature à renforcer le contre-pouvoir de ces acteurs.
659. Cependant, les raisonnements utilisés dans les décisions susvisées ne sont pas directement transposables au secteur des compotes. Ainsi, la décision n° 15-D-08 s'appuie sur le constat d'un recours possible à des importations, qui sont certes possibles dans le secteur des compotes, comme en atteste l'entrée de Coroos sur le marché, mais cette entrée et ce développement ne sont pas pour autant instantanés (579). La décision n° 10-DCC-158 examine quant à elle la position des parties, distributeurs-grossistes, vis-à-vis des acteurs de la RHF qui pouvaient se tourner vers les fabricants. Elle ne concerne donc pas la relation entre industriels et acteurs de la RHF.
660. De même, la concentration de certains segments des acheteurs de la RHF ne permet pas de conclure à une forte concentration à l'achat de l'ensemble du segment de la RHF, dès lors que les parties ne démontrent pas l'absence de substituabilité pour les offreurs entre ces différents segments.
661. Néanmoins, d'une part, la demande des acteurs de la RHF est moins contrainte par celle de leurs clients que celle de la GMS. Ils peuvent donc se tourner plus aisément vers des fabricants d'autres produits. D'autre part, les pièces du dossier ne permettent pas d'évaluer le degré de concentration des acheteurs de la RHF. Dans ces conditions, il doit être considéré que ceux-ci disposent, effectivement, d'un contre-pouvoir de négociation.
Les conséquences conjoncturelles de l'infraction
662. Comme il est rappelé au paragraphe 630 ci-dessus, l'Autorité n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, qui ne se limite d'ailleurs pas aux effets réels de la pratique (580). En l'espèce, un tel chiffrage est particulièrement délicat car les sources statistiques publiques ne permettent pas d'isoler le prix des compotes MDD de celui des autres compotes (581), ne présentent pas l'évolution de l'ensemble des coûts de production de la compote et, enfin, agrègent les prix des fruits pour la transformation avec celui des légumes pour la transformation. Ainsi, et comme le souligne Conserves France (582), l'analyse du surprix conduite par les services d'instruction sur ces données peu fiables doit être écartée. C'est également le cas de l'analyse économique de Charles Faraud, qui repose sur les mêmes données. De plus, les données de coûts utilisées pour isoler l'effet spécifique de l'entente sur les prix présentent des limites, soit en tant qu'elles représentent une part limitée du coût total de production (s'agissant de l'indice des prix des pommes), soit parce qu'elles sont peu représentatives des coûts de l'ensemble des fabricants (s'agissant de l'indice des coûts composites calculé à partir de la décomposition des coûts de Charles Faraud) (583). Elles sont donc peu pertinentes pour apprécier les conséquences conjoncturelles de l'infraction.
663. Par ailleurs, les études économétriques proposées par Charles Faraud, Andros et Materne reposent sur une comparaison temporelle (584) pour identifier l'effet des pratiques, ce qui suppose que les périodes antérieures ou/et postérieures à l'entente étaient effectivement concurrentielles. Or, tel n'est pas nécessairement le cas en l'espèce. En particulier, des éléments du dossier suggèrent qu'une concertation a également eu lieu pendant la période pré-entente (585). En outre, certaines parties ont poursuivi leurs échanges téléphoniques après janvier 2014, ce qui a pu prolonger l'effet des pratiques (586). Les périodes de référence temporelle utilisées dans ces études peuvent donc ne pas être représentatives d'une situation concurrentielle. Leur prise en compte dans l'analyse conduirait alors mécaniquement à sous-estimer l'effet des pratiques.
664. En outre, les estimations économétriques du surprix éventuel causé par l'entente soumises par Andros et Materne reposent sur leurs données de facturations aux distributeurs pour les compotes MDD. Chacune de ces deux études n'exploite donc que des données représentant en moyenne moins d'un cinquième des ventes en MDD de l'ensemble des mises en cause sur la période des pratiques, les ventes de MDD ne représentant par ailleurs que deux tiers de leurs ventes de compotes MDD et RHF. Ces études s'appuient par ailleurs sur des données d'acteurs spécifiques, dont les parts dans la valeur des ventes fluctuent au cours de la pratique, et qui ne sont donc pas représentatifs de l'ensemble des entreprises impliquées dans la pratique reprochée. Elles ne sont donc pas pertinentes pour estimer le dommage à l'économie qui, comme rappelé ci-dessus, s'apprécie de façon globale (587).
665. Ainsi, dans la mesure où l'Autorité n'est pas tenue de procéder à une évaluation individuelle du dommage à l'économie et compte tenu des limites méthodologiques des études soumises par certaines des entreprises mises en cause, il n'est pas possible de quantifier de façon suffisamment fiable le dommage à l'économie.
666. Les autres éléments figurant au dossier, comme la marge élevée réalisée sur les produits " bébé " et " bio " ou le constat de prix supérieurs en France par rapport à l'Allemagne, ne permettent pas non plus d'étayer quantitativement l'hypothèse d'un effet réel important, en raison des limites de ces indicateurs (cf. supra).
667. De même, l'examen des parts de marché dans la valeur des ventes des différents participants à l'entente indique que celles-ci ont évolué au cours de la période des pratiques, que ce soit sur le segment de la RHF, de la MDD ou sur les deux segments pris ensemble.
Tableau 16 : évolution des parts de marché dans les ventes des mises en cause en MDD
[TABLEAU]
668. Ces évolutions tiennent essentiellement à une plus forte hausse du chiffre d'affaires d'Andros par rapport à ses concurrents, dont le chiffre d'affaires est relativement stable. En l'absence d'autres éléments, ces évolutions pourraient suggérer un échec partiel de l'entente, celle-ci reposant sur une stabilité des volumes et donc, dans un marché en croissance, sur une stabilité des parts de marché (588). Elles permettent donc de tempérer l'importance de l'impact de l'entente. C'est d'ailleurs ce que confirme le compte rendu du " CODIR " qui s'est tenu le 20 novembre 2012 chez Valade, qui précise notamment que " la concurrence ne tient pas les engagements quant au niveau de hausse " (589).
Conclusion sur le dommage à l'économie
669. Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que les pratiques ont causé un dommage à l'économie certain mais limité, dont l'existence n'est pas utilement contredite par les entreprises en cause.
Quant à la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte
670. Compte tenu de l'appréciation, faite ci-dessus, relative à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie, il y a lieu de retenir, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause au titre de l'infraction, une proportion de 16 % de la valeur de leurs ventes de produits de fruits transformés cuits commercialisés en coupelles et en gourdes sous MDD et à la RHF.
c) S'agissant de la durée des pratiques
671. Conformément au point 42 du communiqué sanctions, dans le cas d'infractions qui se sont prolongées pendant plus d'une année, l'Autorité prend en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes : la proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de mise en œuvre du comportement en cause, à la valeur des ventes de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes de mise en œuvre suivantes Au-delà de cette dernière année complète, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.
672. Cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d'entre elles pendant l'exercice comptable retenu comme référence.
673. Afin de garantir l'individualisation et la proportionnalité des sanctions en l'espèce, l'Autorité détermine la durée de participation aux infractions de chacune des entreprises concernées. Celle-ci est indiquée dans le tableau reproduit ci-après.
Tableau 18 -- durée de participation de chacune des entreprises en cause
[TABLEAU]
2. EN CE QUI CONCERNE L'INDIVIDUALISATION
a) S'agissant des circonstances propres à chaque entreprise
674. L'Autorité adapte les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu'il s'agisse d'organismes ou d'entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.
675. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l'infraction, ainsi que d'autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.
Sur la participation individuelle des entreprises
676. Il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, du fait qu'une entreprise n'est pas tenue responsable de toutes les pratiques concertées constitutives d'une entente unique, et de moduler à la baisse la sanction qui lui est infligée. Cette méthode permet de refléter de manière effective, dans l'amende imposée aux mises en cause, les différences de responsabilité de chaque entreprise mise en cause.
677. Ainsi, même si la sanction d'une infraction, surtout si les faits sont répréhensibles par leur objet même, revêt nécessairement un certain caractère forfaitaire et si l'Autorité a déjà tenu compte de la durée des pratiques pour chaque entreprise, il est accordé une réduction supplémentaire du montant de la sanction aux entreprises dont la participation aux pratiques est moins intense.
678. Cette réduction, qui prend la forme d'un abattement forfaitaire sur le montant de base, tient compte, pour chaque entreprise, de la nature (réunions multilatérales, bilatérales, échanges par courriel ou téléphone) et de la fréquence des échanges entretenus avec ses concurrents.
Materne
679. La présence de Materne à l'ensemble des réunions multilatérales est établie. Par ailleurs, il est également établi qu'elle a échangé à plusieurs reprises avec les sociétés Coroos, Conserves France, Andros, Délis SA et Charles Faraud par courrier, téléphone ou lors de rencontres bilatérales, comme le rappelle le paragraphe 509 de la présente décision.
680. Il n'y a donc pas lieu de réduire le montant de base de sa sanction au titre de l'intensité de sa participation.
Andros
681. Comme l'indiquent les paragraphes 514 et suivants ci-dessus, Andros a participé à six des dix réunions multilatérales litigieuses et à une réunion trilatérale le 28 mai 2013, en marge de la foire PLMA à Amsterdam. Elle a également échangé des informations confidentielles par courriel avec Materne et eu des contacts anticoncurrentiels par téléphone avec Coroos, Materne, Délis SA et Charles Faraud.
682. L'intensité de la participation d'Andros aux pratiques est donc moyenne. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 15 % sur le montant de base de sa sanction.
Conserves France
683. Comme l'indiquent les paragraphes 522 et suivants ci-dessus, Conserves France a participé à cinq réunions multilatérales. L'un de ses représentants a également rencontré un représentant de Materne le 3 novembre 2011, juste avant la tenue d'une réunion multilatérale à laquelle elle n'a pas participé. Enfin, elle a également eu des contacts anticoncurrentiels par téléphone avec Coroos, Délis SA et Charles Faraud.
684. L'intensité de la participation de Conserves France aux pratiques est donc modérée. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 25 % sur le montant de base de sa sanction.
Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg
685. Comme l'indiquent les paragraphes 531 et suivants ci-dessus, Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg ont participé aux dix réunions multilatérales. Leurs représentants ont également eu des contacts anticoncurrentiels par téléphone avec ceux des sociétés Coroos et Materne.
686. Il n'y a donc pas lieu de réduire le montant de base de leur sanction au titre de l'intensité de leur participation.
Charles Faraud et Charles & Alice
687. Comme relevé aux paragraphes 543 et suivants ci-dessus, Charles Faraud et Charles & Alice ont participé à huit réunions multilatérales. Leurs représentants ont également eu des contacts anticoncurrentiels par téléphone avec ceux des sociétés Coroos, Materne et Andros et l'un d'eux disposait d'un téléphone spécial.
688. L'intensité de la participation de Charles Faraud et Charles & Alice aux pratiques est donc importante, mais moindre que celle de Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg et Materne. Dans ces conditions, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 10 % sur le montant de base de sa sanction.
Valade
689. Comme relevé aux paragraphes 557et suivants ci-dessus, Valade a participé à trois réunions multilatérales et a été tenue informée de l'objet de la réunion qui s'est tenue le 2 décembre 2010. Elle a également eu des contacts anticoncurrentiels par téléphone avec Coroos et Charles Faraud.
690. L'intensité de la participation de Valade aux pratiques est donc très modérée. À ce titre, il y a lieu de lui octroyer un abattement de 30 % sur le montant de base de sa sanction.
Coroos
691. La présence de Coroos est établie pour l'ensemble des réunions multilatérales. Par ailleurs, il est également établi qu'elle a échangé à plusieurs reprises avec les sociétés Materne, Conserves France, Andros, Délis SA et Charles Faraud par courrier, téléphone ou lors de rencontres bilatérales.
692. Il n'y a donc pas lieu de réduire le montant de base de sa sanction au titre de l'intensité de sa participation.
Quant aux circonstances atténuantes ou aggravantes et aux autres éléments d'individualisation
Rappel des principes
693. L'Autorité s'est engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu'il s'agisse d'organismes ou d'entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges, comme l'indiquent les points 43 et suivants du communiqué sanctions.
694. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l'infraction, ainsi que d'autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.
695. S'agissant des circonstances atténuantes, le point 45 du communiqué sanctions précise que " Les circonstances atténuantes en considération desquelles l'Autorité peut réduire le montant de base de la sanction pécuniaire, pour une entreprise ou un organisme, peuvent notamment tenir au fait que :
- l'entreprise ou l'organisme apporte la preuve qu'il a durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d'avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause ;
- l'entreprise ou l'organisme apporte la preuve qu'il a été contraint à participer à l'infraction ;
- l'infraction a été autorisée ou encouragée par les autorités publiques ".
696. Parmi les circonstances atténuantes pouvant être prises en considération par l'Autorité dans le cadre de l'individualisation de la sanction figure le fait, pour une entreprise ou un organisme, d'adopter durablement un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits en cause, au point de perturber, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique (590). La jurisprudence de l'Union considère également qu'un tel comportement peut constituer une circonstance atténuante (591).
697. Pour pouvoir être prise en considération, cette circonstance atténuante doit être démontrée par l'entreprise ou l'organisme qui l'allègue. S'il n'est pas exigé que l'intéressé se soit publiquement distancié de l'infraction, il n'est néanmoins pas suffisant qu'il ait violé, de façon ponctuelle ou partielle, la discipline commune.
698. S'agissant des circonstances aggravantes, le point 46 du communiqué sanctions indique que " Les circonstances aggravantes en considération desquelles l'Autorité peut augmenter le montant de base de la sanction pécuniaire, pour une entreprise ou un organisme, peuvent notamment tenir au fait que :
- l'entreprise ou l'organisme a joué un rôle de meneur ou d'incitateur, ou a joué un rôle particulier dans la conception ou dans la mise en œuvre de l'infraction ;
- l'entreprise ou l'organisme a pris des mesures en vue d'en contraindre d'autres à participer à l'infraction ou a pris des mesures de rétorsion à leur encontre en vue de faire respecter celle-ci ;
- l'entreprise ou l'organisme jouit d'une capacité d'influence ou d'une autorité morale particulières, notamment parce qu'il est chargé d'une mission de service public ".
699. Enfin, s'agissant des autres éléments d'individualisation, les points 47 et 48 du communiqué sanctions rappellent qu' " [a]fin d'assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire, l'Autorité peut ensuite adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant de base en considération d'autres éléments objectifs propres à la situation de l'entreprise ou de l'organisme concerné.
En particulier, elle peut l'adapter à la baisse pour tenir compte du fait que :
- l'entreprise concernée mène l'essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l'infraction (entreprise " mono-produit " ) ;
- l'entreprise ou l'organisme concerné rencontre des difficultés financières particulières affectant sa capacité contributive ; cet ajustement est opéré au stade et selon les modalités prévues par la section D.3 ci-dessous.
Elle peut aussi l'adapter à la hausse pour tenir compte du fait que :
- l'entreprise concernée dispose d'une taille, d'une puissance économique ou de ressources globales importantes, notamment par rapport aux autres auteurs de l'infraction ;
- le groupe auquel appartient l'entreprise concernée dispose lui-même d'une taille, d'une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier, dans le cas où l'infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe ".
700. En ce qui concerne l'adaptation à la baisse du montant de la sanction, il est de jurisprudence constante que pour être pris en considération au titre des circonstances atténuantes, le comportement de franc-tireur doit être démontré par l'entreprise ou l'organisme qui l'allègue. S'il n'est pas exigé que l'intéressé se soit publiquement distancié de l'infraction, il n'est néanmoins pas suffisant qu'il ait violé, de façon ponctuelle ou partielle, la discipline commune.
701. En ce qui concerne l'adaptation à la hausse du montant de la sanction, il est de jurisprudence constante que l'appréciation de la situation individuelle peut conduire à prendre en considération l'envergure de l'entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient (592).
702. Ainsi, la Cour de justice, tout en indiquant que le recours à la valeur des ventes de l'entreprise en cause permet de proportionner l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif de l'intéressée sur le secteur ou marché en cause, rappelle qu'il est légitime de tenir compte, dans le même temps, du chiffre d'affaires global de cette entreprise, en ce que celui-ci est de nature à donner une indication de sa taille, de sa puissance économique et de ses ressources (593).
703. De fait, la circonstance qu'une entreprise dispose d'une puissance financière importante peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d'une ou plusieurs infractions données, soit plus élevée que si tel n'était pas le cas, afin d'assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire (594).
704. À cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de préciser que l'efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive - objectif également mis en exergue, s'agissant des sanctions pouvant être imposées en cas de violation de règles nationales de concurrence par la Cour européenne des droits de l'Homme (595), au regard de la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée (596).
705. La cour d'appel de Paris l'a encore récemment rappelé dans un arrêt du 11 juillet 2019, société Janssen-Cilag SAS (597). Elle a, en effet, précisé que la majoration du montant de base de la sanction en raison de l'appartenance à un groupe dépendait des circonstances de fait et du contexte propre à chaque espèce. Par ailleurs, elle a admis que cette puissance pouvait être révélée par le faible ratio entre la valeur des ventes retenues pour le calcul de l'assiette de la sanction et le chiffre d'affaires du groupe auquel appartient l'auteur de l'infraction.
Application au cas d'espèce
Materne
706. Parmi les circonstances aggravantes pouvant être prises en considération par l'Autorité dans le cadre de l'individualisation de la sanction figure le fait, pour une entreprise ou un organisme, de jouer un rôle de meneur ou d'incitateur, ou plus largement un rôle particulier dans la conception ou dans la mise en œuvre de l'infraction. La Cour de cassation a déjà jugé, à cet égard, que le rôle d'instigateur ou de chef de file d'une entreprise justifiait une aggravation de sa sanction (598). La jurisprudence de l'Union est dans le même sens (599).
707. Materne conteste l'analyse qui est faite de son comportement dans l'entente par les services d'instruction. De manière constante, les autorités de concurrence considèrent que différents éléments de fait peuvent permettre de caractériser le rôle particulier d'un des participants à une entente. L'intéressé peut, par exemple, s'être chargé d'élaborer ou de suggérer la conduite à tenir par les membres de l'entente, ou encore en avoir assuré l'organisation logistique. En revanche, il n'est pas nécessaire que l'intéressé ait exercé des pressions ou ait dicté leur conduite aux autres membres de l'entente.
708. En l'espèce, Materne soutient qu'elle n'a pas réservé la salle pour les réunions des 5 octobre et 2 décembre 2010, contrairement à ce qu'ont déclaré, par erreur, son directeur général, M. O, et son directeur commercial, M. P, au cours de leur audition. Toutefois, elle n'apporte aucun élément démontrant que ces déclarations seraient erronées.
709. Elle ajoute par ailleurs que l'initiative présumée de l'entente reviendrait en réalité à Coroos. Néanmoins, cette circonstance, à considérer même qu'elle soit établie, demeure sans influence sur l'appréciation du rôle joué par Materne dans la conception ou la mise en œuvre de l'entente.
710. Materne précise aussi qu'elle n'a pas joué un rôle central dans l'organisation de l'entente puisque la plupart des entreprises échangeaient directement entre elles, par mail, par téléphone, ou lors d'échanges bilatéraux.
711. Cependant, d'une part, il est établi que l'intéressée a joué un rôle particulier dans la conception ou la mise en œuvre des réunions multilatérales. Ces moments de rencontre privilégiés entre les concurrents ont permis la mise en place du plan d'ensemble précité mais, également, de décider de mesures de compensation entre les concurrents. Ces réunions constituent donc des étapes essentielles dans le fonctionnement de l'entente et le rôle particulier joué par Materne dans leur organisation doit donc être pris en compte à ce titre. De même, la circonstance que Materne n'a joué aucun rôle dans l'organisation des échanges bilatéraux entre les entreprises est sans incidence. D'autre part, et contrairement à ce que soutient Materne, certains de ses collaborateurs ont parfois servi d'intermédiaire entre les participants à l'entente. Ainsi, comme l'indique le paragraphe 104, Materne a nécessairement transmis le document intitulé " P&L 2 " qui a été discuté lors de la réunion du 2 décembre 2010 à Valade, qui n'a pas assisté à cette réunion. De même, un représentant de Materne a rencontré un représentant de la société Conserves France le 3 novembre 2011, soit le jour même de la tenue d'une réunion multilatérale à laquelle cette dernière n'a pas participé, comme le précise le paragraphe 197. Enfin, il est également établi que Materne a parfois joué un rôle pivot dans la mise en œuvre de l'entente, comme cela ressort des paragraphes 206, 216, 224 et 237.
712. Materne relève encore qu'elle n'a pas exercé de rôle central dans l'organisation de l'entente, les entreprises en cause échangeant directement entre elles et tente de démontrer ce point en quantifiant et comparant le nombre d'échanges établis entre elle et les entreprises de l'entente d'une part, Coroos et ces mêmes entreprises d'autre part, et ces entreprises directement enfin. Cette argumentation est peu pertinente car les éléments recueillis au cours de l'instruction et rappelés dans la section de la présente décision relative aux constations démontrent bien que Materne a parfois servi d'intermédiaire entre les entreprises qui ont participé à l'entente. En tout état de cause, cet élément ne constitue qu'une branche du faisceau d'indices.
713. Elle précise en outre, là encore pour tenter de reporter la responsabilité sur Coroos, que celle souhaitait mettre en œuvre l'entente en cause en France et dans d'autres pays d'Europe. Cependant, comme indiqué plus haut, cette circonstance est sans influence sur l'appréciation du comportement de Materne concernant la mise en œuvre de l'infraction litigieuse.
714. Enfin, Materne soutient que le contexte dans lequel se trouvaient toutes les entreprises en cause à l'époque des faits était particulièrement marqué par l'accroissement de la pression économique exercée par les distributeurs et la crise des matières premières. Elle en déduit qu'il importe peu de savoir qui est à l'origine de l'entente. Elle s'appuie sur deux arrêts du Tribunal (600) dont le raisonnement n'est cependant, et en tout état de cause, pas transposable en l'espèce.
715. En effet, en l'espèce, c'est bien Materne qui, tour à tour, a organisé les réunions multilatérales en réservant des salles de réunion. Or, dans l'affaire Novacke, les réunions étaient organisées tour à tour par les participants à l'entente. Par ailleurs, contrairement aux affaires citées par Materne, l'entente en cause ne s'explique pas uniquement par le contexte économique mais aussi par l'arrivée de Coroos sur le marché.
716. Il est donc établi que Materne a réservé toutes les salles où les réunions se sont tenues, comme l'indiquent les paragraphes 56, 85, 100, 116, 131, 141, 149, 165 et 178 ci-dessus. Elle a également organisé certaines d'entre elles. C'est le cas pour les réunions qui se sont tenues les 4 novembre 2010 et 24 janvier 2011 - comme relevé aux paragraphes 86 et 115 ci-dessus - et du dîner du 3 novembre 2011, dont elle a partagé la facture avec Coroos, comme mentionné aux paragraphes 155 et suivants ci-dessus.
717. Par ailleurs, il est également établi que Materne a élaboré les documents " P&L novembre 2010 " et " P&L 2 ", qui ont servi de supports aux trois premières réunions multilatérales du dernière trimestre de l'année 2010, au cours desquelles les parties en cause ont déterminé le plan d'ensemble, support de l'infraction sanctionnée.
718. Il résulte de ces différents éléments que Materne a joué un rôle particulier dans la conception ou la mise en œuvre de l'entente. Cette circonstance doit donc être prise en compte au titre de la répression de cette infraction.
719. Il convient donc de retenir à l'encontre de Materne une circonstance aggravante qui justifie d'augmenter de 10 % le montant de base de la sanction qui lui est infligée.
Andros
Le rôle de franc-tireur d'Andros
720. Andros revendique le statut de franc-tireur. Elle soutient à ce titre qu'entre 2010 et 2011, période pendant laquelle elle reconnaît avoir participé à l'entente, elle a agi de manière autonome sur le marché, sans jamais mettre en œuvre les accords anticoncurrentiels. Andros indique, plus précisément, qu'elle n'a pas respecté les objectifs qui lui étaient assignés en termes de préservation des volumes pour 2010 et 2011 et que les prix qu'elle a pratiqués au cours de l'année 2011 étaient supérieurs à ceux déterminés dans la fourchette de prix cible mentionnée au cours de la réunion du 2 décembre 2010. Par ailleurs, elle indique avoir mené une politique commerciale agressive à compter de novembre 2011, qui lui a permis de gagner des volumes de vente et des parts de marché, au détriment de ses concurrents. Elle considère que ce gain lui a permis de doubler son volume d'affaires sur le canal GMS entre 2011 et 2012 et que ce comportement lui a été reproché par les autres participants de l'entente.
721. L'Autorité ne conteste pas qu'Andros a gagné des parts sur le marché en cause au cours de la période infractionnelle, comme les services d'instruction l'ont d'ailleurs expressément souligné (601).
722. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les autres participants à l'entente ont plusieurs fois reproché à Andros son comportement. Ainsi, au cours d'une entrevue du 2 mars 2012, Coroos s'est plainte à Materne de ce qu'Andros était l'une des entreprises les plus déviantes (602). En outre, au cours de la réunion du 3 septembre 2013, Coroos et Valade ont indiqué que les entreprises en cause s'étaient beaucoup plaintes d'Andros, qui avait gagné de nombreuses parts de marché au cours des dernières années (603).
723. Ainsi, il est établi qu'Andros n'a pas respecté la discipline commune de l'entente au point d'en perturber le fonctionnement et que, pour cette raison, il convient de la faire bénéficier d'une réduction de 15 % du montant de base de la sanction infligée au titre de cette circonstance atténuante.
La puissance économique du groupe Andros
724. L'infraction en cause a été imputée à la société Andros, en tant qu'auteur, et à la société Andros et Cie, en tant que société mère. Ces deux entités constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence, ainsi que cela ressort des développements de la présente décision relatifs à l'imputabilité des pratiques.
725. La société Andros et Cie se présente comme le leader de l'industrie française de la transformation du fruit. À ce titre, elle est un acteur national de premier plan concernant la vente de compotes et purées de fruits en coupelles et en gourdes à la grande distribution pour les MDD et aux distributeurs de RHF. Andros consolide ses comptes en son sein.
726. Les ressources financières globales d'Andros et Cie sont très importantes. Ainsi, son chiffre d'affaires hors taxes consolidé a atteint 2 197 872 000 euros pour l'année 2017.
727. La valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction ne représente ainsi que 2,28 % du chiffre d'affaires total du groupe. Comme indiqué au paragraphe 705 ci-dessus, cet élément constitue un élément pertinent pour apprécier la nécessité de prendre en compte la puissance économique du groupe auquel appartient la société Andros, auteure des pratiques.
728. Compte tenu de ce qui précède et alors que l'efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction soit effectivement dissuasive, au regard de la situation financière propre à l'entreprise au moment où elle est sanctionnée (voir l'arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, n° 12.14.401 et autres), le montant de base de la sanction pécuniaire infligée à Andros solidairement avec sa société mère Andros et Cie doit être augmenté de 15 %.
Conserves France
729. L'infraction en cause a été imputée à la société Conserves France, en tant qu'auteur, et à la société Conserves Italia societa cooperativa agricola, en tant que société mère, qui constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence, ainsi que cela ressort des développements de la présente décision relatifs à l'imputabilité des pratiques.
730. La valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction ne représente que 1,04 % du chiffre d'affaires total de la société Conserves Italia societa cooperativa agricola, qui s'élève à 673 907 867 euros pour l'année 2017. Comme indiqué au paragraphe 705, cet élément constitue un élément pertinent pour apprécier la nécessité de prendre en compte la puissance économique du groupe auquel appartient la société Conserves France, auteure des pratiques.
731. Compte tenu de ces éléments et pour les motifs exposés supra (voir paragraphe 735), le montant de base de la sanction pécuniaire infligée à Conserves France solidairement avec sa société mère Conserves Italia societa cooperativa agricola doit être augmenté de 10 %.
Charles Faraud et Charles & Alice
Le rôle de franc-tireur de Charles Faraud et de Charles & Alice
732. Charles Faraud et Charles & Alice soutiennent qu'elles ont adopté un comportement concurrentiel sur le marché, lequel constitue une circonstance atténuante justifiant une réduction du montant de base de leur sanction.
733. Toutefois, cette seule circonstance est, à elle seule, insuffisante pour démontrer que Charles Faraud et Charles & Alice n'ont pas respecté la discipline commune de l'entente au point d'en perturber le fonctionnement. Ainsi, ces entreprises ne rapportent pas la preuve de leur comportement de franc-tireur et ne peuvent bénéficier, à ce titre, d'une réduction du montant de base de leur sanction.
L'importance du ratio valeur des ventes / chiffre d'affaires total
734. Charles Faraud et Charles & Alice soutiennent que leur situation diffère de celle des autres entreprises mises en cause car le ratio issu de leur valeur des ventes rapportée au chiffre d'affaires total du groupe dépasse les 50 %. Elles précisent également qu'elles réalisent plus des trois quarts de leurs ventes en France, dans le secteur des compotes vendues en MDF, MDD et RHF. Elles indiquent qu'elles auraient pu, de ce fait, être qualifiées d'entreprises mono-produit si le champ de l'infraction avait été entendu aux ventes en MDF.
735. En droit, et comme la Cour de cassation l'a encore récemment rappelé dans un arrêt société 8 novembre 2017, Graham & Brown (604), l'appréciation du caractère " mono-produit " d'une entreprise découle de la comparaison entre l'assiette de la sanction - la valeur des ventes en lien avec l'infraction réalisées en France, c'est-à-dire, en général, les ventes réalisées par l'auteur de l'infraction, et le chiffre d'affaires de l'entreprise supportant la charge de l'amende ou de l'unité économique à qui est imputée la sanction, laquelle comprend son auteur et, le cas échéant, sa société mère.
736. Conformément au point 48 du communiqué sanctions, une entreprise présente les caractéristiques d'une entreprise mono-produit dès lors qu'elle réalise " l'essentiel de son activité sur le secteur ou le marché en relation avec l'infraction ".
737. En l'espèce, les sociétés en cause réalisent moins de 55 % de leurs activités sur le secteur ou le marché en relation avec l'infraction, c'est-à-dire la vente de compotes aux distributeurs MDD et RHF. Elles ne présentent donc pas les caractéristiques d'une entreprise mono-produit et ne peuvent donc bénéficier d'une réduction du montant de base de leur sanction à ce titre.
738. Par ailleurs, le fait qu'elles consacrent une partie de leurs activités respectives à la vente de compotes MDF, marché qui n'est pas en relation avec l'infraction, demeure sans incidence sur ce point.
739. En outre, en dehors de l'hypothèse du " mono-produit " rappelé ci-dessus, l'importance du ratio qui existe entre la valeur des ventes d'une société rapportée au chiffre d'affaires du groupe auquel elle appartient ne constitue pas un motif justifiant la réduction du montant de base de la sanction de l'entreprise concernée. Ainsi, Charles Faraud et Charles & Alice ne sont pas fondées à se prévaloir du fait que le ratio entre leur valeur des ventes respectives et le chiffre d'affaires de leur groupe est bien supérieur à celui des autres entreprises au soutien de leur demande de réduction de sanction.
740. Enfin, les différences de situations qui existent entre Charles Faraud et Charles & Alice et les autres entreprises qui ont participé à l'entente ont bien été prises en compte au stade de l'individualisation de la sanction de chacune des sociétés concernées, notamment, au regard du critère de l'appartenance à un groupe mentionné au point 49 du communiqué sanction. Cela ressort des paragraphes 724 et suivants ci-dessus, qui justifient qu'Andros, Délis et SAS Vergers de Châteaubourg et Conserves France voient leurs sanctions respectives majorées au regard de la taille, de la puissance économique ou des ressources globales du groupe auquel chacune d'elles appartiennent.
Valade
741. Valade soutient que l'entente lui a été " peu profitable ". À ce titre, elle indique qu'elle ne commercialise pas de MDF en GMS, si bien qu'elle ne tire qu'un avantage limité à l'augmentation des prix s'agissant de la MDD. Par ailleurs, elle précise ne commercialiser que des compotes en coupelles et qu'elle n'est pas active sur le secteur de l'ultra-frais et sur le secteur des compotes en gourdes.
742. Cependant, ces circonstances sont sans influence sur le montant des sanctions susceptibles de lui être infligées, dès lors que l'absence d'avantage financier retiré de l'entente ne constitue pas une circonstance atténuante, au terme d'une jurisprudence constante de l'Union (605) qui, si elle ne s'impose pas à l'Autorité pour le calcul des sanctions, constitue toutefois un guide d'analyse utile, susceptible d'être pris en compte dans le cadre de son appréciation (606).
743. Au surplus, l'Autorité rappelle que le point 46 du communiqué sanction n'impose pas à l'Autorité de prendre en compte, de manière individuelle, l'ensemble des circonstances atténuantes caractérisant le cas d'espèce. Elle dispose donc d'une marge d'appréciation pour apprécier de manière globale l'importance des réductions accordées et, le cas échéant, décider ne pas accorder une réduction supplémentaire au regard des circonstances de chaque affaire.
744. En l'espèce, Valade bénéficie déjà d'une réduction de 30 % du montant de base de sa sanction au titre de l'individualisation. Il n'y a pas lieu de lui accorder de réduction supplémentaire au titre de la circonstance qu'elle invoque.
Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg
745. L'infraction en cause a été imputée aux sociétés Délis et SAS Vergers de Châteaubourg en tant qu'auteures, à la SAS société Vergers de Châteaubourg en tant que société mère de la société Délis, au Groupe Lactalis en tant que société mère de ces deux sociétés et à la société B.S.A., société mère de ce groupe.
746. B.S.A. se présente comme le premier groupe laitier mondial, actif dans le secteur des compotes et fruits transformés à travers les sociétés SAS Vergers de Châteaubourg et Délis SA. Ces dernières consolident leurs comptes en son sein.
747. Les ressources financières globales de B.S.A. sont très importantes. Ainsi, son chiffre d'affaires hors taxes consolidé a atteint 18 449 982 000 euros au cours de l'exercice 2017.
748. La valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction ne représente ainsi que 0,09 % du chiffre d'affaires total du groupe. Comme indiqué au paragraphe 705, cet élément constitue un élément pertinent pour apprécier la nécessité de prendre en compte la puissance économique du groupe auquel appartiennent Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg, chacune auteure des pratiques.
749. Là encore, par conséquent (voir ci-avant paragraphes 735 et 738), le montant de base de la sanction pécuniaire infligée solidairement à Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg ainsi qu'à leurs sociétés mères, le Groupe Lactalis et la société B.S.A, doit être augmenté de 65 %.
b) S'agissant du montant intermédiaire
750. Le tableau page suivante récapitule, pour chaque entreprise, le montant intermédiaire de la sanction.
Tableau 19 --Montant intermédiaire de la sanction
[TABLEAU]
3. EN CE QUI CONCERNE LES AJUSTEMENTS FINAUX
a) S'agissant de la vérification du respect du maximum légal
751. Le troisième alinéa de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose que " (...) le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".
Quant à Materne
752. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Fromagerie BEL SA, qui consolide le chiffre d'affaires de Materne depuis le 15 décembre 2016, est de 3 346 414 000 euros.
753. Le montant intermédiaire retenu dans le tableau qui précède étant inférieur à 10 % de ce chiffre, il n'y a pas lieu de le modifier.
Quant à Andros
754. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Andros & Cie, qui consolide le chiffre d'affaires d'Andros, est de 2 197 872 000 euros.
755. Le montant intermédiaire retenu dans le tableau qui précède étant inférieur à 10 % de ce chiffre, il n'y a pas lieu de le modifier.
Quant à Conserves France
756. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par Conserves Italia societa cooperativa agricola, qui consolide le chiffre d'affaires de Conserves France, est de 802678 000 euros.
757. Le montant intermédiaire retenu dans le tableau qui précède étant inférieur à 10 % de ce chiffre, il n'y a pas lieu de le modifier.
Quant à Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg
758. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par B.S.A., qui consolide le chiffre d'affaires de Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg, est de 18 449 982 000 euros.
759. Le montant intermédiaire retenu dans le tableau qui précède étant inférieur à 10 % de ce chiffre, il n'y a pas lieu de le modifier.
Quant à Charles Faraud, Charles & Alice et CAI Développement
760. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par la société CAI Développement qui consolide le chiffre d'affaires de Charles Faraud et Charles & Alice, est de 163 580 000 euros (607). Le plafond légal pour ces sociétés qui constitue une entreprise au sens du droit de la concurrence correspond à 10 % de cette somme, soit 16358 000 euros.
761. Le montant intermédiaire de la sanction retenue pour Charles Faraud et Charles & Alice dans le tableau qui précède est de 21 549 148 euros. Il est supérieur au plafond légal calculé au point précédent.
762. Dans ces conditions, le montant de la sanction infligée solidairement à Charles Faraud, Charles & Alice et leur société mère doit être fixé à 16 358 000 euros.
Quant à Valade et Financière Lubersac
763. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par la société Financière Lubersac qui consolide le chiffre d'affaires de Valade, est de 87 537 520 euros.
764. Le montant intermédiaire retenu dans le tableau qui précède est inférieur à 10 % de ce chiffre. Il n'y a donc pas lieu de le modifier.
Quant à Coroos Conserven BV, Coroos Beheer BV, Coroos International N.V. et OKB
765. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par la société OKB qui consolide le chiffre d'affaires de Coroos Conserven BV, est de 194 920 130 euros. 766. Le montant intermédiaire retenu dans le tableau qui précède étant inférieur à 10 % de ce chiffre, il n'y a pas lieu de le modifier.
b) S'agissant de la prise en considération de la clémence
767. Par avis n° 15-AC-01 du 1er juillet 2015 (608), les sociétés Stichting Administratiekantoor OKB et Coroos International BV et l'ensemble de leurs filiales dont Coroos Beheer BV et Coroos Conserven BV ont obtenu le bénéfice conditionnel de la clémence avec une exonération totale des sanctions aux titres des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur des fruits en coupelles et en gourdes, vendus à la GMS sous marques dites " private label " (les marques de distributeurs ou " MDD " et les marques de petits prix ou " MPP " ) et dans le segment de la restauration hors foyer ou " RHF " sur le territoire français.
768. Il ressort de l'ensemble des éléments du dossier, ainsi que du déroulement de la procédure, que les sociétés Coroos Conserven BV, Coroos Beheer BV, Coroos International NV. et OKB n'ont enfreint aucune des conditions qui leur avaient été imposées pour bénéficier d'une exonération totale de sanction. Elles doivent dès lors, être exonérées de toute sanction pécuniaire.
c) Sur la situation financière des entreprises en cause
769. Au titre des éléments propres à la situation de chaque entreprise ou organisme en cause, l'Autorité s'est en dernier lieu engagée à apprécier les difficultés financières particulières de nature à diminuer la capacité contributive dont les parties invoquent l'existence, selon les modalités pratiques indiquées dans le communiqué du 16 mai 2011 précité.
770. Il appartient en effet à l'entreprise de justifier l'existence de telles difficultés en s'appuyant sur des preuves fiables, complètes et objectives attestant de leur réalité et de leurs conséquences concrètes sur sa capacité contributive (voir, en ce sens, arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, précité, p. 73).
771. À ce titre, plusieurs entreprises ont invoqué l'existence de difficultés financières particulières de nature, selon elles, à limiter leur capacité contributive.
772. S'agissant de Délis SA et de SAS Vergers de Châteaubourg, filiale du Groupe Lactalis et de la société B.S.A., l'analyse des éléments financiers et comptables communiqués conduit l'Autorité à considérer qu'ils n'attestent pas de difficultés financières particulières empêchant cette entreprise de s'acquitter de la sanction envisagée dans le tableau reproduit sous le paragraphe 750.
773. S'agissant de Conserves France, filiale de la société Conserve Italia societa cooperativa agricola, l'analyse des éléments financiers et comptables communiqués conduit l'Autorité à considérer qu'ils n'attestent pas de difficultés financières particulières empêchant cette entreprise en l'espèce de s'acquitter de la sanction envisagée dans le tableau reproduit sous le paragraphe 750 ci-dessus.
774. Par ailleurs, Valade, qui n'a pas adressé formellement de demande de prise en compte de sa capacité contributive, soutient que même lorsqu'il n'est pas fait état de difficultés financières affectant la capacité contributive de l'entreprise au sens du point 48 du communiqué sur les sanctions, la petite taille d'une société, et la fragilité financière qui en résulte peuvent être prises en compte au stade de la détermination de la sanction. Elle indique également qu'elle dispose d'une trésorerie limitée et qu'une sanction excessive risquerait de mettre en péril sa capacité d'investissement.
775. Cependant, s'agissant de cette société, filiale de la société Financière Lubersac, l'analyse des éléments financiers et comptables communiqués conduit l'Autorité à considérer qu'ils n'attestent pas de difficultés financières particulières empêchant cette entreprise de s'acquitter de la sanction envisagée dans le tableau reproduit sous le paragraphe 750.
4. EN CE QUI CONCERNE LE MONTANT FINAL DE LA SANCTION
776. Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il y a lieu d'imposer les sanctions suivantes :
Tableau 20 -montant final de la sanction
[TABLEAU]
5. EN CE QUI CONCERNE LES AUTRES SANCTIONS
777. Aux termes du cinquième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, " l'Autorité de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Elle peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne intéressée ".
778. En l'espèce, afin d'informer les consommateurs et professionnels de la présente décision et de les inciter à la vigilance vis-à-vis des pratiques condamnées, il y a lieu d'ordonner la publication, à frais partagés des entreprises sanctionnées et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans les éditions papier des journaux " Le Monde ", " Les Échos " et " LSA ", du résumé de la présente décision figurant ci-après : " Le 17 décembre 2019, l'Autorité de la concurrence a rendu une décision par laquelle elle sanctionne, à hauteur de 58 283 000 euros, une pratique mise en œuvre entre octobre 2010 et janvier 2014 par les sociétés Materne, Andros, Conserves France, Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg, Charles Faraud, Charles & Alice, Valade et Coroos Conserven BV visant à manipuler les prix et à se répartir les clients et les volumes des produits vendus à la grande distribution sous marques distributeur (ci-après : " MDD " ) et aux distributeurs de la restauration hors foyer (ci-après : " RHF " ) dans le secteur des fruits transformés vendus en coupelles et en gourdes (ci-après : " compotes " ).
Ces entreprises ont, chacune à leur mesure, mis en œuvre la pratique anticoncurrentielle sanctionnée qui a consisté à :
- mettre en place en place et appliquer un plan d'ensemble destiné à augmenter les prix de vente compotes auprès des clients MDD et RHF, définir un discours commun justifiant ces hausses de prix, fixer des prix cibles par type de produit, stabiliser la répartition des volumes de compotes vendus entres les entreprises participantes et décliner ces principes en échangeant lors des appels d'offres des clients.
- décliner les principes fixés dans ce plan d'ensemble en établissant des accords d'augmentation des prix, de répartition des volumes de produits vendus et des clients.
- faire le bilan du respect des règles fixées dans ce plan d'ensemble et prévoir un système de compensation pour les entreprises qui ont perdu des volumes de vente.
Afin de mettre en œuvre cette infraction unique et continue, les entreprises concernées ont multiplié les contacts multilatéraux lors de réunions et bilatéraux, lors de rencontres, d'échanges de courriels ou d'appels téléphoniques. Le mécanisme d'entente déployé en l'espèce revêtait un caractère secret élaboré puisque certains salariés des sociétés impliquées bénéficiaient de téléphones portables dédiés aux échanges, dont l'usage était spécialement réservé à la mise en œuvre de l'entente, et que la plupart des réunions se tenaient non pas dans des locaux professionnels mais dans des hôtels ou des restaurants.
Cette entente secrète a été révélée grâce à la procédure de clémence.
En effet, l'affaire a été portée à la connaissance de l'Autorité de la concurrence au début de l'année 2014 par les sociétés du groupe Coroos qui ont sollicité le bénéfice de la clémence qui permet aux entreprises ayant participé à une entente d'en révéler l'existence à l'Autorité et d'obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d'une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire, en fonction notamment de leur rang d'arrivée à l'Autorité. À ce titre, les sociétés de ce groupe ont bénéficié d'une exonération totale de la sanction. Les opérations de visite et saisie réalisées en France en septembre 2015 ont permis de réunir de nombreuses preuves qui ont complété les preuves apportées par le demandeur de clémence.
La gravité de la pratique et le dommage causé à l'économie
L'infraction a notamment conduit à la mise en place d'accords horizontaux secrets sur les prix et sur les volumes qui constituent, par leur nature, les infractions les plus graves du droit de la concurrence. Elle a également conduit à des échanges d'informations dont la gravité, moins importante, est néanmoins réelle car ces échanges ont fortement diminué l'incertitude du comportement des opérateurs concernés sur le marché.
Cette infraction, qui a impliqué les principaux fabricants de compotes vendues aux distributeurs MDD et RHF, était d'une ampleur nationale. Elle a porté sur des produits de grande consommation que sont les compotes en coupelles et en gourdes.
Des sanctions proportionnées à la gravité des faits, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de chacune des entreprises sanctionnées
Conformément à l'article L. 464-2 du Code de commerce, l'Autorité a déterminé le montant de base de la sanction infligée à chaque entreprise à partir du chiffre d'affaires généré pour chaque entreprise par les ventes de compotes MDD et RHF sur le territoire national, de la gravité de l'infraction litigieuse et l'importance du dommage qu'elle a causé à l'économie.
Ce montant de base a ensuite été adapté en fonction de la participation individuelle des entreprises à l'entente ainsi que des éléments propres à leur situation individuelle.
Au titre des éléments majorants, l'Autorité a notamment retenu que quatre des sociétés concernées - Délis SA et SAS Vergers de Châteaubourg, Andros et Conserves France appartenaient à un groupe disposant d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes justifiant que leurs sanctions soient majorées pour assurer leur caractère dissuasif. Elle a également retenu le rôle particulier joué par Materne dans la conception ou la mise en œuvre de l'entente pour décider de majorer le montant de la sanction qui lui a été infligée.
Au titre des circonstances atténuantes, l'Autorité a accordé à la société Andros une réduction de sanction pour avoir adopté un comportement concurrentiel au point d'avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de l'entente.
Au total, l'Autorité a infligé les sanctions pécuniaires suivantes :
Entreprises | Sanction finale arrondie
Materne | 13 585 000
Andros | 14 106 000
Conserves France | 1 967 000
Délis SA | 9 466 000
Charles Faraud et Charles & Alice | 16 358 000
Valade | 2 801 000
Coroos | 0
779. Les entités sanctionnées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que les sociétés Materne, Andros, Conserves France, Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg, Charles Faraud, Charles & Alice, Valade et Coroos Conserven BV ont enfreint les dispositions de l'article 101, paragraphe 1 du TFUE, et de l'article L. 420-1 du Code de commerce, en participant, entre le 5 octobre 2010 et 10 janvier 2014, chacune dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 679 et suivants de la présente décision, à une entente unique et continue sur le marché français des fruits transformés cuits commercialisés en coupelles et en gourdes et vendus à la grande distribution sous marques de distributeurs et aux distributeurs de la restauration hors foyer, qui visait à manipuler les prix et à se répartir les clients et les volumes.
Article 2 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 1er, les sanctions pécuniaires suivantes :
- 13 585 000 euros, solidairement aux sociétés Materne SAS, MBMA SAS et MBMA Holding SAS ;
- 14 106 000 euros, solidairement aux sociétés Andros SNCet Andros et CieSAS ;
- 1 967 000 euros, solidairement aux sociétés Conserves France SA et Conserve Italia societa cooperativa agricola ;
- 9 466 000 euros, solidairement aux sociétés Délis SA, SAS Vergers de Châteaubourg, Groupe Lactalis SA et B.S.A. ;
- 16 358 000 euros, solidairement aux sociétés Charles Faraud SA, Charles & Alice SAS et CAI Développement SAS ;
- 2 801 000 euros, solidairement aux sociétés Valade SAS et Financière Lubersac.
Article 3 : Les sociétés Coroos Conserven BV, Coroos Beheer BV, Coroos International N.V. et Stichting Administratiekantoor OKB sont exonérées de sanction pécuniaire en application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce.
Article 4 : Il est enjoint aux entités sanctionnées d'insérer, à frais partagés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, le texte figurant au paragraphe 778 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l'édition papier et sur le site Internet du journal Le Monde, Les Echos et LSA. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision de l'Autorité de la concurrence n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes ". Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. Les entités sanctionnées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cote 10 537.
3 Cote 10 550.
4 Cote 15 160.
5 Cote 18 125.
6 V. notamment cotes 1 736, 1739, 1740, 1 743, 4483, 7 534 à 7 536, 1 744, 4495, 4 496, 9 913 à 9915 et 4 487.
7 V. notamment cotes 7 356, 1744, 4 488 à 4490, 4492, 14653, 1 779, 1 780 et 1636 ; dossier 14/0055 AC, cote 11, 14, 356, 357 et 390.
8 V. notamment cotes 7 346, 1636 et 1 637 dossier 14/0055 AC, cotes 356, 360 à 368.
9 Dossier 14/0055 AC, cotes 111 à 113.
10 Cote 560.
11 Cotes 4 482 et 4 483.
12 Cotes 14 729 et 14 706.
13 Cote 14 939.
14 Cote 12 ; dossier 14/0055 AC, cote 8.
15 Cote 14 939.
16 Cote 14 729.
17 Cote 4 482 et 4 483.
18 Dossier 14/0055 AC, cote 7.
19 Cotes 4 482 et 4483.
20 Cote 4 493.
21 Cotes 1 734 à 1 744.
22 Cote 14 729.
23 Cote 1 735.
24 Cote 1 736.
25 Cote 1 737.
26 Cote 4 482.
27 Cote 1 738.
28 Cote 1 739.
29 Cote 4 482.
30 Cote 1 740.
31 Cote 4 482.
32 Cote 1 741.
33 Cote 4 483.
34 Cote 4 483.
35 Cote 1 743.
36 Cote 4 486.
37 Cote 4 486.
38 Dossier 14/0055 AC, cote 121.
39 Cotes 7 534 à 7 536.
40 Cote 1 741.
41 Cote 1 739.
42 Cote 1 741.
43 Cote 4 480.
44 Cote 4 481.
45 Ibid.
46 Cote 7 356.
47 Dossier 14/0055 AC, cote 11.
48 Cote 4 826.
49 Cote 4 825.
50 Cote 14 623.
51 Cote 14 690.
52 Dossier 14/0055 AC, cote 11 et dossier 15/0060 F, cote 12.
53 Cote 14 624.
54 Cote 14 690.
55 Cote 4 918.
56 Cote 4 826.
57 Cote 4 831.
58 Cote 4 962.
59 Cote 14 690.
60 Cotes 4 493 à 4 497.
61 Cote 1 744.
62 Dossier 14/0055 AC, cote 111 traduite cote 115.
63 Cote 14 691.
64 Cote 1 744.
65 Cote 1 739.
66 Dossier 14/0055 AC, cote 126.
67 Dossier 14/0055 AC, cote 11.
68 Cotes 4 494 à 4 497.
69 Dossier 14/0055 AC, cotes 113 et 117.
70 Cotes 4 495 et 4 496.
71 Dossier 14/0055 AC, cote 9.
72 Cote 14 624.
73 Cote 4496 pour Délis et en bas à droite et en haut de la cote 113 pour Coroos.
74 Cote 9 801.
75 Cote 14 706.
76 Cote 14 707.
77 Cotes 14 652 et 14 653.
78 Cote 14 706.
79 Cote 10 666.
80 Cotes 10 651 et 10 652.
81 Cote 10 654.
82 Cote 9 801.
83 Cote 14 706.
84 Cotes 10 976 et 10 977.
85 Cotes 10 712 et 10 717.
86 Cote 10 718.
87 Cotes 14 706 et 14 707.
88 Cote 14 653.
89 Cotes 4 484 et 4 485.
90 Cotes 9 911 à 9 916.
91 Cotes 9 911 à 9 916.
92 Cote 14 691.
93 Cote 14 691.
94 Cote 4 487.
95 Cote 4 487
96 Cotes 9 913 à 9 915
97 Cotes 4 668 (Délis) et 9 913 (Valade).
98 Cotes 4 669 (Délis) et 9 914 (Valade).
99 Dossier 14/0055 AC, cote 15.
100 Cotes 4 670 (Délis) et 9 915 (Valade).
101 Cotes 4 668 à 4 671.
102 Cote 4 671.
103 Dossier 14/0055 AC, cote 13.
104 Cote 4 840.
105 Cote 14 707.
106 Cote 14 626.
107 Cote 14 707
108 Dossier 14/0055 AC, cote 174.
109 Cote 5 045.
110 Cote 4 836.
111 Cote 5 046.
112 Cotes 7 507 et 7 508.
113 Dossier 14/0055 AC, cote 13.
114 Cote 14 707.
115 Dossier 14/0055 AC, cote 174.
116 Cote 14 626.
117 Cote 5 045.
118 Cotes 4 488 à 4 490.
119 Cote 4 840.
120 Cote 14 707.
121 Cotes 4 488 à 4 490.
122 C'est-à-dire les produits pour lesquels le distributeur n'a pas répondu aux propositions formulées par le producteur.
123 Dossier 14/0055 AC, cote 13.
124 Cotes 4 491 et 4 492.
125 Cote 14 626.
126 Cotes 10 979 et 10 980.
127 Cotes 4 491 et 4492.
128 Cote 10 722.
129 Cote 10 724.
130 Cote 10 824.
131 Cote 10 574.
132 Cote 4 492.
133 Cote 9 914.
134 Cote 5 232.
135 Cote 14 653.
136 Cote 14 708.
137 Cote 14 653.
138 Dossier 14/0055 AC, cote 14 et dossier 15/0060 F, cote 12.
139 Cote 14 708.
140 Cote 5 141.
141 Cote 10 461.
142 Cote 10 449.
143 Cote 5 052.
144 Cote 5 232.
145 Cote 4 855.
146 Cote 4 857.
147 Dossier 14/0055AC, cote 14.
148 Cote 14 708.
149 Cote 4 871.
150 Cote 14 653.
151 Dossier 14/0055 AC, cote 14.
152 Cote 14 653.
153 Dossier 14/0055 AC, cotes 14 et 15 et dossier 15/0060 F cote 13.
154 Cotes 5 147 et 5 162.
155 Cote 10 433.
156 Cote 4 925.
157 Cote 14 653.
158 Cote 4 871.
159 Dossier 14/0055 AC, cotes 14 et 15.
160 Dossier 14/0055 AC, cotes 14 et 15.
161 Dossier 14/0055 AC, cote 203.
162 Dossier 14/0055 AC, cote 15.
163 Cote 13.
164 Cote 14 653.
165 Dossier 14/0055 AC, cotes 14 et 15.
166 Dossier 14/0055 AC, cote 245.
167 Dossier 14/0055 AC, cote 16.
168 Cotes 4 873 et 4 874.
169 Cote 1 745.
170 Cote 14 654.
171 Cotes 14 708 et 14 733.
172 Dossier 14/0055 AC, cotes 16 et 17.
173 Cotes 14 708 et 14 733.
174 Cote 14 654.
175 Cotes 10 452 et 10 453.
176 Dossier 14/0055 AC, cote 245.
177 Cote 5 067.
178 Cotes 4 873 et 4 874.
179 Cote 1 745.
180 Cote 14 733.
181 Cotes 7 197 à 7 200 et cote 4 894.
182 Dossier 14/0055 AC, cote 22.
183 Dossier 14/0055 AC, cote 334.
184 Cote 13
185 Cote 13.
186 Dossier 14/0055 AC, cote 22 et dossier 15/0060 F, cote 13.
187 Cote 7 432.
188 Cote 10 441.
189 Dossier 14/0055 AC, cote 334.
190 Cote 5 063.
191 Cote 5 064.
192 Cotes 7 197 à 7 200 et cote 4 894.
193 Cote 4 897.
194 Dossier 14/0055 AC, cote 22.
195 Cote 7 346.
196 Dossier 14/0055 AC, cote 22.
197 Cotes 1 775 à 1 780.
198 Cote 7 387.
199 Cote 7 421.
200 Cote 14 691 et 14 769.
201 Cote 14 691 et 14 769.
202 Dossier 14/0055 AC, cote 22.
203 Cote 10 438.
204 Cote 10 456.
205 Cote 7 387.
206 Cotes 10 695, 10 699, 10 697 et 10 701.
207 Cotes 5 038, 5 073 et 5 084.
208 Cotes 4 903 et 4 904.
209 Cote 7 387.
210 Cotes 1 775, 1 776, 13 884, 13 885, 1 779 et 1 780.
211 Cotes 1 775 à 1 780 - les cotes 1 777 et 1 778 ont pour version non confidentielle les cotes 13 884 et 13885.
212 Dossier 14/0055 AC, cotes 350 à 357.
213 Interprétation des notes, dossier 14/0055 AC, cote 23.
214 Groupement d'achat Leclerc.
215 Cote 1 779.
216 Dossier 14/0055 AC, cote 357.
217 Dossier 14/0055 AC, cote 22.
218 Dossier 14/0055 AC, cotes 360 à 368.
219 Dossier 14/0055 AC, cotes 360 et 366.
220 Dossier 14/0055 AC, cote 361.
221 Dossier 14/0055 AC, cote 24.
222 Dossier 14/0055 AC, cote 360.
223 Dossier 14/0055 AC, cote 363.
224 Dossier 14/0055 AC, cote 353 traduite cote 356.
225 Dossier 14/0055 AC, cote 357.
226 Cote 1 779.
227 Dossier 14/0055 AC, cote 353 traduite cote 356.
228 Cote 1 779.
229 Cote 7 274.
230 Dossier 14/0055 AC, cote 6.
231 Cote 7 211.
232 Dossier 14/0055 AC, cote 959.
233 Cote 4 852.
234 Cote 14 733.
235 Cote 9 833.
236 Cote 9 826.
237 Dossier 14/0055 AC, cote 17.
238 Cote 4 882.
239 Dossier 14/0055 AC, cote 261, traduction cote 263.
240 Dossier 14/0055 AC, cote 17.
241 Dossier 14/0055 AC, cote 421, traduction cote 423.
242 Dossier 14/0055 AC, cote 29.
243 Cotes 1 697 et 1 698.
244 Dossier 14/0055 AC, cote 423.
245 Cote 14 618.
246 Cote 14 710.
247 Dossier 14/0055 AC, cote 21.
248 Cote 7 215.
249 Cote 4 889.
250 Cotes 7 467 et 4 166.
251 Cote 14 618, Dossier 14/0055 AC, cote 21.
252 Dossier 14/0055 AC, cote 22.
253 Cote 14 733.
254 Dossier 14/0055 AC, cote 181.
255 Dossier 14/0055 AC, cote 14.
256 Cote 14 733.
257 Dossier 14/0055 AC, voir notamment cotes 14, 19 et 22.
258 Cote 14 712.
259 Cotes 10 030 à 10 083.
260 Cotes 1 667 et 1 668.
261 Dossier 14/0055 AC, cotes 15, et 206 à 209.
262 Cotes 1 671 à 1 690.
263 Cotes 1 691 et 1 692.
264 Cotes 10 069 à 10 070.
265 Cotes 10 075 à 10 076.
266 Cotes 10 080 à 10 081.
267 Cotes 1 693 à 1 695.
268 Cotes 1 651 à 1 666.
269 Cotes 1 636 et 1 637.
270 Cote 7 202.
271 Cote 7 203.
272 Cote 9 934.
273 Cote 1 636.
274 Cote 14 619.
275 Cote 14 712.
276 Dossier 14/0055 AC, cote 390.
277 Dossier 14/0055 AC, cote 27.
278 Cote 1 634.
279 Cotes 1 642 à 1 644.
280 Cotes 7 525 et 7 526.
281 Cotes 10 949 à 10 951.
282 Cotes 7 169 à 7 176.
283 Cotes 9 924 à 9 927.
284 Institut d'études statistiques de consommation.
285 Cote 9 934.
286 Cotes 1 638 à 1 640.
287 Cote 14 629.
288 Cote 14 712.
289 Cote 14 712.
290 Dossier 14/0055 AC, cote 8.
291 Dossier 14/0055 AC, cote 467.
292 Cote 7 239.
293 Cotes 7 234 et 7 238.
294 Cote 7 235.
295 Cote 7 236.
296 Cote 7 237.
297 Cotes 7 240 et 7 243.
298 Cotes 7 241 et 7 242.
299 Cote 7 252.
300 Cote 7 253.
301 Cote 7 254.
302 Cote 7 477.
303 Cote 7 478.
304 Cote 7 479
305 Cote 7 389.
306 Cote 7 413.
307 Cote 7 418.
308 Cote 7 439.
309 Cote 7 440.
310 Cote 7 417.
311 Cote 14 701.
312 Cote 7 419.
313 Cote 7 264.
314 Cote 7 263.
315 Cote 7 254.
316 Dossier 14/0055 AC, cotes 469, 709 et s.
317 Dossier 14/0055 AC, cotes 653 à 658 et cotes 1 150 et 1 151.
318 Dossier 14/0055 AC, cotes 708 à 821.
319 Dossier 14/0055 AC, cote 59.
320 Cote 14 et dossier 14/0055 AC, cote 5.
321 Cotes 56 à 61.
322 Cotes 10 859 à 10 888.
323 Cotes 10 865 et 10 866.
324 Cotes 10 871 et 10 876.
325 Dossier 14/0055 AC, cote 17.
326 Cote 14 710.
327 Dossier 14/0055 AC, cotes 131 et 132, traduction cote 134.
328 Dossier 14/0055 AC, cote 113.
329 Dossier 14/0055 AC, cote 289, traduction cote 291.
330 Dossier 14/0055 AC, cote 19.
331 Dossier 14/0055 AC, cotes 28 et 1057.
332 Dossier 14/0055 AC, cotes 28 et 1057.
333 Dossier 14/0055 AC, cote 1 005, traduction cote 1 007.
334 Dossier 14/0055 AC, cote 20.
335 Dossier 14/0055 AC, cote 310, traduction cote 312.
336 Dossier 14/0055 AC, cote 315, traduction cote 318.
337 Cote 316.
338 Dossier 14/0055 AC, cote 21.
339 Dossier 14/0055 AC, cotes 22, 326, 327 et 329.
340 Cote 14 654.
341 Dossier 14/0055 AC, cote 371, traduction cote 373.
342 Cote 14 701.
343 Cotes 10 869 et 10 870.
344 Cote 9 839.
345 Dossier 14/0055 AC, cote 216, traduction cote 218.
346 Cote 14 693.
347 Dossier 14/0055 AC, cotes 266 et 267, traduites cotes 269 et 270.
348 Cote 14 632.
349 Dossier 14/0055 AC cotes 21, 321 et 323.
350 Cote 14 632.
351 Cote 14 710.
352 Cotes 7 390 à 7 397.
353 Cotes 7 398 à 7 412.
354 Cote 14 710.
355 Cote 7 415.
356 Cote 14 654.
357 Cote 14 675.
358 Cote 14 619.
359 Cote 14 655.
360 Cote 14 655.
361 Cote 7 503.
362 Dossier 14/0055 AC, cote 57.
363 Cote 14 632.
364 Cote 4 481.
365 Cote 9 839.
366 Cote 7 414.
367 Cotes 15 389 à 15512.
368 Cotes 16 952 à 16958.
369 Arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 1999, société Lilly France, n° 97-15185.
370 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 janvier 2006, Ordre des avocats au barreau de Marseille, RG n° 05/14831
371 Décisions n° 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques, paragraphe 192 ; n° 09-D-06 du 5 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne, paragraphe 79.
372 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 mai 2018, société Umicore France, n° 16/16621.
373 Arrêt d'assemblée du Conseil d'État du 21 décembre 2012, société Groupe Canal Plus ; n° 353856, au recueil.
374 Arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2004, Société Générale e.a, n° 01-17896.
375 Décisions n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre et n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015, Société Grands Moulins de Strasbourg SA et autre.
376 Arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2004, Société Générale e.a, n° 01-17896.
377 Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre.
378 Décision n° 15-D-04 du 26 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre edans le secteur de la boulangerie artisanale.
379 Arrêt de la cour d''appel de Paris du 22 septembre 2016, Grands Moulins de Strasbourg, S.A, n° 2015/03009.
380 Décision n° 10-D-26 du 28 juillet 2010 relative à des pratiques relevées sur des marchés de travaux groupés de réseaux publics passés par la plate-forme d'achats EDF-GDF Services de Montpellier, paragraphe 75 ; décision n° 11-D-13 du 5 octobre 2011 relative à des pratiques relevées dans les secteurs des travaux d'électrification et d'installation électrique dans les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Auvergne et limitrophes, paragraphe 249.
381 Décision n° 09-D-06 du 5 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne, paragraphe 73.
382 Cote 15 510.
383 Cotes 15 486 et 15487.
384 Cotes 1 738, 1 739 et 1741.
385 Cote 9 914.
386 Cote 9 915.
387 Cote 9 913.
388 Cotes 21 833 à 21841.
389 Cotes 21 750 à 21756, 21809 à 21811, 21815 à 21 818 et 21 853 à 21 855.
390 Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, Journal officiel n° C 101 du 27/04/2004 p. 0081 - 0096
391 Arrêt de la Cour de cassation du31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6.
392 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6 ; voir également, en ce sens, arrêt de la cour d'appel deParis, du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., n° 2011/18 245et arrêt de la Cour de cassation du20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., n° 13-16.745.
393 Dossier 14/0055 AC, cote 76.
394 V. notamment, arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, point 40.
395 V. notamment, arrêt de la Cour de justice du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a, 40/73, points 175 et 179.
396 V. notamment, arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, point 232, du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, point 98, du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141/89, points 85 et 86, et du 20 mars 2002, T-21/99, Dansk Rorindustri/Commission, point 48 et décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express.
397 V. notamment, arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00, points 55 à 57.
398 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, n° 09-11853.
399 Arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T-112/07, points 71 et 72. V. également arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Perôxidos Orgânicos/Commission, T-120/04, point 70 ; arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord, n° 2011/03298, p. 44, décision 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, paragraphe 399.
400 Décision n° 07-D-48 du Conseil du 18 décembre 2007, précitée, paragraphe 180, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 février 2009, précité, p. 9 ; voir également arrêt précité de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, Rec. p. I-04529, point 60.
401 Arrêt de la Cour de justice du 19 mars 2015, Dole Food Company Inc. e.a / Commission, C-286/13, points 113 à 115.
402 Arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation / Commission, C-373/14, point 28.
403 Arrêt du Tribunal du 27 juin 2012, Coats Holdings Ltd / Commission, T-439/07, point 141.
404 Arrêt du Tribunal du 16 juin 2015, FSL Holdings e.a / Commission, T-655/11, points 481 à 483.
405 V. notamment sur ce point : arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl AG / Commission, T-141/94, point 269 ; 16 juin 2011, Bavaria NV / Commission, T-235/07, point 71 et décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à despratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express, paragraphe 768.
406 Cote 7, dossier 14/0055 AC.
407 Cote 14 729
408 Cotes 1 734 à 1 744.
409 Cote 4486.
410 Cote 4486.
411 Cote 14 690.
412 Cotes 14 623 et 14 624.
413 Cote 14 691.
414 Cote 4 496.
415 Cote 14 707.
416 V. audition de Materne, cote 14 707.
417 Cotes 4 491 et 4492.
418 Cote 4 491.
419 Cote 14, dossier 14/0055 AC.
420 Cote 15, dossier 14/0055 AC.
421 Cote 14 653.
422 Dossier 14/0055 AC, cote 22.
423 Cote 7 203.
424 Cote 15 450 de la NG.
425 Cote 15 451 de la NG.
426 Cote 15 451 de la NG.
427 Cote 15 451 de la NG.
428 Cote 15 450 de la NG.
429 Cote 355, dossier n° 14/0055AC.
430 Cote 356, dossier n° 14/0055AC.
431 Cote 1 775.
432 Cote 9 826.
433 Cote 14 733.
434 Cote 16 821.
435 Cote 14 734.
436 Cf. procès-verbal de l'audition, cotes 14 731 et 14733.
437 Cotes 14 728 et 14737.
438 Cotes 1 671 à 1 690.
439 Cotes 1 667 et 1668.
440 Cotes 1 691 et 1692.
441 Cote 7 203.
442 Cote 1 636.
443 Dossier 14/0055 AC, cote 390.
444 Cote 14 710.
445 Dossier 14/0055 AC, cote 13.
446 Dossier 14/0055 AC, cote 20.
447 Dossier 14/0055 AC, cote 371, traduction cote 373.
448 Dossier 14/0055 AC, cote 216, traduction cote 218.
449 Cotes 14 710.
450 Cote 14 655.
451 Cote 7 414.
452 Cote 15 407.
453 Cote 15 430.
454 Dossier 14/0055AC, cotes 7 et 8.
455 Cotes 1 738, 1 739 et 1741.
456 Cote 9 914.
457 Cote 9 915.
458 Cote 9 913.
459 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 avril 2002, SA Bloc Matériaux e.a, BOCCRF du 24 juin 2002.
460 V. notamment sur ce point : arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Knauf Gips KG / Commission, T-52/03, point 201 ; décision n° 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques.
461 V. notamment sur ce point : arrêts du Tribunal du 11 mars 1999,Thyssen Stahl AG / Commission, T-141/94, point 269 ; 16 juin 2011, Bavaria NV / Commission, T-235/07, point 71 et décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express, paragraphe 768.
462 V. notamment sur ce point : arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JEE Engineering Corp., T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, point 203.
463 V. paragraphe 99 de la notification des griefs.
464 Cote 4 482.
465 Cotes 15 430 et 4 668 à 4 670.
466 Cote 4 488 à 4490, 4 492, 14708, 14733 et dossier 14/0055 AC, cotes 14, 15 et 203.
467 Cote 4 671.
468 Cote 14 653.
469 Cote 1 636.
470 Cote 7 203.
471 Cotes 15 433, 15435, 15443, 15 447 et 15 457.
472 Dossier 14/0055 AC, cote 453.
473 Arrêt du Tribunal du 9 décembre 2014, Alfa Acciai / Commission, T-85/10, § 192 ; voir aussi arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105/04P, Rec. p. I-8725, points 94 et 95, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 17 mai 2013, MRI/Commission, T-154/09, non encore publié au Recueil, point 191.
474 Dossier 14/0055 AC, cote 33.
475 Dossier 14/0055 AC, cotes 435 à 439.
476 Dossier 14/0055 AC, cotes 440 à 444.
477 Dossier 14/0055 AC, cotes 708 à 821.
478 Cotes 10 859 à 10888.
479 Cote 16 415 (v. VNC 16 738).
480 Arrêt du Tribunal du 10 novembre 2017, Icap plc e.a, T-180/15.
481 Cotes 19537, 19549-19551 des Observations de Valade en réponse au Rapport.
482 Cote 18635 des Observations de Conserves France en réponse au Rapport.
483 Cote 16 046 (v. VNC 16 622).
484 Décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires, paragraphes 454 à 467.
485 Cour de cassation du 8 novembre 2016, n° 955 FS-D, p. 25 et 26.
486 CJUE, 6 décembre 2012, Commission européenne / Verhuizingen Coppens NV, C-441/11 P, paragraphe 75.
487 Décision n° 07-D-48 du Conseil du18 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international, paragraphes 178 et s., confirmée par les arrêts de la cour d'appel de Paris du 25 février 2009, société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations SAS, et de la Cour de cassation du 7 avril 2010.
488 Décision n° 15-D-03 du 11 mars 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais, paragraphe 203.
489 Arrêt de la Cour de justice Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 145.
490 Arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec.p. II-1711, point 232, du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, point 98, du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141/89, Rec. p. II-791, points 85 et 86, et du 20 mars 2002, T-21/99, Dansk Rorindustri/Commission, Rec. 2002, p.II-1681, points 41 à 56).
491 Arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2000, Sarrio SA, C-291/98 P, point 50.
492 Arrêt de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rorindustri e.a./Commission, C-189/02P, EU:C:2005:408, point 145.
493 Arrêt de Tribunal du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo Kabushiki Kaisha e.a./Commission, T-83/08, EU:T:2012:48, point 53.
494 Arrêt de la Cour de justice, 26 janvier 2017, Villeroy & Boch -Belgium / Commission, C-642/13, point 55.
495 Arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C 293/13 P et C 294/13 P, EU:C:2015:416, point 157.
496 Cotes 4 826, 4 840, 10 824, 5232, 4 871, 7197 à 7 200 (v. VNC 15 3324 à 15 327), 4894, 4 903 et 4 904 (v. VNC 15 134).
497 Cotes 14 729 et 14706.
498 Cotes 1 636, 1 637 et 7203.
499 Dossier 14/0055 AC, cotes 16 et 487.
500 Cote 16 327 (v. VNC 16 949)
501 Cotes 4 482 et 4483.
502 Cote 15 162.
503 Cote 12.
504 Cote 14 729.
505 Cotes 16 335 et 16336.
506 Cote 14 653.
507 Cote 16 403 (v. VNC 16 726).
508 Cote 10 654.
509 Cotes 16 519 et 16520.
510 Cote 16 407 (v. VNC 16 730) ; cote 19707 (observations en réponse au rapport).
511 Cote 4 871.
512 Dossier 14/0055 AC, cote 967.
513 Cote 10 433
514 Dossier 14/0055AC, cotes 14 et 15 et dossier 15/0060F, cote 13.
515 Cote 14 653.
516 Cote 13.
517 Cote 10 441.
518 Cote 7 432.
519 Cote 7 387.
520 Cotes 14 691 et 14769.
521Dossier 14/0055AC, cote 22.
522 Cote 10 438.
523 Cote 10 456.
524 Cotes 56 à 61.
525 Cotes 10 859 à 10888.
526 Cote 14 939
527 Cote 10 574.
528 Cotes 4 491 et 4492.
529 Cote 14 993.
530 Arrêt de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, points 60 et 61, et arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisatione.a., n° 2011/01228, page 19.
531 Arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas e.a., n° 01-17896 et 02-10066et arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., n° 2008/01095, page 5.
532 Cotes 362, 1696, 2497, 2501, 2605 et 2606 (v. VNC 6 483), 7238, etc.
533 Cotes 18 108 à 18 110 (profil linkedIn de Paolo Sgorbati).
534 Cote 9 826.
535 Cote 2 605.
536 Cotes 16 952 à 16958.
537 Arrêt de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, points 60 et 61, et arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, page 19.
538 Cour de cassation, chambre commerciale, 18 octobre 2017, n° 1265.
539 Cote 15 145.
540 Cote 16 954.
541 Cote 15 160.
542 Cote 18 124.
543 Cote 10 785 (v. VNC 10 753).
544 Cote 14 563.
545 Cotes 13 258, 14561, 14564, 14 588 et 19 279.
546 V. les décisions n° 16-D-14 du 23 juin 2016 relative à des pratiques mises en œuvre edans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment et n° 16-D-17 du 21 juillet 2016 relative à des pratiques mises en œuvre edans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide
547 Décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en œuvre edans le secteur du porc charcutier, paragraphe 328.
548 Décision n° 15-D-08 du 5 mai 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille, paragraphes 325 et suivants.
549 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2017, société Laïta e.a, 2015/08224, points 224 à 226.
550 Cote 1 636.
551 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2017, société Laïta e.a, 2015/08224, points 224 et 225.
552 V. les Arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e.a. et de la cour d'appel de Paris 17 septembre 2008, Coopérative agricole L'Ardéchoise.
553 V. notamment l'arrêt de la cour d'appel de Paris 8 octobre 2008, SNEF.
554 Arrêts de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France et du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, p. 89.
555 Arrêt de la Cour de cassation 7 avril 2010, Orange.
556 V. par ex. arrêts de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, précité, et du 26 janvier 2012, précité
557 V. en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma.
558 Cotes 9 972 (v. VNC 18 254, MDD 2010), 9 973 (v. VNC 18 255, MDD 2011), 9945 (v. VNC 18 252, MDD 2012), 9940 (v. VNC 18 251, MDD 2013), 9 950 (v. VNC 18 253, MDD 2014), 4 486 (2010 RHF), 1743 (2011 RHF). V. aussi les cotes 64 et 65 du dossier 14/0055AC, estimations à partir des chiffres de marché d'IRI et de Nielsen de ventes au détail pour les années 2010 - 2012, cf. cote 4 du dossier 14/0055AC.
559 Communiqué sanction, point 41.
560 Mémoire en réponse de Materne, p. 82.
561 Cote 19 266.
562 Source : XERFI, La fabrication de confitures et de conserves de fruits, février 2016.
563 Cote 19 580.
564 V. la décision n° 10-DCC-158 du 22 novembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de neuf sociétés du groupe Van de Woestyne par le groupe Les MaîtresLaitiers du Cotentin, paragraphe 54.
565 Cf. § 477 et suivants des observations au Rapport de Charles Faraud, p.95-96 de celles de Materne.
566 Cote 2 598.
567 Cote 7 370.
568 Cotes 19 585 et 19791.
569 Cote 18 441.
570 Cote 19 581.
571 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2017, société Laïta e.a, 2015/08224, point 263.
572 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2017, RG n° 15/08224, points 260 et 261.
573 Cote 7 370.
574 Les entreprises mises en cause réfèrent à ce segment de marché sous l'appellation " baby ". Voir, par exemple, le paragraphe 644 ci-dessus.
575 Cote 18 646.
576 Cotes 19 412 à 19413.
577 Décision n° 15-D-08, du 5 mai 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille, paragraphe 54.
578 Décision n° 10-DCC-158, du 22 novembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de neuf sociétés du groupe Van de Woestyne par le groupe Les Maîtres Laitiers du Cotentin, paragraphe 35.
579 Ainsi, Coroos est d'abord entrée en 2003 sur les coupelles, puis en 2008 sur les gourdes, initialement en privilégiant le bas de gamme du segment MDD (cote 4 du dossier 14/0055AC).
580 Voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma.
581 Cf. également les analyses graphiques de Délis sur ce point (cotes 19 422 à 19 424).
582 Cote 18 647.
583 Cf. cotes 19 422 19 330, 20 144 et 20 237.
584 Associée à une comparaison transversale pour l'étude d'Andros.
585 Cf. les déclarations du demandeur de clémence, cotes 5 et 6 du dossier 14/0055 AC.
586 Cf. paragraphes 284, 287, 338, 340 de la Notification de griefs.
587 V. sur ce point l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2017 précité, point 314 : " certaines des données de prix analysées par plusieurs études économiques produites par les requérantes ne sont pas pertinentes pour apprécier le dommage causé à l'économie. En particulier, les sociétés Senagral, Laïta et LSM analysent leurs propres prix de vente sans référence aux prix pratiqués par leurs concurrents mis en cause ou sur l'ensemble du marché affecté. Or, le dommage causé à l'économie par une pratique anticoncurrentielle s'apprécie de façon globale. C'est ainsi, par exemple, que les prix de la société Senagral ne peuvent être considérés comme représentatifs des prix pratiqués sur l'ensemble du marché puisque cette entreprise n'en représente que 30 % ".
588 V. par exemple le paragraphe 20 de la notification des griefs, cote 15395 et le paragraphe 197, cote 15 443.
589 Cote 14 993.
590 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 32, et décision n° 07-D-50 du Conseil du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets, points 730 et 769, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club e.a., n° 2008/00255, pp. 20 et 21.
591 Arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T-50/00, Rec. p. II-2395, point 291, et du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26/02, Rec. p. II-713, point 113.
592 V. en ce sens arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 2004, Colas Midi-Méditerranée e.a. n° 0215203.
593 CJCE, Musique Diffusion Française/Commission, précité, points 119 à 121, CJCE, 26 juin 2006, Showa Denko/Commission, aff. C-289/04 P, Rec. p. I-5859, points 16 et 17 et CJUE, 4 septembre 2014, YKK Corporation, C-408/12, point 86.
594 Arrêt de la cour d'appel de Paris, 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a. précité, p. 71, et du 30 janvier 2014, Société Colgate-Palmolive Service, précité, p. 41.
595 Arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme du 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics/Italie (Req. n° 43509/08, point 41).
596 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Séphora e.a, n° 12-14401.
597 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 juillet 2019, société Janssen-Cilag S.A.S e.a, n° 18/01945, points 581 et suivants.
598 Arrêts de la Cour de cassation du 14 mars 1997, Spie Batignolles e.a. n° 94-15133, et du 18 février 2004, OCP Répartition e.a. n° 02-11754.
599 Arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236/01, T-239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, Rec. p. II-1181, point 301, et du15 mars 2006, BASF/Commission, T-15/02, Rec. p. II-497, points 354 et 374 à 376
600 Arrêts du Tribunal du 12 décembre 2012, Novacke chemické zavody a.s, T-352/09, points 67 et suivants et 14 mai 2014, Donau Chemie AG, T-406/09, points 102 et suivants.
601 Point 285 du rapport.
602 Cote 17.
603 Point 225 de la notification des griefs.
604 Arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2017, société Graham & Brown e.a, 16-17226.
605 Arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, société nouvelle des couleurs zinciques SA, T-52/02, point 91.
606 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 juillet 2018, société Chronopost e.a, 16/01270, point 867.
607 Cotes 21 864 à 21899.
608 Avis de clémence n° 15-AC-01 du 15 juillet 2015 concernant les sociétés des sociétés Stichting Administratiekantoor OKB et Coroos International BV et l'ensemble de leurs filiales.