Livv
Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 17 décembre 2019, n° 16-09673

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Vedia (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseiller :

M. Garet

Avocat :

Me Ghidini

TGI Vannes, du 29 nov. 2016

29 novembre 2016

Après avoir exercé une activité d'agent commercial d'abord sous une forme individuelle, M. X a continué cette activité à compter de 2005 par l'interposition de la SARL Vedia dont il est le gérant.

Depuis janvier 2000, il est mandaté par la société Aterno pour proposer et vendre en son nom des installations de chauffage de sa fabrication sur le Sud Finistère, le Morbihan, la Loire-Atlantique, l'Ille-et-Vilaine, la Mayenne, la Vendée.

Au mois de novembre 2002, M. X a conclu avec M. Y un contrat de sous-agence, qui a fait l'objet d'un avenant en mars 2003 et a été repris par la société Vedia à compter du 1er décembre 2005 ; ce contrat était à durée indéterminée.

Aux termes de ce contrat, étaient remis à M. Y une documentation technique et du matériel de démonstration, tandis que sa formation était assurée.

De mars à juillet 2014, M. Y a été en arrêt de travail, puis il a repris ses activités pour les interrompre brutalement sans préavis au mois de novembre 2014.

Le 27 novembre 2014, M. Y a adressé à la SARL Vedia un courrier mettant en cause ses méthodes commerciales, qu'il qualifiait de mensongères et l'informant de la rupture du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs du mandant, en lui réclamant une indemnité de rupture de 204 000 euros.

En substance, il a expliqué avoir découvert par hasard que le matériel de démonstration lui ayant été remis ne correspondait pas aux produits vendus, étant plus puissant ; la société Vedia a indiqué que tous ses agents commerciaux savaient qu'ils étaient dotés d'un radiateur de démonstration montant très vite en puissance, pour pouvoir montrer au client le mécanisme de restitution de chaleur dans un temps restreint et il n'aurait jamais été question de faire croire aux clients que le matériel acquis monterait aussi vite en puissance.

La SARL Vedia a ainsi contesté tant les allégations de M. Y que sa demande.

Par acte du 2 mars 2015, M. Y a assigné la société Vedia aux fins de voir constater la résiliation à ses torts exclusifs du contrat d'agent commercial et de la voir condamner à lui payer la somme de 204 000 euros à titre d'indemnité de rupture outre des frais irrépétibles.

La société Vedia s'est portée reconventionnellement demanderesse d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de désorganisation et d'image.

Par jugement du 29 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Vannes a :

. débouté M. Y de ses demandes,

· condamné M. Y à payer à la SARL Vedia avec intérêts légaux à compter du jugement sans capitalisation :la somme de 18 000 euros à titre d'indemnité de préavis,

la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice de désorganisation et d'image,

. condamné M. Y au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

· débouté la société Vedia du solde de ses demandes,

· dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

· condamné M. Y aux dépens avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Appelant de ce jugement, M. Y, par conclusions du 25 juin 2018, a demandé que la cour :

. infirme le jugement déféré,

· dise que la résiliation du contrat d'agent commercial liant M. Y à la société Vedia est au torts exclusifs de la société Vedia,

· déboute la société Vedia de toutes ses demandes,

· la condamne à lui payer :

la somme de 144 000 euros à titre d'indemnité compensatrice,

celle de 60 000 euros à titre d'indemnité spécifique,

la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

. la condamne aux dépens.

Par conclusions du 6 février 2019, la SARL Vedia a demandé que la cour :

. confirme le jugement déféré,

· condamne M. Y au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

· le condamne aux dépens avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

En vertu des dispositions de l'article L. 134-4 du Code de commerce, les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties et les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.

Le sous-contrat d'agent commercial conclu entre M. Y et la société Vedia était relatif à la vente de radiateurs électriques de la société Aterno, dont l'un des principaux arguments de vente est que ses radiateurs, après avoir été allumés pendant un certain temps, peuvent ensuite être éteints et restituer la chaleur accumulée durant la période précédente, sans pour autant continuer à consommer de l'énergie.

L'argumentaire de vente, versé aux débats par M. Y, évoque tout à la fois le confort produit par les radiateurs et les économies d'énergie qui résulteront de leur usage.

Chaque agent commercial dispose d'un radiateur de démonstration qu'il emmène chez les clients potentiels, la vente se faisant lors de démarchage à domicile.

Alors que le contrat d'agent commercial conclu entre les parties a été signé en 2002, M. Y a adressé le 27 novembre 2014 à la société Vedia un courrier recommandé dans lequel il lui exposait avoir découvert fortuitement que le radiateur électronique de démonstration mis à sa disposition n'était pas d'une puissance de 800 Watts comme son format et l'argumentaire de vente le laissait croire, mais de 2000 Watts.

M. Y en déduisait que depuis environ treize années, il trompait les clients potentiels en leur faisant une démonstration avec un radiateur chauffant beaucoup plus vite et restituant beaucoup plus de chaleur que le " vrai " radiateur de 800 Watts, se rendant complice d'une tromperie qu'il qualifiait de " manifeste escroquerie ", à laquelle il ne voulait plus participer.

Il imputait donc la rupture à la société Vedia et lui réclamait les indemnités prévues par les dispositions des articles L. 134-12 et suivants du Code de commerce.

A l'appui de ses conclusions, M. Y a versé aux débats l'argumentaire de vente lui ayant été remis en 2003 (il est indiqué " prix valables jusqu'au 23 septembre 2003 "), qui est un pas à pas présentant les arguments de vente devant être déclinés par l'agent commercial une fois chez le client. Il est incontestable que le radiateur de démonstration doit être présenté comme un radiateur de 800 Watts (et comparé aux radiateurs de puissance plus élevée).

Pour autant, la société Vedia conteste être l'auteur de ce document, qui ne porte pas son cachet, et l'attestation produite par l'appelant démontre qu'il lui avait été remis par le directeur commercial de la société Aterno, à l'occasion d'une formation. Cette attestation précise que ce document n'avait pas vocation à être remis aux agents commerciaux mais était utilisé lors de présentations orales.

La société Vedia reconnaît que le radiateur de démonstration, quoique du format d'un radiateur de 800 Watts est en fait d'une puissance de 2000 W et elle explique ce fait par la nécessité de préserver un petit format pour être facilement transportable, en la combinant avec une puissance certaine pour que la démonstration ne prenne pas trop de temps et que le radiateur puisse rapidement accumuler et restituer de la chaleur.

Huit anciens ou actuels agents commerciaux de la société Vedia et/ou de la société Aterno ont rédigé des attestations pour témoigner avoir toujours été informés lors des réunions d'information que le radiateur de démonstration avait une puissance de 2000 W. Aucun ne précise si le client devait en être informé.

Le mandat d'agent commercial a duré pendant treize années, et l'importance des commissions perçues par M. Y (plus de 70 000 euros par an) témoigne de l'importance de ses ventes. Pour autant, il n'a pas versé aux débats un seul témoignage d'un client qui, après achat et usage de radiateurs Aterno auprès de lui, aurait été insatisfait de son achat et aurait eu le sentiment d'avoir été trompé sur les qualités promises de ce matériel.

Dès lors, la seule production d'un argumentaire de vente antérieur de plus de douze années à la rupture, qui a nécessairement été modifié depuis, dont la société Vedia n'est pas l'auteur, et le développement d'allégations qui sont contestées par les témoignages versés aux débats sont insuffisants à démontrer que la société Vedia ait volontairement incité ses agents commerciaux à tromper les clients potentiels de la société Aterno sur les qualités essentielles des matériels qu'ils souhaitaient acquérir.

Il en résulte que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable à M. Y et que par application des dispositions contractuelles ainsi que de celles de l'article L. 134-13 2°, aucune indemnité de rupture n'est due par la société Vedia.

En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté M. Y de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle de la société Vedia :

Le contrat conclu entre les parties ne pouvait être résilié, aux termes de son article 4, qu'avec un préavis de trois mois qui n'a pas été respecté par M. Y

En conséquence, M. Y est condamné à lui payer la somme de 18 000 euros correspondant à trois mois de commissions au regard du montant perçu en 2013.

En revanche, le préavis ayant pour objet de pallier la désorganisation induite par la rupture du contrat, aucun préjudice complémentaire ne peut être invoqué de ce chef.

De la même façon, il n'apparaît pas que M. Y ait publiquement dénigré la société Vedia qui n'a donc pas souffert d'un préjudice d'image.

Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné l'appelant au paiement d'une indemnité de 1 500 euros pour préjudice de désorganisation et d'image à la société Vedia.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. Y, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et paiera à la société Vedia la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. Y à payer à la société Vedia la somme de 1 500 euros au titre d'un préjudice de désorganisation et d'image. Statuant à nouveau : Déboute la société Vedia de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de désorganisation et d'image. Confirme pour le solde le jugement déféré. Déboute les parties du surplus de leurs demandes. Condamne l'appelant aux dépens avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.