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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 20 décembre 2018, n° 16-21417

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Grand Prix Direct (SARL)

Défendeur :

Oreca (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, Soudry

T. com. Paris, du 22 sept. 2016

22 septembre 2016

Rappel des faits et de la procédure

La société Grand prix direct est spécialisée dans la commercialisation et la promotion de produits de merchandising. Elle gère des boutiques-stands ponctuelles associées aux événements de sport mécaniques, notamment " Les 24 heures du Mans ".

La société Oreca est spécialisée notamment dans la vente de pièces et accessoires destinés au sport automobile.

Au mois de juin 2012, la société Oreca a fait appel à la société Grand prix direct en vue de la commercialisation de produits " Toyota " à l'occasion des " 24 heures du Mans " dans un stand dédié. Les parties se sont accordées sur un contrat de " dépôt-vente ". La facturation établie par la société Oreca à l'issue de l'événement, s'est faite sur le constat des articles vendus et par l'application d'un taux de " remise " de 50 % sur le prix de vente public de chacun des articles.

Pour les " 24 heures du Mans " 2013, la société Grand prix direct est une nouvelle fois intervenue à la demande de la société Oreca en vue la commercialisation de produits " Toyota ".

La société Oreca a émis cinq factures pour un montant total de 52 000,55 euros :

- une facture n° 465068 du 28 mai 2013 d'un montant de 5 848,87 euros faisant état d'un taux de " remise " de 33 %,

- une facture n° 480911 du 30 juillet 2013 d'un montant de 6 591,14 euros faisant état d'un taux de " remise " de 35 %,

- une facture n° 480926 du 30 juillet 2013 d'un montant de 29 957,10 euros faisant état d'un taux de " remise " de 35 %,

- une facture n° 484110 du 14 août 2013 d'un montant de 6 591,14 euros faisant état d'un taux de " remise " de 35 %,

- une facture n° 524929 du 31 janvier 2014 d'un montant de 9 194,09 euros faisant état d'un taux de " remise " de 37 %.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 mai 2014, la société Oreca a mis en demeure la société Grand prix direct de lui payer la somme de 13 864,26 euros au titre du solde impayé de ces factures.

Cette mise en demeure étant restée vaine, la société Oreca a déposé une requête en injonction de payer devant le président du tribunal de commerce de Paris.

Par ordonnance du 24 juin 2014, le président du tribunal de commerce de Paris a condamné la société Grand prix direct à régler à la société Oreca une somme en principal de 13 864,26 euros avec intérêts au taux légal, une somme de 80 euros à titre d'indemnité forfaitaire, une somme de 750 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 22 septembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit recevable mais mal fondée l'opposition formée par la société Grand prix direct,

En conséquence,

- condamné la société Grand prix direct à payer à la société Oreca la somme de 12 033,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2014,

- condamné la société Grand prix direct à payer à la société Oreca la somme de 600 euros au titre de la clause pénale contractuelle,

- condamné la société Grand prix direct à payer à la société Oreca la somme de 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,

- condamné la société Grand prix direct à verser à la société Oreca la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Grand prix direct aux dépens.

La société Grand prix direct a interjeté appel à l'encontre de cette décision le 26 octobre 2016.

Selon avis du greffe daté du 29 novembre 2016, elle a fait signifier sa déclaration d'appel à l'intimée, non constituée, par exploit du 22 décembre 2016 remis à personne.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses conclusions du 25 janvier 2017 signifiées à l'intimée par exploit du 20 février 2017, la société Grand prix direct demande à la cour, au visa des articles " 2104 " (en réalité 1240 comme indiqué dans le corps des conclusions) et suivants du Code civil et de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 22 septembre 2016,

Statuant à nouveau,

- dire que la société Grand prix direct n'est redevable d'aucune somme à la société Oreca,

- débouter la société Oreca de l'intégralité de ses demandes formulées en première instance,

- condamner la société Oreca au paiement de la somme de 26 279,41 euros à titre d'indemnisation suite aux actes de concurrence déloyale qui lui sont imputables,

En toutes hypothèses,

- condamner la société Oreca au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Oreca aux entiers dépens de l'instance,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société Grand prix direct fait valoir que la demande en paiement de la société Oreca n'est pas fondée puisque cette dernière, en modifiant sans préavis les conditions tarifaires précédemment consenties, est à l'origine d'une rupture partielle des relations commerciales de sorte qu'il ne lui reste dû aucune somme. Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, l'appelante invoque la concurrence déloyale de la société Oreca qui aurait adopté un comportement parasitaire en mettant en place à compter de 2014 un stand " Toyota " à l'occasion des " 24 heures du Mans " identique à celui qu'elle a créé. Elle demande en conséquence l'indemnisation du préjudice subi à concurrence de l'ensemble des frais suscités par l'opération des " 24 heures du Mans " 2013.

La société Oreca n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mai 2018.

Motifs :

Sur la demande en paiement de la société Oreca

Considérant que la société Grand prix direct fonde sa demande d'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Oreca la somme de 12 033,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2014 sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; qu'il convient de déduire de sa demande à être déchargée du paiement de la somme réclamée par la société Oreca au titre du solde des factures comme une demande d'indemnisation à due concurrence au titre du préjudice résultant de la rupture partielle des relations commerciales qu'elle impute à la société Oreca ;

Considérant que l'article précité dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;

Considérant que la relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel ; que le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial ;

Considérant que si l'existence d'un échange permanent et continu entre les parties n'est pas une condition nécessaire pour caractériser le caractère " établi " de la relation, il n'en demeure pas moins que la relation doit été nouée pour une certaine durée ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que les relations des parties se sont nouées autour de deux opérations ponctuelles de quelques jours (cinq jours en 2012 et sept jours en 2013) à l'occasion des " 24 heures du Mans " ; que dès lors, la relation ne saurait remplir la condition requise pour l'application de l'article susvisé ;

Considérant qu'en ce qui concerne la demande en paiement de la société Oreca, la société Grand prix direct ne conteste pas avoir reçu les marchandises facturées au titre du contrat de " dépôt-vente " conclu en 2013 ni les avoir vendues au prix public indiqué sur les factures litigieuses ; qu'elle doit donc restituer à la société Oreca les montants reçus en paiement de ces marchandises déduction faite de sa commission ; que la société Grand prix direct conteste le pourcentage appliqué à ce titre par la société Oreca arguant qu'il avait été convenu que la " remise de 50 % " effectuée en 2012 serait reconduite en 2013 ; que toutefois les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir un tel accord des parties ; qu'en outre, il sera relevé que la société Grand prix direct n'a pas objecté à l'application de taux de " remise " inférieurs à 50 % à la réception des factures en date de 28 mai, 30 juillet, 14 août 2013 et 31 janvier 2014 ; qu'elle s'est contentée de solliciter une remise supplémantaire à sa cocontractante ainsi qu'il ressort d'un courriel du 23 août 2013 produit aux débats ; que dans ces conditions, la demande en paiement de la société Oreca est justifiée ;

Considérant qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Grand prix direct à payer à la société Oreca la somme de 12 033,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2014 ;

Considérant qu'au soutien de sa demande de réformation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Oreca la somme de 600 euros au titre de la clause pénale contractuelle et la somme de 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, la société Grand prix direct n'invoque aucun moyen ; que dans ces conditions, le jugement sera également confirmé de ces chefs ;

Sur la concurrence déloyale de la société Oreca

Considérant que l'article L. 121-1 du Code de la consommation prévoit que les pratiques commerciales déloyales sont interdites ; qu'une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ;

Considérant qu'au titre des pratiques déloyales peut être sanctionné le parasitisme qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété ; qu'un tel comportement est constitutif d'une faute susceptible de réparation sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil ;

Considérant qu'eu égard à la nécessité de préserver la liberté du commerce et le libre jeu de la concurrence, l'appréciation de la notion du parasitisme doit être restrictive ; qu'en outre, le parasitisme suppose une spécificité du savoir-faire ;

Considérant que la société Grand prix direct n'allègue ni ne justifie d'aucun savoir-faire particulier dans la mise en œuvre de son stand " Toyota " ni d'aucun investissement particulier pour créer un concept singulier et échoue donc à rapporter la preuve que la société Oreca se serait appropriée son savoir-faire et ses investissements, sans bourse déliée, en mettant en place, à compter de 2014, un stand " Toyota " à l'occasion des " 24 heures du Mans ".

Considérant qu'en conséquence, la faute invoquée à l'encontre de la société Oreca n'est pas établie ; que la société Grand prix direct sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Grand prix direct succombe à l'instance; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Oreca une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ; qu'en outre, il convient de la condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel et de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Sur la demande d'exécution provisoire

Considérant que la présente décision n'étant pas susceptible de recours suspensif d'exécution, la demande d'exécution provisoire apparaît sans objet ;

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 septembre 2016 en ce qu'il a condamné la société Grand prix direct à payer à la société Oreca la somme de 12 033,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2014, la somme de 600 euros au titre de la clause pénale contractuelle, la somme de 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la société Grand prix direct de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ; Déboute la société Grand prix direct de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Grand prix direct aux dépens de l'instance d'appel ; Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande d'exécution provisoire.