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Décisions

ADLC, 23 novembre 2018, n° 18-A-14

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Avis

relatif au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires

ADLC n° 18-A-14

23 novembre 2018

L'Autorité de la concurrence (commission permanente),

I. Introduction

1. Par lettre enregistrée le 2 novembre 2018, l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") a été saisie par le ministre de l'économie et des finances, sur le fondement de l'article L. 462-2 du code de commerce, de la demande d'examen d'un projet d'ordonnance relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires.

2. Ce projet d'ordonnance a été pris en application de l'habilitation prévue à l'article 15 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, ci-après loi " Egalim " qui dispose que " I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de quatre mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi et ressortissant au code de commerce nécessaire pour prévoir sur une durée de deux ans : 1° D'affecter le prix d'achat effectif défini au deuxième alinéa de l'article L. 442-2 du code de commerce d'un coefficient égal à 1,1 pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, revendus en l'état au consommateur ; 2° D'encadrer en valeur et en volume les opérations promotionnelles financées par le distributeur ou le fournisseur portant sur la vente au consommateur de denrées alimentaires et de produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, et de définir les sanctions administratives permettant d'assurer l'effectivité de ces dispositions. II. - Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance prévue au I ".

3. Il prévoit principalement l'entrée en vigueur de deux dispositifs (articles 2 et 3 du projet d'ordonnance) :

- le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (ci-après SRP) pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie revendus en l'état aux consommateurs, d'une part ;

- l'encadrement des promotions en valeur (34 %) et en volume (25 %) pour les mêmes produits alimentaires, d'autre part.

4. La majoration du seuil de revente à perte et la limitation des avantages promotionnels en valeur s'appliqueront dès le 1er janvier 2019.

5. L'encadrement des promotions en volume des produits de marque nationale est d'application immédiate aux conventions en cours pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production ainsi que les produits MDD (article 6 du projet d'ordonnance). Il entrera en vigueur à partir du 1er mars 2019, ou immédiatement pour les conventions en cours devant être conclues au plus tard à cette date.

6. Un mécanisme de sanctions est attaché au respect des dispositions susvisées. Ainsi, le non-respect du relèvement du SRP renvoie-t-il aux dispositions existantes sur l'interdiction de la revente à perte(1). Les manquements à l'encadrement des promotions quant à eux sont sanctionnés par des amendes administratives (article 3 V du projet d'ordonnance).

7. Ces deux mesures s'appliqueront exclusivement à la métropole et ce, pour une durée expérimentale de 2 ans. L'article 4 du projet d'ordonnance dispose qu'avant le 1er octobre 2020, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport d'évaluation sur les effets des mesures précitées. À cette fin, les acteurs économiques de la filière alimentaire adresseront au Gouvernement les éléments d'analyse permettant d'apprécier la pertinence des dispositions susvisées.

8. Le 5 octobre 2018, des sénateurs ont déféré au Conseil constitutionnel la loi Egalim, sur le fondement de l'article 61 de la Constitution, critiquant la procédure d'adoption de son article 1er, certaines dispositions de ses articles 8 et 28, son article 82 et la procédure d'adoption de certaines dispositions de son article 83. Le Conseil constitutionnel a rendu le 25 octobre 2018 une décision d'inconstitutionnalité partielle sans soulever d'office aucune autre question de conformité, et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité de l'article 15.

II. Contexte institutionnel et juridique

A. LES ÉTATS GÉNÉRAUX DE L'ALIMENTATION ET LA LOI EGALIM

9. La demande d'avis s'inscrit dans la continuité et dans le contexte des États Généraux de l'Alimentation (ci-après " EGA "), tenus durant le deuxième semestre de l'année 2017. Cet événement a permis une concertation entre les différents acteurs des filières agro- alimentaires (producteurs, industriels, distributeurs, consommateurs), sous l'égide du Gouvernement.

10. La feuille de route de ces EGA visait à formuler un diagnostic sur la création de valeur dans les filières agro-alimentaires et sur les moyens d'en assurer l'équitable répartition, notamment pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail(2).

11. Les principales actions retenues consistent à établir des indicateurs de marché sur les coûts de production dans chaque filière, à renforcer l'organisation collective de l'amont agricole et enfin, à rénover les relations économiques entre les acteurs des filières agro-alimentaires.

12. S'agissant de l'établissement d'indicateurs de marchés et de coûts de production par filière, il a été proposé que les interprofessions s'engagent à élaborer, au travers de plans de filière, de nouveaux indicateurs de marchés et de coûts de production et que l'observatoire de la formation des prix et des marges puisse être sollicité pour appuyer ces démarches, sans se substituer pour autant aux interprofessions.

13. Quant au renforcement du secteur agricole, il a été proposé de consolider les organisations de producteurs (OP), en particulier pour inciter au regroupement de leurs adhérents dans les OP dites commerciales aux fins de commercialiser leurs produits (augmentation des seuils administratifs de reconnaissance, conditionnement des aides).

14. Enfin, la rénovation des relations commerciales entre les acteurs des filières agro-alimentaires était dévolue à l'atelier numéro 7 des EGA. Dans le cadre de cet atelier(3), présidé par M. Guy Canivet, premier président honoraire de la Cour de cassation et vice-président de l'Association des présidents des cours suprêmes judiciaires de l'Union européenne, les parties prenantes ont fait le constat du climat de tension générale régissant les relations commerciales dans le secteur agroalimentaire en ces termes : " sur le plan économique et structurel, les filières agricoles et alimentaires sont caractérisées par un secteur amont (production) très atomisé et par un secteur aval (distribution) très concentré, ce qui conduit à une répartition de la valeur défavorable au producteur, qui ne bénéficie pas, au sein de ces différentes filières, d'un pouvoir de négociation équilibré "(4).

15. Il ressort des travaux de cet atelier qu'en dépit d'une série de réformes législatives successives depuis trente ans, " le cycle des négociations commerciales est décrit chaque année par les fournisseurs comme plus tendu que l'année précédente "(5). La guerre des prix qui aurait été lancée par les distributeurs en 2013(6), à laquelle s'ajoute la conclusion depuis 2014 de plusieurs accords de coopération à l'achat entre distributeurs(7), contribuerait à alimenter les tensions. Face à cette situation, différents remèdes ont été suggérés.

16. Il a été proposé d'une part, de renverser le processus de contractualisation. Ainsi, les producteurs ou les organisations de producteurs élaboreront les contrats en prenant appui sur leurs coûts de production effectifs. Les contrats écrits comporteront obligatoirement des clauses sur les volumes, la durée, les critères de détermination du prix à partir d'indicateurs de coûts de production et de marchés. La renégociation des contrats sera facilitée, afin de mieux prendre en compte les variations du cours des matières premières, et le recours à la médiation sera renforcé.

17. D'autre part, il a été décidé de lutter contre les prix de cession abusivement bas, notamment en redéfinissant les contours de cette notion juridique, mais également de simplifier le titre IV du livre IV du code de commerce(8), relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées. Deux ordonnances devraient prochainement être prises par le Gouvernement en ce sens.

18. Les deux mesures particulières, prévues par le présent projet d'ordonnance, qui consistent à encadrer " en valeur " et " en volume " les avantages promotionnels accordés aux consommateurs sur les produits alimentaires et à relever le seuil de revente des produits alimentaires visent à permettre une meilleure répartition des coûts des produits alimentaires.

19. La loi Egalim du 2 octobre 2018 a adopté cet ensemble de mesures dont la combinaison est susceptible de produire des effets bénéfiques sur les négociations et les relations commerciales.

20. Les deux dispositifs analysés dans le présent avis s'inscrivent donc dans un ensemble de mesures prises dans le cadre des EGA qui, combinées les unes aux autres, poursuivent le même dessein, à savoir, assurer " une meilleure répartition de la valeur créée par les filières agricoles et agroalimentaires entre tous les acteurs de la chaîne de production ".

B. LE RELÈVEMENT DU SRP

21. La première mesure s'appuie sur le dispositif législatif existant prohibant la pratique de revente à perte, lequel définit le seuil en dessous duquel la revente en l'état d'un produit est illégale.

1. LA REMISE EN CAUSE RÉGULIÈRE DE L'INTERDICTION DE LA REVENTE À PERTE

22. La revente à perte est considérée comme une pratique restrictive de concurrence sanctionnée pénalement par l'article L. 442-2 du code de commerce, qui punit " le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif " de 75 000 euros d'amende. Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix d'achat effectif. La cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 121-3 du code de la consommation. Cette interdiction, instituée par l'article 1er de la loi de finances rectificative du 2 juillet 1963, vise à protéger d'une part, le petit commerce, afin d'empêcher que les distributeurs fixent des prix extrêmement bas sur des produits d'appel, d'autre part, le fournisseur, car en revendant un produit à perte, le distributeur peut nuire à son image de marque(9).

23. Ce dispositif est sujet à discussion tant au regard de son efficacité(10) que de sa conformité avec le droit de l'Union européenne. En effet, à deux reprises, la Cour de justice a censuré l'interdiction générale de la revente à perte aux motifs que " la directive sur les pratiques commerciales déloyales doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit une interdiction générale d'offrir à la vente ou de vendre des biens à perte, pour autant que cette disposition poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs "(11). Si l'emplacement de l'article L. 442-2 dans le code de commerce dans la partie consacrée aux pratiques restrictives de concurrence atteste que cette interdiction a été mise en place pour protéger le commerce, il n'en reste pas moins que ce texte a une portée consumériste dès lors qu'il est censé protéger les consommateurs contre la technique potentiellement trompeuse du prix d'appel.

2. LA DÉTERMINATION DU SRP AU FIL DES RÉFORMES LÉGISLATIVES

24. Redéfini par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, dite " loi Galland ", le seuil de revente à perte a eu un double impact économique négatif, en augmentant les prix de revente des produits de grande consommation et en tendant à aligner les prix pratiqués entre la distribution traditionnelle et la grande distribution(12).

25. À ce sujet, le Conseil puis l'Autorité de la concurrence ont, dans le cadre de plusieurs avis(13) et décisions contentieuses(14), souligné les effets pervers du développement des marges arrières issu de la loi Galland et de la fixation du SRP à un niveau artificiellement élevé. Ainsi, le Conseil a-t-il considéré que " [La loi Galland] a ainsi favorisé l'augmentation des marges arrière des distributeurs, aux dépens de leurs marges avant(15). L'augmentation des seuils de revente à perte obtenue par les producteurs en contrepartie de marges arrière élevées leur a permis d'inciter les distributeurs à aligner leurs prix de vente finals sur le seuil de revente à perte, supprimant dans une large mesure la concurrence intra marque. L'uniformisation du prix de vente final a facilité la collusion tacite entre producteurs, affectant la concurrence inter marques " (point 55, avis n° 07-A-12).

26. Afin de contrer ces effets négatifs, et de prendre en compte des préconisations du Conseil puis de l'Autorité de la concurrence, le seuil de revente à perte a fait l'objet de plusieurs réformes(16). La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des PME, puis la circulaire dite Dutreil du 8 décembre 2005 relative aux relations commerciales sont venues inciter les acteurs à transférer les marges arrière vers les marges avant, afin de faire bénéficier le consommateur de la négociation à l'arrière. La circulaire précitée a défini le SRP comme le prix facturé " minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit, et excédant un seuil de 20 % à compter du 1er janvier 2006, puis de 15 % à compter du 1er janvier 2007 ". La loi du 2 août 2005 n'ayant toutefois pas mis fin à la préférence des acteurs pour une négociation sur les marges arrière plutôt que sur l'avant, ce constat a conduit à une nouvelle réforme avec la loi du 3 janvier 2008 (dite " loi Chatel ") pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Désormais, le SRP inclut dans son mode de calcul non seulement " le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat " mais aussi " l'intégralité des autres avantages financiers consentis par le vendeur ". Le SRP est donc dit " trois fois net ", dès lors que le prix d'achat effectif est net des réductions de prix figurant sur la facture d'achat, des ristournes hors facture et de la rémunération de la coopération commerciale. Il se rapproche donc du prix réellement payé par le distributeur. Il est à noter que ce seuil n'intègre pas les nouveaux instruments promotionnels (ci-après les " NIP ")(17) (quatre fois net) ni dans la plupart des cas les avantages perçus au titre des alliances internationales à l'achat(18) (cinq fois net).

3. LES ATTENTES ET LES GARANTIES SOLLICITÉES PAR LES PARTICIPANTS À L'ATELIER 7 DES EGA CONCERNANT LE RELÈVEMENT DU SEUIL DE REVENTE À PERTE

27. Les conclusions de l'atelier 7 des EGA faisaient état de " la guerre des prix " sur les produits des marques nationales qui, selon certains participants, conduiraient, à revendre ces produits à des prix inférieurs à leur coût total, les coûts de distribution n'étant actuellement pas inclus dans le SRP. " Les petits producteurs subissent, par répercussion, les conséquences des marges plus élevées appliquées par les distributeurs à leurs produits. De plus, les promotions pratiquées sur les produits de grande marque détournent le consommateur des produits des marques locales / régionales A l'inverse, les distributeurs appliqueraient des marges élevées sur les produits des petits producteurs, détournant ainsi les consommateurs des marques locales ou régionales "(19).

28. Si la mesure du relèvement du SRP a recueilli l'accord de la majorité des participants de l'atelier 7, l'UFC Que choisir, la FEEF et Leclerc s'y sont opposés aux motifs de son effet " inflationniste " pour les consommateurs et de sa complexité de mise en œuvre, et ont davantage défendu les autres mesures, parmi lesquelles le schéma global de contractualisation(20). Plusieurs distributeurs concurrents de Leclerc, sollicités dans le cadre du présent avis, ont d'ailleurs confirmé leur opposition ou fortes réserves à ces mesures(21). C'est la raison pour laquelle les participants ont conditionné la mise en œuvre de ce dispositif à " l'évaluation préalable de son impact sur les prix à la consommation que les partisans du SRP se sont engagés à fournir et dont l'analyse serait confirmée par un organisme indépendant [et] de son impact sur les prix pratiqués par le commerce électronique ".

29. À l'inverse, l'étude d'impact relative au projet d'ordonnance a estimé que la majoration du SRP " est justifiée par les acteurs de la grande distribution par la nécessité de contribuer à l'effort généralisé de rétablissement du niveau de marge moyen requis par l'équilibre financier des enseignes, phénomène appelé " péréquation " entre les produits "(22).

C. L'ENCADREMENT DES PROMOTIONS

1. LE CONSTAT PAR LES ACTEURS D'UN ACCROISSEMENT DE L'UTILISATION DES OUTILS PROMOTIONNELS

30. Les acteurs soulignent que les promotions en grandes et moyennes surfaces (GMS) ont pris une ampleur croissante ces dernières années. Ainsi, en huit ans, le taux de remise moyen serait passé de 18 % à près de 34 %(23) (cf. partie IV). En 2016, 28 % des promotions proposées auraient affiché un taux de remise supérieur à 40 %(24). Si les promotions constituent un levier de croissance à la disposition des distributeurs qui bénéficie aux consommateurs via des prix plus attractifs, certains participants aux EGA ont toutefois fait valoir leur inquiétude face à cette intensification des promotions, qui pourrait être, selon eux, une source de complexité pour les consommateurs quant à la perception des prix et susciter des comportements d'achats décorrélés de leurs besoins, conduisant au gaspillage alimentaire.

- la clause de renégociation, dont l'activation sera désormais liée non seulement à la volatilité des produits agricoles et alimentaires mais aussi à celle des coûts de l'énergie et qui devra aboutir à une renégociation rapide, et sera à défaut renvoyée à la médiation des relations commerciales agricoles. Afin d'assurer une plus grande transparence et de responsabiliser les différents acteurs, les contrats de revente des produits agricoles ou alimentaires par les acheteurs devront prendre en compte les indicateurs prévus dans le contrat entre le producteur et l'acheteur. Enfin, l'effectivité du dispositif de la médiation des relations commerciales agricoles a été renforcée pour faciliter la résolution des litiges dans ce nouveau cadre. La durée de la médiation est limitée à un mois et les pouvoirs du médiateur sont étendus : il pourra rendre publiques ses recommandations sur les clauses des contrats qu'il estime présenter un caractère abusif ou manifestement déséquilibré.

2. LES POSSIBILITÉS ACTUELLES D'ENCADREMENT DES PROMOTIONS

31. Le code de commerce ne prévoit pas de disposition encadrant de façon générale les pratiques promotionnelles, qui sont libres, à l'exception de deux dispositions spécifiques applicables aux produits alimentaires périssables.

32. Le premier dispositif existant, relatif à l'encadrement des NIP, est prévu à l'article L. 441-7 du code de commerce alinéa 9 : " pour les produits agricoles mentionnés à l'article L. 441-2-1, le lait et les produits laitiers, ces avantages ne peuvent dépasser 30 % de la valeur du barème des prix unitaires, frais de gestion compris ".

33. Le second dispositif concerne l'encadrement des promotions par arrêtés lorsque celles-ci sont susceptibles de désorganiser le marché. Il figure à l'article L. 441-2 alinéa 3 qui dispose que " lorsque de telles opérations promotionnelles sont susceptibles par leur ampleur ou leur fréquence de désorganiser les marchés, un arrêté interministériel ou, à défaut, préfectoral fixe, pour les produits concernés, la périodicité et la durée de telles opérations ".

34. En application de cet article, trois arrêtés ont été pris concernant la viande de porc fraîche en 2015 (10 juin), 2016 (28 juillet) et 2017 (27 novembre). Applicables pour une durée d'un an, ces arrêtés limitaient la période au cours de laquelle une opération promotionnelle(25) pouvait se réaliser(26).

35. Les deux dispositions précitées ont servi de base de travail aux participants à l'atelier 7 pour envisager un encadrement des promotions.

3. LES ATTENTES ET LES GARANTIES SOLLICITÉES PAR LES PARTICIPANTS À L'ATELIER 7 DES EGA CONCERNANT L'ENCADREMENT DES PROMOTIONS

36. Le projet d'ordonnance prévoit dans son article 3 alinéa 1 que " I. - Les dispositions du présent article s'appliquent, par dérogation au neuvième alinéa de l'article L. 441-7 du code de commerce et sans préjudice du deuxième alinéa de l'article L. 441-2 du même code, aux avantages promotionnels, de toute nature, immédiats ou différés, portant sur la vente au consommateur de denrées alimentaires et de produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie ".

37. Il s'ensuit que pendant la période expérimentale de deux ans d'application de l'ordonnance, la disposition concernant une limitation à 30 % des NIP ne s'appliquera pas pour les produits agricoles mentionnés à l'article L. 441-2-1, le lait et les produits laitiers, car désormais pour toutes les denrées alimentaires, y compris celles destinées à l'alimentation des animaux de compagnie, tous les avantages promotionnels, et non seulement les NIP, sont encadrés en valeur (34% du prix de vente) et en volume (25 % du chiffre d'affaires prévisionnel ou volumes prévisionnels ou encore, des engagements de volume).

38. Quant à la faculté de prendre des arrêtés pour encadrer la périodicité des opérations promotionnelles sur des produits alimentaires périssables susceptibles de désorganiser les marchés, celle-ci reste a priori ouverte. Cette possibilité devra respecter non seulement la limitation en volume(27) mais également celle en valeur(28), ce que ne prévoyaient pas les arrêtés précédemment cités concernant la viande de porc fraîche.

39. Selon certains acteurs, cette nouvelle disposition pourrait fragiliser des filières qui vendent massivement leur production en promotion. Ainsi, lors des concertations menées par la DGCCRF, comme lors des auditions menées dans le cadre du présent avis, les interprofessions agricoles ont exprimé leur souhait d'introduction d'une exemption ou d'un dispositif particulier pour certaines filières, notamment la filière viandes.

40. Le relèvement du seuil de revente à perte est analysé en partie III et l'encadrement des promotions en partie IV.

III. Analyse du relèvement du seuil de revente à perte

A. PRÉSENTATION DES JUSTIFICATIONS AVANCÉES PAR LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES EN SA FAVEUR

41. L'article L. 442-2 du code de commerce interdit la revente d'un produit en l'état, c'est-à-dire n'ayant subi aucune transformation, à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, c'est-à-dire au prix " triple net " (cf. point 26 supra). Dans la suite de cet avis, on désignera par " marge triple net " d'un distributeur la différence entre le prix de vente au consommateur et le prix d'achat effectif ou prix triple net.

42. L'article 2 du projet d'ordonnance prévoit d'affecter ce seuil de revente à perte d'un facteur 1,1 pour les produits alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie. Ainsi, le distributeur commercialisant ces produits ne pourra réaliser une marge triple net inférieure à 10 % de son prix d'achat effectif. Selon la Fédération du Commerce et de la Distribution (ci-après la " FCD ") environ 20 % du chiffre d'affaires des distributeurs serait réalisé sur des produits dont la marge triple net est inférieure à 10 %(29) (selon les distributeurs ayant répondu à cette question, cette proportion serait comprise entre 5 et 20% de leur chiffre d'affaires sur les produits alimentaires et destinés à l'alimentation des animaux de compagnie).

43. Selon le Ministère de l'économie et des finances " la majoration du seuil de revente à perte doit permettre d'assurer des conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs "(30) et de " rééquilibrer les relations commerciales entre les acteurs du secteur " (ces acteurs sont présentés à la Figure 1 ci-dessous), et ce à travers deux mécanismes :

i. D'une part, via un mécanisme de " péréquation " au niveau des distributeurs. En effet, selon le Gouvernement, la mesure contraindrait les distributeurs à augmenter leur marge unitaire sur les produits actuellement commercialisés avec une marge triple net inférieure à 10 % (ci-après les " produits directement concernés "). Ils pourraient alors accepter une marge unitaire plus faible sur les autres produits (ci-après les " produits non directement concernés ") et ainsi concéder un prix d'achat plus élevé aux fournisseurs de ces produits non directement concernés par la mesure(31). Ces fournisseurs non directement concernés pourraient ensuite eux-mêmes consentir un prix d'achat des produits agricoles plus élevé.

ii. D'autre part, via un mécanisme de " report de la consommation " : les prix de vente de certains produits directement concernés augmentant, les consommateurs seraient susceptibles d'augmenter leurs achats des produits non directement concernés mais substituables, ce qui engendrerait une augmentation du chiffre d'affaires des fournisseurs de ces produits non directement concernés. À nouveau, les fournisseurs de ces produits non directement concernés pourraient alors consentir une hausse de leurs prix d'achat de produits agricoles.

44. Ces deux mécanismes sont donc censés entraîner un double transfert de valeur au sein des filières agro-alimentaires, constituées de plusieurs acteurs, tout au long de la chaîne de valeur (voir figure 1) : des fournisseurs des produits directement concernés vers les fournisseurs de produits non directement concernés ; puis, des fournisseurs non directement concernés vers les agriculteurs, dont les EGA avaient pour objectif d'améliorer la situation. Dans ce cadre, les producteurs agricoles, situés en amont de la chaîne de valeur, bénéficieraient doublement de la mesure à la fois via ce transfert de la part des fournisseurs non directement concernés et en tant que fournisseurs non directement concernés. La section suivante aborde les caractéristiques de ces deux catégories de fournisseurs. La section C analyse le mécanisme de péréquation et la section D le mécanisme de report de consommation. Les effets additionnels du relèvement du SRP sur la concurrence entre fournisseurs et entre distributeurs sont décrits en section E.

Figure 1 : Présentation des différents acteurs du secteur

[GRAPHIQUE]

Nota : Les flèches symbolisent le transfert de revenus entre les acteurs, i.e. un paiement en contrepartie de la livraison d'un produit.

B. SUR LES FOURNISSEURS DIRECTEMENT ET INDIRECTEMENT IMPACTÉS

45. Les deux mécanismes de péréquation et de report de consommation décrits supra opèrent un transfert de valeur des fournisseurs des produits directement concernés vers les fournisseurs des produits non directement concernés. Cependant, la distinction ainsi opérée entre deux types de fournisseurs, ceux qui pâtissent du dispositif et ceux qui en seraient bénéficiaires, ne recoupe pas nécessairement la distinction entre des fournisseurs à même de supporter ce transfert de revenus et ceux pour lesquels ce transfert de revenus est souhaité par le Gouvernement. En effet, premièrement, ces deux types de fournisseurs peuvent, pour une certaine part d'entre eux, être les mêmes : certains fournisseurs peuvent produire à la fois des produits directement concernés et des produits non directement concernés. Deuxièmement, il est peu probable que le groupe des fournisseurs directement concernés ne comprenne que des fournisseurs dont on pourrait estimer que leur activité ne pâtirait pas du transfert de valeur décrit supra. Réciproquement, il est très peu probable que le groupe des fournisseurs non directement concernés ne comprenne que des fournisseurs plus fragiles qui devraient d'après le Gouvernement bénéficier d'un meilleur partage de la valeur. En particulier, le Gouvernement n'étaye pas le fait que les producteurs agricoles feraient partie des fournisseurs non directement concernés par la mesure, i.e., des bénéficiaires de cette mesure.

46. Les sections suivantes analysent de façon plus approfondie qui sont les fournisseurs directement concernés et non directement concernés, d'abord de façon théorique (1) puis de façon empirique (2), en accordant une attention particulière au cas des producteurs agricoles (3).

1. ANALYSE THÉORIQUE DES CARACTÉRISTIQUES DES FOURNISSEURS DIRECTEMENT IMPACTÉS

47. D'un point de vue théorique, la marge limitée réalisée par un distributeur lors de la revente d'un produit peut découler de plusieurs facteurs. Elle peut certes résulter d'un pouvoir de négociation élevé des fournisseurs, leur permettant de fixer un prix de gros relativement élevé et donc de capter une large partie de la marge totale réalisée sur ce produit, obligeant ensuite le distributeur à limiter sa propre marge lors de la revente. Mais elle peut également résulter d'une forte élasticité-prix de la demande des consommateurs pour ce produit, signe par exemple d'une forte concurrence entre fournisseurs et/ou entre distributeurs pour la vente de ce bien, si bien que fournisseurs et distributeurs sont contraints de pratiquer des prix proches des coûts.

48. Selon l'importance de ces différents facteurs, les fournisseurs des produits directement concernés peuvent être de différents types. Le produit directement concerné peut ainsi être celui d'une marque nationale à forte renommée, peu substituable de ce fait avec d'autres produits et qui procure à son fournisseur un fort pouvoir de négociation vis-à-vis du distributeur. De tels produits, dont le prix d'achat auprès du fabricant est alors relativement élevé, peuvent constituer des produits d'appel revendus par les distributeurs à faible marge. Ils constituent des produits dont l'élasticité-prix de la demande globale, i.e., s'adressant à l'ensemble des distributeurs est faible, mais présentant une forte élasticité-prix de la demande(32) au niveau d'un unique distributeur, ce qui empêche ce dernier de réaliser une marge élevée. Selon les distributeurs interrogés, certaines boissons alcoolisées ou non(33), pourraient faire partie de ces produits. A l'inverse, un fournisseur d'un produit fortement substituable avec d'autres produits de la même famille ne bénéficiera pas nécessairement d'un fort pouvoir de négociation auprès des distributeurs et le prix de gros de ce produit sera donc faible. Si l'élasticité-prix de la demande du produit est également forte, le distributeur se contentera alors d'une marge relativement faible(34). Cela pourrait ainsi être le cas de certains produits de marques premier prix (cf. points 52 à 53). Ces deux effets sont résumés dans le Tableau 1 ci-dessous.

49. Ainsi, parmi les fournisseurs de produits directement concernés et qui pourraient donc pâtir du dispositif, pourraient se trouver des fournisseurs disposant d'un pouvoir de marché faible et/ou commercialisant des produits vis-à-vis desquels l'élasticité de la demande est élevée, que le Gouvernement souhaiterait probablement protéger au travers de cette mesure. Inversement, des fabricants disposant d'un certain pouvoir de négociation, mais dont les produits sont moins cruciaux pour la concurrence entre les distributeurs et seront donc commercialisés avec une marge triple net supérieure à 10 %, peuvent figurer parmi les fabricants des produits non directement concernés par le relèvement du SRP et, selon les mécanismes décrits par le Gouvernement, bénéficieront de cette mesure.

Tableau 1 : Synthèse du rôle de l'élasticité de la demande s'adressant au distributeur au prix du produit et du pouvoir de négociation du fournisseur du produit par rapport au distributeur dans la probabilité que le produit concerné soit vendu par le distributeur avec une marge triple net inférieure à 10 %.

[TABLEAU](35)

2. ÉLÉMENTS DESCRIPTIFS SUR LES FOURNISSEURS DIRECTEMENT IMPACTÉS ET LES FOURNISSEURS NON DIRECTEMENT IMPACTÉS

50. Les éléments fournis par les distributeurs en réponse au questionnaire de l'Autorité ainsi que les auditions de témoins lors de la séance devant le Collège, s'ils ne constituent pas nécessairement un échantillon représentatif, permettent de mieux identifier quelques-unes des caractéristiques des fournisseurs directement concernés par le dispositif et étayent la pertinence de l'analyse théorique exposée ci-avant.

51. L'étude économique produite par l'enseigne Leclerc ainsi que les réponses aux questionnaires des distributeurs non hard-discounter tendent ainsi à indiquer que les marques nationales ou marques de fournisseurs (ci-après " MDF ") seraient plus que proportionnellement présentes(36) parmi les produits directement concernés (elles représenteraient [80 - 90] % du chiffre d'affaires des produits directement concernés d'ITM(37) contre [70 - 80] % du chiffre d'affaires des produits non directement concernés, et 83,4 % de celui de Leclerc(38)). Ainsi, les dix fournisseurs les plus impactés par la mesure chez ITM représentent [50 - 60] % du chiffre d'affaires des produits directement concernés et sont de grandes entreprises multinationales(39). Compte-tenu de la profondeur de gamme de ces fournisseurs, il est cependant très probable qu'ils vendent également des produits non directement concernés. Les chiffres de Leclerc suggèrent également que ce constat peut varier fortement selon les distributeurs. Ainsi, les dix principaux fournisseurs de Leclerc, qui représentent 46,8 % du chiffre d'affaires alimentaire sur la période, ne représentent que 20% du chiffre d'affaires des produits directement concernés(40). À noter que pour ces produits, le dispositif aura plus vraisemblablement pour effet d'augmenter les prix (cf. note de bas de page 71 infra) et sera donc susceptible d'avoir davantage d'impact pour ces fournisseurs que pour les fournisseurs de marques nationales.

52. A l'inverse, les marques de distributeur (ci-après "MDD ") seraient proportionnellement moins représentées parmi les produits directement concernés (elles représenteraient [5 - 10] % du chiffre d'affaires des produits directement concernés d'ITM contre [20 - 30] % du chiffre d'affaires des produits non directement concernés(41)). Néanmoins une partie d'entre elles seraient directement concernée par la mesure. En revanche, les marques premier prix (ci-après " MPP ") sont susceptibles d'être proportionnellement plus touchées que les marques MDD, cette proportion pouvant être très importante chez certains distributeurs : la part du chiffre d'affaires des marques premier prix qui serait directement concernées par la mesure serait de [0 - 5] % chez certains distributeurs mais atteindrait [40 - 50] % chez d'autres(42). Or, selon la FEEF, deux tiers du chiffre d'affaires en MDD des distributeurs seraient réalisés sur des produits fabriqués par des PME et TPE françaises(43). En outre, si certains les hard-discounters sont a priori plus faiblement impactés par la mesure (car ils commercialisent peu de produits avec une marge triple net inférieure à 10 %), leurs fournisseurs directement concernés seraient principalement des PME(44).

53. En définitive, selon les premiers éléments empiriques à disposition de l'Autorité, les fournisseurs de marques nationales seraient davantage présents dans la catégorie des fournisseurs directement concernés qui pourraient pâtir de la mesure. Cependant, parmi ces fournisseurs directement concernés figurent également des fournisseurs de marques de distributeurs et de marques premiers prix qui sont principalement des PME et TPE françaises. Enfin, étant donnée la profondeur de gamme des grands fournisseurs de la distribution à dominante alimentaire, il est probable qu'ils figurent également parmi les fournisseurs qui vont bénéficier du relèvement du SRP (i.e., fournisseurs non directement concernés).

3. LA SITUATION DES PRODUCTEURS AGRICOLES

54. Les données de l'observatoire des prix et des marges suggèrent que les produits agricoles non transformés (essentiellement des fruits et légumes) ainsi que les produits alimentaires frais faiblement transformés (lait, beurre, fromages, viande, poisson, pâtes) seraient vendus avec une marge moyenne triple net supérieure à 10 % : la marge brute moyenne des distributeurs sur le panier saisonnier de fruits était de 96 % en 2017, et celle sur le panier saisonnier de légumes était de 121 %(45) (voir également Figure 2 pour les produits alimentaires frais faiblement transformés suivis par l'observatoire des prix et des marges).

55. Ces éléments tendent donc à suggérer que les agriculteurs seraient des fournisseurs non directement concernés ou seraient notamment les fournisseurs d'industriels non directement concernés. Toutefois, les agriculteurs produisent également les matières premières d'autres produits alimentaires pour lesquels l'Autorité n'a pas connaissance des marges brutes des distributeurs. Ainsi, d'après l'ANIA, " l'industrie agroalimentaire transforme 70 % de notre agriculture et fait vivre de nombreuses exploitations " : l'impact de la mesure sur les producteurs agricoles ne peut s'apprécier uniquement au regard des effets de la mesure sur les produits frais non transformés, mais dépendra également très étroitement de la réaction des industriels, qu'ils soient des fournisseurs de produits directement concernés ou non.

Figure 2 : Marges brutes de la distribution en pourcentage du prix d'achat sur les produits alimentaires faiblement transformés suivis par l'observatoire des prix et des marges en 2017 (2016 pour les produits indiqués par *).

Sole* / 10%

Lieu noir* / 65%

Saumon fumé* / 23%

Pâtes alimentaires supérieures - paquet de 500 g / 35%

Poulet standard entier PAC* / 72%

Jambon cuit* / 71%

Longe de porc UVCM* / 111%

Viande hachée réfrigérée / 41%

Panier moyen de viande de vache / 43%

Fromage de chèvre type buche / 24%

Camembert "moyen" / 36%

Beurre plaquette "moyen" / 22%

Emmental / 53%

Yaourt nature "moyen" / 41%

Lait demi écrémé UHT / 28%

Source : Calculs de l'Autorité de la concurrence à partir des données de l'observatoire des prix et des marges.

4. CONCLUSION

56. Les éléments empiriques à la disposition de l'Autorité de la concurrence, s'ils ne permettent pas de dresser une comparaison précise des typologies des fournisseurs des produits directement concernés par la mesure de ceux des produits non directement concernés par la mesure, tendent à confirmer que les producteurs directement concernés par le dispositif seraient majoritairement des fournisseurs de marques nationales.

57. Ces mêmes éléments suggèrent également que les produits agricoles non transformés ou faiblement transformés seraient susceptibles de faire partie des produits non directement concernés par la mesure et donc favorisés par celle-ci, si les mécanismes avancés par le Gouvernement se vérifiaient (cf. Figure 2). Cependant, compte tenu de la largeur de gamme des principaux fournisseurs de produits de grande consommation, il est probable qu'une partie des produits non directement concernés soient commercialisés par les mêmes fournisseurs que les produits directement concernés.

58. Ainsi, à supposer que le relèvement du SRP induise bien un transfert de revenus d'une catégorie de fournisseurs à l'autre (cf. infra), il est possible, d'une part, qu'une partie de ce transfert bénéficie à des fournisseurs que le Gouvernement ne souhaitait pas protéger à travers ces mesures et, d'autre part, qu'il s'effectue, pour une certaine part, au détriment de fournisseurs disposant d'un faible pouvoir de négociation auprès des distributeurs (cf. Tableau 1). Quand bien même la mesure bénéficierait principalement à des fournisseurs dont le Gouvernement estime que leur positionnement vis-à-vis de la grande distribution doit être amélioré, le fait qu'elle bénéficie également à des fournisseurs plus importants ou qu'elle puisse léser d'autres fournisseurs peu puissants diminue l'effet net de la mesure alors que son coût pour les consommateurs demeurera, comme décrit infra, important.

59. L'existence de ces transferts et, le cas échéant leur ampleur, sont examinées dans les parties suivantes.

C. ANALYSE DU MÉCANISME DE PÉRÉQUATION AU NIVEAU DES DISTRIBUTEURS À LA SUITE DU RELÈVEMENT DU SRP

60. Selon le Ministère de l'économie et des finances, le relèvement du SRP permettrait de " contribuer à ce que le prix de chaque denrée et produit alimentaire concerné prenne mieux en compte ses coûts de distribution afin que ces coûts cessent d'être supportés par une partie seulement des produits, ce qui est le cas actuellement "(46). Par la suite, selon l'infographie disponible sur le site du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation et reproduite ci-dessous (Figure 3), l'augmentation de la marge unitaire réalisée sur les produits directement concernés par la mesure permettrait aux distributeurs de diminuer leur marge unitaire sur les produits non directement concernés par la mesure et de concéder ainsi une augmentation des prix d'achat aux fournisseurs ou producteurs de ces produits. La description de ce mécanisme de péréquation par le Gouvernement est synthétisée en Figure 4, tandis que l'analyse complète de ce mécanisme par l'Autorité est synthétisée en Figure 5.

Figure 3 : Illustration du mécanisme selon lequel le relèvement du SRP permettrait de " rééquilibrer les marges des distributeurs " et de " redonner du prix au travail des agriculteurs " selon le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation.

[GRAPHIQUE]

Source : Infographie du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation, mars 2018.

61. Ce mécanisme de péréquation repose sur plusieurs hypothèses :

o Premièrement, comme indiqué aux points 45 à 58 supra, il suppose que les fournisseurs des produits directement concernés par la mesure sont différents des fournisseurs que le Gouvernement souhaite protéger à travers ce dispositif ;

o Deuxièmement, le raisonnement présenté s'effectue à partir des taux de marges unitaires (par produit) et non à partir des résultats nets totaux des distributeurs. Il ne prend donc en compte ni les niveaux de prix(47), qui peuvent être différents selon les types de produits, ni les variations de volume(48) qui résulteraient d'une augmentation des prix des produits directement concernés. Une fois ces facteurs pris en compte, le profit du distributeur pourrait ne pas augmenter à la suite du relèvement du SRP : il pourrait donc n'y avoir aucun surplus à transférer entre les différentes catégories de fournisseurs (cf. partie 1 ci-dessous) ;

o Troisièmement, le raisonnement proposé par le Gouvernement n'explicite pas les mécanismes qui inciteraient les distributeurs à répercuter les bénéfices supplémentaires résultant du relèvement du SRP aux fournisseurs des produits non directement concernés (cf. partie 2 ci-dessous).

Figure 4 : Synthèse du mécanisme de péréquation selon le Gouvernement

[GRAPHIQUE]

Nota : Les flèches traduisent les transferts de profit (ou de surplus) entre les acteurs.

Note de lecture : La hausse des prix de vente de certains produits directement concernés entraînera un transfert de profit des consommateurs vers les distributeurs.

Figure 5 : Analyse du mécanisme de péréquation selon l'Autorité

[GRAPHIQUE]

Nota : Les flèches traduisent les transferts de profit (ou de surplus) entre les acteurs. Les éléments présentés en orange sont nouveaux par rapport à la Figure 4 et n'ont donc pas été pris en compte dans la présentation du Gouvernement du mécanisme de péréquation. Ce schéma ne tient pas compte des reports de consommation des produits directement concernés vers les produits non directement concernés qui sont analysés en Figure 6 et Figure 7.

Note de lecture : La hausse des prix de vente de certains produits directement concernés entraînera un transfert de profit des consommateurs vers les distributeurs. Ce transfert, pris en compte dans l'analyse du Gouvernement, est toutefois susceptible d'être d'une ampleur plus limitée du fait de la baisse de volume de consommation que la hausse des prix de vente de certains produits directement concernés génèrera.

1. LES EFFETS DU RELÈVEMENT DU SRP SUR LES DIFFÉRENTS ACTEURS DE LA CHAÎNE DE VALEUR (FOURNISSEURS, DISTRIBUTEURS, CONSOMMATEURS)

62. Un distributeur commercialisant un produit à un prix inférieur au nouveau SRP disposera de deux leviers pour se conformer au nouveau dispositif. Il pourra soit augmenter son prix de vente au consommateur, soit diminuer son prix d'achat triple net. Ces deux leviers sont examinés séparément ci-après, bien qu'en pratique ils puissent être utilisés de façon conjointe par les distributeurs, y compris pour un même produit (qui subira à la fois une hausse de son prix de revente et une diminution de prix d'achat triple net). L'importance respective de ces deux leviers dépendra de plusieurs paramètres, et notamment :

o de l'élasticité-prix de la demande des consommateurs sur le produit considéré et plus généralement de l'élasticité de la dépense totale des consommateurs dans le magasin au prix du produit considéré. Ainsi, si les produits directement concernés par la mesure sont des " produits d'appel ", i.e., des produits aux prix desquels les consommateurs sont particulièrement sensibles pour décider de leur magasin de consommation, les distributeurs tenteront d'éviter d'élever leurs prix de revente et chercheront d'abord à diminuer leurs prix d'achat ;

o des pouvoirs de négociation relatifs du distributeur et du fournisseur. Plus celui du distributeur est important, plus il pourra diminuer son prix d'achat. En revanche, le rôle du pouvoir de négociation du fournisseur est plus ambigu. Ainsi, si le pouvoir de négociation d'un fournisseur d'un produit directement concerné donné est particulièrement important, il pourrait refuser de baisser son prix de gros au distributeur (qui n'aurait donc d'autre choix, pour se conformer au relèvement du SRP, que d'élever ses prix de revente) car la baisse des ventes résultant de la hausse des prix serait particulièrement minime. Mais inversement, un fournisseur dépourvu de pouvoir de négociation ne dispose plus nécessairement de la marge lui permettant d'octroyer une baisse significative de son prix de gros tandis qu'un fournisseur disposant d'un certain pouvoir de marché pourrait accepter une diminution de son prix de gros pour éviter une hausse de son prix de revente et une diminution des quantités de produits vendues (cf. points 63 à 65) ;

o de l'existence de produits substituables au produit considéré (intensité de la concurrence en amont) : plus la concurrence en amont sera intense, plus l'élasticité-prix de la demande du produit sera forte et plus le distributeur voudra limiter la hausse de prix pour limiter la baisse de volume(49). Par ailleurs, plus la concurrence en amont sera forte, plus le pouvoir de négociation des fournisseurs sera faible, ce qui pourrait soit faciliter la baisse de prix à l'achat, soit la limiter si la concurrence entre fournisseurs est tellement intense qu'ils n'ont plus de marge de manœuvre pour absorber l'intégralité de la baisse de prix d'achat pour s'adapter au relèvement du SRP ;

o de la situation concurrentielle sur les marchés aval. Tous les distributeurs étant concernés par la mesure, potentiellement dans des proportions différentes, le comportement d'un distributeur sera influencé par les choix stratégiques opérés par ses concurrents. Ainsi un distributeur pourra soit s'aligner sur le comportement des autres distributeurs, soit essayer de se différencier d'eux, en fonction de leurs positionnements concurrentiels respectifs.

63. Dans l'éventualité où les distributeurs s'adapteraient au relèvement du SRP par une hausse de leurs prix de revente, les quantités vendues de ce produit diminueront vraisemblablement, l'ampleur de cette diminution dépendant toutefois de l'élasticité-prix de la demande des consommateurs pour ce produit. Ainsi, même si le prix d'achat auprès du fournisseur de ce produit reste inchangé, le chiffre d'affaires du fournisseur sur ce produit diminuera. Les consommateurs subiront quant à eux une hausse du prix des produits concernés. Enfin, l'effet pour le distributeur sera ambigu, la baisse des volumes pouvant être compensée ou pas par la hausse de sa marge unitaire et le report de la consommation vers d'autres produits dont il est également le revendeur (mécanisme " de report de la consommation " avancé par le ministère de l'économie et des finances en justification de cette mesure, cf. partie D ci-dessous).

64. Réciproquement, si le distributeur s'adapte au relèvement du SRP en diminuant son prix d'achat triple net d'un produit directement concerné sans modifier son prix de revente, les consommateurs ne seront pas impactés par la mesure pour ce produit et ne modifieront pas leur volume de consommation(50). La rentabilité du fournisseur de ce produit diminuera car sa marge unitaire baissera alors que son volume de vente restera constant. En revanche le distributeur percevra une marge unitaire plus importante sans modification de son volume de vente de ce produit : son chiffre d'affaires et sa rentabilité augmenteront sur ce produit.

65. En définitive, quelle que soit la configuration, le fournisseur directement concerné verra son profit diminuer, tandis que le consommateur verra au mieux sa situation inchangée (lorsque les prix de revente ne sont pas modifiés). Il est probable, dans ce contexte, que les fournisseurs des fournisseurs directement concernés (dont, le cas échéant, les producteurs agricoles) verront également leurs profits diminuer du fait des baisses de volume consécutives à la hausse des prix. Il convient de souligner que les fournisseurs des produits directement concernés, perdants quel que soit le levier d'adaptation utilisé par le distributeur pour se conformer au SRP, pourraient donc préférer diminuer le prix de vente aux distributeurs de leur produit de façon à préserver leurs volumes, ce qui pourrait contribuer à tendre les négociations commerciales à l'amont, notamment avec les fournisseurs de produits agricoles.

66. Enfin, et alors même qu'il constitue la condition de base de la péréquation mise en avant dans le raisonnement du Gouvernement, l'effet de la mesure sur le chiffre d'affaires des distributeurs(51) sur ces produits directement concernés apparaît ambigu : d'un côté, l'augmentation des marges peut effectivement conduire à une hausse du chiffre d'affaires réalisé sur ces produits, de l'autre, la réduction des quantités vendues résultant de la hausse des prix peut aboutir, en définitive, à une réduction du chiffre d'affaires et donc du résultat des distributeurs réalisé sur ces produits. Cet effet négatif de la mesure, notamment mis en avant par le groupe Leclerc dans son étude économique, doit cependant également tenir compte des possibles reports de consommation vers des produits substituables non directement concernés. L'impact sur la situation des différents acteurs dans ces deux configurations sont résumés dans le Tableau 2 ci-dessous.

Tableau 2 : Impact direct du relèvement du SRP sur les différents acteurs de la chaîne de valeur en fonction du levier d'adaptation au relèvement du SRP choisi par le distributeur/fournisseur

[TABLEAU]

67. Par ailleurs, à titre subsidiaire, il ne peut être exclu que le fournisseur et le distributeur puissent contourner le dispositif. Le fournisseur pourrait par exemple diminuer son prix triple net en échange d'une diminution de même ampleur des compensations qu'il accorde au distributeur dans le cadre des NIP ou d'une diminution équivalente des avantages commerciaux qu'il accorde à la centrale d'achat internationale à laquelle est rattachée le distributeur. Dans ce cas, le prix d'achat triple net serait diminué pour respecter le nouveau seuil de revente à perte mais le prix cinq fois net, qui est le montant effectivement perçu par le fournisseur pour la fourniture de ce produit, serait identique. Le relèvement du SRP n'aurait alors aucun impact direct sur le prix de vente auquel est vendu le produit hors promotion. Dans l'hypothèse où l'ajustement porte essentiellement sur l'enveloppe de NIP accordée par le fournisseur au distributeur, cela pourrait même avoir un effet direct sur le prix de vente auquel est vendu le produit en promotion au détriment des consommateurs.

68. En conclusion, le premier effet de la réforme sera de léser les fournisseurs des produits directement concernés par le relèvement du SRP ainsi que leurs consommateurs (à moins que les fournisseurs supportent seuls le relèvement du SRP en diminuant leurs prix de gros du montant nécessaire, ce qui est peu vraisemblable). Par ailleurs, alors que l'effectivité du mécanisme de péréquation repose sur les profits supplémentaires des distributeurs engendrés grâce au relèvement du seuil de revente à perte, ces bénéfices supplémentaires sont incertains.

2. SUR LES INCITATIONS DES DISTRIBUTEURS À RÉPERCUTER UNE ÉVENTUELLE HAUSSE DE LEURS PROFITS AUX FOURNISSEURS DES PRODUITS NON DIRECTEMENT CONCERNÉS

69. À supposer que le relèvement du SRP engendre une augmentation du profit des distributeurs (cf. point 66 et Tableau 2 supra), le mécanisme de péréquation suppose également que ceux-ci répercuteront ce gain aux fournisseurs des produits non directement concernés par la mesure et, le cas échéant, que ces fournisseurs répercutent ce gain en amont, aux agriculteurs. Cependant aucun élément du dossier, que ce soit dans la saisine du Gouvernement, dans les réponses des acteurs aux questionnaires de l'Autorité ou lors de la séance d'auditions devant le Collège, n'apporte d'éléments empiriques ou théoriques permettant d'étayer l'effectivité d'un tel comportement de la part des distributeurs puis des fournisseurs. Au contraire, les auditions et les réponses aux questionnaires ont révélé que la plupart des acteurs, et notamment la FNSEA, la confédération paysanne et la FEEF, qui représentent une partie des acteurs que le Gouvernement souhaite protéger à travers ces mesures, doutent de la concrétisation de ce transfert de valeur dont ils disent qu'il reposerait sur la seule " bonne volonté ", selon eux sujette à caution, de l'ensemble des distributeurs et des fournisseurs(52).

70. En premier lieu, selon les différents acteurs auditionnés par l'Autorité, le dispositif proposé et les autres mesures de la loi Egalim n'incorporent pas de mécanisme incitatif ou coercitif qui conduirait à un tel transfert de revenus des distributeurs vers les fournisseurs.

71. En deuxième lieu, il est difficile d'appréhender ex ante comment les gains supplémentaires réalisés par les distributeurs sur la vente de produits directement concernés par le relèvement du SRP modifieront les négociations des distributeurs avec les fournisseurs des autres produits, à supposer d'ailleurs qu'ils soient différents (voir point 45 supra). D'un côté, on peut supposer, par exemple, que si les dirigeants des distributeurs sont soumis à des objectifs de rentabilité globaux - notamment vis-à-vis de leurs actionnaires, le fait d'atteindre ces objectifs plus aisément grâce au relèvement du SRP leur permettra d'être moins exigeants auprès des fournisseurs des produits non directement concernés. De l'autre, il est également possible que les actionnaires de ces sociétés adaptent à la hausse leurs objectifs de rentabilité suite à la suite de la mise en place du relèvement du SRP. Par ailleurs, ce ne sont pas nécessairement les mêmes salariés qui négocient avec les fournisseurs des deux catégories de produits et qui sont responsables des résultats opérationnels lors de la revente des produits : le transfert de revenu d'une catégorie de fournisseurs à l'autre repose alors sur un effort de coordination entre ces différents agents ou une adaptation de leurs objectifs individuels de négociation. Les salariés en charge des négociations avec les fournisseurs concernés peuvent aussi appartenir à une structure différente de celle négociant avec les fournisseurs non concernés. Par exemple, cela peut être le cas de groupes ayant noué une alliance à l'achat avec un groupe concurrent, ou de groupes structurés entre des centrales d'achats nationales et régionales. Plus les négociations seront ainsi cloisonnées, moins il est probable que les négociations avec les fournisseurs non concernés soient modifiées.

72. En troisième lieu, plusieurs autres mécanismes peuvent aller à l'encontre de la répercussion attendue par le Gouvernement. Ainsi, la concomitance des négociations des contrats signés par les différents distributeurs avec les différents fournisseurs peut limiter la répercussion des gains éventuellement réalisés sur les produits directement concernés. En effet, lors de la négociation avec un fournisseur de produits non directement concerné, les négociations avec les fournisseurs de produits directement concernés ne sont pas achevées. L'ampleur des gains réalisés vis-à-vis des fournisseurs directement concernés est en effet inconnue au moment de cette négociation. Elle est d'autant plus incertaine qu'elle dépend également de l'arbitrage entre élévation des prix de revente et diminution des prix d'achat réalisé par les concurrents - or, ces arbitrages des concurrents ne sont pas connus au moment de négocier les conditions d'achat avec les fournisseurs. Enfin, l'augmentation du nombre de références sur lesquelles les distributeurs ne pourraient plus se livrer qu'une concurrence limitée pourrait les conduire à se livrer à une concurrence en prix plus agressive sur les produits non concernés : la hausse des prix sur les produits directement concernés ne se traduirait pas par une hausse des prix d'achat des autres produits mais par une diminution de leurs prix de revente et au mieux, par un maintien de leurs prix d'achat, voire une diminution.

73. En dernier lieu, à supposer que les profits supplémentaires réalisés par les distributeurs soient répercutés aux fournisseurs, cette répercussion ne sera pas nécessairement équitable, les fournisseurs disposant du plus grand pouvoir de négociation pouvant capter davantage les éventuels profits transférés que des fournisseurs plus fragiles, disposant d'un plus faible pouvoir de négociation vis-à-vis des distributeurs et captant donc une plus faible partie de la marge totale sur la vente des produits qu'ils fabriquent. À ce titre, la mesure, qui avait pour fondement la perspective d'offrir un meilleur revenu aux producteurs n'offre aucune garantie que l'éventuel transfert de revenu puisse bénéficier spécifiquement aux producteurs agricoles, et non à des fournisseurs de produits de marque nationale disposant d'un fort pouvoir de marché. En outre, de manière similaire, aucun mécanisme n'inciterait les fournisseurs qui bénéficieraient d'un tel transfert à le répercuter à leurs propres fournisseurs, dont les producteurs agricoles.

3. CONCLUSION SUR LE MÉCANISME DE " PÉRÉQUATION " AU NIVEAU DES DISTRIBUTEURS

74. De l'aveu même des acteurs interrogés par l'Autorité et en l'absence de mécanisme incitant ou contraignant les distributeurs puis les fournisseurs à transférer un éventuel gain de profit résultant du relèvement du SRP, ce transfert dépendra de la " bonne volonté " de l'ensemble de ces acteurs. En outre, de nombreux facteurs pourraient remettre en cause l'ampleur de ce gain et sa répercussion aux fournisseurs les plus fragiles face à la grande distribution. L'effectivité du mécanisme de " péréquation " par lequel le relèvement du SRP serait censé rééquilibrer les pouvoirs de négociation entre fournisseurs et distributeurs et ainsi améliorer la situation des fournisseurs puis des agriculteurs apparaît donc très incertaine.

D. AMPLEUR DE L'EFFET INFLATIONNISTE POUR LES CONSOMMATEURS ET EFFET REPORT DE CONSOMMATION VERS DES PRODUITS NON DIRECTEMENT CONCERNÉS EN RÉSULTANT

75. Le mécanisme de " report de consommation " décrit le transfert des dépenses des consommateurs des produits directement concernés par le relèvement du SRP et dont le prix de revente pourrait augmenter (" effet inflationniste direct " - cf. section 1 ci-dessous) vers les produits non directement concernés. L'existence et l'ampleur de cet effet de report, tout comme les gains qui en résulteront pour les fournisseurs concernés sont cependant très incertains (section 2 ci-dessous).

1. AMPLEUR DE L'EFFET INFLATIONNISTE DIRECT

76. Le relèvement du SRP risque de générer un effet inflationniste, résultant de la hausse des prix de vente aux consommateurs des produits directement concernés par la mesure. Cet effet inflationniste est par ailleurs indispensable à la réalisation du mécanisme de " report de consommation " par lequel cette mesure permettrait de rééquilibrer les relations commerciales entre les acteurs de la filière selon le Gouvernement.

77. Le Gouvernement et plusieurs acteurs du secteur ont proposé une estimation de cet effet inflationniste. Ces estimations, dont les résultats sont présentés dans le tableau 3 ci-dessous, ne tiennent compte que des effets directs du relèvement du SRP : elles font abstraction d'un éventuel report de consommation vers des produits non directement concernés substituables et des possibles modifications de prix des distributeurs résultant de ce report(53) (cf. partie 2 ci-dessous), des effets de la mesure sur la concurrence entre distributeurs ou entre fournisseurs (cf. partie E) et d'un éventuel contournement de la mesure par certains distributeurs (cf. point 67 supra), trois effets difficilement quantifiables sur la base des informations disponibles.

Tableau 3 : Estimation du surprix direct sur deux ans selon différents acteurs et hypothèses sous-jacentes

[TABLEAU] (notes 54, 55, 56, 57)

78. Mis à part l'estimation de Leclerc discutée au point 81 ci-dessous, la plupart de ces estimations adoptent une méthodologie similaire(58). Ces analyses diffèrent cependant dans leur estimation du périmètre des produits directement concernés et de l'ampleur de la hausse de prix qu'ils connaîtraient (cf. tableau 3). Par ailleurs, aucune de ces estimations ne précise si les chiffres d'affaires étudiés sont toutes taxes comprises ou hors taxe(59), ce qui signifie que l'effet inflationniste pourrait être de 5,5 % à 10 %(60) supérieur à ces estimations. Selon ces estimations, l'effet inflationniste varierait entre 0,8(61) et 2,2(62) milliards d'euros pour les deux années d'application de la mesure, soit entre 14 et 38 euros par an et par ménage(63).

79. L'Autorité a effectué des tests de sensibilité de l'estimation de cet effet inflationniste, en reprenant la méthodologie employée ci-dessus, mais en modifiant certaines hypothèses et en particulier, la part des produits directement concernés dans le chiffre d'affaires alimentaire des grandes surfaces alimentaires et la proportion des produits dont le prix augmenterait de 10 % à partir des chiffres fournis par les distributeurs en réponse au questionnaire de l'Autorité (cf. Tableau 4). Selon les hypothèses utilisées (et en ne considérant que les plus vraisemblables), et en utilisant les données de l'INSEE pour estimer le chiffre d'affaires des produits alimentaires (ce qui est contesté par certains acteurs, cf. note 54), l'Autorité estime que l'effet inflationniste pourrait varier de 0,6 à 4,5 milliards d'euros sur deux ans, soit 10 à 78 euros par an et par ménage.

80. Au contraire de l'estimation réalisée par Leclerc, ces différentes estimations ne tiennent cependant pas compte de la baisse de volume de consommation des produits dont le prix augmenterait, ce qui conduit à surestimer l'effet inflationniste(64).

58 L'effet inflationniste est calculé en multipliant la proportion des produits directement concernés du chiffre d'affaires en produits alimentaires sur les produits alimentaires (avec un périmètre des produits alimentaires qui peut être variable selon les estimations) par le pourcentage de hausse de prix qu'ils subiraient en moyenne (le calcul de cette hausse de prix pouvant également être variable selon les estimations).

59 S'agissant du calcul d'un effet inflationniste pour le consommateur, il est important de raisonner toutes taxes comprises. En effet, si le relèvement du SRP se traduisait par un gain de profit pour les distributeurs, l'État en récupèrerait une partie via les impôts.

31

Tableau 4 : sensibilités de l'estimation du surprix direct sur deux ans à différentes hypothèses de proportions des produits directement concernés ou de produits directement concernés dont le prix augmenterait de 10% (en millions d'euros)

[TABLEAU] (65)

Nota : Le chiffre d'affaires de référence utilisé est le chiffre d'affaires TTC sur les produits vendus en grandes surfaces alimentaires en 2017, soit 170,2 milliards d'euros(66).

* Selon les distributeurs ayant répondus à cette question, entre 5 et 20 % de leur chiffre d'affaires alimentaire serait directement concerné par la mesure.

81. L'étude d'Analysis Group pour Leclerc a évalué l'impact de ce projet de loi dans deux scenarii différents, en tenant compte de la variation de la demande directe résultant d'une augmentation des prix grâce à une estimation des élasticités aux prix pratiqués par Leclerc de la demande des consommateurs sur les produits affectés par la loi Egalim : la baisse de consommation résultant de l'augmentation des prix est probablement surestimée - l'effet inflationniste sous-estimé - car ces élasticités-prix sont calculées au niveau d'un seul distributeur et incluent donc le report entre distributeurs(67). L'effet est calculé pour le groupe Leclerc puis extrapolé à l'ensemble des distributeurs en supposant qu'ils sont affectés, ainsi que leurs fournisseurs et consommateurs, dans les mêmes proportions que le groupe Leclerc. Cette hypothèse conduit quant à elle à probablement surestimer l'effet inflationniste, Leclerc ayant vraisemblablement l'une des proportions les plus élevées de produits directement concernés par la mesure. Par ailleurs, ces estimations ont été effectuées à partir de données du troisième trimestre 2017, i.e., correspondant aux vacances d'été et à la rentrée scolaire, dont il est difficile d'apprécier la représentativité par rapport à l'ensemble d'une année d'activité.

82. Les deux scenarii étudiés sont les suivants :

o Un premier scenario dit " inflationniste pur " pour l'ensemble des produits affectés où il est supposé que le distributeur ne s'adaptera à la mesure que via une hausse de ses prix de vente(68), et ce pour l'ensemble des produits directement concernés. Ce scenario conduit à surestimer l'effet inflationniste car il ne tient pas compte du fait que les distributeurs pourraient s'adapter à la mesure en baissant au moins partiellement leurs prix d'achat. Dans ce scenario, l'effet inflationniste serait de 1,9 milliards d'euros sur deux ans(69), soit 33 euros par an et par ménage, et l'effet pour les distributeurs serait négatif (la hausse des prix est plus que compensée par une baisse des volumes). Il n'y aurait donc pas de gain des distributeurs à redistribuer aux fournisseurs.

o Un second scenario dans lequel les distributeurs ne seraient pas en mesure d'imposer une baisse de leur prix d'achat aux fournisseurs de MDF(70) mais pourraient le faire pour les fournisseurs de MDD(71) auprès desquels ils possèdent un plus grand pouvoir de négociation. Dans ce cas, l'effet inflationniste serait de 1,7 milliards d'euros sur deux ans, soit 29 euros par an et par ménage. De plus, l'effet sur les distributeurs serait également négatif. Il n'y aurait donc pas de gain des distributeurs à redistribuer aux fournisseurs.

83. Au-delà des incertitudes sur la solidité de ces prévisions qui intègrent nécessairement des hypothèses sur le comportement de très nombreux acteurs, on doit relever une certaine convergence en ce qui concerne l'ordre de grandeur de l'effet inflationniste attendu, qui pourrait apparaître limité si on raisonne en moyenne nationale, de l'ordre de quelques euros par mois et par ménage.

84. Toutefois, il faut relever qu'au-delà de l'effet inflationniste, le relèvement du SRP est susceptible de générer des effets anti-redistributifs, c'est-à-dire de toucher une part plus importante du revenu des ménages modestes que de celle du revenu des ménages plus aisés, les premiers consacrant une part plus importante de leur budget à l'alimentation que les seconds. Ainsi, selon l'enquête Budget des familles de 2011 de l'INSEE, les ménages du premier quintile de niveau de vie consacrent à l'alimentation 4,5 points de plus que les ménages du cinquième quintile(72).

2. ANALYSE DU MÉCANISME DE " REPORT DE CONSOMMATION " EN RÉACTION À L'EFFET INFLATIONNISTE

85. Le second mécanisme également avancé par le Gouvernement pour considérer que le relèvement du SRP permettra un transfert de profit des fournisseurs des produits directement concernés vers les fournisseurs des produits non directement concernés est un mécanisme de " report de consommation " : la hausse des prix des produits directement concernés décrite précédemment devrait entraîner un report de la demande des consommateurs vers d'autres produits non directement concernés et substituables. La présentation par le Gouvernement de ce mécanisme de report de consommation est synthétisée dans la Figure 6 ci-dessous, son analyse complète par l'Autorité est synthétisée dans la Figure 7.

86. L'ampleur de ce mécanisme de " report de consommation " dépend cependant de l'existence de produits non directement concernés suffisamment substituables aux produits dont le prix augmenterait. Tel ne sera pas nécessairement le cas pour toutes les familles de produits concernées (cf. points 45 à 58 ci-dessus). En particulier, si les produits directement concernés par la mesure constituent majoritairement des " produits d'appel " ou des produits très importants pour les consommateurs (que ce soit par rapport à la marque mais également au positionnement prix du produit s'il s'agit de MDD ou de MPP par exemple), ceux-ci pourront être réticents à y substituer d'autres produits. La mesure pourrait alors être contre-productive dans la mesure où la hausse de prix limite le budget des consommateurs disponible pour les autres produits. Les consommateurs pourraient également limiter les quantités achetées sans nécessairement reporter leur consommation vers d'autres produits alimentaires(73).

Figure 6 : Analyse du mécanisme de report de consommation selon le Gouvernement

[GRAPHIQUE]

Nota : Les flèches traduisent les transferts de profit (ou de surplus) entre les acteurs.

Note de lecture : La hausse des prix de vente de certains produits directement concernés entraînera un report de consommation vers les produits non directement concernés.

Figure 7 : Analyse du mécanisme de report de consommation selon l'Autorité

[GRAPHIQUE]

Nota : Les flèches traduisent les transferts de profit (ou de surplus) entre les acteurs. Les éléments présentés en orange sont nouveaux par rapport à la Figure 6 et n'ont donc pas été pris en compte dans la présentation du Gouvernement du mécanisme de report de consommation.

Note de lecture : La hausse des prix de vente de certains produits directement concernés entraînera un report de consommation vers les produits non directement concernés, ce qui est pris en compte par le Gouvernement. Cependant, cela suppose que les prix de vente des produits non directement concernés restent constants, baissent ou augmentent moins que ceux des produits directement concernés, ce qui est incertain. Cet élément n'a pas été pris en compte dans la présentation du mécanisme de report de consommation du Gouvernement.

87. Cependant, comme vu aux points 45 à 58 supra, les produits directement concernés ne sont pas nécessairement des produits d'appel. Il est également possible que même ces produits d'appel subissent la concurrence d'autres produits. L'importance du report vers des produits non directement concernés dépend néanmoins de la hausse des prix de revente qui aura été décidée par les distributeurs, qui est elle-même incertaine (cf. points 66 et s. supra).

88. De plus, le mécanisme de " report de consommation " suppose que les prix de vente des produits non directement concernés demeurent constants. Or, les distributeurs sont susceptibles de s'adapter à l'augmentation " forcée " des prix de revente des produits directement concernés en baissant ou en augmentant les prix des autres produits non directement concernés. Ainsi, si le report de la demande vers les produits non concernés par le relèvement du SRP est trop fort, les distributeurs pourraient accroître les prix des produits non directement concernés, surtout si la concurrence sur ces produits est moins forte que celle existant sur les produits directement concernés. Ils pourraient également accroître le prix des marques distributeur, proportionnellement moins concernées par la mesure par rapport aux marques nationales, pour maintenir l'écart tarifaire entre ces deux types de marques, le prix des produits de marque nationale pouvant être un prix de référence pour les consommateurs(74). A l'inverse, les distributeurs pourraient diminuer les prix de revente des produits non directement concernés par la mesure, i.e. les seuls sur lesquels ils ont une marge de manœuvre à la baisse, pour compenser leurs hausses de prix sur les produits directement concernés. Un tel effet amplifierait les reports des consommateurs vers les produits non directement concernés par la mesure. Cependant, de la même manière que le gouvernement estime que les profits supplémentaires réalisés sur la vente des produits directement concernés pourraient être répercutés aux fournisseurs des autres produits, la diminution des prix de revente de ces autres produits pourrait alors se traduire par des négociations des prix d'achat plus dures avec leurs fournisseurs que par le passé.

89. À nouveau, l'ampleur et les effets de ces mécanismes de report s'avèrent très incertains. En tout état de cause, en l'absence d'un mécanisme efficace (incitatif ou coercitif) de rééquilibrage des pouvoirs de négociation entre fournisseurs et distributeurs (cf. points 69 et suivants), les distributeurs sont susceptibles de capter une large part du gain de profit résultant d'un tel comportement de report, en particulier si, comme le soutient le Gouvernement, les fournisseurs des produits non directement concernés sont précisément ceux qui disposent d'un plus faible pouvoir de négociation auprès des distributeurs, et qui sont donc susceptibles de capter une très faible part de la marge sur un produit.

90. En tout état de cause, compte-tenu de la substituabilité imparfaite entre les produits directement concernés et ceux non directement concernés et de la part incertaine que les fournisseurs des produits non directement concernés pourront capter de la hausse des ventes de leurs produits, le gain éventuel que retireront ces fournisseurs de produits non directement concernés de ce mécanisme de report sera vraisemblablement d'une ampleur moindre que celle de l'effet inflationniste pesant sur les consommateurs. En effet, les consommateurs ne se reporteront vers d'autres produits que si le prix des produits directement concernés augmente : ce report dépend donc de l'ampleur de l'effet inflationniste. En outre, ils ne reporteront que partiellement leur consommation vers d'autres produits en cas de substituabilité imparfaite entre les produits.

91. Enfin, si les gains issus du mécanisme de report pour les fournisseurs des produits non directement concernés semblent très incertains, il en ira a fortiori de même pour les producteurs agricoles fournisseurs des industriels de produits transformés, encore plus indirectement concernés. Il paraît dès lors difficile d'identifier le gain automatique dont ces derniers pourraient bénéficier, alors même que le dispositif vise précisément à leur transférer une part plus importante de la valeur. Les opérateurs consultés considèrent que ce rééquilibrage ne sera pas automatique et que la mesure aura d'abord pour effet de donner un espace de négociation supplémentaire aux distributeurs, sous réserve qu'ils retirent un gain de la mesure (cf. point 66), dont on attend qu'ils en fassent bénéficier les producteurs agricoles les plus fragiles.

92. Les effets attendus par le Gouvernement sur un rééquilibrage du pouvoir de négociation des différents acteurs grâce au relèvement du SRP apparaissent donc très incertains puisqu'ils dépendent du comportement plus ou moins bienveillant des distributeurs, premiers bénéficiaires de la mesure selon le Gouvernement.

E. EFFETS DU RELÈVEMENT DU SRP SUR LA CONCURRENCE ENTRE FOURNISSEURS ET SUR LA CONCURRENCE ENTRE DISTRIBUTEURS

93. De possibles effets indirects négatifs sur la concurrence entre fournisseurs et entre distributeurs sont susceptibles de se développer et ne sont pas présentés dans la fiche d'impact. Plus précisément, le relèvement du SRP peut entraîner une distorsion de concurrence au détriment de certains distributeurs (1). Par ailleurs, le relèvement du SRP peut également accroître la transparence des prix de gros des produits concernés, avec pour conséquence de réduire la concurrence entre leurs fournisseurs (2).

1. DISTORSION DE LA CONCURRENCE ENTRE DISTRIBUTEURS

94. Selon certains acteurs(75), la stratégie commerciale de certains distributeurs est centrée autour des prix " bas ". Ces distributeurs seraient donc susceptibles de commercialiser davantage de produits directement concernés que les autres distributeurs et seraient donc davantage susceptibles d'augmenter le prix de leurs produits directement concernés à la suite du relèvement du SRP. Ces distributeurs pourraient donc être désavantagés par cette mesure par rapport aux autres distributeurs.

95. En outre, si le contournement éventuel de la mesure peut uniquement être effectué par une partie des distributeurs, la mesure pourrait permettre à ces derniers de ne pas subir d'effet direct de la mesure alors que leurs concurrents seraient contraints d'augmenter leurs tarifs, ce qui distordrait la concurrence entre les distributeurs. D'après certains distributeurs(76), une telle distorsion pourrait découler de structures juridiques différentes(77) ou encore du type de produit commercialisé par le distributeur. Sur ce dernier point, certains distributeurs commercialisent une part significativement plus importante de MDD par rapport à leurs concurrents. Or, pour ces produits, le contournement de la mesure ne semble pas réaliste compte tenu du mécanisme de construction du prix(78). Dès lors, à supposer que le mécanisme de contournement soit mis en œuvre dans les faits(79), ces distributeurs seraient obligés d'augmenter leurs prix de vente de détail alors qu'une partie de leurs concurrents pourraient maintenir leurs prix antérieurs.

2. AUGMENTATION DE LA TRANSPARENCE SUR LE MARCHÉ

96. En contraignant les distributeurs à élever le prix de certains de leurs produits, le dispositif va conduire à ce que le prix d'une proportion plus importante des produits(80) soit de 1,1 fois le SRP. Les distributeurs pourront donc davantage connaître le prix d'achat triple net de leurs concurrents sur ces produits.

97. Or dans l'avis n° 15-A-06, l'Autorité avait souligné que le secteur de la distribution présente des caractéristiques propices à la coordination, notamment en raison de la transparence préexistante entre les différents acteurs(81). En permettant aux distributeurs de surveiller les prix pratiqués par les fournisseurs à l'égard de leurs concurrents (car ces prix de gros seront directement déductibles du prix de revente à 1,1 fois le SRP), cet accroissement de la transparence sur le marché pourrait faciliter la fixation de prix de gros élevés par les fournisseurs, leur permettant de s'engager de manière crédible auprès d'un distributeur à ne pas concéder de prix plus avantageux à leurs concurrents. Ce mécanisme de non-discrimination entre les distributeurs pourrait renforcer les effets potentiellement inflationnistes de la mesure. La plus grande transparence pourrait également permettre aux fournisseurs de surveiller leurs prix de gros respectifs, avec un risque accru de collusion tacite ou explicite.

98. L'ampleur et l'occurrence de ces effets dépendent de plusieurs facteurs dont :

o la capacité d'observation des prix de vente des distributeurs concurrents par les distributeurs et les fournisseurs, laquelle est susceptible de s'être accrue sur la période récente au travers de la publication des prix des magasins sur Internet ;

o la faculté des fournisseurs et des distributeurs à identifier les produits dont le prix de revente est égal au seuil de revente à perte. Les opérateurs pourront en particulier s'appuyer sur les hausses brutales de prix résultant de l'entrée en vigueur de la réforme ou de leurs propres produits vendus au nouveau SRP ;

o la facilité avec laquelle un distributeur/fournisseur peut déduire les conditions d'achat de ses concurrents à partir des prix triple net. En particulier, si les bases de calcul des prix triple nets sont communes ou similaires entre les distributeurs pour un même fournisseur, ceux-ci pourront facilement déduire les différentes conditions d'achat de l'observation des prix triple net ;

o la proportion de produits directement affectés par le relèvement du SRP et communs à l'ensemble des distributeurs : plus elle est élevée, plus les fournisseurs pourront effectivement surveiller les prix pratiqués par leurs concurrents. À ce titre, les produits concernés seraient principalement des produits de grande consommation commercialisés dans la plupart des réseaux concurrents ;

o la fréquence de négociation des prix d'achat, et surtout des possibilités d'adaptation en cours d'année. Plus celles-ci sont fréquentes et importantes, plus les distributeurs/fournisseurs pourront observer rapidement les prix de leurs concurrents ce qui renforce la stabilité des collusions en facilitant la détection d'une éventuelle déviation ;

o l'étendue de la concurrence susceptible d'exister entre les fournisseurs des produits directement affectés par le relèvement du SRP ;

o la volatilité des prix triple net suivant les années.

F. CONCLUSION SUR LE RELÈVEMENT DU SRP

99. L'analyse du dispositif envisagé par le Gouvernement montre qu'il pourrait dégrader la situation économique des fournisseurs des produits actuellement revendus à un prix inférieur au nouveau seuil de revente à perte, qui seraient essentiellement les opérateurs du secteur agroalimentaire détenant des marques nationales dont par exemple les entreprises multinationales du secteur des alcools.

100. L'effet de la mesure sur les consommateurs serait également négatif - seule une situation, très peu probable, dans laquelle le relèvement du SRP ne se traduirait que par une baisse de prix d'achat triple net (et par une absence totale de hausse du prix de revente) de l'ensemble des produits directement concernés serait neutre pour les consommateurs. Les estimations du Gouvernement considèrent elles-mêmes que l'effet inflationniste du dispositif serait de l'ordre de 1,6 milliards d'euros sur deux ans, soit 28 euros par an par ménage, estimation qui peut toutefois considérablement varier selon les hypothèses retenues (cf. point 76 supra).

101. L'effet sur les distributeurs apparaît ambigu : un effet positif est le plus vraisemblable mais son ampleur reste très incertaine.

102. L'amélioration de la situation des fournisseurs des produits non directement concernés, i.e., ceux vendus par les distributeurs avec une marge supérieure à 10 % du prix d'achat triple net, dont il convient de rappeler qu'elle constituait l'objectif premier du dispositif, n'est par ailleurs pas établie. Selon le gouvernement, une telle amélioration pourrait résulter de deux mécanismes. Selon le mécanisme de " péréquation ", l'élévation des marges des distributeurs sur les produits directement concernés par le dispositif se traduirait par une élévation des prix d'achat des autres produits achetés par les distributeurs. Selon le mécanisme de " report de consommation ", la hausse des prix de revente des produits directement concernés entraînerait un report des consommateurs vers les autres produits actuellement vendus par les distributeurs.

103. Cependant, les caractéristiques des fournisseurs directement affectés par le nouveau dispositif ne sont pas connues avec précision, pas plus que celles des fournisseurs censés en bénéficier. S'il apparaît vraisemblable que figureront parmi les fournisseurs bénéficiaires d'un tel transfert - si celui-ci était avéré - des fournisseurs dont le pouvoir de négociation avec la grande distribution est limité, de tels fournisseurs peuvent également figurer parmi ceux qui pâtiront du système. Inversement, des fournisseurs dont le pouvoir de négociation est relativement élevé et pour lequel le dispositif ne présente aucune nécessité pourraient bénéficier de la mesure - si les mécanismes avancés par le Gouvernement fonctionnaient.

104. Par ailleurs, la vraisemblance et l'ampleur des mécanismes de transfert entre les deux catégories de fournisseurs apparaissent très incertaines, aux dires même de la plupart des acteurs auditionnés par l'Autorité(82). S'agissant du mécanisme de péréquation, le comportement de transfert des distributeurs, censés profiter de leurs marges accrues sur les produits actuellement revendus à faible marge pour offrir de meilleures conditions d'achat aux autres fournisseurs, ne repose que sur la " bonne volonté " de l'ensemble des acteurs, alors que de nombreux facteurs pourraient s'opposer à cette " péréquation ", particulièrement dans un contexte où se nouent de nouvelles alliances à l'achat destinées à faire baisser les conditions d'achats des produits. S'agissant du mécanisme de report, il repose sur la disposition des consommateurs à se reporter vers des produits actuellement vendus avec une marge de revente relativement élevée.

105. En outre, il n'est pas certain que les fournisseurs de ces produits, dont le pouvoir de négociation peut être limité, parviendront à s'approprier une part significative du surplus ainsi généré, les distributeurs risquant d'en conserver une grande partie. En tout état de cause, le gain éventuel des fournisseurs sera d'une ampleur bien moindre que celle de l'effet inflationniste subi par les consommateurs.

106. Par ailleurs, cette mesure est également susceptible de distordre la concurrence entre distributeurs et d'accroître le pouvoir de négociation des fournisseurs directement concernés et de faciliter la collusion entre ces fournisseurs, ce qui pourrait encore accroître l'effet inflationniste pesant sur les consommateurs.

107. Cette mesure n'apparaît donc pas à elle seule susceptible de rééquilibrer les pouvoirs de négociation entre les acteurs de la filière. Toutefois, l'Autorité n'a été saisie que de deux mesures de la loi Egalim analysées ici indépendamment des autres mesures de cette loi. L'Autorité n'est donc pas en mesure de porter un jugement sur l'efficacité de l'ensemble du dispositif de la loi Egalim pour atteindre cet objectif.

108. Le dispositif n'est cependant destiné à être en vigueur que pendant deux années. Ce caractère expérimental appelle deux remarques. La première que les effets éventuellement négatifs exposés ci-dessus seront en toute hypothèse d'une durée limitée s'ils sont détectés suffisamment tôt et que la mesure n'est pas prolongée. La seconde est que la brièveté de l'expérimentation rend cruciale l'efficacité du processus d'évaluation qui devra donner des indications suffisantes dans un délai resserré si le gouvernement entend prévenir le risque d'une prolongation d'une expérimentation qui n'aurait pas produit les effets espérés. En définitive, l'Autorité de la concurrence émet donc, à ce stade, un avis très réservé sur ce dispositif.

IV. Analyse de l'encadrement des promotions

109. Après avoir présenté la mesure d'encadrement des promotions prévue (A) et les justifications avancées par le Gouvernement en faveur de cet encadrement (B), les effets économiques de la mesure sont étudiés : d'abord aux fins de déterminer les produits qui seront directement impactés par cet encadrement des promotions (C), puis les effets de la mesure sur les différents acteurs de la chaîne de valeur (D) et enfin ses possibles effets distorsifs de concurrence (E). En outre, l'encadrement des promotions tel que prévu par le Gouvernement emporte de nombreuses incertitudes quant à sa mise en œuvre concrète (F).

A. PRÉSENTATION DE LA MESURE

110. Le projet d'ordonnance prévoit également de limiter les " avantages promotionnels, de toute nature, immédiats ou différés, portant sur la vente au consommateur de denrées alimentaires et de produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie ", en en limitant les volumes concernés (limite de 25% - cf. infra) et la valeur (limite de 34 % du prix de vente au consommateur).

111. Plus précisément, s'agissant de la restriction en volume, les avantages promotionnels accordés par le fournisseur ou par le distributeur ne pourraient excéder 25 % :

" 1° Du chiffre d'affaires prévisionnel fixé par la convention prévue à l'article L. 441-7 du code de commerce ;

2° Du volume prévisionnel prévu par le contrat portant sur la conception et la production de produits alimentaires selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l'acheteur ;

3° Des engagements de volume fixé par le contrat portant sur des produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture. "

112. Le projet d'ordonnance prévoit par ailleurs que ces dispositions " ne s'appliquent pas aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d'altération rapide, à condition que l'avantage promotionnel ne fasse l'objet d'aucune publicité ou annonce à l'extérieur du point de vente ".

B. LES JUSTIFICATIONS AVANCÉES PAR LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES EN FAVEUR DE L'ENCADREMENT DES PROMOTIONS

113. Le Gouvernement, dans sa fiche d'impact générale transmise en annexe de la saisine de l'Autorité, indique que si " les promotions en grandes et moyennes surfaces (GMS) […] sont un levier de croissance à la disposition des distributeurs qui bénéficie aux consommateurs via des prix plus attractifs ", elles auraient " pris une ampleur croissante ces dernières années "(83). En effet, d'après le Gouvernement et selon les chiffres de l'ILEC, " le taux de remise moyen [serait] passé de 18 % à près de 34 %, et en 2016, 28 % des promotions proposées affichaient un taux de remise supérieur à 40 % ". " Un consensus s'est [donc] dégagé dans le cadre des [états généraux de l'alimentation] pour dresser un constat réservé quant à l'impact de l'intensification des promotions en termes de développement et de bon fonctionnement du marché, y compris eu égard au comportement des consommateurs. Pour ces derniers, les promotions [pourraient] être une source de perplexité, brouiller leur perception des prix, et susciter des comportements d'achats dé-corrélés des besoins de consommation, qui peuvent être facteur de gaspillage alimentaire ".

114. L'ILEC, favorable à cet encadrement des promotions, estime par ailleurs que les " effets pervers " de la " surenchère promotionnelle " récente ne se limiteraient pas à ce seul effet sur les consommateurs, mais affecteraient également les fabricants et les distributeurs " confrontés à une inflation incontrôlable des coûts promotionnels ". En effet, l'accroissement des promotions et de leur ampleur ne se serait pas traduit par une augmentation des volumes consommés. Dans un tel cadre, les fournisseurs ou les distributeurs seraient confrontés à une situation dite de " dilemme du prisonnier " : si tous les acteurs maintiennent leurs promotions, cette stratégie est coûteuse pour l'ensemble de la filière, mais si seul l'un d'entre eux y met fin, il perd beaucoup de volume au profit de ses concurrents(84).

115. Enfin, cette mesure, comme le relèvement du SRP, est issue des réflexions du chantier n° 1 des états généraux de l'alimentation relatif à " la création et à la répartition de la valeur " et plus particulièrement des travaux de l'atelier 7 concernant " l'amélioration des relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs "(85), objectif auquel elle est donc censée contribuer. Cependant, le Gouvernement ne détaille pas dans sa fiche d'impact en annexe de la saisine les produits concernés par ce dispositif, ni le mécanisme selon lequel l'encadrement des promotions commerciales serait susceptible de contribuer à la réalisation de cet objectif.

116. À titre liminaire, il convient de souligner que l'étude Nielsen fournie par Leclerc, si elle confirme que les promotions se sont effectivement accrues ces dernières années, montre également qu'elles représentent en France l'une des plus faibles proportions du chiffre d'affaires des distributeurs au niveau européen (cf. Figure 8 ci-dessous), et ce alors même que la part des MDD dans les dépenses des consommateurs, produits moins sujets aux promotions, est une des plus faibles d'Europe (32 %, contre 37 % pour l'ensemble de l'Europe, seule l'Italie ayant une proportion plus faible que la France(86)). Il est possible que le taux moyen des avantages promotionnels concédés soit plus élevé en France que dans d'autres pays, mais cela signifierait alors que les volumes de promotion sont beaucoup plus faibles.

117. Selon plusieurs acteurs auditionnés par l'Autorité, cette faible proportion des promotions en France masquerait une situation plus défavorable pour les fournisseurs que dans les autres pays de l'Union européenne, car les fournisseurs actifs sur le marché français financeraient une proportion bien plus élevée du montant des avantages promotionnels octroyés aux consommateurs que dans les autres pays de l'Union européenne. A titre d'exemple, on peut indiquer que l'ANIA considère que, pour ses adhérents, les distributeurs ne supportent pas le coût des promotions qui reposerait à 100 % sur les fournisseurs. Selon deux distributeurs, le rapport serait moins déséquilibré et le poids supporté par les producteurs ne serait que d'environ 80 %. L'un d'entre eux souligne cependant que les distributeurs s'acquittent des coûts de mise en place et de publicité (notamment impression des prospectus) de ces promotions qui ne sont pas pris en compte dans le calcul de ce pourcentage.

Figure 8 : Évolution de la part des promotions en France dans le chiffre d'affaires des hyper et supermarchés et comparaison avec les autres pays européens.

[GRAPHIQUE]

Source : Étude Nielsen pour Leclerc " tendances et perspectives de l'impact des E.G.A. ", le 7 novembre 2018.

118. La section C ci-dessous étudie les produits qui seront directement impactés par cet encadrement des promotions. La section D considère les effets de la mesure sur les différents acteurs de la chaîne de valeur et la section E ses possibles effets distorsifs de concurrence.

C. LES PRODUITS DIRECTEMENT CONCERNÉS PAR L'ENCADREMENT DES PROMOTIONS

119. Le Gouvernement ne détaille pas les caractéristiques des produits susceptibles d'être concernés par ces mesures, i.e., les produits actuellement commercialisés avec des avantages promotionnels dépassant les 34 % en valeur ou 25 % en volume au sens des dispositions de l'article 3 du projet d'ordonnance examiné. Or, selon que les promotions sont décidées principalement par le distributeur ou par le fournisseur, il pourrait s'agir de produits très différents. Ainsi, les promotions commerciales résultant d'une initiative du fournisseur pourraient viser à satisfaire un objectif propre à ce produit (par exemple l'accroissement de la notoriété d'un produit(87) ou l'écoulement d'éventuels surplus de volume) alors que des promotions à l'initiative d'un distributeur visent à satisfaire un objectif propre à l'enseigne du distributeur (par exemple, image de compétitivité en prix, logique de prix d'appel)(88). Les produits et les fournisseurs visés par ces deux types de promotion pourraient donc être très différents alors que la mesure s'appliquera de manière uniforme. L'effet de la mesure pourrait donc être différent selon que la promotion s'effectue principalement à l'initiative du fournisseur, auquel cas l'objectif du fournisseur lorsqu'il décide de la promotion ne pourra plus être atteint avec la même efficacité, ou principalement à l'initiative du distributeur, auquel cas ce sera surtout la concurrence entre distributeurs qui risque d'être diminuée. Il est vrai, toutefois, que la distinction entre ces deux types de promotions peut être délicate en pratique : les promotions initiées par le distributeur impliquent fréquemment, pour leur mise en œuvre, des efforts tarifaires de la part du fournisseur.

120. Les réponses des différents acteurs au questionnaire de l'Autorité de la concurrence ainsi que les auditions réalisées lors de la séance devant le Collège suggèrent que les produits des grands groupes sont davantage concernés par les promotions que ceux fabriqués par les petites entreprises ou les MDD (cf. Figure 9 et Figure 10 ci-dessous). Cependant, les promotions accordées sur les produits des petites entreprises pourraient être d'une plus grande ampleur (cf. Figure 11 ci-dessous).

Figure 9 : Poids des grandes marques dans les ventes et la promotion des produits de grande consommation (PGC) en 2011 et en 2017

[GRAPHIQUE]

Nota : Le périmètre considéré est celui des produits de grande consommation qui est donc plus large que l'alimentaire.

Source : ILEC

Figure 10 : Taille des entreprises des produits concernés par les deux dispositions de l'article 3 du projet d'ordonnance.

[GRAPHIQUE]

Nota : Un taux de générosité est le pourcentage de l'avantage promotionnel par rapport au prix de référence. C'est ce taux de générosité qui serait limité en valeur par le projet d'ordonnance.

Source : IRI - étude " IRI Vision - La promotion ", octobre 2018 fournie par l'ILEC.

121. En outre, l'objectif de protéger les fournisseurs disposant du pouvoir de marché le plus faible pourrait se heurter au fait qu'au sein de certaines familles de produits, les produits sont vendus en grande partie en promotion. Ce serait notamment le cas des produits festifs, saisonniers, et de certains produits agricoles (fruits et légumes, viande de lapin ou de porc notamment)(89). L'encadrement des promotions pourrait aussi rendre plus difficile des opérations de déstockage(90), ce qui pourrait porter préjudice au fournisseur et également nuire à l'objectif gouvernemental de lutte contre le gaspillage alimentaire.

Figure 11 : Part des différents niveaux de promotion dans le chiffre d'affaires des producteurs en fonction de leur taille

[GRAPHIQUE]

Nota : Le périmètre considéré est celui des produits de grande consommation (PGC), qui est donc plus large que l'alimentaire, vendus dans les hyper et supermarchés (HMSM)(91).

Source : Etude Nielsen pour Leclerc " tendances et perspectives de l'impact des E.G.A. ", le 7 novembre 2018.

D. L'EFFET DE L'ENCADREMENT DES PROMOTIONS SUR LES DIFFÉRENTS ACTEURS DE LA CHAÎNE DE VALEUR (FOURNISSEURS, DISTRIBUTEURS, CONSOMMATEURS)

122. Le dispositif d'encadrement des promotions proposé pourrait avoir un effet inflationniste. Son ampleur sera variable selon le comportement adopté par les distributeurs et les fournisseurs. En effet, pour respecter l'encadrement du montant de la promotion, les distributeurs peuvent soit augmenter le prix de vente sous promotion (1ère solution de la Figure 12 ci-dessous), soit baisser leur prix de vente de référence de façon à ce que le prix de vente sous promotion puisse être identique à la situation antérieure (2ème solution de la Figure 12 ci-dessous). S'agissant de l'encadrement en volume, un seul levier d'adaptation(92) est possible pour le distributeur : diminuer les volumes de promotions soit par la réduction du montant de la promotion, soit par la réduction de sa durée. Concernant les fournisseurs, ils n'ont pas d'autre alternative(93) que de diminuer les volumes concernés par leurs campagnes promotionnelles.

Figure 12 : Les deux leviers dont disposent les distributeurs pour se conformer à l'encadrement des promotions en valeur.

[GRAPHIQUE]

123. Une augmentation du prix de revente sous promotion, sans modification du prix de vente de référence, ou une diminution des volumes concernés par les promotions aura un effet similaire à celui d'une hausse des prix de vente consécutive au relèvement du SRP (cf. points 76 et suivants). Une telle adaptation des comportements de promotions aura pour conséquence une élévation du prix pour les consommateurs, et un effet direct(94) ambigu sur le chiffre d'affaires du distributeur ou du fournisseur sur le produit concerné, la diminution des ventes pouvant être compensée par une augmentation de leurs marges(95). La probabilité d'une diminution des profits dépendra aussi des habitudes d'achats : selon certains acteurs auditionnés par l'Autorité, elle sera par exemple potentiellement plus élevée lorsque les produits sont essentiellement vendus en promotion, ce qui semble être le cas pour certaines catégories de produits, et notamment les produits saisonniers ou festifs (cf. Figure 13).

124. Si le distributeur réagit au dispositif d'encadrement en valeur en diminuant le prix de vente de référence, l'effet inflationniste pourrait alors être moins marqué. En effet la diminution des promotions sera compensée par une diminution du prix de vente de référence. Cependant, ces baisses de prix " hors promotions " seront moins visibles pour les consommateurs et donc potentiellement moins attractives pour les distributeurs. Leur effet sur la concurrence entre distributeurs sera également moins marqué. À nouveau, la mesure présente donc un risque d'effet inflationniste pour les consommateurs, d'une ampleur toutefois bien moindre que si les distributeurs n'utilisent que le levier de baisse de l'ampleur de la promotion. Par ailleurs, une baisse du prix de référence aura un impact négatif sur les marges des distributeurs, et obérera l'éventuel transfert de marge souhaité par le Gouvernement avec le relèvement du SRP.

Figure 13 : Pourcentage du chiffre d'affaires alimentaires et des volumes sous promotion des 15 produits les plus impactés par l'encadrement des promotions dans les hyper et supermarchés (HM-SM) en septembre 2018.

[GRAPHIQUE]

Source : Etude Nielsen pour Leclerc " tendances et perspectives de l'impact des E.G.A. ", le 7 novembre 2018.

125. En pratique, les distributeurs combineront vraisemblablement les deux mécanismes, dans des proportions à ce jour inconnues, et comme pour le SRP, un effet de hausse des prix pour les consommateurs apparaît donc fortement probable(96).

126. S'agissant ensuite de l'objectif d'" amélioration des relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs " affiché par l'ensemble des mesures issues des réflexions de l'atelier n° 7 du chantier n° 1 des EGA, à nouveau, aucun mécanisme incitatif ou coercitif ne garantit une redistribution de la hausse éventuelle des profits des distributeurs aux fournisseurs, directement ou indirectement concernés par la mesure, si tant est que la diminution des promotions ne conduise pas à une baisse des profits. Ainsi, il n'est pas certain que la diminution de l'ampleur des promotions se répercute dans des prix d'achat supérieurs - le distributeur pourra même être incité à bénéficier de prix d'achat inférieurs pour diminuer le prix de revente de référence du produit et ainsi être à même d'effectuer des promotions similaires à celles qu'il effectuait avant la mise en place de l'encadrement. Le distributeur, cherchant à maintenir sa compétitivité, pourrait décider d'arbitrer au détriment des promotions à l'initiative des fournisseurs, ce qui pourrait contribuer à diminuer la marge de ces derniers. Il pourra également chercher à demeurer attractif vis-à-vis des consommateurs en exigeant de ses fournisseurs d'autres avantages, tels que le financement de campagnes de mises en avant des produits, etc. Enfin, et comme pour le relèvement du SRP (cf. partie III.C.2. supra), quand bien même les fournisseurs retireraient un profit de l'encadrement des promotions, rien n'indique qu'une partie de ce gain serait automatiquement transférée aux agriculteurs.

127. Par ailleurs, la hausse de prix des produits concernés par les promotions pourrait entraîner un report des consommateurs vers d'autres produits, mais les gains qu'en retireront les fournisseurs des produits non directement concernés, d'une ampleur très incertaine, seront d'un ordre de grandeur bien inférieur à celui de l'effet inflationniste. Compte tenu de l'incertitude existant quant à l'identité des fournisseurs directement et indirectement concernés, la mesure est en outre susceptible de léser une partie des producteurs et des fournisseurs que le gouvernement souhaite protéger. De plus, la diminution des promotions pour les produits pour lesquels leur ampleur dépasse actuellement les seuils d'encadrement pourra conduire à une augmentation des promotions pour les produits sur lesquels ces seuils sont aujourd'hui respectés (produits bio par exemple) ou pour lesquels les seuils ne s'appliquent pas (catégories non-alimentaires). L'effet d'un tel transfert est, une fois de plus, incertain : d'un côté, ces fournisseurs pourront éventuellement bénéficier de ventes accrues, de l'autre, ils pourront être amenés à réduire leur marge.

128. À titre subsidiaire, à supposer que la principale attente des consommateurs soit désormais, selon l'ILEC, de " consommer des produits de meilleure qualité, quitte à en consommer moins ", aucun élément n'est présenté tendant à indiquer que la diminution des promotions encouragera les fournisseurs ou les distributeurs à mettre en avant des produits de meilleure qualité. De manière générale, l'hypothèse d'une désaffection des consommateurs pour les promotions contraste avec la forte utilisation de ces promotions par les distributeurs. Enfin, si les promotions encourageaient la surconsommation, il est alors difficile d'affirmer en parallèle que ces promotions ne génèrent pas de volumes supplémentaires.

129. En outre si certains consommateurs peuvent manifester un intérêt limité pour les promotions (voire éprouvent de la méfiance à leur égard pour certains d'entre eux(97)), 67 % des consommateurs déclarent en profiter " souvent " ou " de temps en temps "(98). De plus, il apparaît qu'elles sont un vecteur d'accès à des produits de grandes marques pour les ménages modestes(99), alors que ces marques nationales sont perçues par une grande partie des consommateurs comme plus qualitatives que les marques premier prix(100).

130. Enfin, les produits concernés pouvant être identiques à ceux concernés par le relèvement du SRP. Le relèvement du SRP limitant les marges de manœuvre d'adaptation des distributeurs, l'effet additionnel de l'encadrement des promotions commerciales par rapport au relèvement du SRP est susceptible d'être limité.

E. EFFETS DISTORSIFS DE CONCURRENCE D'UN ENCADREMENT DES PROMOTIONS COMMERCIALES

131. L'encadrement des promotions commerciales est en outre susceptible de distordre la concurrence sur les marchés amont et aval, au détriment des fournisseurs de plus petite taille et disposant d'un pouvoir de marché limité voire faible. En effet, comme détaillé au point 119 supra, les promotions commerciales de grande ampleur permettent à un fournisseur nouvel entrant sur le marché ou proposant une nouvelle marque d'accroître la notoriété de sa marque par rapport à celles de grandes marques nationales établies. Ce fournisseur serait contraint par ce dispositif de remplacer les promotions par des dispositifs moins efficaces ou plus coûteux, ce qui pourrait accroître les barrières à l'entrée dans le secteur. En outre, certains acteurs auditionnés par l'Autorité ont relevé que les promotions permettaient à de nombreux fournisseurs, PME ou TPE, de se faire référencer par les distributeurs. Ceux-ci ont en effet indiqué organiser leurs promotions de manière à proposer chaque semaine une marque d'un type de produits en promotion (par exemple, chaque semaine, une promotion sur une marque de café) : comme les grandes marques refusent d'être en promotion chaque semaine, les distributeurs recourent donc également aux promotions pour les produits de petits fournisseurs. Certains distributeurs ont indiqué que ces produits sont vendus essentiellement en promotion et seront fortement impactés par la restriction en volume prévue par le projet d'ordonnance, ce qui n'est pas l'objectif recherché, bien au contraire.

132. Par ailleurs, la limitation des promotions commerciales en volume telle que définie au III de l'article 3 du projet d'ordonnance pourrait être en partie contournée par des fournisseurs proposant de nombreux produits au sein d'un même rayon, dont seule une partie feraient l'objet de fortes promotions commerciales, surtout si des catégories de produits sont historiquement moins soumises à des promotions que d'autres. Les fournisseurs multi-produits pourraient ainsi affecter un budget promotionnel supérieur à 25 % pour ces produits en baissant parallèlement le budget promotionnel pour d'autres catégories moins exposées par exemple. Ils bénéficieraient ainsi d'un avantage non réplicable par les fournisseurs ne disposant pas de la même largeur de gamme, ce qui les avantagerait par rapport aux plus petits fournisseurs, proposant moins de produits, et ce qui distordrait la concurrence dans le secteur, là encore au détriment des acteurs que le Gouvernement souhaite a priori protéger.

133. De plus, l'encadrement des promotions pourrait favoriser l'instauration de prix de revente minimum à l'occasion de ces promotions. En effet, un fournisseur octroyant des remises promotionnelles en valeur dont le montant est supérieur à 34 % du prix de vente au consommateur ne pourra pas directement modifier le prix de vente au consommateur du produit correspondant. Le distributeur sera alors contraint de modifier son prix de vente pour qu'il soit compatible avec le dispositif promotionnel mis en place par le fournisseur. Cela introduit donc potentiellement un contrôle du fournisseur sur les prix de vente des distributeurs, ce qui peut favoriser les mécanismes collusifs mis en place par les fournisseurs. Par exemple, pour les promotions indissociables de l'emballage du produit (coupon de réduction imprimé directement sur l'emballage), le distributeur sera contraint d'augmenter son prix de vente pour qu'il atteigne au minimum 2,94(101) fois le montant de la réduction octroyée par le fournisseur. La mesure pourrait donc être utilisée par les fournisseurs afin de mettre en place des prix de vente minimum, ce qui pourrait favoriser les mécanismes collusifs et engendrer un effet inflationniste important pour les consommateurs. Le fait que les promotions soient pour partie à l'initiative du fournisseur et pour partie à l'initiative du distributeur comporte aussi des risques, compte tenu du plafonnement des promotions en volumes. Si une part importante des promotions sont à l'initiative des fournisseurs dans le cadre de campagnes nationales par exemple, cela limitera d'autant la capacité des distributeurs à mettre en œuvre des promotions différentes d'un distributeur concurrent à un autre ce qui sera susceptible de limiter les promotions à l'initiative de ces derniers, et donc la concurrence entre eux. Dans des cas extrêmes où la promotion serait uniquement à l'initiative du fournisseur, la concurrence intramarque par les promotions sur ces produits sera vraisemblablement très limitée.

F. LES INCERTITUDES LIÉES À LA MISE EN OEUVRE DU DISPOSITIF

134. Au-delà de sa complexité, soulignée par plusieurs acteurs(102), plusieurs éléments de mise en œuvre de la mesure peuvent donner lieu à des divergences d'interprétation, lesquelles pourraient non seulement créer de l'incertitude susceptible de nuire à la mise en œuvre du dispositif lui-même, voire créer, dans certains cas, des distorsions de concurrence significatives, mais sont également susceptibles d'engendrer des risques juridiques pour les opérateurs.

135. Les éléments servant de base au calcul du plafonnement peuvent ainsi faire l'objet de divergences. C'est le cas notamment de la notion de prix de référence qui servirait de base de calcul au montant des promotions(103), qu'il s'agisse de l'encadrement en valeur ou en volume, et que plusieurs opérateurs estiment difficile à appréhender. À ce titre, face à l'impossibilité de définir légalement un tel seuil, le prix de référence est désormais fixé sous la responsabilité de l'annonceur, sans règle particulière(104). Il ne peut être exclu que ce dernier puisse le moduler afin de bénéficier d'une plus grande latitude dans les promotions octroyées.

136. Cela semble aussi être le cas des éléments prévisionnels sur lesquels le plafond peut être calculé, qu'il s'agisse du chiffre d'affaires ou des volumes prévisionnels. Plusieurs opérateurs s'interrogent ainsi sur le périmètre de chiffre d'affaires retenu(105) ou encore sur la manière dont pourrait être pris en compte un décalage avec la chronologie de la vie des affaires(106). Des incertitudes peuvent aussi émerger lorsque plusieurs fournisseurs approvisionnent le distributeur pour une même référence(107), ce qui peut être le cas pour l'approvisionnement de produits MDD.

137. De même, l'application du dispositif dans le temps ne semble pas définie avec suffisamment de précision, ce qui pourrait engendrer des contentieux. Le texte prévoit notamment que les dispositions relatives à l'encadrement en volume des promotions pour les marques nationales soient applicables " à toute convention conclue avant la publication de la présente ordonnance, dès lors que cette convention, en application du cinquième alinéa de l'article L. 441-7 du code de commerce, devait être conclue au plus tard le 1er mars 2019 "(108). Si l'on peut comprendre que cette disposition vise les conventions portant sur 2019 qui auraient été signées avant la date butoir fixée légalement au 1er mars 2019, elle pourrait aussi viser les conventions nouées au cours de l'année 2018 et relatives à de nouvelles relations commerciales. Plus encore, s'agissant des produits MDD notamment, les dispositions seraient " applicables à tout contrat conclu avant la publication de la présente ordonnance et toujours en cours d'exécution à cette date ". Or de nombreux contrats de MDD seront vraisemblablement en cours d'exécution au moment de la mise en œuvre du texte, les contrats de MDD pouvant avoir une durée supérieure à un an. Cela impliquerait dès lors un effet immédiat de la mesure sur ces contrats, avec la nécessité pour les opérateurs d'analyser leur conformité avec le seuil de 25 % pour le cas échéant modifier, voire stopper les promotions sur ces produits. Cette modification brutale pourrait non seulement créer des distorsions de concurrence entre distributeurs, suivant qu'ils utilisent plus ou moins les promotions pour la vente de ces produits ou suivant la durée de contractualisation pour la fourniture de produits MDD, mais surtout pourrait bouleverser les volumes de vente des fournisseurs qui les commercialisent. Ces derniers pouvant être de plus petites structures, la brutalité de la mise en œuvre de la mesure pourrait affecter leur équilibre économique.

138. Le périmètre du type de promotions qui seraient encadrées par le texte n'est, en outre, pas toujours compris de la même manière par tous. Si le législateur a souhaité que le dispositif ait une application extensive, la compréhension de certains acteurs semble être plus restrictive, plusieurs d'entre eux excluant ainsi que l'encadrement en volume des promotions puisse s'appliquer à l'ensemble des avantages différés, notamment ceux octroyés via le système de fidélisation du distributeur(109), alors même que cette limitation qui n'apparaît pas dans le projet d'ordonnance, qui mentionne au contraire les " avantages promotionnels de toute nature, immédiats ou différés "(110), avait été écartée lors des débats parlementaires au profit d'une application large du texte(111).

139. Par ailleurs, certains opérateurs s'interrogent sur les conséquences de l'imputation de la responsabilité d'un éventuel manquement au dispositif, par exemple si seul le distributeur était tenu pour responsable alors que le dépassement du niveau de promotion était dû au fournisseur(112). Outre le fait que cela pourrait favoriser un contrôle accru des conditions de commercialisation des produits par le fournisseur (cf. point 133 ci-dessus), l'application du dispositif pourrait être plus difficile dans les faits.

140. L'incertitude sur les éléments de contrôle du dispositif fait naître un risque quant à sa mise en œuvre, et donc à son effectivité, en offrant des voies de contournement (cf. points 132 et s.), particulièrement au niveau de l'encadrement en volumes(113). Compte tenu des sanctions adossées à l'application du texte, les opérateurs pourraient adopter une approche conservatrice en réaction à cette incertitude, ce qui diminuerait encore le niveau de promotion des produits proposé aux consommateurs, et accentuerait d'autant les effets inflationnistes de la mesure. Surtout, elle est susceptible de créer des distorsions de concurrence entre les acteurs si, en pratique, seulement une partie d'entre eux a une approche conservatrice du dispositif.

141. L'émergence de distorsions de concurrence semble encore plus prégnante lorsque l'on analyse l'application territoriale du dispositif. En effet, plusieurs opérateurs soulignent que l'article 3 III du projet d'ordonnance ne serait pas applicable à des distributeurs implantés à l'étranger(114). Cette incertitude liée à l'application territoriale de la mesure n'est pas neutre du point de vue de la concurrence, car elle pourrait permettre, sous certaines conditions, à des distributeurs d'échapper à son application. Dans cette hypothèse, la disposition serait alors susceptible de créer une distorsion de concurrence entre ces distributeurs et les autres dont les promotions seraient encadrées, effet qui serait d'autant plus important que le distributeur en question mène une politique de prix bas. Dans ce cas, il est probable que l'effet de l'ensemble des dispositions sur la marge du distributeur soit plutôt négatif, dans la mesure où les distributeurs seraient incités à étendre les promotions à d'autres produits pour maintenir un certain niveau d'attractivité de leur offre, ce qui amoindrirait la probabilité que le dispositif ait les effets escomptés.

142. Par conséquent, l'ensemble des éléments concourant à l'application du texte (qu'il s'agisse du prix de référence, du type de promotions concernées, ou encore de l'application territoriale) font référence à des notions qui semblent pouvoir être interprétées de manière différente selon les acteurs. Ce manque de lisibilité peut conduire le dispositif à être peu efficace, générateur d'incertitudes pour les acteurs, et facteur d'accroissement du coût administratif des contrôles. Au surplus, il est susceptible de créer des distorsions de concurrence entre concurrents, notamment dans le cas d'une application territoriale limitée au territoire français.

G. CONCLUSION SUR L'ENCADREMENT DES PROMOTIONS COMMERCIALES

143. Comme le souligne l'ILEC lui-même lorsqu'il évoque un mécanisme de " surenchère promotionnelle ", l'encadrement des promotions prévu à l'article 3 du projet d'ordonnance va conduire à limiter la concurrence que se livrent les fournisseurs et les distributeurs. De ce fait, il est susceptible de conduire à une hausse des prix de vente aux consommateurs qui s'ajoutera à l'effet inflationniste engendré par le relèvement du SRP. Par ailleurs, si les produits des grands groupes paraissent être les premiers utilisateurs des promotions, leur encadrement pourra néanmoins léser certains petits fournisseurs qui utilisent ces promotions pour faire connaître leurs produits, accéder au linéaire ou parvenir à surmonter des excès d'offres temporaires, réguliers ou non.

144. Des incertitudes significatives entourent l'application du texte, particulièrement s'agissant de l'encadrement en volume : comme l'ont signalé de nombreux opérateurs, cette mesure pourrait créer des distorsions de concurrence. Enfin, le dispositif pourrait également contribuer à fragiliser des fournisseurs en difficulté, notamment ceux de produits agricoles ou de produits de première transformation, qui utilisent actuellement beaucoup les promotions. Une diminution significative des volumes de ventes de ces produits pourrait avoir des répercussions directes sur les producteurs agricoles que le gouvernement cherche à protéger à travers le dispositif.

145. Les justifications données à cet encadrement paraissent par ailleurs peu convaincantes. Premièrement, si les promotions se sont effectivement accrues ces dernières années, la France présente un des plus faibles taux de promotion en Europe (cf. Figure 8). Deuxièmement, les constats avancés dans la saisine du Gouvernement et par certains acteurs, selon lequel l'encadrement des promotions inciterait les consommateurs à privilégier la qualité ou limiterait la surconsommation ou le gaspillage apparaissent peu étayés : les produits de qualité font également l'objet de promotions et le lien entre promotions et surconsommation n'est pas établi. De surcroît, la limitation des promotions n'implique pas par elle-même une réorientation des comportements d'achat vers des produits plus qualitatifs. Troisièmement, à supposer que la concurrence entre distributeurs et fournisseurs doive être atténuée, la solution choisie va plutôt conduire les distributeurs et les fournisseurs à privilégier d'autres vecteurs de concurrence que le prix, qui seront potentiellement moins efficaces, tant pour eux-mêmes que pour les consommateurs. Enfin, comme pour le relèvement du SRP, les mécanismes par lesquels l'encadrement des promotions améliorerait la situation de producteurs fragilisés face à la grande distribution sont très indirects et donc très incertains. Il est alors très probable que les coûts engendrés pour les consommateurs et certains fournisseurs excèdent largement les bénéfices supplémentaires que pourraient retirer du dispositif des fournisseurs dont le pouvoir de négociation vis-à-vis de la grande distribution nécessiterait d'être amélioré ou les agriculteurs opérant en tant que fournisseurs des industriels de l'agro-alimentaire.

146. Le dispositif n'est cependant destiné à être en vigueur que pendant deux années. En définitive, l'Autorité de la concurrence émet donc un avis très réservé sur le dispositif d'encadrement des promotions en valeur, et défavorable s'agissant de l'encadrement des promotions en volumes.

V. Conclusion

147. Ce projet d'ordonnance s'inscrit dans le contexte plus général des réflexions des Etats Généraux de l'Alimentation et du cadre législatif de la Loi Egalim du 2 octobre 2018, dont les objectifs sont, au travers de la combinaison d'un ensemble de mesures, d'améliorer la répartition de la valeur dans la chaîne alimentaire, ainsi que de rééquilibrer les négociations et les relations commerciales entre acteurs. L'Autorité n'a cependant été saisie que d'une partie de ces mesures dans le cadre du projet d'ordonnance du gouvernement relatif au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions. Elle n'est donc pas en mesure de porter une appréciation globale sur les effets potentiels de l'ensemble des mesures qui sont envisagées et dont le détail n'est pas encore précisément connu. Plusieurs acteurs soulignent d'ailleurs que le projet d'ordonnance doit être analysé à l'aune des autres dispositions de la loi Egalim prise dans son ensemble.

148. Sous cette réserve et si on se limite aux seules dispositions figurant dans le projet d'ordonnance, les développements présentés ci-dessus, sans décrire de façon exhaustive l'ampleur des effets des mesures examinées, peuvent donner une indication de la façon dont elles pourront affecter la concurrence. S'agissant plus particulièrement des relations commerciales aujourd'hui défavorables aux agriculteurs, la quasi-totalité des opérateurs interrogés reconnaissent que le projet d'ordonnance examiné en l'espèce n'a pas vocation à lui seul à rééquilibrer les pouvoirs de négociation entre les acteurs de la filière.

149. Pour autant, l'Autorité a formulé un certain nombre de réserves quant aux deux dispositifs, liées à la nature et à l'ampleur limitée des effets qu'ils pourraient avoir vis-à-vis de leur objectif de rééquilibrage des pouvoirs de négociation des différents acteurs de la filière et à leurs éventuels effets distorsifs de concurrence. En effet, alors qu'ils sont censés remédier à des préoccupations ciblées, spécifiquement issues du faible pouvoir de négociation de certains producteurs face à la grande distribution ou à certains transformateurs, les deux dispositifs portés à l'attention de l'Autorité, d'une part, introduisent des mécanismes de portée bien plus étendue, et d'autre part, reposent sur une élévation des marges de la grande distribution au détriment des consommateurs finaux plutôt que sur une modification de la relation entre producteurs et distributeurs. Ainsi, même s'ils n'impactent directement que les produits revendus en l'état avec une marge triple net inférieure à 10 % et les produits faisant l'objet de fortes promotions, les hausses des prix aux consommateurs engendrées par les deux dispositifs peuvent être d'ampleur importante et avoir potentiellement des effets antiredistributifs, alors que l'effet positif attendu vis-à-vis des producteurs les moins armés face à la grande distribution ne sera qu'indirect et donc très incertain. Par ailleurs, les risques de contournement, les effets distorsifs de concurrence que ces dispositifs peuvent entraîner, les spécificités de certains produits, peu adaptés à un encadrement des promotions, notamment en volume, et la transparence accrue du marché qui pourrait résulter de la mise en œuvre du relèvement du SRP en limitent encore l'efficacité attendue.

150. Le dispositif n'est cependant destiné à être en vigueur que pendant deux années. C'est la raison pour laquelle l'Autorité de la concurrence émet un avis très réservé à la fois sur le relèvement du seuil de revente à perte et sur l'encadrement des promotions en valeur. Concernant en revanche l'encadrement en volumes, l'Autorité de la concurrence considère que la mesure comporte trop de risques compte tenu de l'objectif affiché, et émet donc un avis défavorable sur cette mesure.

151. Enfin, dans la mesure où l'objectif du Gouvernement vise à rééquilibrer les relations commerciales, l'Autorité suggère que soit recherchée une meilleure mise en œuvre du dispositif sanctionnant les pratiques commerciales restrictives, et notamment celui prévu à l'article L. 442-6 du code de commerce. Comme l'avait souligné l'Autorité dans son avis n° 15-A-06, plusieurs des caractéristiques de cet article peuvent permettre une sanction dissuasive des comportements délictuels(115). Le rééquilibrage souhaité peut aussi découler de l'application de plusieurs autres dispositions de la loi Egalim, notamment celles portant sur la contractualisation et la prise en compte d'indices d'évolution de prix dans le cadre des négociations commerciales. Concernant plus spécifiquement les producteurs agricoles, enfin, l'Autorité a récemment émis un avis(116) préconisant la contractualisation entre producteurs et acheteurs mais également l'accroissement de la taille des organisations des producteurs et des associations d'organisations de producteurs pour permettre un rééquilibrage de l'offre et de la demande, ou encore le développement d'actions de montée en gamme par les organisations interprofessionnelles, et qui sont susceptibles selon elle, de favoriser le développement de relations commerciales plus équilibrées.

Délibéré sur le rapport oral de M. Erwann Kerguelen, Mme Anne-Sophie Rainero et Mme Jehanne Richet, rapporteurs, et de M. Etienne Pfister, chef du service économique, et l'intervention de M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint, par M. Emmanuel Combe, vice-président, président de séance, M. Thierry Dahan et Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidents.

NOTES :

1 Article L. 442-2 C. com : " Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 75 000 euros d'amende. Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix d'achat effectif. La cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 121-3 du code de la consommation. "

2 Extrait " États GÉNÉRAUX DE L'ALIMENTATION, Journée de clôture " - 21 décembre 2017, Dossier de presse.

3 Liste des participants à l'atelier 7 : ANIA, APCA et chambres d'agriculture, AVRIL, BIOCOOP, CLIAA, CNPMEM, CRC Bretagne Sud, CGI, CGAD, Confédération paysanne, Coop de France, Coordination rurale, FEEF, FCD, FNAB, FNSEA, Intermarché IPTA, Jeunes Agriculteurs, Leclerc, UNELL, CLCV, Greenpeace, UFC-Que choisir, Régions de France, Agence BIO, FranceAgriMer, INAO, INC, MAA, Médiation des relations commerciales agricoles, MEF, MAA, SD, CGAAER, ILEC, CFDT, CFTC, CFE-CGC, CPME, U2P, DGCCRF, DGPE, coordonnateur EGA, chargé de mission auprès du coordonnateur - CGAAER, CAP COLLECTIF.

4 États généraux de l'alimentation, Fiche conclusive de l'atelier 7, 29 septembre 2017, " Comment améliorer les relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs ? ", page 1.

5 Ibid.

6 https://www.journaldunet.com/economie/distribution/1140472-guerre-des-prix-dans-la-grande-distribution-combien-de-morts/

7 Voir sur ce point le communiqué de presse du 16 juillet 2018 des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence et l'avis de l'Autorité n° 15-A-06 relatif à l'ouverture de plusieurs enquêtes concernant différents rapprochements à l'achat dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire.

8 Cette partie du code de commerce intitulée " De la transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d'autres pratiques prohibées " vise à lutter contre les pratiques commerciales déloyales, comprend notamment l'article L. 442-6 du code de commerce sanctionnant le déséquilibre significatif ou la rupture brutale de relation commerciale par exemple.

9 Annales d'économie et de statistique - N° 77-2005 " Stratégie de revente à perte et réglementation " de Claire Chambolle

10 Ibid et " Faut-il interdire la revente à perte ? ", septembre 2002, Cahier du Loria n° 2002-12

11 Dans une première décision, la Cour de justice avait indiqué " S'agissant de la disposition nationale en cause au principal, il est constant que des pratiques consistant à offrir à la vente ou à vendre des biens à perte ne figurent pas à l'annexe I de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Dès lors, elles ne sauraient être interdites "en toutes circonstances", mais seulement à l'issue d'une analyse spécifique permettant d'en établir le caractère déloyal (voir, en ce sens, arrêt Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag, précité, point 35, et ordonnance Wamo, précitée, point 38).

Or, force est de constater que, ainsi qu'il ressort de la décision de renvoi, l'article 101 de la LPPC prohibe de manière générale d'offrir à la vente ou de vendre des biens à perte, sans qu'il soit nécessaire de déterminer, au regard du contexte factuel de chaque espèce, si l'opération commerciale en cause présente un caractère "déloyal" à la lumière des critères énoncés aux articles 5 à 9 de la directive sur les pratiques commerciales déloyales et sans reconnaître aux juridictions compétentes une marge d'appréciation à cet égard (voir, en ce sens, arrêts précités Plus Warenhandelsgesellschaft, point 48, et Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag, point 36, ainsi que ordonnance Wamo, précitée, point 39).

Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que la directive sur les pratiques commerciales déloyales doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit une interdiction générale d'offrir à la vente ou de vendre des biens à perte, pour autant que cette disposition poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs. " (CJUE, 7 mars 2013, Ordonnance Euronics Belgium, aff 343/12, §29-31, soulignement ajouté).

Cette approche a été confirmée dans une seconde décision suivante laquelle la Cour a indiqué " la présente loi [vise, notamment,] à corriger les déséquilibres entre les grandes et les petites entreprises commerciales, et, surtout, à assurer une concurrence libre et loyale. Il est superflu de réitérer que les effets les plus immédiats et tangibles d'une situation de concurrence libre et loyale se concrétisent par une amélioration continue des prix et de la qualité ainsi que des autres caractéristiques de l'offre et du service au public, ce qui représente, en définitive, l'action la plus efficace en faveur des consommateurs. §9 (…)Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que la directive sur les pratiques commerciales déloyales doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui contient une interdiction générale de proposer à la vente ou de vendre des biens à perte et qui prévoit des motifs de dérogation à cette interdiction fondés sur des critères ne figurant pas dans cette directive " (CJUE, 19 octobre 2017, C 295/16, Europamur alimentacion SA c/ Direccion general de commercio y proteccion del consumidor de la comunidad autonoma de la region de Murcia, §43).

12 " Le guide des négociations commerciales édition 2009-2010 ", éditions Dalloz, Régis Fabre Mireille Dany et Léna Sersiron. Page 8, " Les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ", Claire Borsenberger et Nicolas Doisy La documentation française, 2006/4 n°175-176, pages 189 à 195, ISSN 0249-4744, et " Les réformes des relations commerciales des années 2000 ont-elles restauré la concurrence par les prix ? ", INSEE Analyses, n°16, février 2014.

13 Avis n° 04-A-18 du 18 octobre 2004 et n° 07-A-12 du 11 octobre 2007.

14 Décisions n° 03-D-45 du 25 septembre 2003, n° 05-D-70 du 19 décembre 2005, n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 et n° 14-D-19 du 18 décembre 2014.

15 Les marges avant correspondent aux avantages financiers apparaissant sur les factures de vente des marchandises, et les marges arrière aux avantages financiers hors factures.

16 À noter que la loi Dutreil a également permis aux grossistes de diminuer leur seuil de revente à perte et ainsi de proposer aux détaillants traditionnels des prix compétitifs par rapports aux grandes surfaces, en prévoyant l'application d'un coefficient multiplicateur de 0,9 à leur prix d'achat effectif (" Le guide des négociations commerciales édition 2009-2010 ", édition Dalloz, Régis Fabre, Mireille Dany et Léna Sersiron, page 245).

17 Extrait du rapport d'information déposé en application de l'article 145-7 du règlement par la Commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi nº 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, 11 avr. 2011 " En marketing, les NIP désignent, par opposition aux VIP (vieux instruments promotionnels) tels les lots, les simples réductions ou la gratuité, des pratiques promotionnelles diverses développées par la grande distribution. Il s'agit notamment du "cagnottage" (technique de fidélisation consistant à reporter le montant d'une réduction sur une cagnotte, elle-même liée à une carte de fidélité), des offres fédératives (liant une offre à une autre pour un prix global inférieur à ce qu'il peut être par ailleurs), des lots virtuels, des cartes de fidélisation ". Depuis la loi Hamon du 17 mars 2014, n° 2014-344 article 125, les NIP sont soumis obligatoirement au régime du mandat. Les NIP ne peuvent donc plus être intégrés dans les avantages financiers minorant le prix unitaire net dans le calcul du seuil de revente à perte.

18 Les distributeurs qui signent des accords de coopération internationale à l'achat peuvent solliciter des fournisseurs, dans le cadre de leurs négociations commerciales, la perception d'avantages financiers à ce titre, car cela est un argument pour écouler plus de marchandises. Voire également sur ce point : la décision n° 03-D-11 du 21 février 2003 relative à des pratiques mises en œuvre par la centrale de référencement Opéra §78.

19 Page 4 de la fiche conclusive de l'atelier 7 du 29 septembre 2017 : " comment améliorer les relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs ? ".

20 La logique retenue par la loi, issue des ateliers des EGA, est d'inverser le processus de contractualisation et de construction du prix en partant du prix proposé par le producteur agricole. Les coûts de production des producteurs de produits agricole deviendront la base de la construction du prix. Dans les secteurs où la contractualisation est obligatoire, l'initiative de la proposition de contrat revient au producteur ou à l'organisation de producteur (OP) ou à l'association d'organisations de producteurs (AOP). Le contenu du contrat continuera à être encadré par des clauses obligatoires qui sont renforcées sur plusieurs points, dont :

- les indicateurs, qui devront être pris en compte dans la formule de prix. Les interprofessions et l'observatoire de la formation des prix et des marges verront leur action renforcée dans la mise à disposition d'indicateurs ;

- les délais de préavis et les indemnités de résiliation ;

21 Plusieurs distributeurs estiment que le dispositif ne comporte aucune garantie que la marge supplémentaire réalisée par les distributeurs bénéficie aux producteurs agricoles (cotes 256, 455), alors qu'il comporte plusieurs risques qu'il s'agisse par exemple de l'effet inflationniste au niveau du consommateur (cotes 255, 454), ou du fait que certains distributeurs soient susceptibles d'être davantage impactés que d'autres suivant la nature des produits qu'ils commercialisent (cotes 366 et 369).

22 Fiche d'impact générale relative au projet d'ordonnance, page 3.

23 Source : ILEC.

24 Source : ILEC.

25 L'opération promotionnelle étant définie par la mise en avant d'un prix de vente au consommateur inférieur à une part déterminée (à la moitié ou à 40 % suivant les arrêtés) du prix moyen pratiqué hors promotion pour des produits similaires au cours des trente jours précédant le début de l'opération.

26 Le dispositif encadrait donc seulement les promotions en valeur en dehors des périodes visées par les arrêtés, et les promotions n'étaient pas encadrées en volumes.

27 25 % du chiffre d'affaire prévisionnel ou du volume prévisionnel prévus dans les engagements contractuels entre distributeur et fournisseur.

28 34 % du prix de vente du produit considéré.

29 Cote 17.

30 Cote 12.

31 Tout en les vendant au même prix aux consommateurs.

32 Aussi bien de la demande de ce produit d'appel que la demande pour l'ensemble des produits vendus par le distributeur.

33 Cf. auditions de certains distributeurs devant l'Autorité et étude Analysis Group pour Leclerc.

34 Ce qui n'est pas incompatible avec le fait qu'il récupère une grande partie de la marge nette globale, c'est-à-dire la somme de la marge du fournisseur et de celle du distributeur.

35 Qui n'est donc pas exactement l'élasticité de la demande du consommateur pour le seul produit dont le prix augmenterait mais calcule l'élasticité de la demande totale du consommateur chez un distributeur au prix d'un produit, c'est-à-dire de l'ensemble des achats qu'il réalise dans un magasin. La différence peut-être non négligeable pour les produits dits d'appel qui sont ceux visés par le Gouvernement car le consommateur pourrait changer de distributeur en cas de hausse de prix d'un produit d'appel.

36 Notons que l'effet du relèvement du SRP dépend de l'écart moyen du prix des produits directement concernés au nouveau SRP : plus cet écart est grand, plus les prix des produits directement concernés doivent augmenter pour respecter le nouveau seuil de revente à perte. Or, cet écart peut être très variable selon les catégories de produits. Par exemple, d'après l'étude économique produite par Leclerc, il semble que les produits d'appel liquides soient en moyenne vendus à un prix plus proche de ce nouveau seuil (108,6 % du SRP) que les produits d'épicerie (103,9 % du SRP) : quand bien même ces catégories de produits ont une proportion relativement proche de leur chiffre d'affaires qui soit directement concernée par la mesure (respectivement 31 % et 38 %), l'effet de la mesure pourrait être potentiellement plus de trois fois plus élevé pour les produits d'épicerie. Ces chiffres doivent cependant être appréhendés avec prudence, car Leclerc pourrait ne pas être représentatif de l'ensemble des distributeurs français. En outre cette étude repose sur des données pour le troisième trimestre 2017, c'est-à-dire pour l'été et la rentrée scolaire, qui pourraient n'être pas représentatives d'une année pleine d'activité des distributeurs.

37 Source : réponse d'ITM au questionnaire de l'Autorité.

38 Source : étude Analysis Group pour Leclerc.

39 Source : audition d'ITM.

40 Source : étude Analysis Group pour Leclerc.

41 Source : Calculs de l'Autorité à partir de la réponse d'ITM au questionnaire de l'Autorité.

42 Cotes 260 et 381.

43 Source : étude Nielsen " 2ème baromètre PME/distribution " pour la FEEF. D'après cette même étude, les PME, TPE et ETI françaises produiraient 60 % du chiffre d'affaires de la MDD standard hors premier prix, contre 14 % pour les PME, TPE et ETI étrangères et 26 % pour les groupes. Les PME, TPE et ETI françaises produiraient 84 % du chiffre d'affaires de la MDD premium, contre 8 % pour les PME, TPE et ETI étrangères et 8 % pour les groupes.

44 Source : réponses de distributeurs au questionnaire de l'Autorité.

45 https://observatoire-prixmarges.franceagrimer.fr/resultats/Pages/ResultatsFilieres.aspx?idfiliere=4&sousmenuid=644

46 Fiche d'impact générale transmise en annexe de la saisine de l'Autorité de la concurrence, cote 12.

47 Ainsi le Gouvernement justifie la mise en place du relèvement du SRP par le fait que les marges des distributeurs sur les produits directement concernés ne leur permettraient pas de couvrir leurs coûts de distribution et les contraindraient à augmenter leurs marges sur les autres produits. Or le taux de marge ne permettra pas à lui seul de s'assurer que la marge permette bien de couvrir les coûts totaux : un produit acheté 10 euros et revendu avec une marge unitaire de 5 % apportera au distributeur le même montant de marge qu'un produit acheté 1 euro et revendu avec une marge unitaire de 50 %.

48 Par exemple, si un paquet de pâtes était vendu par le fournisseur à 1 euro et qu'un distributeur en vendait 1 000 au prix de 1,06 euro, et que l'élasticité-prix de la demande de ce produit s'adressant à ce distributeur vaut -1,1, et que le fournisseur n'est plus capable de baisser son prix pour le distributeur, alors le distributeur devra augmenter le prix du paquet de pâtes à 1,1 euro à la suite du relèvement du SRP. Le distributeur en vendra donc 42 de moins (soit 1,1x1000x(1,1-1,06)/1,06) : il gagnera 4 centimes de plus pour chacun des 958 produits vendus, mais perdra 1,06 euro pour chacun des 42 produits qu'il ne vendra plus. Au total, il verra son profit baisser d'environ 6 euros. Le profit du fournisseur diminuera de 42 euros.

49 Son comportement dépendra cependant de ceux des autres distributeurs.

50 Pour simplifier la présentation de cet effet direct on néglige les potentielles variations de prix des produits non directement concernés ainsi que les effets des éventuelles différences de comportement des distributeurs pour s'adapter à la mesure. Ils sont détaillés dans la partie D.2 ci-dessous.

51 On raisonne ici sur l'ensemble des distributeurs donc sans prendre en compte les effets de report entre distributeurs.

52 La FNSEA a d'ailleurs indiqué lors de son audition que les distributeurs se seraient engagés à mettre en œuvre une politique tenant davantage compte des coûts de production avant la promulgation de la loi, engagement qui d'après elle n'aurait pas été tenu.

53 L'ILEC a toutefois présenté une estimation additionnelle intégrant cet effet de report en supposant une hausse de la part de marché des MDD de 3 points, " hypothèse réaliste qui les ramènerait à 29 % du marché, soit 1 point au-dessous de leur pic de 2009-2010 " et qui conduirait à diviser l'impact inflationniste par deux. Cependant, cette estimation assimile produits directement concernés à produits de marques nationales et produits non directement concernés à produits à marque de distributeur, ce qui n'est pas complètement exact (cf. partie B ci-dessus) et suppose surtout que les prix des produits non directement concernés n'évoluent pas en réaction à la hausse des prix des produits directement concernés (cf. point 88 ci-dessous). Par ailleurs, le report " forcé " des consommateurs vers des produits qui ne sont plus leur " premier choix " entraîne également une perte de bien-être des consommateurs.

54 Selon les réponses des distributeurs ayant répondu à cette question, les produits directement concernés représenteraient entre 5 et 20 % de leur chiffre d'affaires alimentaire.

55 Ce chiffre se fonde sur les " données de l'INSEE pour 2013 " sans plus de précision, et sur l'inflation annuelle moyenne sur les produits alimentaires entre 2013 et 2016, à savoir 1,7 %. Seuls les produits alimentaires vendus en GSA sont considérés dans ce champ car ce sont les " distributeurs alimentaires proposant les prix les plus bas ". Les distributeurs de plus petite taille sont donc exclus, mais cette hypothèse semble raisonnable en première approche. En effet, les petites surfaces d'alimentation générale (qui représentent 6 % de l'ensemble du commerce alimentaire en magasin contre 73 % pour les GSA) pratiquent vraisemblablement des marges plus élevées que les grandes surfaces alimentaires et les artisans des métiers de bouche ne revendent pas principalement des produits en l'état et ne sont donc pas concernés par la mesure pour la majeure partie de leur activité (ils représentent 21 % de l'ensemble du commerce alimentaire en magasin). Source : document de travail de l'INSEE n° E2018/02, " La situation du commerce en 2017 (éd. Juin) ", page 30. Cependant le chiffre d'affaires sur les produits alimentaires vendus en GSA en 2017 (chiffre le plus récent) fourni par l'INSEE dans son rapport (170,2 milliards d'euros TTC) est supérieur de 37 % à l'estimation donnée par le Gouvernement.

56 Selon le Gouvernement, ce chiffre proviendrait de la FCD. Cependant celle-ci indique dans son questionnaire ne pas avoir " évoqué de chiffre global ". L'ILEC relève que cette information proviendrait des panels IRI ou Nielsen.

57 Selon l'ILEC, les chiffres de l'INSEE seraient " moins pertinents que ceux des panelistes IRI ou Nielsen, dont les bases de données intègrent les ventes, au jour le jour et jusqu'au niveau le plus fin (code EAN), de l'intégralité des hypermarchés et supermarchés français, niveau de détail auquel l'Insee n'a pas accès "57. Le périmètre considéré par l'ILEC exclut également le hard-discount et les magasins de proximité.

60 Correspondant aux valeurs possibles de la TVA sur les produits alimentaires (à l'exclusion de certains produits alimentaires ne bénéficiant pas de la TVA réduite).

61 Estimation de l'ANIA.

62 Estimation de la FNSEA.

63 En 2014, la France comptait 28,8 millions de ménages. Source : " Tableaux de l'économie français - édition 2018 ", INSEE.

64 Comme indiqué supra, il faut toutefois relever qu'un report " forcé " des consommateurs vers des produits substituts constitue une perte de bien-être pour ces consommateurs.

65 Les autres produits directement concernés ne subiraient aucune augmentation de leur prix de vente.

66 Il s'agit d'une prévision pour 2017. Notons toutefois que ce montant est stable par rapport à celui de l'année 2016. Source : document de travail de l'INSEE n° E2018/02, " La situation du commerce en 2017 (éd. Juin) - Rapport établi pour la Commission des Comptes Commerciaux de la Nation ", page 30.

67 L'élasticité-prix de la demande totale, i.e., s'adressant à l'ensemble des distributeurs sera très vraisemblablement plus faible que celle s'adressant à un seul distributeur puisqu'une partie des reports résultant de la hausse du prix d'un produit chez un distributeur s'effectuera vers un autre distributeur et ne sera donc pas prise en compte dans l'élasticité-prix de la demande totale. En conséquence, la baisse de volume réelle sera plus faible que celle estimée par Leclerc, qui utilise des élasticités-prix estimées à partir des données de ses magasins uniquement, l'effet inflationniste direct réel sera donc plus élevé que celui mesuré par Leclerc.

68 La hausse des prix de vente considérée ici est plus réaliste que celles des autres estimations puisqu'elle est calculée à partir des marges réelles de Leclerc : un produit sur lequel le distributeur ferait actuellement 4 % de marge verrait son prix augmenter de manière à atteindre les 10 % de marge minimum (soit une augmentation de 5,8 %).

69 Par rapport à l'estimation du gouvernement ou de l'Autorité, cette estimation suppose que 100 % des produits directement concernés verraient leurs prix augmenter, mais elle utilise la valeur réelle d'augmentation de prix pour atteindre le nouveau seuil du SRP (à la place des 10 % des estimations du gouvernement et de l'Autorité) et tient compte d'une baisse de volume, probablement surestimée.

70 Ce scenario ne tient pas compte du fait que les fournisseurs pourraient avoir intérêt à baisser leur prix d'achat plutôt que de voir le prix de vente de leurs produits aux consommateurs augmenter.

71 Cette hypothèse est critiquable puisque potentiellement les distributeurs ont un très fort pouvoir de négociation vis-à-vis des producteurs de MDD. La marge de réduction des prix d'achat des MDD est donc potentiellement limitée.

72 Source : INSEE Résultats n° 158 du 29 septembre 2014 " Les dépenses des ménages en 2011 ".

73 L'ILEC cite notamment une étude du CREDOC qui indiquerait que 14 % des consommateurs font partie de la catégorie des acheteurs " contraints " qui, victimes de la crise, ont diminué leur consommation.

74 Audition de l'UFC Que Choisir devant l'Autorité.

75 Voir notamment l'étude Analysis Group pour Leclerc.

76 Étude Analysis Group pour Leclerc.

77 Au moins un distributeur estime être moins à même de contourner la mesure que ses concurrents, via le mécanisme de baisse artificielle des compensations fournies au titre des NIP ou de diminution des avantages accordés par des centrales d'achat internationales non pris en compte dans le prix triple net. Selon ce distributeur, ce désavantage pourrait résulter d'une structure juridique différente (organisation en indépendants ou en intégrés), mais il n'a toutefois pas étayé en quoi cette structure juridique différente s'opposerait à un mécanisme de contournement.

78 Le prix négocié tient compte de l'ensemble des avantages octroyés par le fournisseur, contrairement aux produits à marque nationale, dont le prix d'achat trois net peut encore être diminué dans les faits des avantages au titre des NIP (quatre fois net) et de ceux au titre des accords internationaux (cinq fois net).

79 L'incitation pour les opérateurs à contourner le dispositif pourrait d'ailleurs être favorisée par l'encadrement des promotions. En diminuant l'enveloppe affectée par le fournisseur au quatre fois net, cette mesure pourrait l'inciter à répercuter tout ou partie de ce budget dans le trois fois net afin de limiter ses pertes de volumes à la diminution des promotions, en évitant un relèvement général de ses prix de détail.

80 D'après la FCD, les produits directement concernés représentent 20 % du chiffre d'affaires des ventes de produits alimentaires en GSA, soit 25 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

81 Avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d'achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution, § 177 et s.

82 Auditions des représentants de LIDL, d'ITM, de la FNSEA, et de l'UFC-Que-Choisir. La FCD et l'ANIA estiment ainsi qu'il n'y a pas de mécanisme incitant à ce transfert et qu'il repose uniquement sur " la bonne volonté " des acteurs.

83 Fiche d'impact générale, page 4, cote 13.

84 L'ILEC cite deux exemples :

o " Pour les fabricants : une analyse menée en 2014 sur les 200 plus grandes marques des PGC a montré que 13 % d'entre elles avaient tenté de réduire le poids de la promotion dans leurs ventes (de 10 % ou plus), mais qu'en conséquence leur chiffre d'affaires total avait baissé en moyenne de 2,3 %.

o Comme pour les distributeurs : au premier semestre 2017, Auchan est le seul distributeur à avoir réduit de façon significative ses investissements promotionnels, avec des dépenses de communication promotionnelle en baisse de 23 %. Le groupe a perdu des parts de marché et vu son chiffre d'affaires reculer de 1,8 % sur la période. En conséquence, il a déjà annoncé qu'il réviserait sa stratégie en matière de promotion au second semestre. "

85 Fiche d'impact générale, page 2, cote 11.

86 Source : Nielsen Scan Track - étude Nielsen " tendances et perspectives de l'impact des E.G.A. ", le 7 novembre 2018, pour Leclerc.

87 Selon l'ILEC, 15 % des nouveaux acheteurs d'une marque la découvrent par le biais d'une promotion. Notons que ce chiffre n'est pas signe d'une faible importance de la promotion pour accroître la notoriété d'une marque : en effet il est calculé sur l'ensemble des marques, y compris les marques établies depuis longtemps sur le marché. Ainsi une étude Nielsen pour Leclerc indique que 70 % des consommateurs profitent des promotions pour essayer de nouvelles marques, 61 % pour acheter des produits dont ils n'ont pas l'habitude.

88 Excepté lorsque le produit en question est " menacé d'altération rapide ". Ces produits menacés d'altération rapide étant exclus du champ d'application de l'article 3 du projet d'ordonnance ne seront pas pris en compte dans la suite de cet avis. Notons toutefois que l'interdiction de publicité sur les avantages promotionnels relatifs à ces produits menacés d'altération rapide prévue au IV de l'article 3 du projet d'ordonnance est susceptible d'en réduire l'efficacité et donc d'avoir un effet contraire à l'objectif affiché du Gouvernement de réduire le gaspillage alimentaire à travers cette mesure. En outre, cette mesure est susceptible de freiner le développement de solutions innovantes pour distribuer ces produits et en limiter le gaspillage (application Too Good To Go par exemple).

89 Cote 219, 384, 230, 262, 181

90 Cote 384.

91 Les hard discounter sont exclus de ce périmètre mais ils ne feraient que très peu de promotions.

92 On néglige ici les stratégies de contournement possibles de la mesure.

93 On néglige ici les effets indirects sur les contrats entre fournisseurs et distributeurs, sur lesquels les fournisseurs - et particulièrement ceux de grandes marques nationales - ont également une marge de manœuvre. Par exemple un fournisseur pourrait diminuer ses prix de gros afin que le distributeur puisse diminuer son prix de vente de référence et proposer un prix promotionnel plus proche de celui proposé avant l'introduction du dispositif d'encadrement. Il ne s'agit pas de levier d'actions direct pour s'adapter à la mesure, et leur efficacité dépendra du comportement du distributeur (dans l'exemple précédent, le fait que le distributeur baisse effectivement son prix de vente de référence).

94 C'est-à-dire sans prise en compte des effets indirects de report vers d'autres produits ou d'autres distributeurs.

95 L'encadrement des promotions peut permettre une hausse des profits des fournisseurs car il peut les empêcher de devoir effectuer des promotions et de baisser indirectement leurs prix de vente. Dans le cas de l'élévation du SRP, le prix de gros du fournisseur n'était pas directement affecté et l'impact direct de cette mesure sur les fournisseurs était donc nécessairement négatif.

96 Cela dépend évidemment de la facilité avec laquelle la notion de prix de référence pourrait être contournée. Si elle est facilement contournable par les distributeurs, l'encadrement des promotions en valeur n'aura vraisemblablement pas d'effet.

97 Crédoc, Cahier de recherche n° 335, " Comment réagissent les consommateurs face aux promotions ", décembre 2016, citant Simonson et al. 1994.

98 Crédoc, Cahier de recherche n° 335, " Comment réagissent les consommateurs face aux promotions ", décembre 2016.

99 Ibid.

100 En 2016, 40 % des consommateurs jugeaient les marques premier prix de qualité supérieure ou égale aux produits de grandes marques. Cette proportion est encore plus faible (33 %) pour les consommateurs disposant d'un revenu mensuel de moins de 750 euros, mais est légèrement plus élevée (44 %) pour les consommateurs disposant d'un revenu mensuel compris entre 750 à 1 200 euros. Source : Crédoc, Cahier de recherche n° 335, " Comment réagissent les consommateurs face aux promotions ", décembre 2016.

101 Soit 1 divisé par 0,34.

102 Cote 219.

103 Cotes 263-264.

104 Arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur.

105 Concernant les produits MDF par exemple, suivant qu'il s'agisse du CA double net, trois net ou autre, la limite de 25 % en valeur pourrait être significativement différente (cote 461). De même, cela dépendra de la politique de contractualisation du distributeur, suivant que le contrat porte uniquement sur une catégorie de produits ou au contraire porte sur un périmètre plus large de la gamme de produits (cote 265).

106 Un opérateur souligne ainsi " cette limitation en volume risque de figer l'activité promotionnelle des fournisseurs et distributeurs en limitant leur capacité d'adaptation à des événements qu'ils ne sont pas en mesure de prévoir au moment de la signature de la convention. Ainsi, des évènements encore inconnus ou confidentiels (ex : lancement d'un nouveau produit en fin d'année) ou imprévisibles (excédents de production, succès de certaines innovations) risquent d'être privés de toute activité promotionnelle, ou de voir leurs promotions stoppées net, au détriment des distributeurs, des fournisseurs mais également des consommateurs " (cote 245). Un autre indique que " ce plafond est (…) inacceptable, car il suppose que les distributeurs soient capables d'anticiper, en fin d'année N, les promotions à venir sur toute l'année N+1. Or, une telle prévision est illusoire et risquerait d'annihiler toute l'intensité concurrentielle. En effet, dès lors qu'il aura épuisé son quota de promotions avant la fin de l'année, un distributeur pourra être privé de sa capacité à s'adapter à l'intensité concurrentielle de ses concurrents à un instant T. Par exemple, si l'enseigne (…) a épuisé son quota de promotions sur un produit donné, elle ne pourra plus réagir à une promotion menée par l'un de ses concurrents sur ce produit. Par conséquent, ce plafonnement pourrait, en cas de mauvaise anticipation, avoir pour effet de supprimer toute promotion. Cet encadrement devrait selon nous être écarté dans la mesure où ce sont justement les promotions qui maintiennent l'intensité concurrentielle dans ce secteur " (cote 264).

107 Cote 245, 384.

108 Article 6 du projet d'ordonnance

109 Cotes 201 et 181 - ce qui correspond aussi aux déclarations du commissaire du Gouvernement lors de la séance.

110 Article 3 I du projet d'ordonnance.

111 Le rapporteur du projet de loi avait ainsi déclaré devant le Sénat " Afin de donner la portée la plus large possible au dispositif d'encadrement des promotions et de lever toute ambiguïté sur son champ d'application, cet amendement tend à apporter une double précision. D'une part, le dispositif s'applique expressément à tous les avantages promotionnels, qu'il s'agisse de nouveaux instruments promotionnels - les NIP - ou non, qu'ils présentent un caractère instantané ou différé - afin de prendre en considération les fameuses pratiques de " cagnottage " - ou qu'ils soient financés par le fournisseur ou le distributeur. D'autre part, il s'applique tant aux produits alimentaires sous marques de producteurs qu'aux fameuses MDD " (Compte-rendu intégral des débat de la séance du 27 juin 2018 au Sénat, article 9).

112 Cote 244.

113 Cote 384.

114 Conscient de ce risque le gouvernement avait d'ailleurs tenté d'introduire un article 10 bis A qui visait à conférer aux dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce la qualité de loi de police au sens de l'article 9 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Lors des débats, le rapporteur du projet de loi avait déclaré " Le caractère de loi de police des dispositions sur les négociations commerciales, ainsi que sur les pratiques abusives, fait l'objet d'un débat intense en doctrine. De cette qualification dépend l'application de la loi française, selon les règles du droit international privé. À ce jour, le débat n'est pas tranché. Le but de ce dispositif est d'inciter le juge, dans l'interprétation qu'il est amené à faire du règlement Rome I, à regarder ces dispositions comme des lois de police pour les rendre applicables à tout contrat qui a pour objet l'approvisionnement d'un acheteur de produits destinés à la revente sur le territoire français " (Compte-rendu intégral des débat de la séance du 27 juin 2018 au Sénat, article 10 bis A). La qualification de loi de police étant " avant tout une notion définie par les conventions internationales et mise en œuvre par le juge " le gouvernement a par la suite retiré cette proposition (rapport fait au nom de la Commission des affaires économiques sur le projet de loi en nouvelle lecture pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (n° 1135 rectifié), article 10 bis A). Voir aussi cote 265.

115 Avis n° 15-A-06 relatif au rapprochement des centrales d'achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution, § 298 et s.

116 Avis n° 18-A-04 relatif au secteur agricole.