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Décisions

ADLC, 11 avril 2019, n° 19-A-09

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Avis

Relatif aux tarifs des professions réglementées du droit en outre-mer

ADLC n° 19-A-09

11 avril 2019

L'Autorité de la concurrence (section V) ;

Vu la lettre du 9 février 2018, enregistrée sous le numéro 18/0008A, par laquelle le ministre de l'économie et des finances a saisi l'Autorité de la concurrence d'une demande d'avis concernant les tarifs des professions réglementées du droit en outre-mer ; Vu le code de commerce, notamment ses livres IV et IX ; Vu la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, notamment son article 50 ; Vu le décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice ; Vu le décret n° 2017-862 du 9 mai 2017 relatif aux tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires ; Vu les autres pièces du dossier ;

Les associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice et les instances professionnelles concernées invitées à présenter des observations écrites ;

La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des ministères de la justice et des Outre-mer entendus lors de la séance du 19 février 2019 ;

Les représentants du Conseil supérieur du notariat (CSN), ainsi que des sections des commissaires-priseurs judiciaires et des huissiers de justice de la Chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ) entendus sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 463-7 du code de commerce ;

Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent : * Version publique

Résumé *1

L'Autorité a été saisie le 9 février 2018 d'une demande d'avis du Gouvernement concernant les tarifs des professions réglementées du droit en outre-mer. Elle a notamment été invitée à dresser un état des lieux des majorations applicables aux tarifs règlementés des professions du droit (commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunal de commerce, huissiers de justice, mandataires judiciaires, administrateurs judiciaires et avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires) installées dans les départements (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte) et collectivités (Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna) d'outre-mer, d'en réaliser l'analyse et de formuler des recommandations afin d'alimenter les travaux de réflexion conduits par les ministères de la Justice, de l'Économie et des Outre-mer en vue d'une refonte de ces tarifs.

À l'occasion de la dernière révision des tarifs des professions réglementées du droit en 2018, les majorations tarifaires applicables en outre-mer, variables selon les territoires et professions, avaient suscité des interrogations de la part de l'Autorité. Celle-ci a donc recueilli les observations des représentants des professions concernées au niveau national et local. Ces instances ont argué de surcoûts spécifiques à l'outre-mer, que l'Autorité a tenté d'objectiver à partir des données financières et comptables des offices, issues notamment des déclarations fiscales auprès de la Direction générale des finances publiques (DGFIP).

Cette analyse a permis de réaliser les principaux constats suivants :

- certaines dépenses professionnelles représentent bien des surcoûts en outre-mer par rapport à la métropole. Toutefois, ces écarts, qui varient en fonction des professions et territoires, sont bien inférieurs aux niveaux des majorations prévues ;

- il en résulte que la différence des taux de majoration entre les territoires et entre les professions ne répond pas, au niveau actuellement pratiqué, à des considérations économiques objectives ;

- il peut en outre être relevé que cette surcompensation des surcoûts observés assure aux offices ultramarins, pour certaines professions et sur certains territoires, des taux de profitabilité moyens particulièrement élevés. Combinée à des volumes d'activité fréquemment supérieurs à ceux constatés en métropole, elle a permis aux titulaires de ces offices de bénéficier de rémunérations moyennes jusqu'à trois fois supérieures à celle de leurs homologues métropolitains.

Sur la base de ces constats, l'Autorité formule les recommandations suivantes :

- à volumes constants, et en cas de maintien du principe des majorations tarifaires en outre-mer, réévaluer leurs taux, territoire par territoire, pour limiter la compensation au montant moyen des surcoûts objectivement constatés pour l'ensemble des prestations de chaque profession soumises à un tarif règlementé ; - Examiner ce qui justifie le choix actuel d'une prise en charge de ces surcoûts par les seuls usagers ultramarins de ces prestations et non pas par le mécanisme de redistribution que la loi a confié au FIADJ ;

- en tout état de cause, prévoir une mise en œuvre progressive des mesures que le Gouvernement aurait à adopter, afin de ne pas perturber brutalement l'équilibre économique et financier de certains offices ;

- à défaut d'une orientation des majorations vers les surcoûts réels, réduire progressivement les taux applicables pour les rapprocher des écarts de niveaux de prix entre l'outre-mer et la métropole constatés par un institut statistique indépendant.

1. Conformément aux dispositions de l'article L. 462-2-1 du code de commerce, par lettre du 9 février 2018, le ministre de l'économie et des finances a saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") d'une demande d'avis concernant les tarifs des professions réglementées du droit en outre-mer.

2. Les associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice et les instances ordinales des professions concernées ont été invitées à adresser leurs éventuelles observations à l'Autorité sur ces tarifs règlementés dans le cadre de l'instruction.

3. Dans le présent avis, après avoir fait un état des lieux du cadre applicable aux tarifs réglementés applicables aux professions et territoires concernés (I), l'Autorité procède à un certain nombre de constats économiques (II) et réalise une étude de l'impact des majorations tarifaires, tant sur le pouvoir d'achat des populations locales que sur la situation économique des offices ultramarins (III). Afin d'alimenter les réflexions menées par le gouvernement en vue d'une refonte de ces tarifs, elle formule enfin plusieurs recommandations (IV).

I. Cadre juridique des tarifs applicables en outre-mer

4. Les professions réglementées du droit mentionnées à l'article L. 444-1 du code de commerce sont les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers de tribunal de commerce, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires, les notaires et les avocats, pour ces derniers en ce qui concerne leurs activités de saisie immobilière, partage, licitation et sûretés judiciaires.

5. Deux de ces professions sont appelées à fusionner, d'ici 2022. En effet, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée prévoit la création du métier de commissaire de justice, permettant l'exercice d'une profession de l'exécution qui résultera de la fusion des professions de commissaire-priseur judiciaire et d'huissier de justice. Depuis le 1er janvier 2019, les chambres nationales des commissaires-priseurs et des huissiers de justice ont été fusionnées pour devenir la CNCJ. En 2022, les deux professions seront réunies en une seule pour arriver en 2026 à l'exclusivité de la profession de commissaire de justice.

6. Les départements et collectivités d'outre-mer concernés par la saisine sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion, Mayotte, d'une part, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, d'autre part.

7. S'agissant de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, l'Autorité se doit néanmoins de décliner sa compétence. En effet, les dispositions du titre IV bis du livre IV du code de commerce relatif à la fixation des tarifs de certaines professions réglementées ne s'y appliquent pas. Les tarifs de ces professions sont régis par des lois de pays de ces collectivités, qui sont par ailleurs dotées d'autorités de concurrence ayant pour mission spécifique de faire appliquer le droit de la concurrence localement *2 .

8. Dans ces conditions, il n'appartient pas à l'Autorité de faire un état des lieux ni d'établir des propositions concernant les tarifs applicables aux professions réglementées exerçant en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Si les autorités compétentes de ces territoires le lui demandaient, il va néanmoins de soi qu'elle leur apporterait tout le soutien technique utile à l'exercice de leurs missions.

A. LES PROFESSIONS CONCERNÉES

1. LES NOTAIRES

9. Les notaires sont des officiers publics et ministériels nommés par le garde des Sceaux, ministre de la justice.

10. En tant qu'officiers publics, ils confèrent l'authenticité *3 aux actes qu'ils établissent et en assurent la conservation.

11. En tant qu'officiers ministériels, les notaires sont titulaires d'un office attribué par l'État. En 2016, au niveau national *4 , on recensait 4 570 offices notariaux, où exerçaient plus de 8 540 notaires libéraux, ainsi que plus de 1 700 notaires salariés. Une majorité des notaires exerce dans le cadre d'une société pluripersonnelle, notamment sous la forme d'une société civile professionnelle. Le chiffre d'affaires de la profession en 2016 s'élevait à près de 7 milliards d'euros. Dans ses avis n° 16-A-13 et 18-A-08, l'Autorité a recommandé l'installation libérale respectivement de 1 650 et 700 nouveaux notaires libéraux sur les périodes 2016-2018 puis 2018-2020. 12. En outre-mer *5 , on dénombrait 47 offices regroupant 100 notaires libéraux en 2016. Les départements et collectivités ont été divisés en plusieurs zones d'installation *6 . Dans les zones d'installation libre, sur les 20 notaires titulaires ou associés d'offices créés, appelés à s'installer sur la période 2016-2018 dans les zones de Fort-de-France (5 professionnels libéraux), Pointe-à-Pitre (3), La Réunion - Nord (3), La Réunion - Sud (3), La Réunion - Est (2), La Réunion - Ouest (2), Basse-Terre (1) et Guyane (1), 20 ont effectivement été Nommés *7 . De même, 12 nouveaux professionnels sont appelés à accéder à l'exercice libéral du notariat sur la période 2018-2020, dans les zones de Fort-de-France (3), La Réunion - Nord (2), La Réunion - Sud (2), Basse-Terre (1), La Réunion - Est (1), La Trinité (1), Pointe-à-Pitre (1) et Guyane (1). Dans la zone contrôlée de Saint-Pierre-etMiquelon, un office a été créé en 2017, après un avis favorable de l'Autorité *8 .

2. LES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ET LES MANDATAIRES JUDICIAIRES

13. Les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires n'ont pas le statut d'officiers publics et ministériels, mais de mandataires de justice.

14. Ils interviennent exclusivement en vertu d'une décision judiciaire et principalement dans le cadre des procédures de prévention et de traitement des entreprises en difficulté au titre d'un mandat de justice. Les administrateurs assistent ou remplacent les dirigeants pour faciliter la poursuite de l'exploitation. Les mandataires représentent les intérêts des créanciers et procèdent à la liquidation de l'entreprise.

15. En 2016, on dénombrait 134 administrateurs judiciaires et 300 mandataires judiciaires, répartis dans 83 études d'administrateurs judiciaires et 231 études de mandataires judiciaires. Les modes d'exercice les plus répandus sont l'exercice individuel et la société civile professionnelle. En 2016, le chiffre d'affaires s'élevait à près de 146 millions d'euros pour les administrateurs judiciaires et à près de 308 millions d'euros pour les mandataires judiciaires.

16. Des études d'administrateurs judiciaires et de mandataires judiciaires disposent de bureaux dans plusieurs départements d'outre-mer (Guyane, Martinique, Guadeloupe, La Réunion). À Mayotte, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna, la profession est représentée par des bureaux basés dans d'autres territoires (notamment à La Réunion ou en Guadeloupe) mais le droit commercial s'applique et leurs services peuvent être sollicités par les juridictions locales.

3. LES AVOCATS

17. La profession d'avocat est régie par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

18. Les avocats sont des auxiliaires de justice qui disposent d'un monopole pour " assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation " et " assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil " (article 4 de la loi du 31 décembre 1971 précitée). Ils sont compétents sur l'ensemble du territoire national.

19. Toutefois, la compétence territoriale des avocats est limitée *9 au ressort du tribunal de grande instance de leur résidence professionnelle dans les quatre matières suivantes : la saisie immobilière *10, le partage *11, la licitation *12 et les sûretés judiciaires *13. Leurs tarifs sont alors réglementés *14.

20. En 2017, on recensait environ 65 000 avocats, dont plus de 3 000 salariés. L'exercice individuel est le mode d'exercice le plus répandu. Le chiffre d'affaires global de la profession en 2015 s'élevait à 4,6 milliards d'euros *15.

21. Au sein des différents barreaux d'outre-mer, on comptait 286 inscrits à La Réunion, 76 en Guyane, 185 en Martinique, 307 en Guadeloupe et 31 à Mayotte *16. Les représentants de la profession ont indiqué ne pas détenir plus de données chiffrées globales relatives au nombre d'avocats exerçant spécifiquement dans ces territoires ni à l'exercice de ces activités tarifées spécifiques. Cette information a également été confirmée par un membre du Conseil National des Barreaux exerçant à La Réunion. Il a été précisé à l'Autorité que sur les quatre matières tarifées, seules les saisies immobilières représenteraient une part significative du chiffre d'affaires réalisé par les professionnels réunionnais (environ 20 à 25 % du chiffre d'affaires de chacun des cabinets concernés). La réalisation d'actes de partage, licitation et sûretés judiciaires serait résiduelle à La Réunion. Il a en outre été allégué que les facteurs de surcoûts allégués par les huissiers de justice et les notaires seraient " similaires " pour les avocats à La Réunion.

4. LES COMMISSAIRES-PRISEURS JUDICIAIRES

22. Les commissaires-priseurs judiciaires ont une compétence d'attribution partagée avec les autres officiers publics et ministériels et les courtiers en marchandises assermentés pour les ventes aux enchères publiques judiciaires de biens meubles corporels ou incorporels et les prisées et inventaires correspondants *17. Néanmoins, les commissaires-priseurs judiciaires jouissent d'un monopole pour les ventes réalisées dans leur commune de résidence.

23. Les offices de commissaire-priseur judiciaire sont, dans leur quasi-intégralité, adossés à des opérateurs de ventes volontaires. Les professionnels concernés assurent alors des activités de ventes judiciaires et de ventes volontaires *18 dans des structures juridiques distinctes. En 2016, on recensait 305 offices de commissaires-priseurs judiciaires, où exercent 387 commissaires-priseurs judiciaires titulaires ou associés, ainsi qu'une trentaine de commissaires-priseurs judiciaires salariés. Les modes d'exercice les plus répandus parmi les commissaires-priseurs judiciaires sont l'exercice individuel et la société civile professionnelle. En 2015, le chiffre d'affaires de la profession s'établissait aux alentours de 85 millions d'euros.

24. Dans son avis n° 16-A-26, l'Autorité a recommandé l'installation libérale de 42 nouveaux professionnels, dont 4 en outre-mer. En avril 2018, la profession comptait deux offices en outre-mer, tous individuels, l'un en Guadeloupe, et l'autre en Martinique (créé en 2017). Le

24 décembre 2018, la Chancellerie a constaté un nombre insuffisant de candidatures aux offices créés dans les zones de Guadeloupe/Saint-Martin/Saint-Barthélemy (zone 971), Guyane (zone 973) et La Réunion (zone 974) et a lancé un appel à manifestation d'intérêt.

5. LES HUISSIERS DE JUSTICE

25. Les huissiers de justice sont " les officiers ministériels qui ont seuls qualité pour signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'a pas été précisé […] " *19.

26. En 2016, on recensait près de 1 700 études d'huissiers de justice, où exerçaient plus de 3 000 huissiers titulaires ou associés et près de 170 huissiers salariés. Une majorité d'huissiers exercent dans le cadre d'une société pluripersonnelle, notamment sous la forme d'une société civile professionnelle. Le chiffre d'affaires de la profession en 2016 s'élevait à 1,2 milliard d'euros.

27. Cette même année, 82 huissiers de justice exerçaient dans 47 offices dans les cinq départements d'outre-mer ainsi qu'à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Aucun office n'est implanté à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna. À Saint-Pierre-et-Miquelon, un fonctionnaire assure ces fonctions.

28. Dans son avis n° 16-A-25, l'Autorité a recommandé l'installation libérale de 202 nouveaux professionnels libéraux, dont 14 en outre-mer. 5 nominations sont déjà intervenues dans les zones de Guadeloupe / Saint-Martin / Saint-Barthélemy, Martinique et La Réunion. Le

24 décembre 2018, la Chancellerie a constaté un nombre insuffisant de candidatures aux offices créés dans les zones de Guyane (zone 973) et de Martinique (zone 972) et a lancé un appel à manifestation d'intérêt.

6. LES GREFFIERS DE TRIBUNAL DE COMMERCE

29. Les greffiers de tribunal de commerce sont des officiers publics et ministériels nommés par le garde des Sceaux, ministre de la justice. Ils sont membres des tribunaux de commerce en vertu de l'article L. 721-1 du code de commerce, qui dispose que " les tribunaux de commerce sont des juridictions du premier degré, composées de juges élus et d'un greffier ".

30. Les greffiers ont notamment le pouvoir d'authentifier des actes juridiques ou judiciaires et de procéder à l'exécution des décisions de justice. S'agissant des juridictions commerciales, l'activité est confiée à des greffiers fonctionnaires en Alsace-Moselle (rattachés aux tribunaux civils à compétence commerciale) et dans les départements et collectivités d'outre-mer (rattachés à des tribunaux mixtes de commerce ou à des tribunaux de première instance à compétence commerciale).

31. Au 1er avril 2017, 228 greffiers de tribunal de commerce exerçaient à titre libéral : 22 en tant que titulaires d'office, 206 en tant qu'associés (au sein de 112 sociétés). On recense également 9 greffiers salariés. Le nombre d'offices, égal à celui des tribunaux de commerce, est de 134. Le chiffre d'affaires de la profession en 2016 s'élevait à 230 millions d'euros.

32. Dans l'ensemble des départements et collectivités d'outre-mer, aux termes de l'article R. 743-142 du code de commerce, les émoluments prévus pour les officiers ministériels titulaires d'un greffe de tribunal de commerce en métropole sont applicables, sans majoration, aux prestations rendues par les greffiers fonctionnaires dans les tribunaux mixtes de commerce. Dans ces conditions, le présent avis ne traite pas de la question de la majoration tarifaire de ces prestations. Cependant, la ministre des Outre-mer a annoncé le 25 mai 2018, devant l'Assemblée générale de la Fédération des entreprises des outre-mer *20, la création de " greffes privés " dans les 11 tribunaux mixtes de commerce d'outre-mer dans le courant de l'année 2019. Cette mesure, qui n'a pas encore été adoptée ni mise en œuvre, devra le cas échéant, pour ce qui concerne son volet tarifaire, être préalablement soumise à la consultation obligatoire de l'Autorité comme le prévoit l'article L. 444-7 du code de commerce.

B. LES RÈGLES TARIFAIRES APPLICABLES AUX PRESTATIONS DES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT DANS LES DIFFÉRENTS TERRITOIRES

33. Pour un certain nombre de professions, des dispositions de la partie règlementaire du titre IV bis du livre IV du code de commerce - respectivement ses articles R. 444-58, R. 444-68 et R. 444-7 - prévoient que les émoluments sont majorés dans certains départements d'outremer. Défini à l'article R. 444-2 du code de commerce, l' " émolument " est la somme perçue par le professionnel " en contrepartie " d'une " prestation ".

34. Cet émolument rémunère des " travaux ou diligences afférents à un acte, une formalité, ou un service, réalisés par un professionnel, au bénéfice d'un client ou dans le cadre d'une procédure judiciaire, incluant les conseils dispensés en lien avec cet acte, formalité ou service ". Lorsque ces travaux ou diligences sont accomplis dans un département concerné par une majoration tarifaire, le professionnel bénéficie donc d'une rémunération supérieure.

1. GUADELOUPE, MARTINIQUE ET GUYANE

35. En Guadeloupe, Martinique et Guyane, les émoluments sont majorés de 30 % pour les huissiers de justice (article R. 444-58 du code de commerce) et de 25 % pour les notaires (article R. 444-68 du code de commerce).

36. Aucune majoration n'est prévue dans ces départements pour les professions d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, d'avocats (hors les tarifs fixés par référence à ceux des notaires, soit 25 %) et commissaire-priseur judiciaire.

2. LA RÉUNION

37. À La Réunion, les émoluments sont majorés de 40 % pour les huissiers de justice (article R. 444-58 du code de commerce), les notaires (article R. 444-68 du code de commerce) et les avocats en matière de saisies immobilières, partages, licitations et suretés judiciaires (article R. 444-77 du code de commerce).

38. Ce taux de majoration est le plus élevé des territoires étudiés.

3. MAYOTTE

39. À Mayotte, les émoluments sont majorés de 30 % pour les huissiers de justice (article R. 924-3 du code de commerce) et de 40 % pour les notaires (article R. 924-4 du code de commerce), étant précisé qu'aucun office de notaire n'a été créé à Mayotte et que les actes y sont réalisés par des notaires de La Réunion, qui y disposent de bureaux annexes.

40. Les prestations de postulation des avocats ne sont, quant à elles, pas majorées à Mayotte (à la différence de La Réunion), hors les tarifs fixés par référence à ceux des notaires.

41. Aucune majoration n'est prévue pour les professions d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire et de commissaire-priseur judiciaire.

4. SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

42. À Saint-Pierre-et-Miquelon, la seule majoration prévue concerne les émoluments des huissiers de justice. Elle est de 30 % (article R. 914-2-1 du code de commerce).

5. SAINT-BARTHÉLEMY ET SAINT-MARTIN

43. À Saint-Barthélemy et Saint-Martin, les majorations des émoluments des notaires et des huissiers de justice ont été abrogées par le décret du 26 février 2016. *21 Aucune majoration n'y est donc plus prévue.

6. WALLIS-ET-FUTUNA

44. Aucun membre des professions réglementées du droit concernées par la saisine n'est installé à Wallis-et-Futuna *22. Toutefois, les articles R. 954-2 et R. 954-3 du code de commerce prévoient des majorations de respectivement 30 % et 25 % pour les professions d'huissier de justice et de notaire.

Synthèse des majorations des tarifs réglementés applicables dans les départements et collectivités d'outre-mer

[TABLEAU] *23

II. Principaux constats économiques

45. Les majorations prévues, qui ne reposent pas sur des surcoûts objectifs, souffrent d'un déficit de cohérence, tant entre elles (A) qu'au regard des écarts de prix constatés par l'INSEE entre la métropole et les outre-mer (B). La majorité des arguments avancés par les instances professionnelles pour justifier ces niveaux de majoration (C) n'a pas non plus été confirmée par les vérifications que l'Autorité a opérées à partir des données fiscales des offices (D).

A. DES MAJORATIONS INCOHÉRENTES ENTRE ELLES ET NON JUSTIFIÉES PAR LA SPÉCIFICITÉ DES MISSIONS DES PROFESSIONNELS

46. Il ressort des auditions menées par les services d'instruction que les majorations des tarifs de certaines professions réglementées seraient intervenues dans un souci de procéder à un alignement avec les majorations applicables au traitement indiciaire brut des fonctionnaires civils en poste en outre-mer. Ces majorations seraient donc justifiées par la cherté de la vie dans ces territoires. Bien qu'ils n'aient pas la qualité de fonctionnaire, la nécessité de préserver l'attractivité des missions qu'ils remplissent justifierait, selon les tenants d'une telle approche, que les officiers publics et ministériels bénéficient outre-mer d'un surcroît de rémunération par rapport à la métropole.

47. À titre d'exemple, d'après le CSN, la demande d'application d'un indice de correction équivalent à celui applicable au traitement des fonctionnaires aurait été formulée par la profession dès 1974. S'en serait suivie, à La Réunion, la fixation d'une majoration spécifique de 40 % pour trois professions (notaires, huissiers et avocats) lors de l'adoption du décret du 7 juin 1977.

48. Concernant les autres territoires, les textes relatifs aux professions réglementées ont procédé à des majorations, au coup par coup, sans pour autant que celles-ci soient uniformes, ni entre professions, ni entre territoires.

49. Un effet de " cliquet " a ainsi pu être observé autour de la question d'une éventuelle suppression de ces majorations ou d'une renégociation de leurs taux. Exception notable, ces majorations ont été supprimées à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy en 2016 *24.

50. L'Autorité constate que les majorations sont variables selon les territoires. Elles sont de 40 % à La Réunion pour les notaires, huissiers de justice et avocats. Dans les autres départements, elles sont de 25 % pour les notaires et 30 % pour les huissiers de justice. Ces différences de traitement ne sont pas justifiées par des éléments objectifs, tels que des écarts de revenus des professionnels concernés ou de coût de la vie entre territoires ou des surcoûts spécifiques. Elles n'ont, en outre, pas pu être concrètement expliquées par les différents représentants des professions interrogés dans le cadre de l'instruction.

51. Par ailleurs, les majorations diffèrent selon les professions réglementées du droit. Ainsi, les commissaires-priseurs judiciaires, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires ne bénéficient d'aucune majoration. Les avocats n'en bénéficient qu'à La Réunion, bien qu'ils exercent les mêmes missions règlementées dans l'ensemble des départements d'outre-mer. Les notaires ne bénéficient pas, quant à eux, de majorations de leurs tarifs à Saint-Pierre-et Miquelon (où la création d'un office est récente) et n'en bénéficient plus à Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Quant aux huissiers de justice, ils bénéficient de majorations comprises entre 30 % et 40 % dans tous les DOM-COM, à l'exception de ces deux dernières collectivités.

52. En outre, au sein d'une même profession, ces majorations diffèrent selon les territoires. Pour les notaires, elles sont de 25 % en Guyane, à la Martinique et en Guadeloupe, mais de 40 % à Mayotte et à La Réunion. Pour les huissiers de justice, elles sont de 40 % dans ce dernier département, mais de 30 % dans les autres.

53. Compte tenu de ces différences importantes, l'Autorité a examiné si d'autres secteurs d'activité connaissaient des dispositifs similaires. Tel est en effet le cas : d'autres activités bénéficient de bonifications tarifaires ou salariales en outre-mer et là encore, ces majorations sont très variables selon les territoires et selon les professions.

54. Ainsi, les fonctionnaires bénéficient depuis les lois du 3 avril 1950 pour les départements d'outre-mer (DOM) et du 30 juin 1950 pour les collectivités d'outre-mer (COM) de majorations de rémunération, que la Cour des comptes, dans son rapport annuel 2015 a qualifié de " maquis législatif et réglementaire ". En Guadeloupe, à la Martinique, à Mayotte et en Guyane, les fonctionnaires bénéficient d'une majoration de 40 % de leur traitement indiciaire brut, hors primes. Cette majoration est de 53,63 % à La Réunion. Les rémunérations applicables à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon sont alignées sur celles des Antilles, avec une majoration spécifique complémentaire des primes à Saint-Pierre-et-Miquelon. Une indemnité complémentaire pour sujétion géographique (ISG) est appliquée à Mayotte, en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon. À Wallis-et-Futuna, une majoration de rémunération de 105 % s'applique, complétée par une indemnité d'éloignement.

55. D'autres professions libérales bénéficient de majorations, en particulier les professions médicales, dont les tarifs de consultation sont majorés. S'agissant des pharmaciens, les prix publics des médicaments sont également majorés (voir tableau ci-dessous).

Exemples de majorations applicables outre-mer à d'autres professions réglementées

[TABLEAU] *25 *26

Source : Autorité de la concurrence

56. Il ressort de ces constats que les niveaux des majorations semblent avoir été fixés sans analyse préalable de leur éventuelle justification économique. On peut noter que ces majorations sont (à l'exception de celles applicables aux prix des médicaments) très inférieures à celles retenues pour les professions réglementées examinées par l'avis.

57. Héritages de décisions anciennes des pouvoirs publics, prises en concertation avec les professions concernées, ces majorations tendent à s'ancrer dans le temps, sans que leur bien-fondé et leur ampleur fassent l'objet d'un réexamen régulier à l'aune de références économiques objectives.

B. LES ÉCARTS DU NIVEAU GÉNÉRAL DES PRIX ENTRE CES TERRITOIRES ET LA MÉTROPOLE PEUVENT JUSTIFIER LE PRINCIPE D'UNE MAJORATION, MAIS PAS SON NIVEAU

58. Compte tenu de l'éloignement de la métropole et du coût de la vie dans ces territoires, le principe d'une majoration peut, dans certains cas, se comprendre. Toutefois, les majorations applicables apparaissent beaucoup plus importantes que les écarts constatés du niveau général des prix.

59. On constate d'ailleurs qu'alors que les majorations applicables à La Réunion et à Mayotte sont plus importantes qu'aux Antilles, les écarts d'indices de prix avec la métropole y sont, en moyenne, moins élevés.

Les écarts de prix entre les DOM et la métropole en mars 2015(en %)

[TABLEAU] *27

Source : Insee Première, avril 2016

60. Selon l'Insee, le tableau peut être lu comme suit : en prenant comme référence le panier de consommation des ménages de métropole, les prix en Martinique étaient en moyenne supérieurs de 17,1 % à ceux en métropole. En prenant comme référence le panier martiniquais, les prix en métropole étaient inférieurs de 7,1 % à ceux en Martinique. L'écart de prix de Fisher, moyenne géométrique des deux écarts, tient compte de l'adaptation des habitudes de consommation des ménages qui changeraient de territoire. Cet écart montre que les prix sont globalement supérieurs de 12,3 % en Martinique par rapport à ceux de métropole.

61. D'après un tableau réalisé par la Cour des comptes *28 et sur la base des données INSEE pour 2015, les écarts constatés, s'ils connaissent des variations dans le temps, demeurent depuis longtemps inférieurs aux taux de ces majorations.

Écarts de prix entre les DOM et la métropole en 1985 - 1992 - 2010 -2015 (écarts de Fisher, exprimés en %)

[TABLEAU]

62. Des études comparables ont été effectuées pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, hors du champ de cet avis, par l'organisme en charge des Comptes économiques rapides de l'outre-mer (CEROM) *29. En revanche, tel n'a pas encore été le cas pour Wallis et Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ou encore Saint-Pierre-et Miquelon *30.

63. Ainsi, d'après l'INSEE, en 2015, les prix étaient plus élevés d'environ 12 % en Martinique, Guadeloupe et Guyane et d'environ 7 % à La Réunion et à Mayotte *31.

C. LES JUSTIFICATIONS MISES EN AVANT PAR LES PROFESSIONNELS

64. Selon les instances professionnelles des huissiers de justice et des notaires consultées au cours de l'instruction, les majorations seraient destinées à compenser des surcoûts spécifiques aux territoires ultramarins, liés notamment à de multiples particularités d'exercice qui engendreraient des surcoûts spécifiques. D'après elles, la réalisation d'un même acte entraînerait un surcroît de main d'œuvre ainsi que des dépenses plus importantes qu'en métropole (locaux, formation, déplacements, etc.).

65. De façon générale, d'après ces instances représentatives, les actes seraient plus complexes à réaliser en outre-mer en raison de spécificités sociales (niveau de vie inférieur, taux de chômage plus élevé, conflits sociaux) et juridiques (régime des indivisions, nécessité de recherches généalogiques, difficultés d'adressage dues à un manque de fiabilité des adresses et des documents fonciers, indivisions complexes en matière patrimoniale, difficultés administratives, etc.). Ces territoires seraient également plus souvent confrontés à des aléas climatiques et à des conflits sociaux parfois vifs. Il a été indiqué à plusieurs reprises dans les contributions reçues que les frais de déplacement et de véhicule représenteraient un poste de dépenses significatif pour les offices ultramarins, compte tenu des spécificités topographiques et climatiques. Enfin, le faible développement des transports en commun induirait, notamment pour les huissiers de justice, une dépendance à l'automobile, dont l'achat, l'usage et l'entretien serait plus onéreux qu'en métropole.

66. En ce qui concerne la main d'œuvre, les instances professionnelles s'accordent sur le fait que son coût serait plus important en outre-mer qu'en métropole. Selon elles, les salaires y seraient plus élevés et les offices seraient souvent contraints d'y embaucher plus de personnel en raison d'un manque de main-d'œuvre qualifiée. La formation des collaborateurs représenterait par ailleurs un poste de dépenses important. En effet, les offices devraient financer des déplacements en métropole pour leurs collaborateurs ou avoir recours à la visioconférence, particulièrement coûteuse.

67. De manière générale, la cherté de la vie outre-mer affecterait certaines dépenses de fonctionnement, telles que les achats de matériels et logiciels informatiques, locaux, fournitures de bureaux. Pour l'ensemble de ces motifs, le coût de revient des prestations juridiques serait ainsi plus élevé qu'en métropole. Le niveau actuel des taux de majoration constituerait donc, selon les instances interrogées, un moyen d'assurer la stabilité économique des offices et de compenser les surcoûts existants.

68. Par ailleurs, les professionnels seraient contraints d'agir sur de plus petits marchés, sans pouvoir profiter de leur compétence nationale (pour les notaires) ou de l'élargissement de leur compétence au niveau des cours d'appel (pour les huissiers de justice). En outre, ils éprouveraient davantage de difficultés à développer une activité concurrentielle que leurs confrères de métropole, ce qui ne leur permettrait de diversifier leurs recettes qu'à la marge. Certaines activités seraient enfin en concurrence directe avec la métropole et les offices ultramarins ne bénéficieraient pas toujours de structures capables de rivaliser. À titre d'exemple, l'administration d'immeubles serait difficile d'accès pour ces professionnels en raison notamment de la présence de réseaux d'agences franchisés.

69. Sur ces différents points, l'Autorité relève d'abord que les facteurs de surcoût invoqués (à l'exception des salaires) n'ont pas été objectivés par les instances professionnelles et que certains de ces facteurs ne sont pas propres à l'outre-mer mais peuvent tout aussi bien affecter des offices métropolitains, situés dans des régions affectées par des problèmes sociétaux ou une topographie complexe.

70. L'Autorité s'est donc attachée à vérifier l'ampleur des surcoûts invoqués par les instances professionnelles au regard de la situation économique des offices concernés, dont les résultats financiers conduisent - pour un grand nombre d'entre eux, du moins - à tempérer ces arguments *32. Il convient d'ailleurs de relever que des dispositifs tarifaires permettent déjà de tenir compte de certains de ces facteurs (recours au mécanisme des débours *33, par exemple, en cas de nécessité de faire des recherches généalogiques, sans incidence sur l'émolument perçu par le notaire ; majoration des frais de transport ; majoration en fonction du temps passé par un huissier pour certains actes, etc.).

D. LES VÉRIFICATIONS OPÉRÉES PAR L'AUTORITÉ

71. L'analyse de la situation économique des offices permet de justifier le principe des majorations tarifaires, mais pas leur niveau. La méthodologie appliquée aux données disponibles (a) a tout d'abord permis de comparer les structures de coûts des offices en outre-mer et en métropole (b), puis d'analyser l'effet des majorations tarifaires (c).

a) Explications méthodologiques

72. À titre liminaire, il convient de préciser que l'analyse réalisée ci-après présente une image synthétique de la situation économique globale au sein d'une profession (huissiers de justice d'une part et notaires d'autre part) et des surcoûts spécifiques à l'outre-mer.

73. Son objectif est donc de comparer cette image synthétique avec celle observée en métropole et de mettre ainsi en perspective le niveau de majoration dont bénéficient les offices ultramarins. Si une analyse plus détaillée de la situation financière des offices devait être réalisée, elle pourrait tenir compte de plusieurs autres facteurs, comme le niveau de risque de l'activité, l'importance des dépenses en capital ou les différentiels de coût de la vie entre la métropole et l'outre-mer.

74. Il doit également être gardé à l'esprit, pour l'interprétation des données chiffrées présentées ci-après, que l'analyse prend en compte le chiffre d'affaires global des offices *34, résultant à la fois de l'activité concurrentielle *35 et de l'activité monopolistique *36, à défaut de données exhaustives sur les répartitions respectives d'émoluments et d'honoraires dans le chiffre d'affaires *37. De même, le périmètre de coût retenu porte sur l'intégralité des dépenses professionnelles déclarées dans les liasses fiscales (voir ci-après), auxquelles ont été intégrées les dotations aux amortissements *38. La différence entre ce chiffre d'affaires et ces coûts constitue la " rémunération " du professionnel libéral.

75. Ce travail d'évaluation, réalisé à partir des données rendues disponibles dans le cadre de l'instruction de cet avis, permet néanmoins d'estimer dans quelle mesure une réévaluation des majorations est effectivement nécessaire.

76. Au 31 décembre 2016, on recensait en France métropolitaine 4 523 offices notariaux et 1 661 études d'huissiers de justice. En comparaison, on ne dénombrait dans les départements d'outre-mer que 47 offices notariaux et autant d'études d'huissiers de justice.

77. Pour apprécier les effets des majorations tarifaires sur la situation des offices ultramarins, l'Autorité a comparé la situation économique de ces offices à ceux d'un échantillon aléatoire d'offices de métropole. Pour ce faire, sur le fondement des articles L. 116 du livre des procédures fiscales *39 et L. 450-7 du code de commerce *40, les services d'instruction ont obtenu des services fiscaux la transmission, pour les années 2015 et 2016, des liasses fiscales de l'ensemble des offices ultramarins et de celles des offices de l'échantillon métropolitain.

78. Les liasses fiscales recueillies intègrent deux types de régime déclaratifs : celui des Bénéfices Non Commerciaux (" BNC ", associé au formulaire n° 2035-SD), majoritaire, et celui de l'Impôt sur les Sociétés (" IS ", associé au formulaire n° 2065-SD), minoritaire, qui ne concerne que 2 études d'huissier de justice et 5 offices notariaux en outre-mer et environ 15 % des structures en métropole. L'intégration des données des formulaires " IS " avec ceux des formulaires " BNC " n'était pas envisageable d'un point de vue fiscal en l'absence d'une " clé de conversion " entre les données " BNC " et " IS ".

79. Par exemple, la rémunération annuelle des professionnels libéraux (hors salariés) dans un régime fiscal " IS " constitue une dépense déductible du bénéfice imposable alors que cette même rémunération n'est pas incluse dans les dépenses professionnelles d'un office soumis au régime fiscal BNC *41. Pour cette raison, l'intégration des offices " IS " aurait faussé l'analyse des dépenses professionnelles des offices. De la même façon, l'analyse des rémunérations des professionnels des offices " IS " n'aurait pas été possible puisque celles-ci sont confondues dans le total des dépenses professionnelles et donc inconnues.

80. Par conséquent, les résultats présentés par la suite ne concernent que les offices déclarant leurs revenus dans la catégorie des BNC. Bien que les offices " IS " soient exclus à la fois de l'échantillon des DOM et de l'échantillon de métropole, cette restriction n'est pas neutre car les chiffres d'affaires des offices de notaires " BNC " des DOM sont plus proches de ceux des offices de notaires " IS " en métropole. Il est donc possible que l'exclusion des offices " IS " de métropole minore l'activité " moyenne " d'un office métropolitain sans que l'exclusion des offices " IS " des DOM compense cet effet.

81. En outre, l'exploitation d'une base de données fiable et complète a également nécessité un croisement des données issues des liasses fiscales avec celles transmises annuellement par les instances professionnelles dans le cadre des missions que la loi du 6 août 2015 précitée a confiées à l'Autorité.

82. Ce travail a conduit au retraitement des formulaires n° 2035 pour en écarter certains se révélant incomplets. L'année 2017, bien que fournie par les services fiscaux suite aux demandes de l'Autorité, n'a pas pu être prise en compte dans l'analyse, car les données les plus récentes transmises par les instances professionnelles concernent les exercices 2015 et 2016.

83. Après retraitement, l'analyse présentée ci-après s'appuie sur l'ensemble des déclarations fiscales des 38 offices notariaux et 43 études d'huissiers de justice ultramarins et de 389 offices notariaux et 256 études d'huissiers de justice de métropole exerçant en BNC, et ce pour deux années, 2015 et 2016. Ces échantillons permettent, pour chacune des professions de notaire et d'huissier de justice, ainsi que pour chaque département et collectivité d'outre-mer concerné comparé à la métropole, de se situer dans un niveau de confiance de 95 % avec une marge d'erreur inférieure à 6 % *42.

84. Une précision est nécessaire à l'égard des offices créés ou repris depuis 2016 et ayant eu majoritairement recours à des emprunts bancaires afin de financer leur installation. Si une analyse portant sur des données plus récentes devait être réalisée, il conviendrait d'observer les écarts de dépenses professionnelles entre outre-mer et métropole poste par poste. En effet, les intérêts d'emprunts étant déductibles du bénéfice imposable au titre des frais financiers *43, il est vraisemblable qu'au global, les dépenses professionnelles des offices ultramarins apparaissent plus élevées et les résultats nets moyens plus faibles qu'en métropole. Par ailleurs, les deux années étudiées ne permettent pas de prendre en compte les évolutions d'activité liées à l'installation prévue de nouveaux notaires ou huissiers de justice. Les rémunérations des associés présentées ci-après, qui dépendent de la majoration tarifaire appliquée mais aussi de ces volumes d'activité, sont donc susceptibles d'évoluer dans les années à venir ; la rémunération par acte, également présentée, neutralise cependant ces variations de volumes d'activité. Enfin, comme indiqué précédemment, les comparaisons effectuées avec la métropole ne prennent pas en compte la totalité des facteurs susceptibles de différencier les activités étudiées : ainsi, les niveaux de risque et le niveau des dépenses en capitaux nécessaires n'ont pas été pris en considération, ni le différentiel du coût de la vie.

85. Dans la suite de l'avis, l'emploi du vocable " dans l'ensemble des DOM " ou " dans l'ensemble des outre-mer " ou encore " en outre-mer ", utilisé dans l'analyse ci-après, fait référence, sauf précision contraire, aux cinq départements suivants : Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Mayotte. L'emploi du vocable " métropole " fait quant à lui référence à l'échantillon représentatif d'offices métropolitains, le cas échéant d'huissier de justice ou de notaire, constitué pour les besoins de la comparaison outre-mer / métropole.

86. Les agrégats étudiés ont été rapportés à l'acte, pour permettre des comparaisons du coût de revient moyen de chaque acte entre les offices d'une même profession et entre les offices d'outre-mer et de métropole.

87. Il est important à cet égard d'indiquer que le nombre d'actes *44 par associé est plus important en outre-mer (en moyenne 3 697 actes pour les huissiers de justice et 574 pour les notaires) qu'en métropole (en moyenne 2 448 actes pour les huissiers de justice et 455 pour les notaires), soit un écart de + 51 % pour les huissiers de justice et de + 26 % pour les notaires. Cet écart, bien qu'il puisse témoigner d'une plus grande activité des offices dans les DOM, accroît également les rémunérations perçues dans les DOM et réduit, de ce point de vue, la nécessité d'une majoration des tarifs. Comme vu précédemment, du fait de la création de nouveaux offices, cette rémunération globale est cependant appelée à évoluer

88. Les répartitions des rémunérations moyennes annuelles des professionnels libéraux, tant huissiers de justice que notaires, sont présentées dans les graphiques ci-dessous. Des différentiels de rémunération relativement élevés peuvent être observés à La Réunion et en Guyane.

[GRAPHIQUE]

b) Une structure de dépenses professionnelles similaire en outre-mer et en métropole

89. L'analyse de la structure des coûts permet d'élaborer une première série de constats :

- La structure de coûts des offices ultramarins est très proche de celle des offices métropolitains. À titre d'exemple, et contrairement à ce qui a été mis en avant par les instances professionnelles, les " loyers et charges locatives " ne représentent pas une part plus importante en outre-mer qu'en métropole dans le total des dépenses professionnelles des offices.

- Certaines dépenses pour lesquelles les professionnels soutiennent qu'elles leur coûtent significativement plus cher qu'en métropole sont en réalité relativement marginales dans leur structure de coûts. Cela est notamment le cas pour le poste " transports et déplacements " pour lequel le surcoût, s'il était de nature à impacter significativement l'ensemble des dépenses, devrait représenter une part bien plus importante dans le total des dépenses des offices.

90. Une exception peut cependant être notée pour la masse salariale des huissiers de justice, dans les limites des marges d'erreurs associées à l'échantillon étudié (voir § 83 ci-dessus). Si cette masse salariale est quasiment identique entre la métropole et l'outre-mer pour les notaires, elle représente en moyenne 60 % des dépenses pour les huissiers ultramarins contre 55 % pour leurs confrères de métropole. Cette différence pourrait s'expliquer par le nombre plus important de salariés employés par office (en moyenne, deux de plus qu'en métropole), augmentant d'autant le poids de la masse salariale.

[GRAPHIQUE]

c) L'effet des majorations tarifaires sur la profitabilité et la rémunération des notaires et huissiers en outre-mer

91. Par souci de lisibilité, l'analyse qui suit est présentée distinctement pour chacun des départements concernés. Guadeloupe

92. En Guadeloupe, bien que les instances professionnelles invoquent des difficultés accrues de réalisation des actes, les offices d'huissier de justice et de notaire réalisent en moyenne un nombre d'actes par associé plus important qu'en métropole. L'écart est de + 33 % pour les huissiers de justice et de + 29 % pour les notaires. En revanche, les salariés ultramarins réalisent chacun, en moyenne, moins d'actes que les salariés métropolitains. L'écart est de 12 % pour les huissiers de justice et de 13 % pour les notaires.

93. En 2015-2016, un huissier de justice perçoit un revenu annuel moyen de 231 000 euros contre 111 000 euros pour son confrère de métropole (+ 108 %). Un notaire, quant à lui, perçoit un revenu annuel moyen de 192 000 euros contre 196 000 euros pour son confrère de métropole (-2 %). Une première disparité entre les professions est donc à prendre en compte dans la situation de la Guadeloupe.

94. Les chiffres d'affaires moyens par acte sont supérieurs en Guadeloupe pour les deux professions par rapport à la moyenne métropolitaine, mais les écarts sont plus marqués pour les huissiers de justice (+ 15 %) que pour les notaires (+ 3 %).

95. L'analyse montre également que certaines dépenses professionnelles sont effectivement plus importantes en Guadeloupe et qu'elles peuvent d'ailleurs être différentes selon les professions. Comme le relèvent à juste titre les représentants des huissiers de justice de Guadeloupe, les frais de transport et déplacement y sont 37 % plus élevés qu'en métropole. Pour les notaires, les loyers et charges locatives ainsi que les dépenses de location de matériels et de mobilier, représentent un poste de dépenses plus significatif qu'en métropole.

96. En outre, rapporté à l'acte, les deux professions supportent un coût salarial plus élevé qu'en métropole. Selon les représentants des huissiers de justice, cette différence entre coût du travail en Guadeloupe et en métropole serait due à une " prime de vie chère " versée aux employés des offices d'huissiers de justice à la suite des mouvements sociaux de 2009.

97. Au global, si le coût de revient moyen de chaque acte est supérieur en Guadeloupe pour les huissiers de justice (+ 8 %), le taux de rémunération moyen *45 par acte est supérieur à la moyenne métropolitaine (+ 41 % contre 37 %) et la rémunération moyenne par acte est de 65 euros contre 51 euros en métropole. Le niveau de la majoration prévue (+ 30 %) apparaît donc disproportionné.

98. Pour les notaires, le constat est différent. Le coût de revient moyen par acte est, en effet, supérieur de 13 % à la moyenne métropolitaine, le taux de rémunération moyen est inférieur de 7 points par rapport à la métropole et, enfin, la rémunération moyenne par acte est de 375 euros contre 480 euros en métropole. De plus, la rémunération moyenne d'un notaire libéral en Guadeloupe est légèrement inférieure à la moyenne métropolitaine. Ainsi, le niveau de majoration prévu en Guadeloupe (+ 25 %) apparaît plus proportionné dans le cas des notaires que dans celui des les huissiers de justice. Guyane

99. En Guyane, la situation économique des professionnels en 2015-2016 est nettement plus favorable que la moyenne métropolitaine et que celle de leurs homologues d'autres DOM. En effet, la rémunération moyenne d'un notaire guyanais est de 515 000 euros contre 196 000 euros pour son confrère métropolitain (+ 162 %). Celle d'un huissier de justice guyanais est de 349 000 euros contre 111 000 euros pour son confrère métropolitain (+ 213 %).

100. De même, les taux de rémunération moyens des offices d'huissiers de justice et de notaires sont respectivement de 60 % et 37 % avec des volumes d'actes par associé de + 128 % pour les huissiers de justice et + 38 % pour les notaires par rapport à la métropole. 101. L'analyse montre, en outre, que le coût de revient de l'acte est plus élevé en Guyane pour les notaires (+ 25 %). Les dépenses des notaires qui y sont plus élevées portent notamment sur les salaires nets payés (hors charges sociales patronales) *46 ainsi que sur les fournitures et services extérieurs *47 , les frais divers de gestion et les frais de transport et de déplacement. Ce différentiel de coût est, toutefois, largement compensé par un chiffre d'affaires par acte supérieur (+ 42 %), conduisant à un taux de rémunération moyen par acte également supérieur par rapport à la métropole (+ 37%). Ce résultat par acte supérieur est par ailleurs couplé à un volume d'actes par associé (+ 38 %) également plus élevé qu'en métropole.

102. Pour les huissiers de justice, en revanche, l'existence de surcoûts n'est pas établie au regard des données issues des liasses fiscales (le total des dépenses par acte s'établissant en moyenne à 49 euros contre 88 euros en métropole, soit - 44 % par rapport à la métropole). Aucun des postes de dépenses n'est en effet plus élevé en Guyane qu'en métropole. Même les coûts de transports et déplacements, auxquels sont pourtant contraints les huissiers de justice en matière de signification des actes, y sont nettement inférieurs. Ce constat contredit l'argument de la chambre des huissiers de justice de Martinique/Guyane soulignant que les difficultés d'accès à certaines zones géographiques créeraient un surcoût des déplacements par rapport à la métropole. Par ailleurs, si le chiffre d'affaires par acte est inférieur en Guyane par rapport à la métropole (- 11%), le résultat par acte est quant à lui supérieur (74 euros contre 51 euros en métropole, soit + 44%). Enfin, le nombre d'actes est lui aussi supérieur en Guyane par rapport à la métropole (+ 128%). Ces constats, tempérés par le faible nombre d'offices ainsi que la disparité observée dans les rémunérations (voir ci-avant), suggèrent un calibrage erroné du coefficient de majoration tarifaire en Guyane.

Martinique

103. En Martinique, les offices d'huissier de justice réalisent en moyenne un nombre d'actes par associé significativement supérieur à la métropole (+ 52 %), avec un taux de rémunération moyen similaire à leurs confrères métropolitains (40 %). La rémunération moyenne des huissiers de justice en Martinique en 2015-2016 est supérieure à celle constatée en métropole, mais l'écart est moindre que pour la Guadeloupe ou la Guyane. En effet, un huissier de justice en Martinique perçoit une rémunération moyenne de 161 000 euros contre 111 000 euros, soit 45 % de plus que son confrère de métropole. En outre, si le coût de revient moyen de l'acte est inférieur à la métropole, c'est aussi le cas du chiffre d'affaires moyen par acte (- 11 %), conduisant à une rémunération par acte inférieure à la métropole de 4 % (49 euros en Martinique contre 51 euros en Martinique).

104. Le fait, avancé par les représentants des huissiers de justice en Martinique, que certaines dépenses professionnelles seraient plus élevées qu'en métropole n'empêche pas les dépenses totales par acte d'être inférieures en Martinique (le total des dépenses par acte étant inférieur de 15 % par rapport à la moyenne métropolitaine). Seuls les coûts de transports et déplacements sont plus élevés qu'en métropole, d'environ 20 % en moyenne. Cette donnée corrobore d'ailleurs l'argument de la chambre des huissiers de justice de Martinique, selon lequel les défauts d'adressage dans certaines zones ainsi que les temps de transports alourdiraient le coût de revient de l'acte dans ce département.

105. En Martinique, un notaire perçoit une rémunération moyenne de 171 000 euros contre 196 000 euros en métropole, soit - 13 %. Combinant un nombre moyen d'actes par associé quasi-identique à la métropole et un coût de revient moyen par acte supérieur de 9 % par rapport à la métropole, les offices réalisent un chiffre d'affaires par acte supérieur seulement de 2 % à ceux de métropole et un résultat par acte inférieur, 411 euros en Martinique contre 480 euros en métropole.

106. Au vu des éléments concernant les huissiers de justice, et sous réserve des éléments supplémentaires qui pourraient être recueillis, le niveau du taux de majoration de 30 % prévu, n'apparaît pas pleinement justifié.

107. Le constat doit en revanche être plus mesuré pour les notaires en Martinique, compte tenu d'une rémunération moyenne par professionnel libéral et d'un résultat par acte inférieurs aux moyennes métropolitaines et d'un coût de revient moyen par acte supérieur. Comme en Guadeloupe, la majoration prévue pour les notaires en Martinique semble moins disproportionnée que celle applicable aux huissiers de justice.

La Réunion

108. À La Réunion, les offices d'huissiers de justice et de notaires réalisent également un nombre d'actes par associé plus important qu'en métropole. L'écart est de + 41 % pour les huissiers de justice et de + 36 % pour les notaires.

109. La rémunération moyenne annuelle des professionnels en 2015-2016 est supérieure à celle de leurs confrères de métropole. Un notaire à La Réunion perçoit un revenu moyen annuel de 351 000 euros contre 196 000 euros en métropole (+ 79 %) et un huissier de justice perçoit 228 000 euros annuel contre 111 000 euros en métropole (+ 105 %). Rapporté à l'acte, le résultat moyen des offices est également supérieur à la métropole de 32 % pour les huissiers de justice et de 19 % pour les notaires.

110. Le chiffre d'affaires moyen par acte respectivement réalisé par les huissiers de justice et les notaires est supérieur de 16 % et 19 % par rapport à la métropole. Le taux de rémunération moyen y est également supérieur à la moyenne métropolitaine (42 %) pour les huissiers de justice, soit 5 points de plus qu'en métropole. Il est de 29 % pour les notaires, quasiéquivalent à la métropole.

111. Cependant, le coût de revient moyen de l'acte est supérieur pour les deux professions par rapport à la moyenne métropolitaine. Certains surcoûts sont communs, tels que les salaires payés aux employés et les frais de transport et déplacement.

112. Pour les huissiers, si le coût du travail par acte est plus élevé, il est compensé par d'autres dépenses plus faibles qu'en métropole et, au global, l'écart du coût de revient entre La Réunion et la métropole est plus limité (+ 7 %).

113. Pour les notaires, l'écart du coût de revient moyen de l'acte avec la métropole est plus significatif (+ 19 %). Il s'explique notamment par des salaires nets payés nettement plus élevés (environ 40 % de plus) qu'en métropole *48. Comme l'ont indiqué les représentants de la profession, ce surcoût résulte de l'application de la convention collective des offices de La Réunion du 29 avril 1982, qui prévoit une majoration de 40 % des salaires des employés.

114. En tout état de cause, bien que des surcoûts liés aux dépenses soient réels, notamment du fait du coût du travail pour les notaires, les données relatives aux rémunérations moyennes annuelles des professionnels à La Réunion comme celles du résultat moyen par acte indiquent que la majoration de 40 %, prévue pour les huissiers de justice et les notaires, compense largement les écarts de coûts identifiés entre La Réunion et la métropole, particulièrement pour les huissiers.

Mayotte

115. À Mayotte, une seule étude d'huissier de justice est présente et le nombre d'actes par associé y est très important par rapport à la métropole + [160-170]%, le chiffre d'affaires moyen par acte étant quant à lui inférieur - [10-20]%.

116. Cette situation pourrait s'expliquer par la réalisation d'actes peu rémunérateurs.

117. Toutefois, le coût de revient moyen par acte est aussi inférieur à la métropole. La majorité des postes de dépenses sont aussi moins lourds, à l'exception des transports et déplacements et des salaires nets payés. Les charges sociales patronales sont de même nettement plus faibles, réduisant ainsi le poids de la masse salariale sur le total des dépenses professionnelles. Le niveau de profitabilité est cependant inférieur à la moyenne métropolitaine ([20-30] % en moyenne contre 37 % en métropole). Au final, le résultat par acte est de 34 euros contre 51 euros en métropole.

118. Cependant, du fait des volumes d'activité très importants, la rémunération annuelle moyenne est plus importante qu'en métropole (en moyenne […] euros contre 111 000 euros en métropole, soit + [90-100]% ce qui, dans le cas de Mayotte également, irait dans le sens d'un niveau de majoration trop élevé.

119. En synthèse de la présente analyse, les tableaux ci-dessous mettent en évidence les différents écarts entre les territoires étudiés et la métropole tant pour les huissiers de justice que pour les notaires.

[TABLEAU]

Source : Autorité de la concurrence

120. En conclusion, les taux de majoration prévus apparaissent disproportionnés dans certains départements et pour certaines professions par rapport aux écarts de coûts et de résultat net observés, alors que les rémunérations des professionnels sont, en moyenne, très confortables en outre-mer grâce, notamment, à des volumes d'activité par associé fréquemment supérieurs.

121. Les constats effectués, et notamment ceux concernant les niveaux de rémunérations des professionnels, plaident en faveur d'une révision du système actuel des majorations afin que le critère d'une rémunération raisonnable soit respecté et de la mise au point d'une méthode objective de compensation des différentiels éventuels de coûts et de valeur des actes, tenant également compte, le cas échéant, des différentiels de volumes d'activité et de coût de la vie.

122. Cette méthode pourrait être établie à l'échelle de chaque profession et dans chaque territoire. En outre, devra être pris en compte l'arrivée programmée de nouveaux professionnels.

III. Étude d'impact

123. Afin d'apprécier les ordres de grandeur en cause, l'Autorité a procédé à une double étude d'impact. Elle a d'abord évalué l'incidence des majorations actuelles sur le prix des actes acquitté par les usagers ultramarins des prestations concernées (A). Elle s'est aussi attachée à évaluer l'impact que pourrait avoir une suppression de ces majorations sur la santé économique des offices (B). Il ressort de cette analyse que les effets redistributifs de ces majorations, qui représentent environ quarante millions d'euros par an sur l'ensemble des départements et des prestations concernées, sont loin d'être négligeables.

A. IMPACT DES MAJORATIONS TARIFAIRES SUR LE PRIX ACQUITTÉ PAR LES USAGERS

124. Il est important de préciser, à titre liminaire, que les majorations portent sur les seuls émoluments des professionnels, c'est-à-dire les tarifs de leurs activités réglementées exercées en monopole. Par nature, elles ne portent pas sur les honoraires, qui correspondent aux prix des prestations exercées en concurrence avec d'autres professionnels, qui font l'objet, pour leur part, d'une négociation de gré à gré avec le client *49. Les débours, qui correspondent au remboursement à l'euro près des sommes déboursées par les professionnels pour le compte de leurs clients lorsqu'ils réalisent une prestation (ex : consultation d'un généalogiste pour un notaire, frais de serrurier pour un huissier de justice, etc.), ne sont également pas concernés. En revanche, des majorations s'appliquent à certains remboursements forfaitaires de frais, sachant qu'en outre, ceux-ci peuvent faire l'objet de règles de calcul spécifiques dans les départements d'outre-mer *50.

125. Un des arguments avancés pour justifier des émoluments hors taxes plus élevés perçus par les professionnels ultramarins réside dans la différence du taux de TVA applicable en métropole (20 %) et dans les départements d'outre-mer, qui atténuerait de manière significative les effets des majorations tarifaires supportées par l'usager final. Sur ce point, il est exact que certaines taxes comme la TVA sont effectivement d'un niveau réduit ou non applicable dans ces territoires. Ainsi, le taux normal de TVA, applicable aux prestations en cause, est de 8,5 % en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion. La TVA n'est provisoirement pas applicable en Guyane, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy (sauf en matière immobilière) et à Wallis-et-Futuna.

126. Ainsi, selon l'argumentaire présenté aux services d'instruction, le seul effet de la différence des taux de TVA limiterait celui des majorations applicables (+ 25 % à + 40 %) à l'émolument hors taxes perçu par le professionnel. Toutefois, les éléments recueillis lors de l'instruction du présent avis infirment cette analyse. En effet, toutes taxes comprises, la différence reste tout à fait perceptible par l'usager ultramarin de la prestation, entre + 4 % (minimum) et + 27 % (maximum) de l'émolument par rapport à la métropole, comme le montrent les tableaux ci-dessous.

[TABLEAU]

127. Par ailleurs, le fait que leurs effets sur les usagers soient atténués en raison des différences de taux de TVA ne justifie pas, en soi, d'appliquer des majorations aux émoluments HT des professionnels. En effet, malgré des règles fiscales plus favorables, les tarifs TTC acquittés par les usagers en outre-mer sont toujours supérieurs à ceux de la métropole.

128. En réalité, le niveau actuel des majorations vient plus que neutraliser l'effet de ces exonérations fiscales, lesquelles visent pourtant à compenser les écarts de niveaux de vie entre ces départements et la métropole, en créant un effet fiscal favorable par rapport à celle-ci. Par ailleurs, dans une logique d'analyse du pouvoir d'achat, la majoration vient augmenter les prix des actes pour les consommateurs, indépendamment du niveau de TVA.

129. De fait, ces majorations tarifaires ont une incidence non négligeable sur le pouvoir d'achat des populations concernées. À titre d'exemple, pour une vente immobilière de gré à gré, l'émolument proportionnel perçu par le notaire, calculé selon le barème progressif fixé à l'article A. 444-91 du code de commerce *51, s'élève, pour un bien d'une valeur de 200 000 euros, à 2 033 euros HT en métropole, mais, selon les territoires, entre 2 541 euros et 2 846 euros HT en outre-mer (soit une différence comprise entre 508 euros (+ 25 %) et 813 euros (+ 40 %)).

130. Le tableau ci-dessous montre que si l'application d'une TVA à taux réduit ou l'absence de TVA dans certains territoires permet de réduire l'écart des montants acquittés TTC par les usagers en métropole et en outre-mer, celui-ci demeure significatif (entre + 4 % et + 27 %).

[TABLEAU]

Source : Autorité de la concurrence

131. Globalement, les majorations tarifaires entraînent une hausse du prix acquitté par les usagers ultramarins d'environ 26 millions d'euros par an TTC, s'agissant des notaires et d'environ 11 millions d'euros TTC par an, s'agissant des huissiers de justice *52. Ceci correspond à un surcoût moyen par acte notarié d'environ 514 euros (avec un minimum de 365 euros à la Martinique et un maximum de 607 euros en Guyane) et un surcoût par acte d'huissier de justice de 40 euros (avec un minimum de 27 euros à Mayotte et un maximum de 50 euros à La Réunion).

132. Ainsi, rapportée au nombre total d'actes réalisés par chaque profession, l'économie que réaliserait un usager en cas de suppression des majorations tarifaires serait ainsi substantielle, comme l'illustrent les tableaux ci-dessous.

[TABLEAU]

Source : Autorité de la concurrence

Explication : Données établies sur la base des chiffres d'affaires hors taxes pour une année d'exercice et du nombre d'actes annuels réalisés par territoire et profession. Les économies réalisées (globale et par acte) par les usagers des prestations tiennent compte de la TVA à 8,50 % applicable uniquement aux Antilles et à La Réunion. Il en est de même pour le pourcentage de réduction par usager des prestations.

B. IMPACT D'UNE SUPPRESSION DES MAJORATIONS TARIFAIRES OUTRE-MER SUR LA PROFITABILITÉ DES OFFICES

133. L'Autorité a analysé, sur la base des données recueillies dans le cadre de l'instruction du présent avis, l'impact potentiel d'une suppression des majorations tarifaires sur la situation des offices ultramarins.

134. Par prudence méthodologique, et en l'absence de données suffisamment fines pour procéder autrement, il a été choisi d'évaluer un majorant de cet impact, en mesurant l'effet d'une suppression de la majoration sur la totalité du chiffre d'affaires global des offices (activité en monopole et activité concurrentielle) et non pas seulement sur la part du chiffre d'affaires résultant uniquement des émoluments. Ainsi, l'impact direct d'une telle suppression sur le chiffre d'affaires des offices ultramarins serait, au maximum :

(i) pour les notaires, de 25 % (Antilles/Guyane) à 40 % (La Réunion) et,

(ii) pour les huissiers de justice, de 30 % (Antilles/Guyane/Mayotte) à 40 % (La Réunion).

135. Par ailleurs, l'impact sur la profitabilité des offices d'une suppression des majorations ne peut pas être calculé de manière purement mécanique et à périmètre constant, sauf à considérer que les dépenses professionnelles restent les mêmes pour chaque office, sans ajustement de ses coûts à la suppression des majorations. L'impact réel serait substantiellement inférieur, le chiffre d'affaires en monopole ne constituant qu'une part variable du chiffre d'affaires total des offices. Toutefois, pour les besoins de l'analyse, l'Autorité a choisi d'estimer un majorant de l'effet d'une telle mesure (c'est-à-dire un chiffre nécessairement supérieur à la réalité) sur la profitabilité de chaque office en raisonnant " toutes choses égales par ailleurs ", c'est-à-dire en faisant l'hypothèse (volontairement prudente) d'un maintien à l'identique des dépenses professionnelles. En cas d'étalement dans le temps d'une telle mesure de suppression, par des ajustements successifs des émoluments à la baisse, les offices concernés pourraient optimiser leurs coûts, de façon à s'adapter progressivement à ces nouvelles règles tarifaires.

a) Impact potentiel d'une suppression des majorations sur les offices d'huissier de justice dans les DOM

136. Toutes choses égales par ailleurs, notamment en ce qui concerne les volumes par office et par associé, la suppression des majorations tarifaires (de respectivement 30 % en Guadeloupe, Martinique, Guyane et à Mayotte et de 40 % à La Réunion) diminuerait significativement le chiffre d'affaires moyen par acte.

137. En Martinique, en Guyane et Mayotte, où le chiffre d'affaires moyen par acte est déjà aujourd'hui plus faible de respectivement 11 %, 11 % et [10-20]%, l'écart avec la métropole se creuserait, passant respectivement à - 31 %, - 32 % et -[30-40]%. Là où le chiffre d'affaires moyen par acte est actuellement supérieur à la métropole, comme en Guadeloupe (+ 15 %) et à La Réunion (+ 16 %), l'écart par rapport à la métropole deviendrait significativement négatif (respectivement - 12 % et - 17 %).

138. À l'exception de la Guyane, où le taux de résultat net moyen demeurerait très confortable et largement supérieur à la moyenne métropolitaine (48 % contre 37 %) malgré la suppression de la majoration, la profitabilité des offices d'huissiers de justice des autres DOM deviendrait inférieure à celle de leurs homologues de métropole, avec des taux de résultat net moyen compris entre [5-10]% à Mayotte et 23 % en Guadeloupe. Bien que les offices ultramarins réalisent en moyenne un volume d'actes par associé supérieur à la moyenne métropolitaine (+ 51 % pour l'ensemble des DOM) *53, dans certains territoires et pour certaines professions, il n'est pas évident que la supériorité du nombre d'actes réalisés permette de compenser les pertes associées à une suppression des majorations. Ainsi, dans un tel scénario, l'adaptation des offices dépendra surtout de leur capacité à ajuster leurs dépenses professionnelles, ce qui peut s'avérer difficile si les dépenses sont majoritairement contraintes.

139. L'impact de la suppression de la majoration sur la rémunération moyenne par huissier de justice libéral en outre-mer serait cependant limité. En effet, cette rémunération demeurerait beaucoup plus élevée dans deux territoires d'outre-mer qu'en métropole: en moyenne de 268 000 euros par an en Guyane (+ 141 %) et de 177 000 euros (+ 60 %) par an en Guadeloupe. Elle resterait supérieure à la métropole dans deux autres territoires : en moyenne de […] euros à Mayotte (+ [50-60]%) et de 163 000 euros à La Réunion (+ 47 %). En Martinique, cette rémunération se rapprocherait de la moyenne métropolitaine avec 124 000 euros par an en moyenne, soit 12 % de plus.

140. Toutefois, là encore, les niveaux de rémunération étant essentiellement liés aux volumes d'actes réalisés, la baisse des tarifs viendrait mécaniquement la diminuer. En Martinique, par exemple, où l'écart de rémunération moyenne avec la métropole après suppression des majorations n'est pas significatif, la baisse du niveau de revenu pourrait poser un sujet d'attractivité de l'exercice de la profession d'huissier de justice dans ce territoire.

[TABLEAU]

Source : Autorité de la concurrence

b) Impact potentiel d'une suppression des majorations sur les offices de notaire dans les DOM

141. Pour les notaires également, la suppression des majorations tarifaires (de respectivement 25 % en Guadeloupe, Martinique, Guyane et de 40 % à La Réunion) diminuerait le chiffre d'affaires moyen par acte, mais de façon moins significative que pour les huissiers de justice, à l'exception de la Guyane.

142. En effet, alors que le chiffre d'affaires moyen par acte est aujourd'hui toujours supérieur dans l'ensemble des DOM, les écarts avec la métropole deviendraient négatifs dans trois départements : - 18 % en Martinique et en Guadeloupe et - 15 % à La Réunion. Seuls les offices de Guyane maintiendraient, après la suppression de la majoration, un chiffre d'affaires moyen par acte supérieur à la moyenne métropolitaine (+ 13%).

143. Là encore, à l'exception de la Guyane où le taux de profitabilité des offices demeurerait relativement proche de la moyenne métropolitaine (22 %), la situation économique des offices de notaire serait nettement moins favorable dans les autres départements. Par exemple, la profitabilité la plus faible serait de 1 % à La Réunion et la plus élevée serait de 6 % en Martinique.

144. À l'exception de la Guyane, où la rémunération moyenne demeurerait beaucoup plus élevée qu'en métropole (412 000 euros par an, soit 110 % de plus), les niveaux de revenus moyens des notaires libéraux en Guadeloupe (154 000 euros par an, soit 22 % de moins) et en Martinique (137 000 euros, soit 30 % de moins), déjà inférieurs actuellement à la moyenne métropolitaine, seraient fortement réduits et poseraient également la question de l'attractivité de la profession dans ces départements. À La Réunion, en dépit de la suppression de la majoration, la rémunération moyenne demeurait toujours supérieure à la métropole

[TABLEAU]

Source : Autorité de la concurrence

c) Étude d'impact " office par office "

145. Une étude d'impact de la suppression de la majoration tarifaire a également été réalisée " office par office " pour les professions d'huissier de justice et de notaire en outre-mer. Elle permet de constater les disparités des effets d'une telle mesure de suppression sur les différents professionnels, indépendamment d'une éventuelle évolution de leurs volumes et de leurs dépenses.

146. En première analyse, un certain nombre d'offices souffriraient fortement d'une suppression de la majoration, alors que d'autres maintiendraient un niveau de profitabilité confortable. À l'exception de la Guyane, peu d'offices conserveraient néanmoins une profitabilité supérieure à la métropole. Tableaux de synthèse de l'impact sur les offices des différents territoires (en nombre d'offices) pour les huissiers de justice et les notaires

[TABLEAU]

Source : Autorité de la concurrence

147. En Guadeloupe, la majorité des offices d'huissier de justice étudiés demeurerait bénéficiaire, mais seuls trois offices continueraient à réaliser un taux de résultat net moyen égal ou supérieur à la métropole. En revanche, la majorité des offices de notaire serait déficitaire (6/11) et aucun ne maintiendrait un taux de résultat net moyen égal ou supérieur à la moyenne métropolitaine.

148. En Martinique, il y aurait autant d'offices d'huissier de justice déficitaires que bénéficiaires après la suppression de la majoration. Deux maintiendraient un taux de résultat net moyen égal ou supérieur à la moyenne métropolitaine. Pour les notaires, sept offices sur neuf seraient déficitaires et seuls deux resteraient bénéficiaires.

149. À La Réunion, huit offices d'huissiers de justice sur seize maintiendraient une situation bénéficiaire et sept offices de notaires sur quinze. Deux offices d'huissiers de justice sur seize seraient en déficit alors que huit offices de notaires sur quinze seraient concernés par cette situation. Seulement trois offices d'huissiers de justice conserveraient un taux de résultat net moyen égal ou supérieur à la métropolitaine contre aucun office de notaires.

150. En Guyane, […] office[s] de notaire serai[en]t déficitaire[s] et […] office[s] d'huissier de justice resterai[en]t bénéficiaire[s] alors que les autres offices maintiendraient une profitabilité égale ou supérieure à la moyenne des offices de métropole.

151. Pour conclure, en cas de suppression des majorations tarifaires, l'impact serait asymétrique pour les offices dans chacun des territoires et pour chacune des professions concernées.

152. Dans le cas de la Guyane (412 000 euros de rémunération moyenne par associé après amortissement pour les notaires et 268 000 euros pour les huissiers), le taux de majoration actuel semble à ce point disproportionné que sa suppression n'entraînerait pas de baisse alarmante de la rémunération moyenne annuelle par professionnel libéral, qui resterait nettement supérieure à la moyenne métropolitaine (+ 110 % pour les notaires et + 141 % pour les huissiers de justice). Cette rémunération élevée est cependant également liée à un volume d'activité très supérieur à celui de la métropole.

153. Pour les autres DOM, en revanche, en cas de suppression totale des majorations, un grand nombre d'offices pourraient être confrontés à des difficultés économiques avec des taux de résultats nets moyens fortement réduits par rapport à la métropole. Ce constat plaide en faveur du maintien du principe de la majoration mais d'une réévaluation du taux afin qu'il soit mieux proportionné à l'ampleur des surcoûts identifiés.

154. En outre, une réévaluation des taux des majorations tarifaires devra tenir compte du différentiel du coût de la vie évalué par l'INSEE entre + 7 % et + 12 % par rapport à la métropole afin de garantir sa compensation. Le cas échéant, elle devrait également tenir compte d'éventuels différentiels de niveaux de risque, d'activité ou de capitaux engagés.

IV. Propositions

155. Les tarifs des professions juridiques sont déterminés en fonction d'un certain nombre de principes fixés par le code de commerce. Ils doivent, en particulier, être " orientés " vers les coûts que les professionnels supportent pour délivrer les prestations en cause, auxquels s'ajoute une rémunération raisonnable.

156. Il ressort de l'analyse qui précède que les majorations forfaitaires prévues aux articles R. 444-58, R. 444-68 et R. 444-77 du code de commerce (respectivement pour les huissiers de justice, notaires et avocats, s'agissant, pour ces derniers, de leurs missions règlementées en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires) n'ont pas été fixées au regard de surcoûts objectifs dans les DOM, de sorte que les professions concernées bénéficient, à l'heure actuelle, en moyenne, de niveaux de rémunération excédant ceux constatés en métropole. Inversement, une suppression pure et simple de ces majorations, sans égard à la réalité des surcoûts encourus, comporterait le risque opposé que le revenu dégagé par les offices d'outre-mer se situe durablement en deçà de la rémunération raisonnable prévue par la loi, d'autant plus dans un contexte d'ouverture du marché à de nouvelles installations de professionnels.

157. Sans remettre en cause le principe d'une adaptation spécifique à l'outre-mer pour assurer aux professionnels des revenus moyens équivalents à leurs consœurs et confrères installés en métropole, l'Autorité invite le Gouvernement à redéfinir les taux de majoration pratiqués sur une base objective, c'est-à-dire en tenant mieux compte de surcoûts réellement identifiés, profession par profession et département par département, mais aussi de l'impact de l'installation de nouveaux offices sur la situation des professionnels existants.

158. D'autres éléments justifiant l'application de majorations tarifaires ont été évoqués au cours de l'instruction :

- compenser la moindre attractivité des DOM par l'application d'une sur-rémunération, sans laquelle l'exercice de l'activité en métropole serait toujours perçu comme préférable par les professionnels ;

- compenser, pour les professionnels concernés, les différences de prix à la consommation entre l'outre-mer et la métropole.

159. Si l'attractivité des territoires en cause est un réel enjeu économique, elle ne repose pas seulement sur des considérations tarifaires.

160. Parmi les mécanismes pouvant être utilisés pour améliorer l'attractivité de ces professions dans ces territoires, une aide à l'installation pourrait être envisagée. Cette aide pourrait intégrer un " volet professionnel " destiné à faciliter, par exemple, l'acquisition de parts sociales ou d'une charge ou encore d'un local professionnel. De même, un " volet personnel " pourrait être envisagé, par exemple dans le cas de professionnels métropolitains souhaitant s'installer en outre-mer. Une aide à l'emménagement pourrait ainsi être pertinente.

161. En tout état de cause, il apparaît nécessaire d'identifier les causes du manque de candidatures, notamment dans certains départements comme la Guyane et Mayotte, afin de mettre en œuvre des solutions pertinentes et ciblées. Cela vaut tant pour les professions d'huissier de justice et de notaire étudiées dans le cadre du présent avis que pour les autres professions réglementées du droit, notamment celle de commissaire-priseur judiciaire, qui ne compte actuellement que deux professionnels installés dans les DOM.

162. Quant à la cherté de la vie, les constats qui précèdent montrent, pour certaines professions et certains territoires, la déconnexion entre les niveaux de revenus actuellement atteints par les professions concernées en outre-mer et le différentiel des prix à la consommation entre chacun des DOM et la métropole, particulièrement lorsque sont pris en compte les volumes d'activité supérieurs constatés en outre-mer. Si un recalibrage des taux devait être envisagé, la révision devrait ainsi mieux tenir compte des écarts de coût de la vie évalués par l'INSEE, afin d'éviter de les surcompenser.

A. UN RECALIBRAGE DES TAUX DE MAJORATION SUR LA BASE D'UNE MÉTHODE HARMONISÉE TENANT COMPTE DES SURCOÛTS OBJECTIFS

163. Comme précédemment indiqué, la méthode de détermination des tarifs des professions réglementées du droit prévoit la prise en compte du coût du service rendu *54. Selon la même logique, la fixation d'éventuels taux de majoration devrait tendre vers le même objectif et tenir compte des surcoûts effectivement constatés, qu'il s'agisse des dépenses spécifiques à l'activité ou du différentiel du coût de la vie constaté dans les DOM.

164. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Les majorations pratiquées sont sans lien avec les surcoûts exposés par les professionnels. Il a notamment pu être vérifié dans l'analyse des dépenses des offices que les écarts de coûts entre les offices métropolitains et ultramarins sont, sauf exception, bien moindres que les taux forfaitaires applicables. Par ailleurs, les volumes d'activité constatés dans les DOM permettent également d'accroître la rémunération des offices implantés dans les DOM, diminuant encore le niveau de majoration nécessaire à volumes inchangés.

165. Si le principe d'une majoration outre-mer devait être maintenu, l'Autorité invite donc le Gouvernement à ce que sa mise en œuvre soit (i) harmonisée et (ii) repose sur des données économiques précises.

166. Il faut préciser, en particulier, que la profession de commissaire-priseur judiciaire étant amenée à fusionner avec celle d'huissier de justice à horizon 2022, la question d'un traitement harmonisé des majorations applicables devra immanquablement être posée.

167. Par ailleurs, afin d'éviter une surcompensation des surcoûts dans les DOM, il convient d'identifier et de mesurer les surcoûts supportés par une profession dans son ensemble au sein d'un territoire donné (par rapport à la métropole).

168. L'étude d'impact réalisée en cas de suppression brutale des majorations a montré des effets disparates entre les offices. Certains réussiraient à maintenir une situation bénéficiaire alors que d'autres (majoritaires dans certains territoires) pourraient être confrontés à des situations plus délicates.

169. La future comptabilité analytique des offices permettra de contrôler à intervalles réguliers l'adéquation entre les taux de majoration tarifaire et les surcoûts réellement supportés. Elle devra ainsi refléter le périmètre du chiffre d'affaires, des coûts et des volumes afférents à l'activité régulée de chaque profession. Le recours à la comptabilité générale ne sera donc pas suffisant pour les besoins d'un recueil de données et d'une analyse plus fine.

170. À défaut, la méthode utilisée par l'Autorité dans le cadre du présent avis pourrait être reconduite. Toutefois, l'exploitation d'un grand nombre de liasses fiscales s'avère nettement plus chronophage que celle d'informations comptables que les professionnels seraient tenus de transmettre annuellement aux ministères de la justice et de l'économie et à l'Autorité de la concurrence. Cette dernière hypothèse, en l'absence d'une comptabilité analytique effective, serait donc la plus efficace afin de connaître le détail des coûts globaux par profession selon les territoires et devrait, partant, être privilégiée.

171. Avec l'appui de l'INSEE, il semblerait, enfin, approprié de tenir compte de facteurs, comme le coût de la vie, susceptibles de justifier économiquement les différents taux de majorations " révisés ".

172. Enfin, quelle que soit la solution technique retenue, le futur dispositif devrait prévoir une clause de révision régulière des taux des majorations applicables, afin de tenir compte de l'évolution des situations économiques des territoires et des professions concernées, notamment en ce qui concerne les volumes d'activité. Ce réexamen pourrait par exemple intervenir à l'occasion des révisions bisannuelles des tarifs des professionnels prévues par le code de commerce.

o Harmoniser le système des majorations entre les différentes professions réglementées du droit installées dans les départements d'outre-mer pour leur permettre de supporter des surcoûts objectifs par rapport à la métropole.

o Repenser le mécanisme de compensation afin de tenir compte des surcoûts réellement supportés ainsi que d'autres facteurs objectifs, tels que le coût de la vie et le nombre d'actes réalisés par les professionnels.

o Définir une méthode objective de détermination des taux de majoration s'intégrant à la révision biannuelle des tarifs de professionnels concernés.

o Améliorer l'attractivité de ces professions par le biais de mécanismes d'aides à l'installation professionnelle et personnelle dans les départements d'outre-mer.

B. LA QUESTION DE LA PRISE EN CHARGE DES MAJORATIONS TARIFAIRES NÉCESSAIRE À LA COUVERTURE DES SURCOÛTS DES PROFESSIONS CONCERNÉES OUTRE-MER

173. Si des majorations tarifaires (le cas échéant, réévaluées) s'avèrent nécessaires pour assurer l'exercice des professions concernées outre-mer, la prise en charge de ces majorations pose une question d'équité sociale et territoriale, qu'il n'appartient pas à l'Autorité de trancher, mais à laquelle le Gouvernement devra être attentif.

174. À l'heure actuelle, les majorations sont prises en charge par les usagers des prestations juridiques en cause, généralement des habitants des outre-mer dont le pouvoir d'achat est, en moyenne, moins élevé qu'en métropole. Certes, quelques prestations peuvent être couvertes par l'attribution de l'aide juridictionnelle *55 et les prestations en cause bénéficient de taux de TVA réduits dans ces territoires. Malgré cela, le tarif TTC acquitté par les usagers demeure largement supérieur à celui applicable en métropole.

175. Il convient à cet égard de noter que les sur-rémunérations prévues pour d'autres professions sont prises en charge par la solidarité nationale : le budget de l'État ou des collectivités territoriales, s'agissant des fonctionnaires ; celui de la sécurité sociale, pour les professions médicales. De même, un mécanisme de redistribution nationale entre les professionnels concernés, qui permettrait de compenser les désavantages structurels subis dans certains territoires, pourrait constituer une solution plus équitable que de faire porter par le seul usager ultramarin les surcoûts liés à l'exercice des professions juridiques en outre-mer.

176. Sept associations de consommateurs agréées sur quinze ont souhaité apporter leurs contributions au présent avis. Elles estiment que s'il existe des surcoûts réels pesant sur les professionnels ultramarins, il n'appartient pas à l'usager de supporter les majorations tarifaires destinées à les compenser.

177. Telle est par exemple la position de l'association de consommateurs agréée AFOC, qui au cours de l'instruction, s'est déclarée en défaveur du système actuel: " Nous n'avons pas connaissance des justifications apportées par ces professionnels du surcoût lié à leur activité outre-mer mais quand bien même cela serait avéré l'AFOC considère qu'au titre de la continuité territoriale les usagers que nous défendons ne doivent pas être les payeurs ". Selon l'AFOC, c'est plutôt à la solidarité nationale de " prendre en charge le différentiel si surcoût avéré et justifié il y a ". Cette position, selon laquelle un mécanisme de redistribution devrait être mis en place, est également partagée par l'association de consommateurs agréée UNAF qui précise que " l'on pourrait imaginer une forme de péréquation territoriale, comme il en existe sur d'autres domaines, si l'on considère que ces services sont d'intérêt général. ".

178. Un tel dispositif de redistribution géographique est déjà prévu par la loi, notamment pour les notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires. La section 2 du titre IV bis du livre IV du code de commerce *56 précise en effet les conditions dans lesquelles le fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice (FIADJ) verse aux professionnels concernés des aides au maintien de leur activité. Dans des zones du territoire *57 arrêtées par le ministre de la justice " en fonction du nombre de professionnels installés, du nombre de projets d'installation, et des besoins identifiés " *58, le FIADJ peut octroyer des aides au maintien aux professionnels répondant à trois conditions d'éligibilité *59 cumulatives : (i) présenter un chiffre d'affaires annuel inférieur au premier décile de chiffre d'affaires de la profession concernée, (ii) un bénéfice moyen inférieur à 75 000 € et (iii) un ratio de charges annuelles rapportées au chiffre d'affaires, inférieur ou égal à 80 %.

179. Pour le moment, aucune mesure budgétaire n'a été adoptée pour alimenter le FIADJ. Dans la mesure où il ne peut être a priori exclu que d'autres territoires de la République puissent connaître des difficultés structurelles similaires, la question spécifique de la prise en charge des surcoûts affectant la profitabilité des professions du droit en outre-mer pourrait être l'occasion de réexaminer l'opportunité d'une activation de ce dispositif souhaité par le législateur.

C. TOUTE RÉFORME TARIFAIRE DEVRA ÊTRE PROGRESSIVE POUR ACCOMPAGNER L'ADAPTATION DES PROFESSIONNELS DANS LE TEMPS

180. À la différence d'une majoration directement appliquée aux revenus, comme cela est par exemple le cas pour les fonctionnaires, les majorations tarifaires accroissent le chiffre d'affaires des professionnels du droit concernés. L'effet de la majoration sur leur résultat, et in fine sur leur rémunération (hors le cas des rares structures imposées à l'IS), va dépendre d'autres facteurs, tels que le niveau des charges et le taux de résultat net moyen de l'office.

181. En effet, à structure de coûts inchangés, l'effet d'une suppression des majorations sur la profitabilité des offices et la rémunération des professionnels peut être important, comme précisé dans l'étude d'impact. Si ces effets, que les professionnels mettent en avant à juste titre, ne peuvent constituer un argument recevable pour maintenir indéfiniment des majorations à un niveau inadapté, ils plaident clairement en faveur d'adaptations progressives des tarifs, afin que les efforts d'ajustement demandés soient supportables par les professionnels concernés.

D. SI UNE ORIENTATION DES MAJORATIONS VERS LES SURCOÛTS RÉELS NE DEVAIT PAS ÊTRE ENVISAGÉE, PRÉVOIR DE FONDER LES TAUX DE MAJORATION SUR LES ÉCARTS DE PRIX À LA CONSOMMATION CONSTATÉS POUR CHAQUE POSTE DE DÉPENSE

182. Dans l'hypothèse où la proposition d'orienter les taux de majoration vers les surcoûts réels supportés par les offices ultramarins ne serait pas retenue, l'Autorité recommande de fonder les taux de majoration applicables sur les écarts de prix constatés entre les DOM et la métropole, de manière à approximer le différentiel des coûts par un processus administratif moins lourd.

183. Sous réserve de la disponibilité des données nécessaires, une telle analyse, qui supposerait de recourir à l'expertise d'un institut statistique indépendant, pourrait consister à construire un indice d'évolution des coûts des professions concernées. Il s'agirait de tenir compte, pour les différents postes de coûts, des écarts de prix entre la métropole et chacun des territoires concernés.

V. Conclusion

184. La problématique de la " vie chère outre-mer " est au cœur des préoccupations des pouvoirs publics. De nombreuses actions sont mises en œuvre pour réduire les écarts de prix constatés entre les DOM-COM et la métropole.

185. Pour sa part, l'Autorité est pleinement mobilisée sur cet objectif dans le cadre des missions que lui a confiées le législateur. À de nombreuses reprises, elle a rendu des avis et adopté des décisions contentieuses touchant différents secteurs économiques en outre-mer, afin de protéger tant le pouvoir d'achat des consommateurs ultramarins que la compétitivité des entreprises de ces départements. Par ses avis, son objectif est aussi d'alimenter le débat public et de proposer des solutions efficaces à la problématique de la vie chère.

186. Dans le cadre du présent avis, l'Autorité fait le constat d'une double incohérence dans le fait de prévoir des majorations forfaitaires des tarifs règlementés des prestations juridiques en outre-mer : d'une part, les taux retenus diffèrent entre les professions et les territoires, sans que cette différence trouve de justification économique objective : 40 % à La Réunion pour les huissiers de justice, les notaires et les avocats ; 30 % pour les huissiers de justice et 25 % pour les notaires aux Antilles et en Guyane, ainsi qu'à Mayotte mais aucune majoration pour les commissaires-priseurs, les administrateurs et les mandataires judiciaires ; d'autre part, ces majorations, lorsqu'elles existent, excèdent les écarts de coûts constatés par rapport à la métropole, de sorte que les professionnels en cause bénéficient, en moyenne, de rémunérations anormalement élevées au regard de celles constatées en métropole.

187. Dans ce contexte, la suppression pure et simple des majorations tarifaires ne semble pas envisageable à court terme sans porter atteinte à la viabilité d'un certain nombre d'offices d'outre-mer. Ainsi, une réévaluation des taux de majoration applicables serait plus adaptée, sous réserve d'être opérée dans le sens d'un réajustement lié aux surcoûts réels, évalués profession par profession et territoire par territoire, sur la base d'une méthode harmonisée reposant sur des données économiques objectives. À défaut, la construction d'indices d'évolution des coûts pourrait être envisagée, pour chaque profession, avec l'aide d'un institut statistique indépendant.

188. Enfin, les effets redistributifs d'une modification des règles ne doivent pas être négligés, tant en ce qui concerne le choix actuel de faire porter sur lesseuls usagers ultramarins les surcoûts des prestations en cause que sur l'impact possible, à court terme, d'une réévaluation à la baisse des taux de majoration applicables sur l'équilibre économique des offices. Ce constat plaide pour une mise en œuvre progressive de toute réforme envisagée dans ce domaine.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Olivia Pingret, rapporteure et l'intervention de M. Thomas Piquereau, rapporteur général adjoint, par M. Thierry Dahan, vice-président, président de séance et Mme Fabienne Siredey-Garnier et M. Emmanuel Combe, vice-présidents. La secrétaire de séance, Armelle Hillion Pour le président de séance empêché, Emmanuel Combe

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seul fait foi le corps de l'avis ci-après.

2 Concernant la Nouvelle-Calédonie : délibération n° 14 du 6 octobre 2004 portant réglementation économique et de la loi du pays n° 2013-8 du 24 octobre 2013 relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie. Ces textes ont été codifiés par la loi du pays n° 2014-7 du 14 février 2014 relative aux livres III et IV de la partie législative du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie. Concernant la Polynésie française : la loi du pays n° 2015-2 du 23 février 2015 conformément à l'article 30-1 du statut de la Polynésie française. Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

3 Article 1369 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, applicable à compter du 1er octobre 2016 : l'acte authentique " est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises ".

4 France métropolitaine, Antilles, Guyane, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, La Réunion.

5 Antilles, Guyane, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, La Réunion.

6 La composition communale de ces zones est respectivement fixée en annexe II des arrêtés du 16 septembre 2016 et du 3 décembre 2018 pris en application de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (Journal Officiel n° 0219 du 20 septembre 2016 et n° 0282 du 6 décembre 2018).

7 Source - Site Officiers Publics Ministériels (OPM) - Tableau général des nominations dans un office de notaire à créer sur la période 2016-2018.

8 Voir les avis n° 17-AN-84, 17-AN-120, 17-AN-227 et 17-AN-297. Saisie à plusieurs reprises de demandes d'avis dans cette zone d'installation contrôlée, l'Autorité s'est déclarée favorable à la création d'un office de notaire à Saint-Pierre-et-Miquelon.

9 Conformément au troisième alinéa de l'article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, un monopole territorial restreint est maintenu dans ces matières : " les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle ".

10 La saisie immobilière est une procédure d'exécution par laquelle un créancier impayé fait placer sous main de justice et vendre l'immeuble de son débiteur, dans le but de se payer sur les deniers de la vente.

11 Le partage est l'opération qui met fin à l'indivision en attribuant à chaque co-indivisaire, à titre privatif, une partie déterminée des biens indivis (un lot).

12 La licitation est une vente par adjudication, ordonnée par décision de justice et visant des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.

13 Les sûretés judiciaires constituent un type de mesures conservatoires : un créancier demande au juge de lui accorder, à titre provisoire, l'autorisation d'inscrire une sûreté sur certains biens du débiteur, pour assurer la sauvegarde de ses droits.

14 Article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par l'article 51 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

15 Observatoire de la profession d'avocat.

16 Données du Ministère de la justice - DACS - Pôle d'évaluation de la justice civile - " Statistiques de la profession d'avocat - situation au 1er janvier 2017. " Pour le barreau de la Guyane uniquement les statistiques sont celles de l'année 2016.

17 Article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant règlementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, dans sa rédaction issue du III de l'article 55 de la loi du 6 août 2015 susvisée.

18 Activité concurrentielle consistant à réaliser des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et des ventes de gré à gré de biens meubles en qualité de mandataire du propriétaire des biens.

19 Article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945.

20 Intervention de Madame Annick GIRARDIN, Ministre des outre-mer, Discours lors de l'assemblée

générale de la FEDOM, Paris, vendredi 25 mai 2018. Disponible en ligne :

http://www.outremer.gouv.fr/sites/default/files/20180525_discours_annick_girardin_mom_assemblee_generale_fedom_paris.pdf.

21 Abrogation de l'article 35-1 du décret n° 78-1979 du 8 mars 1978 portant fixation des tarifs des notaires et de l'article 33 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice.

22 Avis n° 16-A-25 du 20 décembre 2016 relatif à la liberté d'installation des huissiers de justice et à une proposition de carte des zones d'implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices d'huissiers de justice, § 406 " Si Wallis-et-Futuna est concernée par la mission de

cartographie dévolue à l'Autorité en vertu d'une disposition expresse de la loi du 6 août 2015, la plupart des textes régissant le statut des huissiers de justice en métropole n'y sont pas applicables. Ce territoire est par ailleurs actuellement dépourvu de représentant des professions judiciaires : il ne compte ni avocat, ni huissier de justice, ni notaire, ni commissaire-priseur judiciaire. La compagnie de gendarmerie locale assure, parmi ses missions, celle de " fonctionnaire-huissier ". Des personnes agréées par le président du tribunal de première instance (" citoyens défenseurs ") peuvent faire office d'avocat, même s'ils ne disposent pas de formation juridique ". Avis n° 18-A-08 relatif à la liberté d'installation des notaires et à une proposition de carte révisée des zones d'implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux, § 84 " S'agissant de Wallis-et-Futuna, ses statuts prévoient une compétence exclusive de l'État en matière d'officiers publics et ministériels et l'Autorité relève que le législateur a prévu, au VI de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 précitée, une mention expresse d'applicabilité de l'article L. 462-4-1 du code de commerce, sur la base duquel le présent avis est adopté. Toutefois, il n'a pas prévu de telle mention pour les I à III du même article 52, qui régissent les conditions de création d'offices de notaire dans différentes zones du territoire et, en l'état des textes règlementaires, les notaires n'y sont territorialement pas compétents pour instrumenter. ".

23 Postulations pour les prestations de saisies immobilières, licitations, suretés judiciaires et partages.

24 Décret n° 2016-230 du 26 février 2016 précité.

25 Annexe 1, arrêté n° 0039 du 15 février 2008

26 Décret n° 2018-170 du 7 mars 2018

27 L'écart de Fisher correspond à la moyenne géométrique entre les deux écarts (écart DOM/ Métropole pour le panier de consommation métropolitain et écart métropole/DOM pour le panier de consommation local).

28 Rapport public annuel 2015, février 2015, " Les compléments de rémunération des fonctionnaires d'État outre-mer : refonder un nouveau dispositif "

29 Ces études font ressortir des écarts de prix avec la métropole, en 2012, de + 34 % en Nouvelle-Calédonie, en utilisant l'indice de Fisher, et + 49 % avec un panier de consommation métropolitain et de respectivement + 25,9 % et + 51 % en Polynésie française.

30 Cour des comptes, Rapport public annuel, février 2015, précité.

31 Insee Première, n° 1589, avril 2016, " En 2015, les prix dans les DOM restent plus élevés qu'en métropole. "

32 Cf. analyse de la situation économique des offices infra (§ 90 et suivants).

33 Les débours correspondent à des sommes avancées par le professionnel pour exécuter sa mission et pour lesquelles il a droit au remboursement.

34 Le chiffre d'affaires retenu pour la présente analyse correspond au montant net des recettes hors débours et honoraires rétrocédés. Il n'inclut pas non plus les produits financiers ainsi que les gains divers.

35 L'activité concurrentielle fait référence à la part du chiffre d'affaires qui résulte des activités exercées en concurrence avec d'autres professionnels du droit et qui donnent lieu au paiement d'honoraires fixés de gré à en gré entre le professionnel et son client. Elle est aussi désignée " part non tarifée " ou " part non réglementée ".

36 Au contraire, l'activité monopolistique fait référence à la part du chiffre d'affaires résultant des activités exercées en monopole par les huissiers de justice ou les notaires et dont le tarif est réglementé et fixé par arrêté. Elle est aussi désignée " part tarifée " ou " réglementée ".

37 D'après les informations à sa disposition, l'Autorité relève que l'essentiel de l'activité de ces offices est constitué de l'activité monopolistique.

38 Sont donc exclus les autres éléments intervenant dans la formation du résultat fiscal. L'Autorité a néanmoins constaté qu'en réintégrant ces éléments, les écarts constatés entre DOM et métropole perduraient.

39 L. 116 du Livre des procédures fiscales : " Conformément aux articles L. 450-7 du code de commerce et L. 512-14 du code de la consommation, l'administration fiscale ne peut opposer le secret professionnel aux agents habilités, mentionnés à l'article L. 450-1 du code de commerce et aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation. ".

40 L. 450-7 du code de commerce : " Les agents mentionnés à l'article L. 450-1 peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément d'information détenu par les services et établissements de l'État et des autres collectivités publiques. ".

41 Dans ce dernier cas, la rémunération du professionnel sera définie sur la base du résultat net imposable (réparti entre les associés en fonction de leurs parts sociales si l'activité professionnelle est constituée en société) qu'il inclura dans sa déclaration fiscale à l'impôt sur le revenu en tant que personne physique.

42 Le " niveau de confiance " reflète le degré de certitude de la marge d'erreur. Il est exprimé en pour-cent et interprète combien de fois le vrai pourcentage de la population qui choisirait une réponse, est au-dedans de la marge d'erreur. Quant à la " marge d'erreur ", elle signifie que, d'un point de vue statistique, on est sûr à 95 % que la vraie valeur se trouve dans une marge d'erreur de plus ou moins 6 % de la valeur présentée.

43 N° 30 (BOI-BNC-BASE-40-60-70) : " […] sont donc notamment déductibles les intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition d'un office, d'une charge ou d'une clientèle ou de locaux ou de matériels professionnels, ainsi que pour le financement de dépenses d'installation ".

44 Le nombre d'actes fait référence aux actes relevant de l'activité en monopole et de l'activité concurrentielle.

45 Le taux de rémunération moyen est le ratio établi entre le résultat net retenu et le chiffre d'affaires réalisé. Le résultat retenu (correspondant à la rémunération du professionnel libéral) a été déterminé en déduisant l'ensemble des dépenses professionnelles déclarées dans les liasses fiscales ainsi que les dotations aux amortissements. Sa détermination ne tient pas compte des exonérations fiscales spécifiques, des réintégrations non déductibles du résultat fiscal ainsi que des plus et moins-values à court terme.

46 Les salaires nets payés s'entendent des salaires versés aux employés après déduction des charges sociales salariales. Les charges sociales patronales sont quant à elles plus faibles qu'en métropole, permettant de réduire le coût du travail, qui n'est supérieur que d'environ 1 % en Guyane.

47 Ce poste de dépenses professionnelles regroupe un ensemble de dépenses, à savoir : (i) l'entretien et les réparations des locaux et du matériel et mobilier professionnel des offices ; (ii) les sommes acquittées pour l'emploi de personnel intérimaire ; (iii) les dépenses d'acquisition de petit matériel, outillage et logiciel professionnels d'une valeur inférieure à 500 euros ; (iv) les frais de chauffage, eau, gaz et électricité ; (v) les honoraires versés pour des prestations diverses à des professionnels externes ; (vi) les primes d'assurances versées en exécution de contrats d'assurance conclus dans le cadre de l'exercice de la profession. Source : BOI-BNC-BASE-40-20-30-20120912.

48 En cumulant salaires nets payés et charges sociales patronales, le surcoût par rapport à la métropole serait plutôt d'environ 30 %. Cette différence peut être en partie expliquée par des allégements de charges sociales applicables dans les DOM pour certains offices, dont le nombre de salariés est inférieur à 11.

49 Pour les notaires, les ventes de fonds de commerce ou rédaction d'actes de société, par exemple, sont rémunérées par des honoraires libres. Pour les huissiers, il peut s'agir, par exemple, de procès-verbaux de constat ou encore de la rédaction de baux.

50 Par exemple le remboursement des frais de transport pour les huissiers de justice, qui en 2018 est de 7,67 euros en métropole mais est fixé outre-mer par les dispositions de l'article A. 444-49 du code de commerce : " Dans les départements d'outre-mer, pour tout déplacement à plus de 2 kilomètres des limites de la commune où est situé l'office, les frais de déplacement mentionnés au a du 3° du I de l'article Annexe 4-8 font l'objet d'un remboursement forfaitaire : / 1° Egal au prix du billet aller et retour pour la distance parcourue, si le déplacement a lieu par un service de transport en commun ; / 2° Egal à 45 centimes d'euro par kilomètre parcouru, si le déplacement a lieu par véhicule automobile ; / 3° Egal au prix du billet aller et retour, si le déplacement doit avoir lieu obligatoirement par bateau ou avion. / Ce remboursement n'est dû qu'une seule fois pour la totalité des actes délivrés ou dressés par l'huissier de justice lors d'un même déplacement ".

51 Barème et taux en vigueur pour 2019 en application de l'arrêté du 28 février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires : 3,945 % de la tranche de 0 € à 6 500 € ; 1,627 % de 6 500 € à 17 000 € ; 1,085 % de 17 000 € à 60 000 € ; 0,814 % plus de 60 000 €.

52 Cette méthode se base sur les actes et chiffres d'affaires globaux (incluant l'activité réglementée et l'activité concurrentielle) à défaut de données de répartition précises entre ces deux activités. Il faut cependant garder à l'esprit que l'activité représente une part prépondérante de l'activité des offices en outre-mer (de l'ordre de 90 à 95 % en moyenne selon les professions).

53 Le volume d'acte par associé varie entre + 33 % en Guadeloupe et jusqu'à + [160-170]% à Mayotte.

54 Article L. 444-2 du code de commerce : " les tarifs mentionnés à l'article L. 444-1 prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs ".

55 L'aide juridictionnelle permet de bénéficier d'une prise en charge totale ou partielle par l'État

des honoraires et frais de justice en cas de faibles ressources. Source https://www.justice.fr/fiche/aidejuridictionnelle

56 Insérée par le décret n° 2016-230 du 26 février 2016 précité.

57 Art. R. 444-22, C. com.

58 Art. R. 444-26, C. com.

59 Art. R. 444-25, C. com.