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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 décembre 2019, n° 17-07615

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Esaote Medical (SAS)

Défendeur :

Mindray Medical France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Soudry, Moreau

T. com. Créteil, du 28 fév. 2017

28 février 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Esaote France avait pour activité le négoce, la fabrication et la maintenance d'appareillage de diagnostic et de thérapeutique médicales et vétérinaires. Elle a fait l'objet d'une fusion absorption par la société Kontron Médical le 1er octobre 2013, cette dernière étant désormais dénommée Esaote Médical (ci-après société Esaote).

La société Mindray Médical France (ci-après société Mindray) exerce l'activité de distributeur d'équipements médicaux.

Ayant reçu la démission de deux de ses salariés appartenant au département cardio-vasculaire au mois d'avril 2013 et appris que deux autres salariés, responsables commerciaux de ce même département, avaient reçu des propositions d'embauche de la part de la société Mindray, la société Ésaote France a adressé à celle-ci, le 17 avril 2013, une lettre dénonçant un comportement déloyal de sa part.

Le 20 décembre 2013, la société Esaote a déposé une requête devant le président du tribunal de commerce de Créteil, au visa de l'article 145 du Code de procédure civile, aux fins de désignation d'un huissier de justice pour procéder à la saisie de documents au sein de la société Mindray.

Par ordonnance du 23 décembre 2013, le président du tribunal de commerce de Créteil a fait droit à cette demande et désigné à cet effet Me M., G. & Di P.

C'est dans ces conditions que Me Xavier Di P. a établi un procès-verbal de constat le 19 février 2014.

Par acte du 4 mars 2014, la société Mindray a assigné la société Esaote en référé devant le tribunal de commerce de Créteil aux fins de voir rétracter l'ordonnance du 23 décembre 2013, de voir déclarer nul et non avenu le procès-verbal de constat établi le 19 février 2014 et de voir restituer les documents saisis.

Par ordonnance du 12 mars 2014, la société Mindray a été déboutée de sa demande de rétractation.

Le 2 avril 2014, la société Mindray a interjeté appel de cette ordonnance.

Par acte du 29 juillet 2014, la société Mindray a assigné la société Esaote en référé aux fins d'obtenir la suspension de l'exécution provisoire, et, à titre subsidiaire, de voir interdire à la société Ésaote de consulter les documents séquestrés.

Par ordonnance en date du 22 août 2014, le premier président de la cour d'appel de Paris a débouté la société Mindray de l'ensemble de ses demandes.

Par un arrêt du 7 avril 2015, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du 12 mars 2014.

Parallèlement, la société Ésaote a, par exploit du 6 juin 2014, assigné la société Mindray en concurrence déloyale devant le tribunal de commerce de Créteil.

Par jugement du 28 février 2017, le tribunal de commerce de Créteil a :

- débouté la société Esaote de l'ensemble de ses demandes,

- ordonné la restitution à la société Mindray par Mes Philippe-André M. -Patrick G. & Xavier Di P., Huissiers de justice, de l'intégralité des documents, fichiers, pièces ou supports appréhendés à l'occasion des opérations de constat ordonnées par l'ordonnance du 23 décembre 2013, ou défaut leur destruction,

- débouté la société Mindray de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté les parties de leur demande formée de ce chef,

- condamné la société Ésaote aux dépens,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 163,02 euros TTC (dont Tva 20 %).

La société Ésaote a interjeté appel de cette décision le 7 avril 2017.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions du 14 mai 2019, la société Ésaote demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1382 et suivants du Code civil (dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016),

- la recevoir en son appel du jugement du tribunal de commerce de Créteil du 28 février 2017,

- l'y déclarer bien fondée,

Par conséquent,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Mindray à lui payer la somme de 750 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par ses agissements constitutifs de concurrence déloyale (sauf à parfaire),

- condamner la société Mindray à lui payer la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance et d'appel,

- débouter la société Mindray de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- condamner la société Mindray aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de saisie de Me Di P., huissier de justice, et d'assistance technique de la société Expetis Lab.

La société Esaote reproche à la société Mindray différents actes de concurrence déloyale. Elle précise être une société concurrente de la société Mindray puisqu'elles vendent toutes deux des appareils d'imagerie médicale en France et assurent la formation et le service après-vente relatifs à ces appareils.

Elle fait tout d'abord grief à la société Mindray d'avoir procédé au débauchage, entre les mois d'avril et septembre 2013, de cinq sur les sept salariés que comptait son département cardiovasculaire. Elle prétend que ce départ massif de salariés l'a désorganisée puisqu'il a visé ses salariés les plus qualifiés. Elle ajoute qu'outre ces cinq salariés, la société Mindray a recruté une ancienne stagiaire qu'elle avait formée et a tenté de débaucher trois autres de ses salariés. Elle fait valoir que les recrutements critiqués n'ont pas été effectués à la suite d'offres d'emplois selon des procédés classiques de recrutement mais ont été organisés par une de ses anciennes salariées devenue directrice de marketing pour la société Mindray. Elle ajoute que les salaires offerts par la société Mindray aux salariés débauchés sont très supérieurs à ceux qu'elle offrait.

La société Esaote invoque ensuite un usage frauduleux par la société Mindray de ses fichiers clients, des calendriers de renouvellement du parc des machines de ses clients ainsi que des matrices de ses devis. Elle fait valoir que la société Mindray a exploité ainsi les connaissances acquises par ses nouveaux salariés dans l'exercice de leur précédent emploi et qu'il en est résulté une perte subite et majeure de sa clientèle depuis le mois de juin 2013. Elle précise à cet égard que 44 contrats d'achat de matériel associés à des contrats de financement ont été perdus. Elle affirme que M. Le M., qui était l'un de ses salariés, a adressé des devis à ses clients à l'approche de l'échéance des contrats de financement des matériels. Elle dénonce à cet égard l'emploi de son fichier client et du calendrier de renouvellement du parc des machines ainsi que des trames de commandes et devis. Elle se prévaut pourtant de la clause de confidentialité qui lie ses anciens salariés. Elle critique encore l'utilisation par M. M., qui était son ancien directeur des ventes, et M. Le M. des éléments figurant dans les dossiers de financement de ses clients.

La société Esaote reproche également à la société Mindray d'avoir démarché les distributeurs vétérinaires avec lesquels elle est contact depuis de très nombreuses années ainsi que son distributeur en Algérie, la société BEM.

Elle invoque enfin des actes de dénigrement de la société Mindray envers elle et envers ses produits.

La société Esaote prétend qu'il est résulté de ces actes de concurrence déloyale une perte de chiffre d'affaires, une atteinte à son image et une désorganisation interne.

Pour s'opposer aux demandes reconventionnelles de la société intimée, la société Esaote fait valoir que les pièces séquestrées par l'huissier sont des copies informatiques et que la société Mindray ne subit aucune gêne résultant de leur saisie. Elle ajoute qu'aucun abus de procédure ne peut lui être reproché alors qu'elle n'a fait que se défendre face aux agissements fautifs de l'intimée.

Dans ses dernières conclusions du 6 septembre 2017, la société Mindray demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris du tribunal de commerce de Créteil du 28 février 2017,

- condamner la société Ésaote à lui payer la somme de 50 000 euros pour procédure abusive en application des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile, outre telle amende civile qu'il plaira au tribunal de fixer,

- condamner la société Ésaote à lui payer la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Ésaote aux entiers dépens.

La société Mindray dément tout acte de concurrence déloyale et soutient que la société Esaote ne rapporte aucune preuve de ses allégations.

En ce qui concerne tout d'abord le débauchage qui lui est reproché, elle souligne que les salariés débauchés étaient libres de tout engagement à l'égard de leur ancien employeur et ont librement décidé de le quitter pour des motifs qui leur sont propres. Elle dénie toute orchestration du débauchage par Mme L., ancienne salariée de la société Esaote. Elle ajoute que l'instabilité interne au sein de la société Esaote, dénoncée par certains salariés démissionnaires comme étant à l'origine de leur départ, a été confortée quelques mois après leur démission par le départ du directeur général de la société Esaote.

Elle observe encore que les départs des cinq salariés se sont échelonnés entre le 3 avril et le 5 août 2013 et n'ont pas été simultanés. Elle relève également que les cinq salariés ne constituaient pas une équipe mais avaient des fonctions, des qualifications et une ancienneté différentes. Elle dément encore avoir recruté lesdits salariés en leur offrant un salaire anormalement élevé par rapport au marché ou encore une promotion.

Elle explique ensuite que la société appelante ne rapporte pas la preuve, même en possession des documents objets de la séquestration, d'un détournement déloyal de clientèle par la société intimée, qui suppose des manœuvres destinées à détourner la clientèle et qui doivent être caractérisées avec précision. Elle prétend à cet égard qu'il n'est pas démontré en quoi le devis versé aux débats présente des similitudes avec ceux de la société Esaote. Elle ajoute que ce seul devis ne peut justifier le détournement de clientèle allégué. Elle souligne que la clientèle de la société Esaote est identique à la sienne puisqu'il s'agit de 1 800 médecins angiologues exerçant en France et qu'aucun détournement de fichier ne peut lui être reproché. Elle soutient encore que le calendrier de renouvellement du parc de machines est connu de tous les commerciaux puisque les praticiens sont, selon les machines, tenus de renouveler leurs appareils tous les trois à quatre ans. Elle dément toute utilisation des données financières contenues dans les dossiers de financement appartenant à la société Esaote. Elle conteste toute sollicitation auprès des distributeurs de la société Esaote. Elle affirme que la perte du contrat avec la société BEM est exclusivement imputable à la société Esaote et ne résulte d'aucun procédé déloyal de sa part.

En ce qui concerne les actes de dénigrement, la société Mindray souligne que la société Esaote se contente d'allégations dont elle ne rapporte pas la preuve.

Elle fait également valoir que la société Esaote ne rapporte pas la preuve d'un dénigrement de la part de la société Mindray à son encontre, lequel suppose de rabaisser la renommé d'une société dans l'esprit de la clientèle.

La société Mindray fait valoir ensuite que la société appelante ne fait démonstration d'aucun préjudice. Elle observe que la société Esaote ne rapporte pas la preuve d'une perte de clientèle majeure ni d'une désorganisation interne à la suite du départ de ses cinq salariés. Elle souligne que la baisse de chiffre d'affaires ne concerne pas exclusivement le département cardio-vasculaire mais est générale.

La société Mindray demande à titre reconventionnel d'une part, la restitution ou la destruction des éléments séquestrés par les huissiers et d'autre part, l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2019.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la société Mindray pour concurrence déloyale

Sur le débauchage

Il convient de rappeler que l'emploi de salariés d'un concurrent n'est pas fautif dès lors que lesdits salariés abandonnent régulièrement leurs fonctions et ne sont débiteurs d'aucune obligation de non-concurrence. En revanche, le réembauchage de salariés d'un concurrent est illicite lorsqu'il s'accompagne de manœuvres déloyales et qu'il produit un effet de désorganisation interne.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que cinq salariés de la société Esaote ont démissionné entre les mois d'avril et août 2013 et ont été embauchés par la société Mindray.

Ainsi M. Julien D., qui était technicien de maintenance au sein de la société Esaote et salarié de cette entreprise depuis 2008, a démissionné le 30 janvier 2013 et a été embauché par la société Mindray le 1er avril 2013 en qualité de technicien dans le secteur sud ouest.

M. Dominique M., directeur des ventes de la société Esaote et salarié de cette entreprise depuis 1992, a démissionné le 15 avril 2013 et a été embauché par la société Mindray le 1er juin 2013, à l'expiration de sa période de préavis, en qualité de directeur des ventes.

M. Patrick B., qui était responsable senior des ventes sur les secteurs nord et centre au sein de la société Esaote et salarié de cette entreprise depuis 1995, a démissionné le 22 avril 2013 et a été embauché par la société Mindray le 24 juin 2013 en qualité de commercial dans le nord.

M. Julien Le M., qui était ingénieur technico-commercial chargé du secteur Ile de France au sein de la société Esaote et salarié de cette entreprise depuis 2010, a démissionné le 22 avril 2013 et a été embauché par la société Mindray le 2 septembre 2013 en qualité d'ingénieur technico-commercial dans l'ouest.

M. Thomas K., qui était technicien au sein de la société Esaote et salarié de cette entreprise depuis 1997, a démissionné le 5 août 2013 et a été embauché le 9 septembre 2013 par la société Mindray en qualité de technicien.

Il sera relevé qu'aucun de ces salariés n'était tenu par une clause de non-concurrence à l'égard de la société Esaote.

Il résulte par ailleurs de la pièce 84 de la société Esaote que le département échographie cardio vasculaire, dirigé par M. M., comptait en 2013 six commerciaux : J. Le M., chargé du secteur Ile de France, P. B., chargé des secteurs Nord et Centre-Est, M. D., chargé des secteurs Est et Rhone Alpes, B. Morgant, chargé du secteur sud est, C. Tizian, chargé du secteur Sud Ouest, et G. Huet, chargé du secteur Ouest. Il ressort de la pièce 134 que T. K. et J. D. faisaient partie d'une équipe de 6 techniciens oeuvrant pour l'ensemble des départements de la société Esaote.

Dans ces conditions, il apparaît que seules trois personnes, dont le directeur, sur les sept du département échographie cardiovasculaire ont quitté la société Esaote dans un période de temps très courte ; les deux autres salariés étant des techniciens intervenant au soutien de tous les départements de l'entreprise. En outre, il n'est aucunement démontré que ces départs ont été provoqués par des manœuvres déloyales de la part de la société Mindray. Ainsi la société Esaote soutient que ces départs auraient été organisés par une de ses anciennes salariées sans en rapporter la moindre preuve ; ladite salariée étant directrice du marketing au sein de la société Mindray et aucunement chargée du recrutement de commerciaux ou techniciens. Il apparaît également que si trois des salariés débauchés avaient une grande ancienneté dans l'entreprise, les deux autres n'avaient que cinq et trois ans d'ancienneté. Il n'est en outre aucunement démontré qu'il s'agissait des meilleurs éléments de l'entreprise. Il résulte de différents témoignages versés aux débats que ces départs ont été motivés par des raisons personnelles à chacun des salariés. Ainsi M. M. explique que son départ fait suite à des difficultés internes de la société Esaote. Il convient à cet égard d'observer que le directeur général de cette société a également démissionné quelques mois après, ce qui corrobore les propos de M. M. M. Le M. indique, quant à lui, que sa démission résulte de l'opportunité d'exercer son activité professionnelle dans l'ouest au sein de la société Mindray, secteur qui était déjà occupé au sein de la société Esaote. Par ailleurs, il sera relevé que la société Esaote, qui prétend que le débauchage de ses salariés par la société Mindray s'est accompagné de l'offre de salaires très supérieurs, n'en rapporte pas la moindre preuve alors pourtant qu'elle a obtenu, dans le cadre de la procédure sur requête qu'elle a diligentée, les nouveaux contrats de travail des salariés débauchés qu'elle s'abstient de verser aux débats. Contrairement à ce que soutient la société Esaote, le recrutement par la société Mindray d'une ancienne stagiaire ne peut être considéré comme déloyal. Enfin, concernant la tentative de débauchage de trois autres salariés, les témoignages de MM. Simon L. et Rui Da R. R. sont contredits par le témoignage de M. M. Le témoignage de M. Guillaume G. selon lequel il aurait été contacté par un cabinet de recrutement agissant sur la demande de la société Mindray ne fait état d'aucune pratique déloyale. Il sera en outre relevé qu'aucun de ces trois autres salariés ne faisait partie du département cardiovasculaire.

En conséquence, aucune manœuvre déloyale n'est caractérisée à l'encontre de la société Mindray de ces chefs.

De surcroît, il sera relevé que les éléments que la société Esaote verse aux débats n'établissent aucune désorganisation interne conséquente de l'entreprise à la suite du départ des cinq salariés débauchés par la société Mindray. En effet, le recrutement de M. K. est antérieur à la démission desdits salariés. Le fait d'avoir à recruter un nouveau directeur des ventes et de réorganiser le département cardiovasculaire est inhérent au départ des titulaires des postes mais ne traduit aucune désorganisation majeure de l'entreprise. Aucune preuve n'est rapportée par la société Esaote concernant le lien qu'elle allègue entre les augmentations de salaires accordées à MM. L. et Da R. R. et le débauchage des cinq salariés ou encore entre les deux factures de formation versées aux débats et le débauchage critiqué.

Aucune concurrence déloyale n'est donc établie au titre du débauchage des salariés de la société Esaote par la société Mindray.

Sur l'utilisation frauduleuse des fichiers clients, des calendriers de renouvellement du parc des machines ainsi que des matrices de devis

La société Esaote prétend que la société Mindray aurait mis en œuvre un plan concerté pour capter sa clientèle par l'utilisation de son fichier client, de son calendrier de renouvellement du parc des machines vendues et de ses matrices de devis.

Toutefois l'existence d'un tel plan concerté n'est aucunement démontrée par la société Esaote et ne saurait résulter de la pièce n° 102 qu'elle a elle-même élaborée ni même de la simple production de deux devis de la société Mindray adressés à ses clients.

Contrairement à ses allégations, la société Esaote ne rapporte pas la preuve de l'utilisation de son fichier clients, de son calendrier de renouvellement du parc des machines vendues ni de ses matrices de devis. Il sera à cet égard relevé qu'elle ne produit aux débats aucun devis émanant d'elle de sorte qu'aucune comparaison ne peut être faite avec les deux devis de la société Mindray qu'elle verse aux débats. En outre, le procès-verbal dressé le 19 février 2014 démontre que les sociétés Mindray et Esaote ont uniquement 42 clients communs et que seuls 26 messages ont été adressés à l'un de ces clients communs par les cinq salariés débauchés, ce qui démontre l'absence de tout caractère systématique du démarchage des clients de la société Esaote par les nouveaux salariés de la société Mindray.

Sur l'utilisation frauduleuse des contacts et du réseau de la société Esaote

La société Esaote reproche à la société Mindray l'utilisation de fichiers fournis à M. M., lorsqu'il était directeur des ventes en son sein, par la société BNP Bail concernant les dossiers de financement de clients.

Toutefois elle ne verse aux débats aucune pièce justifiant de la conservation par M. M. de telles données ni même de leur utilisation au profit de la société Mindray.

La société Esaote fait encore grief à la société Mindray d'avoir démarché les distributeurs vétérinaires avec lesquels elle est en relation d'affaires. Outre le fait qu'en vertu de la liberté de la concurrence, il n'est nullement interdit à une société de démarcher des partenaires d'une société concurrente dès lors qu'il n'est pas fait usage de procédés déloyaux, le démarchage allégué n'est aucunement prouvé. En effet, la société Esaote se contente de faire état des pièces saisies par l'huissier sans les verser aux débats ni exploiter leur contenu dans ses conclusions.

Enfin s'il est établi que la société Mindray a conclu début janvier 2016 un contrat de distribution exclusive avec la société BEM, ancien distributeur de la société Esaote en Algérie, il résulte de la pièce n° 21 de la société Mindray que le contrat de distribution liant la société Esaote à la société BEM a cessé le 10 janvier 2015 à l'initiative de la société Esaote qui s'est opposée à tout renouvellement du partenariat.

En conséquence, aucun procédé déloyal n'est établi de ces chefs à l'encontre de la société Mindray.

Sur le dénigrement

La société Esaote se contente d'alléguer des rumeurs sans rapporter la moindre preuve de la consistance de ces rumeurs ni même de leur imputation à la société Mindray.

Dans ces conditions, aucune concurrence déloyale ne sera retenue de ce chef à l'encontre de la société Mindray.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'action en responsabilité de la société Esaote à l'encontre de la société Mindray pour concurrence déloyale.

Sur les demandes de restitution de pièces de la société Mindray

Les pièces appréhendées par Me Xavier Di P. dans le cadre de ses opérations de constat du 19 février 2014 seront restituées à la société Mindray passé le délai de pourvoi ou, en cas d'exercice d'un tel recours, une fois la décision de la cour d'appel de renvoi devenue irrévocable. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes de la société Mindray au titre d'un abus de procédure

Aucun abus de procédure n'est caractérisé à l'encontre de la société Esaote et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Mindray.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

La société Esaote succombe à l'instance. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens de première instance. La société Esaote sera également condamnée aux dépens d'appel qui comprendront les frais de saisie de Me Di P., huissier de justice, et d'assistance technique de la société Expetis Lab. La société Esaote sera encore condamnée à régler à la société Mindray une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.