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Décisions

Cass. com., 27 novembre 2019, n° 18-16.821

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

Me Carbonnier, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, SCP Didier, Pinet

Cass. com. n° 18-16.821

27 novembre 2019

LA COUR : - Donne acte à la société Compo expert France du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'association Ceta du Vidourle ; - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 mars 2018), que le 30 avril 2014, la société Etablissements X... (la société X...) a vendu à la société le Puech rouge (la société le Puech), arboriculteur, un produit fabriqué par la société Compo expert France (la société Compo), destiné à créer une barrière protectrice sur les organes végétatifs en vue de prévenir les dégâts liés aux coups de soleil ; que les abricots traités avec ce produit étant devenus impropres à la consommation, la société le Puech a assigné en paiement de dommages-intérêts la société X..., laquelle a appelé en garantie la société Compo, se prévalant d'un manquement par cette dernière à son obligation d'information et de conseil ;

Attendu que la société Compo fait grief à l'arrêt de dire qu'elle devra relever et garantir la société X... de sa condamnation à payer à la société le Puech une certaine somme en réparation de son préjudice alors, selon le moyen : 1°) que l'obligation d'information du fabricant à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société Compo avait manqué à son devoir de conseil envers la société X... en ne la mettant pas en mesure de satisfaire sa propre obligation de conseil envers la société le Puech, dès lors qu'elle n'avait pas alerté " les utilisateurs des dangers de marquage des fruits en cas d'application tardive ni de ce que l'épiderme duveteux de l'abricot est de nature à davantage retenir le produit qu'un fruit lisse " ; que, pour se prononcer ainsi, la cour d'appel s'est fondée sur les informations générales transmises au Ceta du Vidourle par un courriel du 4 avril 2014 et leur mise en œuvre par la société le Puech ; qu'en statuant de la sorte, tandis que l'obligation d'information dont la société Compo était redevable envers la société X..., son seul cocontractant, devait s'apprécier au regard des renseignements que cette dernière, acquéreur professionnel, avait fourni à la société Compo sur l'utilisation par l'acquéreur final du produit qu'elle lui avait commandé, la cour d'appel a violé les articles 1147, dans sa rédaction applicable en la cause, et 1615 du Code civil ; 2°) que le professionnel n'engage pas sa responsabilité au titre de son devoir d'information, de conseil et de mise en garde, si le préjudice allégué par son client résulte d'une méconnaissance des préconisations qui lui ont été faites s'agissant de la mise en œuvre du produit acheté ; qu'en l'espèce, la société Compo faisait valoir que M. S..., l'un de ses préposés, avait indiqué dans un courriel du 4 avril 2014 au Ceta du Vidourle, qui l'avait interrogé d'une manière générale sur l'application du produit Invelop Talc sur des abricots de variété Farbaly, qu'il convenait de procéder à plusieurs passages, dont un premier passage à 45 kg/ha la semaine du 7 avril, après avoir précisé qu'il convenait d'éviter de marquer les fruits ou le moins possible ; qu'elle faisait également valoir que la société le Puech avait appliqué le produit Invelop Talc en un seul passage, le 24 mai 2014, prenant ainsi le risque que les pluies ayant lieu entre la date d'application et la date de récolte ne soient pas suffisantes pour nettoyer complètement les fruits, et selon un dosage supérieur à celui préconisé pour cette période de l'année, de sorte que l'utilisation du produit avait été trop tardive et ne correspondait pas aux préconisations de la société Compo ; que la cour d'appel a néanmoins jugé le contraire, aux motifs qu'il était impossible à la société le Puech d'appliquer le produit durant la semaine du 7 avril puisqu'il n'avait été livré que le 17 avril et qu'elle avait " pris la précaution de n'appliquer qu'une fois le produit à un dosage inférieur aux 45 kg par hectare préconisé par M. S... pour le premier passage ", cette application ayant été effectuée tandis que " les abricots étaient au stade de " petits fruits ", leur récolte n'ayant lieu qu'en juillet ", de sorte que l'application n'était " pas tardive au regard des indications données dans le Powerpoint du fabricant qui fait état page 24 de passages sur des abricotiers variété Farbaly fin mai pour un dosage de 30 kg par hectare sur l'itinéraire Crau 1 " ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le courriel du 4 avril 2014 transféré à la société le Puech le 7 avril mentionnait expressément le risque de marquage et comportait des préconisations précises sur les dates d'application du produit Invelop Talc, notamment sur la nécessité de procéder à un premier passage la semaine du 7 avril au plus tard, ni si cette préconisation était formulée afin que les pluies ultérieures soient suffisantes pour nettoyer les fruits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, dans sa rédaction applicable en la cause, et 1615 du Code civil ; 3°) qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'application, par la société le Puech, du produit Invelop Talc sur sa production d'abricots Farbaly le 24 mai 2014 n'était pas tardive " au regard des indications données dans le Powerpoint du fabricant qui fait état page 24 de passages sur des abricotiers variété Farbaly fin mai pour un dosage de 30 kg par hectare sur l'itinéraire Crau 1 avec un résultat cité page 27 de 90 % de fruits indemnes sur Invelop ", et dès lors le " premier passage " avait été effectué à un dosage " inférieur aux 45 kg par hectare préconisé par M. S... [...] alors que les abricots étaient au stade de " petits fruits ", leur récolte n'ayant lieu qu'en juillet " ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que ce document s'il mentionnait effectivement un passage à la fin du mois de mai à un dosage de 30 kg par hectare, mentionnait également trois autres passages préalables, dont le premier au début du mois d'avril, pour une récolte en juillet, conformément aux préconisations de la société Compo laquelle avait insisté sur une première application précoce au début du mois d'avril pour éviter le marquage des fruits, la cour d'appel a dénaturé par omission cet écrit en violation de l'article 1134 alors applicable ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société le Puech avait interrogé la société Compo sur la portée exacte des caractéristiques techniques du produit, mis sur le marché, en 2012, pour le traitement des pommes, puis étendu, peu à peu, à la culture des abricotiers, l'arrêt retient que cette dernière avait, certes, informé la société le Puech qu'il ne fallait pas, ou le moins possible, marquer les fruits et qu'il convenait de s'approprier la méthode d'application du produit, mais n'avait donné aucune indication sur cette méthode ni sur le fait que l'épiderme duveteux de l'abricot était de nature à retenir le talc, composé de particules fines, et que les conséquences d'un marquage étaient irrémédiables, le fruit ne pouvant être nettoyé ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui, sans dénaturation, a procédé à la recherche invoquée par la deuxième branche, a pu déduire que la société le Puech avait manqué à son obligation de donner à l'acquéreur d'un produit nouveau, fût-il utilisateur professionnel de ce produit, les renseignements nécessaires à son usage et de l'informer, le cas échéant, des risques pouvant en résulter ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.