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Décisions

CAA Lyon, 6e ch., 12 décembre 2019, n° 17LY03340

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Conduite européenne économique (Sté)

Défendeur :

Direction départementale de protection des populations du Rhône

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pommier

Rapporteur public :

Mme Vigier-Carrière

Conseillers :

MM. Drouet, Pin (rapporteur)

Avocat :

Cabinet Coll

TA Lyon, du 22 juin 2017

22 juin 2017

LA COUR : - Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Conduite européenne économique a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision en date du 31 mars 2015 par laquelle l'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de protection des populations du Rhône lui a fait injonction de modifier ses pratiques commerciales, dans un délai de trois mois, en application du VII de l'article L. 141-1 du Code de la consommation.

Par un jugement n° 1505072 du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2017, et un mémoire enregistré le 1er août 2019, la société Conduite européenne économique, représentée par Me X, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement tribunal administratif de Lyon du 22 juin 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du 31 mars 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée du vice d'incompétence dès lors qu'il n'est pas justifié d'une délégation de pouvoir ou de signature, régulièrement publiée, de son signataire ; en omettant de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision, le jugement attaqué est irrégulier ;

- les pratiques commerciales visées dans la décision en cause ne sont pas trompeuses au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation dès lors que les élèves de l'auto-école peuvent faire leur choix en toute connaissance de cause après un entretien individualisé ; la formule qu'elle propose et qui ne comporte pas une durée de 15 heures de conduite sur les voies ouvertes à la circulation exigée par l'article 4 de l'arrêté du 22 décembre 2009 relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B dans un établissement d'enseignement agréé est ouverte uniquement aux élèves ayant déjà effectué de telles heures de conduite dans une autre auto-école ; la décision contestée est ainsi entachée d'une erreur de droit ;

- la décision en litige est, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2018, le ministre de l'Economie et des Finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Conduite européenne économique ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le Code de la consommation ;

- le Code de commerce ;

- le Code de la route ;

- l'arrêté du 22 décembre 2009 relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B dans un établissement d'enseignement agréé ;

- le Code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François-Xavier Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Marie Vigier-Carrière, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Conduite européenne économique, qui exerce une activité d'enseignement de la conduite automobile, a fait l'objet, le 4 décembre 2014, d'un contrôle dans son établissement du 8e arrondissement de Lyon au cours duquel l'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations du Rhône a notamment constaté que certains des forfaits d'apprentissage de la conduite qu'elle propose ne comportent pas au moins quinze heures de formation pratique sur des voies ouvertes à la circulation, en méconnaissance de l'article 4 de l'arrêté du 22 décembre 2009 relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B dans un établissement d'enseignement agréé, alors que ces forfaits laissent à penser au consommateur qu'il pourrait être présenté à l'examen du permis de conduire sans effectuer d'heures de conduite supplémentaires. Le 31 mars 2015, après avoir recueilli les observations de la société Conduite européenne économique, l'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes lui a fait injonction, sur le fondement du VII de l'article L. 141-1 du Code de la consommation et dans le délai de trois mois, de modifier cette pratique commerciale de nature à induire en erreur le consommateur au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation. Par un jugement du 22 juin 2017 dont la société relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision d'injonction du 31 mars 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 141-1 alors applicable du Code de la consommation : " I.- Sont recherchés et constatés, dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-3 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du Code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions suivantes du présent Code : (...) 2° Les sections 1 (...) du chapitre Ier du titre II du livre Ier ; (...) VII.- Les agents habilités à constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées aux I à III peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite. (...) ". Aux termes de l'article L. 450-1 du Code de commerce : " (...) II.- Des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'Economie peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions du présent livre. (...) III.- Les agents mentionnés aux I et II peuvent exercer les pouvoirs qu'ils tiennent du présent article et des articles suivants sur l'ensemble du territoire national. ". Aux termes de l'article A. 450-1 de ce Code : " Les fonctionnaires de catégorie A et de catégorie B, agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités, en application de l'article L. 450-1, à procéder aux enquêtes dans les conditions prévues au présent livre. ". Il résulte de la combinaison des articles L. 141-1 du Code de la consommation et L. 450-1 et A. 450-1 du Code de commerce que les fonctionnaires de catégorie A ou de catégorie B appartenant aux corps rattachés au service de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités par le ministre chargé de l'Economie à prendre une décision d'injonction pour manquement aux dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. Y, inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, appartient à un corps de fonctionnaires de catégorie A géré par le ministre chargé de l'Economie. Ainsi, en vertu des dispositions énoncées au point 2, il était compétent pour prendre la décision portant injonction du 31 mars 2015 en litige, sans que le ministre chargé de l'Economie n'ait à justifier d'une délégation particulière qui lui aurait été conférée. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une irrégularité en omettant de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 alors applicable du Code de la consommation : " I.- Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...) 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (...) b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 213-2 du Code de la route, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les conditions et les modalités de l'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière font l'objet d'un contrat écrit entre le candidat et l'établissement. (...) ". Aux termes de l'article R. 213-3 de ce Code : " Le contrat passé entre le candidat et l'établissement, mentionné à chacun des alinéas de l'article L. 213-2, doit préciser les mentions ci-dessous. (...) 2° L'objet du contrat ; 3° L'évaluation du niveau du candidat avant l'entrée en formation, notamment le nombre prévisionnel d'heures de formation, lorsque cette évaluation est obligatoire ; 4° Le programme et le déroulement de la formation ; (...) 9° Le tarif des prestations de formation quelle qu'en soit la forme et le tarif des éventuelles prestations administratives ; (...) ". En vertu des articles 4 et 9 de l'arrêté du 22 décembre 2009 susvisé, la phase de formation initiale de l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B dans un établissement d'enseignement agréé est composée d'une partie théorique et d'une partie pratique, cette dernière comprenant un volume minimum de vingt heures de formation, dont au moins quinze heures sur les voies ouvertes à la circulation.

6. Il ressort des pièces du dossier que la société Conduite européenne économique propose, à l'attention des candidats à l'examen du permis de conduire, plusieurs forfaits d'apprentissage de la conduite. L'un de ces forfaits, intitulé " formation voiture Code et conduite 20 heures ", qui comprend les prix les plus attractifs proposés par la société, se décline en trois formules différentes incluant chacune douze heures de conduite sur des voies ouvertes à la circulation, soit un nombre inférieur à celui exigé par les dispositions des articles 4 et 9 de l'arrêté du 22 décembre 2009. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas de la brochure de présentation éditée par la société requérante, non plus que d'aucun autre document écrit remis au candidat, que celui-ci serait informé que les heures de conduite incluses dans ce forfait sont, à elles seules, insuffisantes pour pouvoir se présenter à l'examen du permis de conduire. Au contraire, la plaquette d'information précise que, pour deux des formules de ce forfait, une présentation à l'épreuve pratique du permis de conduire est incluse dans le prix indiqué, suggérant ainsi au consommateur qu'il pourra se présenter à cette épreuve en s'acquittant du seul montant du forfait.

7. La société requérante fait valoir que chaque candidat bénéficie, avant la conclusion du contrat prévu à l'article L. 213-2 du Code de la route, d'un entretien individuel au cours duquel la formule la plus adaptée à ses besoins est définie et que le forfait en cause est proposé aux candidats qui ont déjà effectué des heures de conduite sur des voies de circulation dans un autre établissement. Toutefois, d'une part, une telle exigence n'est pas précisée dans le document détaillant les caractéristiques de ce forfait, la seule condition posée à sa souscription étant le fait pour l'élève de ne s'être jamais présenté à l'examen du permis de conduire. D'autre part, il n'est pas établi par les pièces du dossier que les candidats n'ayant pas effectué un nombre minimal de trois heures de conduite sur des voies de circulation dans un autre établissement seraient informés expressément et sans ambiguïté, lors de cet entretien, que ce forfait ne leur permet pas, à lui seul, de prétendre à une présentation à l'épreuve pratique du permis de conduire.

8. Une telle pratique commerciale est ainsi de nature à induire en erreur le consommateur quant aux caractéristiques essentielles du service fourni. Il s'ensuit que l'inspecteur de la direction départementale de la protection des populations du Rhône a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de droit ni d'une erreur d'appréciation, enjoindre à la société requérante de mettre fin à la pratique laissant à penser au consommateur qu'il pourrait être présenté à l'examen pratique du permis de conduire à l'issue des seules leçons incluses dans le forfait décrit ci-dessus, constitutive d'une pratique commerciale trompeuse au sens des dispositions du b) du 2° du I de l'article L. 121-1 précité du Code de la consommation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Conduite européenne économique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante ou tenue aux dépens dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société Conduite européenne économique et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Conduite européenne économique est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Conduite européenne économique et au ministre de l'Economie et des Finances.