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Décisions

CAA Marseille, 6e ch., 18 mars 2019, n° 18MA04548

MARSEILLE

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zupan

Conseillers :

M. Thielé, Mme Steinmetz-Schies

CAA Marseille n° 18MA04548

18 mars 2019

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 1er août 2016 par lequel le maire de la commune de Mornas l'a mis en demeure de cesser immédiatement l'activité de vente au déballage de type " marché aux puces " qu'il organise les samedis et dimanches dans des locaux de la zone d'activité dite " Les Crousilles Ouest ".

Par un jugement n° 1602798 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2018, M. E, représenté par la société d'avocats Clabeaut, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Mornas du 1er août 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mornas une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit en ce qui concerne le destinataire de la mise en demeure de cesser l'activité de vente au déballage ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit ;

- il méconnaît l'autorité de la chose jugée par la juridiction répressive.

Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2019, la commune de Mornas, représentée par Me B, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. E au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête d'appel n'a pas été accompagnée du jugement contesté et est donc irrecevable ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Code de commerce ;

- le Code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de MeD, représentant M. E, et de Me B, représentant la commune de Mornas.

Considérant ce qui suit :

1. M. E, gérant de la société André Immobilier, a organisé dans les locaux de la SCIE, sis dans la zone d'activité dite " Les Crousilles Ouest ", à Mornas, une activité commerciale de " marché aux puces ", donc de vente d'articles d'occasion et de brocante, fonctionnant les samedis et dimanches. Par un arrêté en date du 1er août 2016, le maire de Mornas l'a mis en demeure de cesser immédiatement cette activité au motif qu'elle relevait du régime de la vente au déballage et avait épuisé la durée maximale de fonctionnement prévue pour ce type de commerce, soit soixante jours par an. M. E relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Le régime de l'activité de vente au déballage est défini par l'article L. 310-2 du Code de commerce, aux termes duquel : " I. ' Sont considérés comme ventes au déballage les ventes et rachats de marchandises effectués dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public ou au rachat de ces marchandises ainsi qu'à partir de véhicules spécialement aménagés à cet effet. Les ventes au déballage ne peuvent excéder deux mois par année civile dans un même local ou sur un même emplacement. Les ventes au déballage de fruits et légumes frais effectuées en période de crise conjoncturelle ne sont pas prises en compte pour le calcul de cette limite. Les ventes au déballage font l'objet d'une déclaration préalable auprès du maire de la commune dont dépend le lieu de la vente () III. ' Les dispositions du I ne sont pas applicables aux organisateurs de : 1° Manifestations commerciales comportant des ventes de marchandises au public dans un parc d'exposition () ".

3. Le régime de l'exploitation d'un parc d'exposition est quant à lui défini par l'article L. 762-1 du même Code, disposant : " Un parc d'exposition est un ensemble immobilier clos indépendant, doté d'installations et d'équipements appropriés ayant un caractère permanent et non soumis à l'autorisation prévue à l'article L. 752-1, qui accueille, pendant tout ou partie de l'année, des manifestations commerciales ou autres, à caractère temporaire. Le parc d'exposition est enregistré auprès de l'autorité administrative compétente. Le programme des manifestations commerciales qu'il accueille fait chaque année l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'autorité administrative compétente ". L'article R. 762-5 du même Code impose à l'exploitant d'un parc d'exposition d'adresser au préfet, pour chaque année civile, la déclaration du programme annuel des manifestations commerciales avant le 1er octobre de l'année précédant la tenue de celles-ci. Enfin, l'article R. 762-9 dispose : " En cas d'absence de dépôt de la déclaration complète dans les délais prévus à l'article R. 762-5, les manifestations commerciales qui se tiennent dans le parc sont assujetties, suivant le cas, au régime de déclaration prévu aux articles R. 762-10 à R. 762-12, ou aux demandes d'autorisation prévues au I de l'article L. 310-2 ".

4. En premier lieu, le maire de la commune de Mornas n'a commis aucune erreur de droit en adressant l'arrêté contesté à M. E, dès lors que celui-ci est gérant de la société par actions simplifiée Immobilier, organisatrice de l'activité visée par l'arrêté en litige.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et M. E ne le soutient d'ailleurs pas, que les locaux de la SCI auraient fait l'objet d'un enregistrement en préfecture en tant que parc d'exposition, suivant les prévisions de l'article L. 762-1 précité du Code de commerce. Le requérant, par ailleurs, n'apporte aucun élément de nature à établir que les lieux présenteraient, au sens du même article, le caractère d'un ensemble immobilier clos indépendant, doté d'installations et d'équipements appropriés à l'organisation de manifestations commerciales. La circonstance que ces mêmes locaux ont fait l'objet d'une déclaration de travaux mentionnant que ceux-ci portaient sur l'aménagement d'un parc d'exposition est sans incidence sur leur qualification au regard des dispositions du Code de commerce et sur le respect des formalités qu'elles imposent, ces dispositions étant indépendantes de la réglementation de l'urbanisme. Enfin, M. E n'a déposé en préfecture aucun programme de manifestations commerciales. Dans ces conditions, il ne démontre pas que le " marché aux puces " litigieux pourrait être regardé comme aménagé au sein d'un parc d'exposition et comme échappant ainsi au régime de la vente au déballage prévu par les dispositions de l'article L. 310-2 du Code de commerce. A cet égard, le requérant ne saurait plus utilement se prévaloir du jugement du tribunal correctionnel de Carpentras du 14 décembre 2017 qui l'a relaxé, ainsi que la société, des chefs, notamment, de vente au déballage non déclarée et d'organisation de manifestations publiques de vente sans dépôt du registre d'identification, dès lors que, comme l'a à bon droit rappelé le tribunal, l'autorité de la chose jugée dont sont revêtus les jugements rendus par les tribunaux répressifs s'attache seulement aux constatations matérielles sur lesquelles ils s'appuient, non aux qualifications juridiques qui en découlent, et, en tout état de cause, ne concerne pas les motifs d'un jugement de relaxe retenant que les faits ne sont pas suffisamment établis ou qu'un doute subsiste sur leur réalité ou leur imputabilité.

6. En troisième lieu, M. E ne peut utilement soutenir que la commune a commis une erreur d'appréciation en prenant l'arrêté contesté dès lors que l'activité n'a pas fait l'objet des déclarations nécessaires. La circonstance que cette activité ne trouble pas l'ordre public et que son interruption occasionne un grave préjudice économique, à le supposer établi, est sans incidence sur la légalité dudit arrêté.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Mornas, que M. E n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de cette commune du 1er août 2016.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Mornas, qui n'est pas la partie perdante ou tenue aux dépens dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. E et non compris dans les dépens. Il y a lieu au contraire de mettre à la charge de M. E, en application de ces mêmes dispositions, le versement à la commune de Mornas d'une somme de 2 000 euros.

D É C I D E : Article 1er : La requête de M. E est rejetée. Article 2 : M. E versera une somme de 2 000 euros à la commune de Mornas au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et à la commune de Mornas.