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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 14 janvier 2020, n° 18-00505

PAU

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

M. Magnon, Dupen

Avocats :

Me Mazella, Saint Cricq

T. com. Bayonne, 29 janv. 2018

29 janvier 2018

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Jean Pierre Cazenave et Marie Madeleine Cuyeu ont été propriétaires d'un local commercial et d'un fonds de commerce de vente et réparation de literie, situé à Biarritz ... des Sports) et l ..., exploité par Jean Pierre Cazenave à partir de 1964.

Aux termes d'un premier contrat de gérance libre, daté du 27 décembre 1989, ce fonds a été donné en location gérance par les époux Z à leur fille Y Z épouse

J. Ce contrat de location gérance a été reconduit, par contrats successifs, en dernier lieu par acte sous seing privé du 27 décembre 1999, pour 5 ans à compter du 1er janvier 2000, puis reconductible d'année en année,

L'acte, comme le précédent, comportait sous la clause 'charges et conditions' que 'le contrat est consenti et accepté aux charges et conditions indiquées dans le premier contrat signé en 1989 par M et Mme Z D I et par Melle Z Y. Se reporter aux paragraphes n°1 et n°13 du contrat de la première entrée en gérance, les conditions restent les mêmes.

A l'expiration du contrat de gérance libre pour quelque cause que ce soit, le gérant libre s'engage à ne pas exercer d'activité similaire dans un rayon de 3 km de l'emplacement du fond et pendant une durée d'un an sauf dans les locaux lui appartenant avant l'entrée en gérance'.

Par note manuscrite du 2 février 2005, non contestée par les parties, Jean Pierre Cazenave a autorisé Y J à ouvrir "son entrepôt à Biarritz".

Aux termes d'un acte sous seing privé du 1erfévrier 2005, Y J a pris à bail et pour une durée de 9 ans un local commercial situé à Biarritz ..., destiné exclusivement à l'exploitation d'un fonds de commerce de vente et de réparation de literie.

Les deux fonds ont été exploités parallèlement par Y J, en son nom personnel, sous un même numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, le second apparaissant sur l'extrait Kbis comme un fonds créé, exploité à compter du 1er février 2005.

Le fonds donné en location gérance avait pour enseigne " la literie du BAB ", alors que celle du fonds créé était " l'entrepôt de la literie du BAB ".

Par acte du 20 novembre 2015, constatant le partage de la succession de leur père, F Z, E O Z épouse H, soeur de Y J, est devenue propriétaire du local commercial situé ... des sports et l ..., ainsi que du fonds de commerce exploité à l'intérieur, valorisé à 100 000,00 euros dans l'acte notarié, et comprenant les éléments incorporels, le nom commercial, la clientèle et le droit au bail.

Par lettre du 27 septembre 2017, E H a reçu de sa soeur notification de la résiliation de la location gérance qui se renouvelait depuis 1990, pour le 31 décembre 2017. Dans cette lettre, Y J a indiqué à sa sœur qu'elle lui rendrait le local le 1er janvier 2018, vide de toute occupation, comme elle l'avait pris en 1990, sans stock, ajoutant qu'il appartiendra à E H de reprendre les trois contrats de travail des salariés embauchés durant la gérance ou, à défaut, d'engager une procédure de licenciement.

Par courrier du 20 octobre 2017, Y J a demandé à sa soeur de l'informer du devenir du fonds de commerce à l'enseigne 'La literie du BAB' afin d'en informer les salariés et de transférer le service après vente dû aux clients, sur l'Entrepôt de la Literie du BAB, pour le cas où sa soeur ne reprendrait pas elle même l'exploitation du fonds donné en location gérance ou ne le céderait pas à un litier.

Considérant que sa soeur a ouvert au ..., à moins de 3 kms de l'établissement principal, le point de vente dénommé "Entrepot de la Literie du BAB'' et, ce faisant, usurpé le nom commercial qui lui a été donné à bail à savoir "Literie du BAB'', que la défenderesse a fait certaines publicités pour annoncer ce transfert, E H a, par acte d'huissier délivré le 17 novembre 2017, remis à personne physique, fait assigner

Y Z épouse J, devant le tribunal de commerce de Bayonne pour voir, avec exécution provisoire du jugement à intervenir :

- prononcer résiliation judiciaire du bail de location gérance du fonds de commerce de la Literie du BAB consenti à Y J,

- Ordonner la fermeture immédiate du fonds de commerce annexe du ..., dès signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 5 000,00 euros par jour de retard,

- Condamner Y J à payer à la requérante une indemnité de 100 000,00 euros pour la perte du fonds de commerce de La Literie du BAB, outre le coût des indemnités de licenciement des trois salariés attachés à ce fonds vidé de sa clientèle,

- Condamner Y J à payer à la requérante une indemnité de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner Y J en tous les dépens, en ce compris les frais des constats de Me Ugolini des 11, 20, 23 et 24 octobre 2017.

Y J s'est opposée à ces demandes en faisant valoir que plus de l0 ans se sont écoulés depuis l'ouverture par elle du second établissement de vente de literie à Biarritz, ...; que dès lors l'action en concurrence déloyale introduite par E H est prescrite et irrecevable.

Elle a sollicité la condamnation de E H à lui régler une indemnité de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où le tribunal devait estimer que l'action en concurrence déloyale introduite par E H n'était pas prescrite, elle a demandé que soit ordonnée la réouverture des débats pour lui permettre de présenter sa défense sur le fond du litige.

Par jugement du 29 janvier 2018, le tribunal de commerce de Bayonne a :

- Reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions,

- Rejeté in limine litis la demande faite sur l'irrecevabilité de l'action en raison de la prescription,

- Dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du bail de la " Literie du BAB ", celui ci ayant été régulièrement résilié par préavis régulièrement délivré,

- Condamné Y Z épouse J à régler à E H, la somme forfaitaire de 20 000,00 euros à titre de concurrence déloyale, et débouté celle ci du complément de sa demande,

- Condamné Y Z épouse J à lui régler la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté pour le complément de la demande,

- Condamné Y Z épouse J aux entiers dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 77,08 euros.

Par déclaration en date du14 février 2018, Y Z épouse J a relevé appel de ce jugement ; l'instance a été enregistrée sous le numéro 18-00505.

Par ordonnance en date du 7 novembre 2018, le magistrat de la mise en état a enjoint à E H de communiquer dans le délai de 2 mois :

1 - tous les justificatifs concernant le titulaire de l'exploitation actuelle du fonds de commerce après remise, par Y J le 31 décembre 2017, à E Z épouse H des clés du local commercial situé à Biarritz, ..., tels que cession du fonds, bail commercial, acte de location gérance, promesse de vente etc.... qui ont pu être signés relativement à ce local,

2 - le descriptif de la totalité des travaux de remise en état, après restitution des clés, effectués dans le local commercial susvisé et les factures de règlement de ces seuls travaux.

La clôture est intervenue le 18 septembre 2019.

L'affaire a été fixée au 8 octobre 2019.

Par acte d'huissier remis à personne le 2 mars 2018, E H a fait assigner Y J devant le Tribunal de commerce de Bayonne, aux fins de :

- faire constater que Y J n'a pas restitué le fonds de commerce de la literie du BAB à l'issue de la location gérance, s'est emparée du fonds et a commis des actes de concurrence déloyale,

- obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 180 000,00 euros pour la perte de la totalité du fonds, outre la somme de 24 461,90 euros correspondant à trois devis de remise en état de propreté, de salubrité et de conformité en matière de sécurité électrique et de prévention du risque incendie, outre 10 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 et les entiers dépens comprenant les frais de constats d'huissier.

Y J a soulevé une exception de litispendance et demandé le dessaisissement du tribunal au profit de la cour.

Par jugement en date du 25 mars 2019, le tribunal a déclaré recevable et bien fondée l'exception de litispendance et s'est dessaisi au profit de la 2ème chambre 1ère section de la cour d'appel.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 19-2967.

Par ordonnance du 26 septembre 2019, le magistrat de la mise en état a joint les deux procédures sous le numéro de répertoire général 18-00505.

Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':

Par conclusions notifiées le 16 septembre 2019, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Y J demande à la Cour de :

1°) Sur l'appel formé contre le jugement du Tribunal de Commerce du 29 janvier 2018 :

- Dire et juger son appel partiel formé à l'encontre du jugement rendu le 29 janvier 2018 par le Tribunal de Commerce de BAYONNE recevable et bien fondé,

- En conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Y J à régler à E H :

- la somme forfaitaire de 20 000 euros à titre de concurrence déloyale,

- la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- les entiers dépens dont les frais de greffe liquides à la somme de 77,08 euros,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du bail de la Literie du BAB,

Statuant à nouveau :

- Constater que Y J a enlevé les inscriptions portées sur la vitrine du magasin et sur le site de la Literie du BAB cinq jours après avoir reçu l'assignation signifiée le 17 novembre 2017 ; de sorte qu'elles n'ont été visibles qu'à peine un peu plus qu'un mois,

- Dire et juger qu'il ne peut y avoir concurrence déloyale entre les parties qui n'avaient aucune activité commerciale concurrente,

- Dire et juger au surplus que E H ne rapporte pas la preuve d'un préjudice découlant de ces inscriptions que ce soit au titre d'une perte de clientèle ou de chiffre d'affaires et encore moins de la ruine du fonds de commerce ou sur le plan moral,

- Dire et juger de surcroît que E H n'a pas souhaité reprendre l'activité de vente de literie au 1er janvier 2018, de sorte qu'il ne peut y avoir de captation de clientèle,

- En conséquence, débouter E H de toutes ses demandes, fins et conclusions, y compris de son appel incident relatif à la résiliation judiciaire de la location gérance,

- Condamner E H à régler à Y J une indemnité de 5 000 euros pour procédure abusive et dilatoire ;

2°) Sur la deuxième procédure ayant fait l'objet du jugement de dessaisissement du Tribunal de Commerce du 25 mars 2019 :

- Dire et juger que Y J a bien restitué le fonds de commerce de La Literie du BAB le 31 décembre 2017 suite à la résiliation du contrat de location gérance,

- Dire et juger que E H n'apporte pas la preuve d'un quelconque acte de concurrence déloyale commis par Y J,

- Dire et juger que la volonté personnelle de E H de ne pas poursuivre l'exploitation de l'activité de La Literie du BAB et de s'orienter vers une autre option exclut toute possibilité d'action en concurrence déloyale pour captation de clientèle à l'égard de Y J,

- En conséquence, débouter E H de sa demande d'indemnisation pour la perte du fonds de commerce à hauteur de 180 000,00 euros,

- Dire et juger que les devis de travaux produits par E H relèvent de travaux incombant au bailleur au titre des grosses réparations, de la vétusté ou de la remise aux normes imposées par l'administration,

- Dire et juger qu'en tout état de cause, E H produit des devis, manifestement de complaisance, sans qu'il soit justifié de factures y afférentes qu`elle aurait réglées,

- Dès lors, débouter également E H de ses demandes relatives à la remise en état des locaux et plus généralement de toutes ses autres demandes y compris celles présentées au titre de article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens,

- Condamner E H à régler à Y J une indemnité de 20 000,00 euros pour procédure abusive et dilatoire et pour préjudice moral,

- Enfin, condamner E H à verser à Y J une indemnité de 10 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens relatifs aux deux procédures en ce compris le coût du procès verbal de constat de Maître BRUNEL LAPEYRE du 23 novembre 2017.

Par conclusions notifiées le 11 septembre 2019, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, E O H demande à la Cour de :

1°) Sur l'appel initial,

- Débouter l'appelante de son appel principal,

- Réformer partiellement la décision dont appel et prononcer la résiliation judiciaire du bail de location gérance du fonds de commerce de LA LITERIE DU BAB consenti à Y J,

- Confirmer la décision en ce qu'elle a condamné en première instance Y J à payer à E H une somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi du fait de ses agissements déloyaux,

- Confirmer la décision en ce qu'elle a condamné en première instance Y J à payer à E H une somme de 1 500,00 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner Y J à payer à la concluante une indemnité de 5 000,00 euros pour appel abusif ;

2°) Sur le litige joint par dessaisissement du Tribunal de Commerce

Vu les articles 1240 et 1241 du Code Civil ;

- Dire et juger que Y J n'a pas restitué le fonds de commerce de LA LITERIE DU BAB à l'issue de la location gérance qui lui était consentie, l'entité économique n'ayant jamais été restituée (locaux vides, plus de stocks,...) ;

- Dire et juger que Y J, s'étant emparée de ce fonds de commerce non restitué et s 'étant installée à moins de 3 km du local restitué en violation du contrat de location gérance qui la liait, a commis des actes de concurrence déloyale ;

- Condamner Y J à payer à la requérante une indemnité de 180 000,00 euros pour la perte de la totalité du fonds de commerce de LA LITERIE DU BAB,

- Condamner Y J à verser à E H la somme de 24 461,90 euros correspondant aux trois devis précités pour la remise en état de propreté, de salubrité et de conformité en matière de sécurité électrique et de prévention du risque incendie tels que nécessaire pour l'accueil de clientèle et la présence d'employés en toute sécurité ;

- Condamner Y J à payer à la requérante une indemnité de 10 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner Y J en tous les dépens, en ce y compris les frais des constats de Me UGOLINI des 11, 20, 23 et 24 octobre 2017 et ceux de Maître G M des 2 et l8 janvier 2018 ;

MOTIVATION :

Sur l'appel principal et l'appel incident du jugement du 29 janvier 2018 :

Pour conclure à l'infirmation du jugement et s'opposer aux prétentions de E H tendant à faire constater la résiliation du contrat de location gérance aux torts du locataire et à l'indemnisation d'actes de concurrence déloyale, Y J fait valoir, en l'état de ses dernières écritures, que :

- la création d'un second fonds au sein d'un second établissement exploité ..., sous l'enseigne 'l'Entrepôt de la literie' a été autorisée par son père en 2005. Ce fonds a été exploité au vu et au su du loueur sans aucune opposition de sa part, de sorte qu'il ne saurait être question de concurrence déloyale sur cette création, Jean Pierre Cazenave ayant renoncé pour cette exploitation à la clause de non concurrence figurant au contrat de location gérance,

- que la résiliation du contrat de location gérance par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 27 septembre 2017, pour le 31 décembre 2017, a régulièrement produit ses effets,

- que les agissements déloyaux imputés à faute à Y J ne sont pas établis, au regard des règles de la responsabilité civile délictuelle ; l'inscription apposée sur la vitrine du magasin abritant le fonds loué, destinée à informer la clientèle de la fin de la gérance, sont restées un peu plus d'un mois et E H ne démontre pas qu'elles ont contribué à la ruine du fonds de commerce,

- que la perte de clientèle ne peut être effective s'il n'existe entre l'auteur des actes déloyaux et la victime un rapport de concurrence ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'à la date où les inscriptions ont été portées sur la devanture du magasin et sur le site internet, E H n'exploitait aucun commerce, pas plus qu'à la date de restitution du fonds,

- que le préjudice retenu par le tribunal est purement éventuel, que d'ailleurs le chiffre d'affaires n'a nullement baissé pendant la période d'affichage de cette inscription, ni durant tout l'exercice 2017 ; qu'en réalité, la perte de la clientèle est la conséquence de la décision prise par E H de ne pas reprendre l'exploitation du fonds ; que son préjudice moral n'est pas mieux établi, en l'absence de démonstration d'un préjudice d'image ou de réputation,

- que la réparation du préjudice ne peut être forfaitaire et doit correspondre à celui ci, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal

- que l'existence d'un lien de causalité entre la faute invoqué et le préjudice indemnisé n'est pas établie.

En l'état de ses dernières écritures, E H fonde son action indemnitaire contre Y J sur la responsabilité civile délictuelle, au visa des articles 1240 et 1241 nouveau du code civil. Elle soutient :

- en premier lieu que sa soeur s'est rendue responsable d'une captation de clientèle en apposant sur la vitrine du fonds loué une inscription annonçant la fin de la gérance au 1erjanvier 2018 et en invitant la clientèle à se rendre à l'Entrepôt de la Literie, ..., la même information étant diffusée sur le site internet de Y J intitulé " www. literie BAB. Com ";

- que le fonds situé ... n'est en réalité qu'un établissement secondaire du fonds principal, créé sous le prétexte d'entreposer des meubles et qui a été transformé en espace de vente à l'insu des propriétaires du fonds pris à bail ; que ce fonds ne détient aucune clientèle propre ;

- qu'il s'infère nécessairement des agissements constatés un préjudice moral découlant de l'information annonçant la disparition du fonds exploité en location gérance ;

- que les faits litigieux justifient la résiliation judiciaire du bail.

En droit, il est constant que le locataire gérant doit veiller à la conservation de la clientèle du fonds de commerce donné en location gérance, sans pouvoir se l'approprier, et que la méconnaissance de cette obligation, qui découle du contrat de location gérance, engage la responsabilité civile de son auteur. Il est dans ces conditions indifférent que E H, devenue propriétaire du fonds donné en location gérance, n'exerçait pas elle même d'activité commerciale susceptible d'être concurrencée par celle exercée par sa soeur au sein de l'Entrepôt de la Literie, comme le fait valoir Y J.

E H recherche la responsabilité civile délictuelle de sa soeur sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, dans leur rédaction applicable à compter du 1eroctobre 2016, aux termes desquels, " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ", qu'en outre " chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ".

En l'espèce, au regard des agissements dénoncés par E H et concernant les faits qui se situent avant le 1eroctobre 2016, cette même responsabilité doit être recherchée sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016.

- sur l'exploitation d'un fonds concurrent :

En l'espèce, il ressort des contrats de location gérance versés aux débats que Y J s'est engagée, à l'expiration du contrat de location gérance, à ne pas exercer d'activité similaire dans un rayon de 3 km de l'emplacement du fonds et pendant une durée d'un an, sauf dans les locaux lui appartenant avant l'entrée en gérance.

E H reproche à sa soeur d'exploiter un fonds concurrent ..., situé à 1,3 km du fonds donné en location gérance, vers lequel la clientèle de ce dernier aurait été détournée.

Si ce fonds ne préexistait pas au contrat de location gérance, et si l'activité qui y est exercée est similaire à celle du fonds loué, il ressort de la pièce 3 de l'appelante qu'il a été créé avec l'accord du loueur, Jean Pierre Cazenave, qui, par acte sous seing privé en date du 2 février 2005, a accepté que sa fille Y J 'ouvre son entrepôt à Biarritz'.

Toutefois, E H fait valoir que cette autorisation donnée par son père a été détournée de son objet par sa soeur et qu'il s'agissait d'ouvrir un simple entrepôt rattaché au fonds loué, mais non d'y exercer une activité concurrente. Elle ajoute qu'il ressort de l'extrait du registre du commerce que l'entrepôt dont il s'agit est un établissement secondaire de l'établissement principal reçu en location gérance.

Cependant, aux termes des articles R. 123-31 et suivants du code de commerce, l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés est personnelle et nul ne peut être immatriculé plusieurs fois à un même registre. Toute personne physique ayant la qualité de commerçant demande son immatriculation au greffe du tribunal dans le ressort duquel est situé son principal établissement. La personne physique déclare en outre, en ce qui concerne son activité et son établissement, s'il s'agit soit de la création d'un fonds, soit de la reprise d'un fonds de commerce existant, soit d'une modification de son régime d'exploitation, soit encore d'une location gérance.

Un établissement secondaire est un établissement permanent distinct du siège ou de l'établissement principal et dirigé par la personne tenue à immatriculation ou un préposé ou une personne ayant le pouvoir de nouer des rapports juridiques avec les tiers. Tout commerçant immatriculé qui ouvre un établissement secondaire dans le ressort d'un tribunal où il est déjà immatriculé demande une inscription complémentaire.

Il ressort de ces dispositions que la notion d'établissement ne se confond pas avec la notion de fonds de commerce et que deux établissements exploités par la même personne physique, l'un principal et l'autre secondaire, peuvent être attachés à des fonds de commerce distincts.

En l'espèce, dès 2005 et en accord avec son père, propriétaire du fonds donné en location gérance, Y J a ouvert un autre établissement, ..., pour y exercer également une activité de vente et de réparation de literie. Elle a, à cette fin, conclut un bail commercial à son nom, pour ces nouveaux locaux, et demandé une inscription complémentaire au registre du commerce et des sociétés, sous le même numéro d'immatriculation qui lui avait été attribué à l'origine du contrat de location gérance, comme le veut la réglementation en la matière. L'extrait Kbis versé aux débats indique que le fonds exploité dans ces nouveaux locaux est un fonds créé, par conséquent distinct du fonds donné en location gérance.

Ce local exploité sous l'enseigne l'Entrepôt de la Literie, selon l'extrait KBis, n'est donc pas une simple annexe ou extension du fonds donné en location gérance.

S'agissant d'un fonds créé avec l'accord du loueur, exploité sans opposition de sa part pendant près de 10 ans, puis sans opposition de la part de E H devenue propriétaire du fonds loué, en tout cas jusqu'en 2017 et la dénonciation par Y J du contrat de location gérance, cette création ne saurait caractériser une concurrence fautive au regard des obligations pesant sur le locataire gérant. La création de ce fonds de commerce, plus de 10 ans avant la cessation du contrat de location gérance, ne constitue pas non plus un manquement à l'obligation de non réinstallation pesant sur le preneur, en cas de résiliation du contrat de location.

Il n'est pas établi non plus que la création de ce fonds distinct ait entraîné une captation de la clientèle du fonds donné en location gérance.

A cet égard, les documents comptables produits par Y J (pièces 17 et 31) montrent que le chiffre d'affaires du fonds 'La Literie du BAB' est resté relativement stable entre 2009 et 2013, de l'ordre de 328 000 à 351 000 euros, pour connaître un fléchissement entre 2014 et 2017 passant d'environ 296 000 euros à 278 000,00 euros. Sur la même période, le chiffre d'affaires du fonds 'l'Entrepôt de la Literie' qui représentait environ 200 000,00 euros en 2009 a diminué de manière continue à partir de 2011 pour atteindre environ 91 000,00 euros en 2017.

Au vu de ces données comptables, il n'est pas démontré que l'exploitation du fonds créé en 2005 s'est exercée au détriment du fonds préexistant, en tout cas sur la période 2009-2017.

- Sur la captation de clientèle du fonds loué postérieurement à l'envoi de la lettre de résiliation du contrat de location gérance :

Il n'est pas contesté et il ressort des procès verbaux de constat d'huissier versés aux débats par E H que Y J a fait apposer sur les vitrines des locaux du commerce 'la Literie du BAB' des inscriptions en lettres blanches annonçant 'A partir du 1erjanvier 2018, fin de la gérance ici, retrouvez nous à l'entrepôt de la literie n° ... à 300 mètres à droite de Grand Frais vers Lac Marion. Literie BAB. Com'.

Cet affichage a fait l'objet d'un constat d'huissier du 20 octobre 2017.

La même information a été publiée sur le site internet " Literie BAB. Com " dans les termes suivants : " Information importante. A partir du 1er janvier 2018, fin de gérance du .... Retrouvez nous en ... à Biarritz vers le nouveau magasin Grand Frais, pour mieux vous servir au meilleur prix. Merci de votre compréhension.

Ces locaux anciens ne nous convenaient plus. Profitez de la braderie à cette occasion sur les articles de ce local avant la fin de l'année. Merci de votre confiance ".

Cette publication a été constatée par procès verbal d'huissier du 11 octobre 2017. L'huissier a également constaté en cliquant sur l'onglet " qui sommes nous " l'information suivante : 'Y et C vous conseillent de leur mieux grâce à leur expérience de plus de trente années, au service de votre confort' ' en 2005 nous avons ouvert un deuxième magasin à Biarritz : l'entrepôt de la literie , pour plus de stock et plus de premiers prix pour toujours mieux vous servir, vers l'aéroport'.

Lors d'une nouvelle navigation, le 23 octobre 2017, et en cliquant sur l'onglet 'qui nous sommes' l'huissier a pu prendre connaissance du texte suivant :

" LA LITERIE DU BAB EXISTE DEPUIS 1964 MAISON Z.

Y Z vous conseille pour éviter les problèmes de dos provoqués par une literie qui ne convient pas à votre morphologie.

Nous avons choisi au fil des années les meilleurs rapports qualité prix...

Nous avons décidé de concentrer la vente à partir du 1erjanvier à l'adresse de l'entrepôt de la literie du BAB, pour réduire les problèmes liés à l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite sur l'ancien magasin ... qui ne peut être mis aux normes obligatoires. Cet entrepôt de 500m² vous permettra de vous garer facilement et trouver et emporter toute notre marchandise, avec un stock bien garni et disponible de suite.

Nos deux magasins sont actifs jusqu'à la fin de cette année, et seul l'entrepôt vous accueillera à partir du 1erjanvier 2018, en espérant que notre aimable clientèle nous y retrouve ".

Y J justifie, en produisant elle même un constat d'huissier, que les inscriptions apposées sur les vitrines des locaux avaient disparu à la date du 23 novembre 2017. Elle produit également des extraits de la page d'accueil du site " Literie Bab. Com " montrant la suppression de la mention relative à la concentration de l'activité de vente sur les locaux du ... partir de janvier 2018.

Quoi qu'il en soit, les annonces et inscriptions litigieuses, dont il n'est pas établi qu'elles ont été apposées avant la lettre du 27 septembre 2017 de Y J, informant sa soeur de son intention de ne pas voir renouveler le contrat de location gérance, sont bien constitutives d'actes de concurrence déloyale visant à capter la clientèle attachée au fonds de commerce de la literie du BAB au profit de celui de l'Entrepôt de la Literie, captation d'autant plus aisée à réaliser que l'exploitante des deux établissements était la même et que l'Entrepôt de la Literie a bénéficié de la renommée attachée au fonds préexistant.

En outre, les panneaux d'enseigne de l'Entrepôt de la Literie avaient été complétés, par l'ajout, en lettres plus petites, de la mention " DU BAB " de nature à opérer une confusion entre les deux établissements, tel que l'a constaté Maître Delphine Lacroix Ugolini, huissier de justice, dans un procès verbal du 11 octobre 2017.

Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que Y J utilisait toujours le site 'Literie Bab. Com' à la date du constat d'huissier du 5 mars 2018, après avoir fait figurer sa photographie, ce qui était un moyen supplémentaire de rattacher le fonds restitué à sa personne.

- Sur la réparation du préjudice découlant des actes de concurrence déloyale :

Y J fait valoir que sa soeur est dans l'impossibilité de justifier d'une perte de clientèle, aucun chiffre comptable ne venant démontrer une diminution du chiffre d'affaires du fonds restitué et que, si son intention avait été de poursuivre l'exploitation de ce fonds, elle n'établit pas la perte de clientèle qu'elle invoque.

E H lui oppose que le préjudice, fût il moral, s'infère nécessairement des agissements déloyaux et que la concurrence déloyale initiée par Y J a été source de gêne dans les initiatives commerciales et la perte d'une chance de développement économique du fonds donné à bail ; que le préjudice moral est considérable puisque les publications annonçant la cessation de l'exploitation du fonds donné à bail ont porté atteinte à la réputation commerciale du fonds et à son image de marque, donnant à penser qu'il allait purement et simplement disparaître.

Cependant, s'agissant de la perte de chance de développement économique du fonds donné à bail, E H n' invoque ni n'établit. aucune tentative d'en poursuivre l'exploitation, elle même, de le céder ou de le donner de nouveau en location gérance. S'il est certain que les agissements déloyaux de sa soeur pouvaient, dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, détourner du nouvel exploitant une partie de la clientèle attachée au fonds, dans une proportion indéterminée, la perte de chance résultant de cette probabilité est réduite à néant par le caractère hypothétique de la poursuite d'exploitation. En effet, il n'est pas démontré que cette éventualité a été envisagée par E H, ni qu'elle aurait été plus favorable que la décision retenue par elle de donner à bail commercial les locaux lui appartenant, moyennant un loyer annuel de 24 000,00 euros HT, bien supérieur à celui versé par Y J pour la location gérance (14640 euros).

Il ressort à cet égard du bail commercial signé par E H, le 2 mars 2018, avec la SCI HOMITZA, preneur des locaux, que les diagnostics obligatoires, avant la mise en location, ont été effectués le 25 janvier2018, soit moins d'un mois après la restitution du fonds loué, ce qui démontre que la décision de louer les locaux commerciaux, indépendamment du fonds de commerce de literie, a été prise très rapidement après la fin de la location gérance, sans réelle tentative d'en poursuivre l'exploitation.

Le silence de E H aux demandes de sa soeur de voir préciser ses intentions quant à la poursuite de l'activité du fonds de la Literie du BAB, la reprise du personnel et le rachat d'une partie des stocks est de ce point de vue révélateur.

E H doit ainsi être déboutée de sa demande en réparation d'une perte de chance.

S'agissant du préjudice moral, E H invoque l'atteinte portée à la réputation commerciale du fonds et à son image de marque, donnant à penser qu'il allait purement et simplement disparaître. Toutefois, E H ne peut se prévaloir que d'un préjudice subi personnellement. Or, la réputation du fonds loué reposait largement sur la personne de Y J qui en avait assuré pendant plus de 25 ans le développement.

I l n'est pas établi, dans ces conditions, que les annonces publiées et affichées par Y J, informant la clientèle de la cessation de la location gérance et de la poursuite de l'activité sur son établissement personnel, aient pu causer à E H, qui ne démontre pas avoir eu l'intention de poursuivre l'exploitation du fonds loué, soit personnellement, soit par l'intermédiaire d'un nouveau gérant, un préjudice moral, en raison d'une atteinte portée à la renommée ou à l'image de son. fonds de commerce.

- Sur la résiliation du contrat de location gérance :

La résiliation de la location gérance suivant lettre recommandée avec avis de réception postée le 27 septembre 2017, pour le 31 décembre 2017, a été faite dans les formes requises, par Y J, avant les agissements constitutifs d'actes de concurrence déloyale retenus à son encontre. Cette résiliation a produit ses effets à la date du 1er janvier 2018.

Il n'y a pas lieu en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de location gérance, comme le demande E H.

Sur l'action de E H en indemnisation de la non restitution du fonds de commerce de literie objet du contrat de location gérance :

E H sollicite la somme de 180 000,00 euros en réparation de la perte du fonds de commerce loué, incluant, pour 80 000,00 euros, la valeur du fonds exploité dans l'établissement secondaire de la ... qu'elle estime être une annexe du fonds non restitué.

E H fait notamment valoir qu'il ressort du procès verbal de constat établi le 2 janvier 2018, par Maître Delphine Lacroix Ugolini, huissier de justice, que les lieux restitués sont vides de tout matériel, de toutes marchandises ou stocks, et de tout document commercial ou comptable ; que c'est un local quasiment vide qui est restitué, mais en aucun cas un fonds de commerce susceptible d'accueillir de la clientèle. Seuls un bureau en bois, une applique murale et un climatiseur hors d'usage garnissaient les lieux. La rampe d'accès pour personnes handicapées avait été retirée. L'installation électrique était incomplète, dangereuse ou hors norme (prises électriques déposées, d'autres ne présentant plus de plastron protecteur, néons manquants ainsi que leurs couvercles de sécurité). Le local était vétuste, avec un plafond jauni, des murs fissurés et sales et une moquette usagée. La mention 'FERMÉ' était en outre apposée sur les vitrines.

Elle ajoute qu'elle a fait établir plusieurs devis de réparation et réfection des lieux, d'un montant respectif de 17 553,48 euros, pour l'installation électrique, 6 623,35 euros pour la remise en peinture des lieux et 285,70 euros pour la sécurité incendie.

Dans le même temps, elle a fait constater que deux véhicules fourgon siglés 'La literie du BAB' étaient stationnés sur le parking de l'entrepôt de la literie, et qu'une femme était en train de retirer les autocollants apposés sur l'un des fourgons.

Par procès verbal d'huissier du 18 janvier 2018, elle a fait constater que l'Entrepôt de la Literie poursuivait son activité.

Enfin, elle considère que les inscriptions apposées sur les vitrines des locaux abritant le fonds donné en location gérance, et les posts mis en ligne par Y J sur le site Literie BAB. com, notamment ceux annonçant une braderie sur les articles en stock dans ces locaux, sont révélateurs de l'appropriation du fonds par cette dernière, tout comme l'est la mention publiée au BODACC, les 5 et 6 février 2018, par Y J, du transfert de son établissement principal au ... à Biarritz, et le fait qu'elle ait continué à utiliser le site en ligne, postérieurement à la libération des locaux loués.

Y J lui oppose qu'elle n'a pas été convoquée à un état des lieux de sortie.

Elle ajoute qu'elle a toujours oeuvré pour maintenir la valeur du fonds, notamment en obtenant la levée du droit de préemption de la mairie de Biarritz sur les locaux frappés d'alignement, ce qui indéniablement a apporté une plus value aux locaux exploités ...; mais également en prenant à sa charge les travaux de réfection de la toiture qui incombaient au propriétaire du fonds.

Elle fait valoir également qu'elle a restitué les locaux dans l'état où elle les avait reçus, alors qu'il incombait au loueur, en l'absence d'autres dispositions du contrat de location gérance, de réaliser les travaux de mise aux normes sanitaires et d'accessibilité aux personnes handicapées, ainsi que les travaux justifiés par la vétusté, ce que sa soeur s'est toujours refusée à faire, à l'exception de travaux d'aménagement de sanitaires, au cours de l'année 2016, jamais totalement terminés.

S'agissant de la remise de locaux vides, elle indique qu'elle avait demandé à sa soeur de lui faire part de ses intentions sur la poursuite d'exploitation du fonds de commerce de La literie du BAB et proposé de lui laisser du stock si elle entendait continuer l'activité de literie. N'obtenant aucune réponse de sa part, elle a donc libéré les locaux le 31 décembre 2017, en les laissant dans l'état où elle les avait pris à son entrée dans les lieux, vides de stocks qui ne faisaient pas partie du fonds donné en location gérance, et avec pour seul équipement un bureau.

E H n'ayant fixé aucune date pour établir l'état des lieux de sortie, elle lui a adressé un message sur son portable dès le 30 décembre 2017, pour lui indiquer qu'elle lui laissait les clés à l'arrière du magasin et pour tenir à sa disposition, dans le bureau, une clef USB contenant la liste des clients, les factures depuis 2001 et les numéros de télécopie des fournisseurs, les archives papier étant tenues à sa disposition, au ....

S'agissant du site en ligne qu'elle a créé en mars 2000, elle fait valoir qu' elle est seule propriétaire du nom de domaine literie Bab. Com qui est générique et fait uniquement référence à une zone géographique et non spécifiquement au commerce La Literie du BAB.

Comme cela a été examiné précédemment, la création du fonds exploité par Y J, ..., a été autorisée par Jean Pierre Cazenave et il ne s'agit pas d'une simple extension du fonds donné en location gérance, mais bien d'un fonds distinct exploité parallèlement. L'existence de ce fonds créé avec l'autorisation du loueur ne peut suffire à caractériser une concurrence fautive et encore moins une captation du fonds loué, comme le démontrent les données comptables séparées communiquées par Y J.

En revanche, des actes de concurrence déloyale ont été commis par Y J entre le 27 septembre 2017 et la restitution des locaux abritant le fonds exploité en location gérance, de nature à entretenir une confusion entre ce fonds et celui qu'elle exploitait ...

Toutefois, ces actes sont circonscrits à une courte période, et il n'est pas établi qu'ils ont eu pour effet de vider de sa substance le fonds donné en location gérance. Notamment, il n'est fourni aucune donnée de nature à établir une captation de l'achalandage ou de la clientèle attachée à ce fonds.

S'agissant de la restitution des locaux vides de stocks, il ressort des termes mêmes du contrat de location gérance que les stocks n'étaient pas inclus dans les éléments du fonds loué et que le locataire n'avait aucune obligation de les reconstituer avant la fin du contrat de location gérance.

Par ailleurs, interpellée par sa soeur dès le 27 septembre 2017, sur la nécessité de préparer la transition soit vers une reprise de l'exploitation du fonds de literie, soit vers une autre solution, E H n'a pas fait connaître ses intentions, ni pris aucune disposition pour assurer une reprise du fonds dans des circonstances permettant une poursuite d'exploitation, sans rupture de continuité, alors que Y J, dans sa seconde lettre du 20 octobre 2017, lui avait proposé de lui laisser des stocks si son intention était de reprendre l'exploitation de ce fonds de commerce.

Elle n'a pas non plus sommé sa soeur de lui remettre les pièces comptables et commerciales qui lui auraient permis de poursuivre, elle même, l'exploitation du fonds si tel avait été son intention ou de négocier une cession ou une remise en location gérance.

Au contraire, E H a, selon bail commercial du 2 mars 2018, loué les locaux récupérés, indépendamment du fonds, à la SCI HOMITZA qui exerce une toute autre activité que celle de vente de literie, sans justifier d'une quelconque tentative de poursuivre l'exploitation du fonds de commerce de literie qui aurait été vouée à l'échec par suite des agissements fautifs imputés à Y J.

Ainsi, E H n'établit pas la non restitution du fonds de commerce de La Literie du BAB et doit être déboutée de la demande indemnitaire formée à ce titre.

Sur la demande de E H au titre des travaux de remise en état des locaux restitués :

E H a fait établir trois devis de travaux totalisant une somme de 24 461,90 euros dont elle réclame paiement.

Y J fait valoir que ces travaux relèvent soit de la vétusté soit de la remise aux normes des locaux et incombent au propriétaire bailleur, en l'absence de dispositions spécifiques du contrat de location gérance.

Pour la réfection de l'installation électrique, le montant des travaux chiffrés par l'entreprise X A s'établit à 17 553,48 euros TTC comprenant à la fois des travaux de remise aux normes de l'ensemble de l'installation électrique et des travaux de pose d'une climatisation réversible qui n'existait pas jusque là.

Le constat établi par le cabinet NCDIAG, à la demande de E H, sur l'état de l'installation électrique mentionne notamment la présence de matériel vétuste et l'absence de dispositif différentiel à haute sensibilité inférieur ou égal à 30 milliampères qui relèvent d'une remise aux normes de l'installation.

En l'absence de dispositions spéciales du contrat de location gérance, les travaux de remise aux normes de l'installation électrique incombaient au propriétaire loueur à qui il appartient d'assumer les travaux rendus nécessaires par la vétusté des locaux.

C'est d'ailleurs ce que prévoit le bail commercial passé avec la SCI HOMITZA qui indique que dès la signature du bail, le bailleur fera réaliser la mise en conformité de l'installation électrique selon les travaux chiffrés par la société X B

L'entreprise Dupont Peintures a établi un devis de réfection des plafonds et murs par pose de toile de verre, puis remise en peinture du tout ainsi que des huisseries.

Cependant, il ressort du procès verbal de constat d'huissier du 2 janvier 2018, établi par Maître G M, à la reprise des lieux, que les locaux étaient à l'état d'usage et présentaient une certaine vétusté. Il n'est donc pas établi un défaut d'entretien du preneur qui justifierait qu'il supporte, non plus, le coût des travaux de remise en peinture du local restitué.

Cette demande est d'autant plus injustifiée, s'agissant des travaux de peinture, que les locaux ont été pris en l'état par le nouveau preneur à bail, la SCI HOMITZA, qui a fait réaliser des travaux de restructuration et de finition qui auraient rendu vains les travaux chiffrés par l'entreprise Dupont Peintures.

Enfin, les travaux de protection incendie concernent la pose d'extincteurs pour une somme de 237,56 euros, selon devis de l'entreprise DA COSTA du 8 février 2018, dont rien n'indique qu'ils ont été acquis et posés avant remise en location des locaux.

E H doit en conséquence être déboutée de ce chef de demande.

Sur les demandes respectives des parties pour procédure abusive et dilatoire :

Y J sollicite la condamnation de E H à une somme globale de 25 000,00 euros (5 000,00 euros+20 000,00 euros au titre de l'une et l'autre procédures jointes) pour procédure abusive et dilatoire.

E H sollicite quant à elle une somme de 5 000,00 euros pour appel abusif.

Le droit d'agir en justice, y compris en appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, ce qui n'est pas démontré, au stade de la présente instance, compte tenu de la position respective des parties.

En effet, en cause d'appel, Y J obtient une diminution des dommages et intérêts mis à sa charge par le tribunal ; son appel ne peut en conséquence être qualifié d'abusif.

E H obtient en partie gain de cause, de sorte que là encore les procédures qu'elle a initiées en première instance ne peuvent être qualifiées d'abusives et encore moins de dilatoire.

Les parties sont en conséquence déboutées de leurs demandes indemnitaires à ce titre.

Sur les demandes annexes :

E H, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel comprenant les dépens de l'instance ayant donné lieu au jugement du 25 mars 2019.

Au regard des circonstances de la cause et de la position des parties, l'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort, Infirme le jugement rendu le 29 janvier 2018 par le tribunal de commerce de Bayonne, en ce qu'il a condamné Y Z épouse J à régler à E Z épouse H, la somme forfaitaire de 20 000,00 euros pour concurrence déloyale, ainsi que sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, Statuant à nouveau des chefs infirmés, Déboute E H de ses demandes indemnitaires pour concurrence déloyale, Condamne E H aux dépens de première instance. Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant des frais non compris dans les dépens de première instance, Confirme le jugement pour le surplus, Y ajoutant, Déboute E H de sa demande de dommages et intérêts, à hauteur de 180 000,00 euros, pour perte de la totalité du fonds de commerce de La Literie du BAB, et de sa demande en paiement de la somme de 24 461,90 euros au titre des travaux de remise en état de propreté de salubrité et de conformité du local abritant le fonds donné en location gérance, Déboute Y J et E H du surplus de leurs demandes, Condamne E H aux dépens d'appel, comprenant ceux de l'instance ayant conduit au jugement de dessaisissement du 25 mars 2019, Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant des frais non compris dans les dépens de l'instance ayant conduit au jugement de dessaisissement du 25 mars 2019 et dans ceux de l'instance d'appel.