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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ., 16 janvier 2020, n° 17-02989

NÎMES

PARTIES

Demandeur :

Les Laboratoires Servier (SAS)

Défendeur :

CPAM des Hautes Alpes (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruyere

Conseillers :

Mmes Toulouse, Leger

Avocats :

Mes Chatelain, Robert, Furioli Beaunier, Kostova

TGI Avignon, du 30 juin 2017

30 juin 2017

EXPOSE DU LITIGE

1. A la suite d'une échographie transoesophagienne du 3 décembre 2010, il a été mis en évidence chez Mme Q M N, née le 5 juin 1957, une insuffisance aortique sévère due à une valvulopathie ; celle-ci a été confirmée par une coronographie réalisée au centre hospitalier d'Avignon du 17 au 18 février 2011 et une indication opératoire a ensuite été posée.

L'intervention a été réalisée le 9 mai 2011 à l'hôpital de La Timone à Marseille par le professeur D et le Dr I et a consisté dans le remplacement valvulaire aortique par une valve mécanique. Dans les suites de l'intervention, il y a eu une période de rééducation mais aussi le traitement d'une infection locale de la cicatrice, qui ont pris fin le 9 juillet 2011.

Mme N a subi une nouvelle angioplastie de la coronaire droite avec mise en place de stent en mars 2012 mais a été réhospitalisée pour l'ablation des fils métalliques suspectés d'être à l'origine des douleurs qu'elle ressentait. Là encore l'intervention s'est compliquée d'une contamination par staphylocoque doré pour laquelle elle a été traitée durant six semaines.

2. Mme N a estimé que la pathologie valvulaire et l'ensemble des soins subséquents qu'elle a reçus avaient été causés par la prise de S qui lui avait été prescrit du 19 mars 2002 au 16 septembre 2009.

Elle a alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon aux fins d'expertise et de provision à l'encontre de la SAS Laboratoires Servier, fabricant du médicament ; celui-ci avait reçu une autorisation de mise sur le marché le 16 août 1974 et avait été commercialisé en France à compter du 27 août 1976 comme adjuvant de régime dans le cas d'hypertriglycéridémies et de diabète avec surcharge pondérale. Son retrait interviendra le 20 juillet 2010.

Il a été fait droit à la demande d'expertise par une ordonnance du 3 juin 2013 qui a désigné à cette fin le Docteur BB. L'expert a établi son rapport le 12 décembre 2013 concluant notamment que la pathologie valvulaire était une conséquence directe et exclusive de la prise du S et se prononçant sur les préjudices de Mme Q L O

Considérant que son préjudice avait été sous-évalué, Mme Q L N a de nouveau saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 26 février 2014, l'a déboutée de ses demandes de contre-expertise et de paiement d'indemnités provisionnelles au motif notamment qu'il n'appartenait pas au juge des référés de trancher la question de savoir si le S constituait un produit défectueux au sens de l'article 1386-5 du Code civil.

3. Mme Q L N a assigné la Sas Les Laboratoires Servier ainsi que la Caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes par actes des 31 octobre et 6 novembre 2014 devant le tribunal de grande instance d'Avignon afin d'obtenir, avant dire droit sur la réparation de son préjudice, une contre-expertise médicale ainsi que le paiement de la somme provisionnelle de 70 000 euros à valoir sur la réparation de son dommage outre la somme provisionnelle ad litem de 10 000 euros.

Par ordonnance du 7 décembre 2015, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer formée par la Sas Les Laboratoires Servier par conclusions d'incident du 1er juin 2015 et a débouté Mme Q L N de sa demande reconventionnelle de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

4. En parallèle de l'instance judiciaire, Mme Q L N a saisi l'ONIAM le 23 avril 2012, dans le cadre du dispositif d'indemnisation des victimes du Y mis en œuvre par la loi du 29 juillet 2011 codifiée aux articles L. 1142-24-1 et suivants du Code de la santé publique.

Le Professeur K G T a été désigné en qualité d'expert et, après s'être adjoint le concours du Professeur U Z en qualité de sapiteur spécialisé en anatomopathololgie, a établi un rapport définitif le 6 juillet 2015 ; lui aussi conclut notamment que " le lien de causalité entre la prescription de S et la valvulopathie est certain ".

Le collège d'expert ensuite a d'abord édité un rapport d'expertise sur dossier, au vu notamment du rapport T Z, le 18 novembre 2015 ; puis a rendu un avis le 19 avril 2016 validant les conclusions de l'expertise.

L'offre de la société Les laboratoires Servier a été considérée comme insuffisante par Mme O

5. Par jugement contradictoire du 30 juin 2017, le tribunal de grande instance d'Avignon, après avoir rejeté la demande de sursis à statuer formée par la Sas Les Laboratoires Servier, a :

Déclaré la société Les laboratoires Servier responsable du dommage occasionné à Mme Q L N par la prise de S entre le 19 mars 2002 et le 16 septembre 2009, produit défectueux dont elle était le producteur,

L'a condamnée en conséquence à payer à Mme Q L N la somme de 177 174,59 euros en réparation du préjudice causé par ce médicament en rappelant que cette somme produit intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

L'a condamnée en outre au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire ; condamné la Sas Les Laboratoires Servier à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes :

- la somme de 222 201,80 euros en remboursement de ses débours,

- la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, débouté la Caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,

Débouté la Sas Les Laboratoires Servier de toutes ses demandes, condamné cette dernière aux dépens.

La Sas Les Laboratoires Servier a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 juillet 2017.

Par ordonnance du 22 décembre 2017, le conseiller de la mise en état a constaté l'exécution par la Sas Les Laboratoires Servier du jugement du tribunal de grande instance d'Avignon du 30 juin 2017 et a rejeté en conséquence la demande de Mme Q L N en radiation de l'appel du rang des affaires en cours ainsi que de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er octobre 2019, la Sas Les Laboratoires Servier demande à la cour à titre principal, de :

Dire que la preuve des conditions de sa responsabilité n'est pas apportée et de rejeter toutes demandes indemnitaires formées par Mme Q L N et la Caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes à son encontre,

A titre subsidiaire, faire application de l'article 1245-10 4° du Code civil, constater que l'état des connaissances scientifiques, au moment où elle a mis le médicament S en circulation, ne lui permettaient pas de déceler l'existence d'un défaut du produit et en conséquence de rejeter les demandes indemnitaires formées à son encontre,

A titre plus subsidiaire, limiter sa condamnation à indemniser Mme Q L N à la somme globale de 41 263,26 euros détaillée comme suit :

- Préjudice Esthétique Temporaire : 1 511 euros

- Pertes de Gains Professionnels Actuels : 2 362 euros

- Pertes de Gains Professionnels Futurs : 17 410,26 euros

- Déficit Fonctionnel Permanent : 19 980 euros et limiter sa condamnation à indemniser la Caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes à hauteur de 121 046,95 euros comme suit :

- Dépenses de santé actuelles : 68 101,36 euros

- Indemnités journalières (imputables à 50 %) : 14 729,06 euros

- Dépenses de santé futures : 10 514,48 euros

- Pension invalidité échue (imputable à 50 %) : 11 047,24 euros

- Pension invalidité à échoir (imputable à 50 %) : 16 654,82 euros en tout état de cause, dire que Mme Q L N a d'ores et déjà été indemnisée s'agissant des souffrances endurées et du déficit fonctionnel temporaire et ainsi de réformer le jugement sur ce point.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante met en évidence l'existence de contradictions majeures entre les rapports d'expertise successifs ainsi que l'absence de défaut ou de faute prouvée.

Elle rappelle qu'aucune relation contractuelle n'existe entre un établissement pharmaceutique et des patients et qu'ainsi sa responsabilité contractuelle ne saurait engagée sur le fondement de l'article L. 221-1 du Code de la consommation.

Elle considère par ailleurs que le collège d'experts de l'ONlAM n'a fait que rendre un avis dans le cadre d'une procédure amiable, dans lequel il ne caractérise pas une responsabilité de la société Les Laboratoires Servier.

Elle insiste sur le fait aucune pièce du dossier médical ne renseigne l'état de santé cardiaque de Mme Q L N avant 2006, alors même que l'année alléguée de la première prescription de Y est 2002 et qu'ainsi force est de constater que Mme Q L N ne rapporte pas de manière certaine l'existence d'une imputabilité des troubles valvulaires présentés au médicament S.

Elle rappelle que les connaissances scientifiques ne permettaient pas, jusqu'en 2009, de déceler l'existence d'un défaut, ainsi que le démontre l'analyse des publications scientifiques, des positions des autorités de santé et des rapports d'expertise judiciaires déposés dans des affaires similaires de sorte que l'information fournie par la Sas Les Laboratoires Servier au moment de la prise du produit par Mme Q L N était suffisante, précise, complète et circonstanciée puisque que les données disponibles ne permettaient pas d'établir l'existence d'un lien entre le médicament et l'apparition d'une valvulopathie.

Elle conteste le grief qui lui est fait de ne pas avoir fait mention de la présence de norfenfluramine dans la notice du S, les effets indésirables cardiaques et pulmonaires liés à l'exposition à ce produit n'ayant été découverts qu'en 2009 en précisant qu'elle n'était pas en mesure, lorsqu'elle a mis le médicament en circulation, de déceler l'existence d'un défaut de ce produit.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 septembre 2019, Mme Q L N demande à la cour de dire que la responsabilité de la Sas Les Laboratoires Servier est pleine et entière, du fait de la défectuosité connue du Y, et est à l'origine des préjudices subis par elle du fait de la prise de S.

Elle demande ainsi à la cour de condamner la Sas Les Laboratoires Servier à l'indemniser et à lui payer les sommes suivantes :

Préjudices patrimoniaux temporaires :

- dépenses de santé actuelles : prises en charge par l'assurance maladie

- pertes de gains professionnel actuels : arrêts maladie du 28 février 2011 au 1 février 2013 : 24 mois à mi salaire : 17 676 euros : 2 = 1 473 euros x 50 % x 24 mois = 17 676 euros

- assistance tierce personne 2 heures par jour, sur la base annuelle de 412 jours, pendant les périodes de DFT de classe III du 24 novembre 2010 au 8 février 2011 et du 24 juin 2011 au 31 janvier 2013, soit 663 jours + 13 % x 2 h x 18 euros = 26 971 euros

- assistance tierce personne 4 heures par jour, sur la base annuelle de 412 jours, pendant la période de DFT de classe IV du 9 février 2011 au 5 mai 2011, soit 86 jours + 13 % x 4h x 18 euros = 6 997 euros

Préjudices extra patrimoniaux temporaires (consolidation 01/02/2013) :

- déficit fonctionnel temporaire à compter du 6 mars 2006 :

* partiel classe I du 6 mars 2006 au 23 novembre 2010 : 1723 j x 35 euros x 10 % = 6 030,50 euros

* partiel classe III du 24 novembre 2010 au 8 février 2011 : 77 j x 35 euros x 50 % = 1 347,50 euros

* partiel classe IV du 9 février au 5 mai 2011 : 86 j x 35 x 75 % = 2 257,50 euros

* total du 6 mai au 23 juin 2011 : 49 j x 35 euros = 1 715 euros

* partiel classe III du 24 juin au 5 juillet 2011 : 12 j x 35 euros x 50 % = 210 euros

* total du 6 au 9 juillet 2011 : 4 j x 35 euros = 140 euros

* partiel classe III du 10 juillet 2011 au 21 mai 2012 : 316 j x 35 euros x 50 % = 5 530 euros

* total du 22 mai au 8 juin 2012 : 18 j x 35 euros = 630 euros

* partiel classe III du 9 juin 2012 au 31 janvier 2013 : 237 j x 35 euros x 50 % = 4 147,50 euros soit une somme totale pour le déficit fonctionnel temporaire de 22 008 euros

- souffrances endurées 4/7 : 10 000 euros

- préjudice esthétique temporaire 1/7 : 5 000 euros sous déduction d'une somme provisionnelle partielle de 16 237,90 euros reçue de l'ONIAM au titre du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées.

Préjudices patrimoniaux permanents :

- dépenses de Santé futures : non déterminables

- perte de gains professionnels futurs due à l'incapacité permanente (longue maladie puis incapacité catégorie II) : elle a perçu des indemnités journalières d'août 2011 au 30 novembre 2013 (50 % de son salaire) puis une pension d'invalidité (50 % de son salaire) à compter du 1er décembre 2013 jusqu'à la retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail qui lui a été attribuée à compter du 1er juillet 2019.

Soit du 1er février 2013 jusqu'au 30 juin 2019 : Salaire net fiscal : 17 676 euros : 12 = 1 473 euros X 50 % X 77 mois = 56 710,50 euros

Du 1er juillet 2019 au 1er juillet 2024, elle aurait pu percevoir, a minima, un salaire de 1 689 euros comme en 2010 (salaire annuel en 2010 : 20 268,46 euros) soit 1 689 euros - 676,58 euros = 1 012,42 euros x 60 mois = 60 745,20 euros

- Soit un total de 117 455,70 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs.

- incidence professionnelle : 100 000 euros.

- assistance tierce personne 1 heure par jour, sur la base annuelle de 412 jours, jusqu' à la fin de vie (moyenne femmes France : 80 ans) du 1er février 2013 au 5 juin 2037, soit 9 094 j + 13 % x 18 euros = 184972 euros

Préjudices extra patrimoniaux permanents :

- Déficit fonctionnel permanent 25 % : 2 000 euros x 25 = 50 000 euros

Soit un préjudice total de 541 079,70 euros dont il conviendra de déduire la somme provisionnelle de 150 166,59 euros versée le 26 septembre 2017 par la Sas Les Laboratoires Servier et la somme provisionnelle de 16 237.90 euros versée le 28 juin 2017 par l' ONIAM qui devra lui être remboursée par la Sas Les Laboratoires Servier.

Elle demande à la cour de dire que cette somme sera assortie des intérêts de retard avec capitalisation des dits intérêts à compter du 1er mars 2011, date de l'arrêt de travail initial, somme à laquelle il convient d'ajouter les préjudices financiers des tiers soit : 1 078,02 euros.

Mme Q L N réclame enfin la condamnation de la Sas Les Laboratoires Servier à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens y compris ceux d'expertises et que l'appelante soit déboutée de l'intégralité de ses demandes.

L'intimée insiste sur le fait que le lien de causalité de la prise de S avec la pathologie valvulaire qu'elle a présentée est démontré par les conclusions de tous les experts médicaux qui l'ont expertisée de sorte que la responsabilité de la Sas Les Laboratoires Servier doit être engagée.

Elle s'estime ainsi fondée à solliciter la juste d'indemnisation de ses préjudices conformément aux expertises réalisées.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2017, la Caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 30 juin 2017, et de condamner la Sas Les Laboratoires Servier à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée le 3 octobre 2019 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 octobre 2019.

MOTIFS

I. Sur la responsabilité de la société Les Laboratoires Servier

1. L'article 1386-1 devenu l'article 1245 du Code civil dispose que : Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Conformément aux dispositions de l'article 1386-9 devenu l'article 1245-8, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut tel qu'il est défini par l'article 1386-4 devenu l'article 1245-3, et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Les premiers juges ont exactement rappelé qu'il convenait de faire application de ces textes, sans qu'il résulte du dispositif d'indemnisation amiable au profit des victimes du Y créé par la loi du 29 juillet 2011 une présomption tenant aux conditions de la responsabilité du producteur de ce médicament s'imposant aux juridictions ; celles-ci ne sont pas non plus liées par l'avis du collège d'experts institué auprès de l'Oniam, qui vaut toutefois comme élément de preuve au bénéfice des parties au contradictoire desquelles il a été donné.

L'intimée est également fondée à se référer aux dispositions de l'ancien article L. 221-1 devenu l'article L. 421-3 du Code de la consommation, lesquelles n'ajoutent toutefois pas aux règles susvisées du Code civil.

2. L'appelante fait d'abord grief à Mme N de ne pas démontrer son exposition au S ni l'imputabilité de celle-ci à sa pathologie.

Il a toutefois été remis au Dr BB, expert judiciaire, un certificat du Dr E A, qui était son médecin traitant, et qui " certifie que Mme N a été traitée par le S pendant la période suivante : du 19 mars 2002 au 16 septembre 2009 ". Ce document est en lui-même suffisant pour apporter la preuve de l'administration de ce médicament à Mme N au cours de cette période, même s'il n'est pas étayé par les justificatifs de sa prescription et de sa délivrance effectives. Il n'a au demeurant pas été remis en cause par l'expert judiciaire qui, à défaut de pré rapport, n'a il est vrai pas répondu au dire de la société Les Laboratoires Servier sur ce point. Le Dr T, expert désigné par la présidente du collège d'experts Y, a lui aussi admis sans difficulté la prescription de S à Mme N entre le 19 mars 2002 et le 16 septembre 2009, sans que la société Les Laboratoires Servier n'émettent d'objection formelle dans ses observations que l'expert a cette fois prises en considération.

Les praticiens qui sont intervenus dans les suites de la révélation de l'insuffisance aortique sévère se réfèrent par ailleurs systématiquement, eux aussi, à la prise de S par Mme N au titre des antécédents de celle-ci, en particulier le Dr R le 3 décembre 2010 et le Dr B le 18 mars 2011.

Mme N a de plus été en mesure d'expliquer à la fois le but de la prise de S, destiné à lui faire perdre du poids, acquis en particulier après ses grossesses, sa posologie, de 3 comprimés par jour ramenée à 2 par jour, et son efficacité provisoire puisque, à l'arrêt du traitement, elle a repris en deux ans les 20 kg perdus durant le traitement. Il est encore noté par l'expert T que l'arrêt du traitement par Y est secondaire au retrait du médicament et, dans le compte rendu de consultation cardiaque du Dr R du 24 novembre 2010, que Mme N avait alors encore des boîtes à domicile.

La prise de S par Mme N n'est dès lors pas douteuse.

3. L'appelante discute l'état de santé cardiaque de Mme N antérieur à la prise du S au motif que son dossier médical n'est produit qu'à compter de 2006.

Selon l'expert BB, le souffle de Mme N a été découvert pour la première fois en 2006 par le Dr ZZ, cardiologue, alors que Mme N était sous traitement par S depuis le 19 mars 2002. A ce sujet, le Dr B, dans sa lettre du 18 mars 2011, écrit que " en juin 2006, un souffle cardiaque a été noté, il n'a jamais été signalé auparavant et dans ses antécédents on ne retrouve pas de rhumatisme articulaire aigu. Elle était donc vue en consultation en 2006 par le Dr ZZ qui retrouve un souffle peu important et qui retrouvait à l'échographie une insuffisance de grade I sans anomalie de la valve mitrale ". Et le compte rendu de consultation cardiaque du Dr ZZ du 6 juin 2006 est conclu par l'indication 'au total petite valvulopathie aortique' sans que soient consignés une indication ou un suivi cardiaques antérieurs, qui n'auraient pas manqué d'être signalés par la patiente ou son médecin traitant, qui plus est à une époque où, au moins à leur égard, la suspicion envers le S n'était pas communément répandue.

L'expert BB a d'ailleurs indiqué que, durant les trois grossesses de Mme N en 1974, 1990 et 1993, aucun souffle n'avait été noté dans le suivi médical et le Collège d'experts Y a estimé que les pièces médicales produites n'établissaient pas la prise d'un traitement potentiellement inducteur de valvulopathie autre que le Y.

L'état de Mme N est ensuite allé en s'aggravant au fil des ans puisque le Dr B a, le 9 février 2011, relevé une insuffisance aortique grade 3/4 justifiant une réparation chirurgicale.

L'apparition récente de sa valvulopathie en 2006, subséquente à la prise de S, est ainsi bien documentée par Mme N, qui a toujours déclaré en concordance avec les pièces fournies n'avoir eu aucun suivi cardiologique avant 2006, et à qui il ne peut être reproché de ne pas produire d'autres éléments médicaux d'ordre cardiaque dont rien n'accrédite l'existence. Il doit donc être considéré, comme l'ont fait tant les experts BB et T que le collège d'experts Y, qu'il n'y avait aucune valvulopathie précédant la prescription de Y.

4. Les premiers juges ont par des motifs complets et pertinents caractérisé le caractère défectueux du S, que l'appelante ne remet pas en lui-même en question.

En effet, après avoir reçu une autorisation de mise sur le marché le 16 août 1974, le S a été commercialisé en France à compter du 27 août 1976 ; il avait pour indication initiale les troubles du métabolisme des lipides et des glucides, mais a aussi été prescrit comme traitement contre l'obésité. Il a fait l'objet d'un retrait du marché le 20 juillet 2010, après une suspension décidée le 24 novembre 2009, en raison de sa toxicité cardio vasculaire caractérisée par un risque d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathie, ainsi que de son efficacité modeste dans la prise en charge du diabète de type 2.

Il ressort en outre de l'expertise particulièrement argumentée des Professeurs XX, YY, F, désignés par les juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris et auteurs d'un rapport en date du 23 mars 2013, cité par extraits dans le jugement déféré, notamment que rien ne justifiait après 1994 que le S soit maintenu sur le marché alors qu'on envisageait de faire sortir les fenfluramines avec toutes les phényléthylamines anorexigènes (p. 25), que le mésusage de ce médicament de grande consommation était apparent dès 1997 (p. 30 et 43), que les études épidémiologiques démontrent un lien causal entre prise de Y et valvulopathies, le Y étant aussi à l'origine du développement d'hypertensions artérielles pulmonaires (p. 31 et 44) ; que le risque de développement d'une valvulopathie est globalement multiplié par trois chez les populations de sujets ayant été exposés au Y et la prolongation du traitement favorise l'apparition de cette pathologie (p. 26).

Le défaut du médicament se déduit ainsi des risques graves liés à son utilisation, sur lesquels l'attention des prescripteurs comme des patients n'a pas été attirée, dépassant amplement son intérêt thérapeutique, et qui excluent qu'il puisse offrir la sécurité à laquelle on peut légitiment s'attendre.

Les premiers juges ont également à juste titre considéré que le défaut tenant à la toxicité du produit, susceptible d'engager la responsabilité de plein droit de son fabricant, était constitué alors même que celui-ci n'en avait pas connaissance lors de sa mise en circulation ou de sa prescription.

5. Concernant l'étiologie de la maladie valvulaire de Mme N, le Dr BB a relevé que les lésions décrites par l'échographie préopératoire étaient des lésions typiquement induites par des médicaments ; qu'il n'existait aucune autre pathologie en l'absence d'antécédents qui puissent provoquer un épaississement et une restriction des valves en l'absence de fusion commissurale et de calcification ; que l'échographie réalisée par le Dr R le 3 décembre 2010 était formelle à ce sujet, évoquant d'emblée une valvulopathie au S ; que ce fait a ensuite été confirmé par la description peropératoire du Professeur D qui retrouve une insuffisance aortique avec des sigmoïdes aortiques remaniées. Il en conclut sans équivoque que " la valvulopathie présentée par Mme N est indiscutablement une valvulopathie médicamenteuse imputable à la prise de S du 19 mars 2002 au 16 septembre 2009 ".

Le rapport du Professeur T est également en ce sens, estimant que tel qu'il est décrit avec atteinte rétractile à la fois sur la mitrale et sur l'aorte sans aucune symphyse et sans calcification, l'état de la valve est absolument typique tant en échographie que lors de l'examen macrocospique réalisé par le chirurgien et que, au total, le lien de causalité entre la prescription de S et la valvulopathie est certain. Il s'appuie sur l'avis de son sapiteur anatomopathologiste, le Professeur Z, selon lequel les lésions histologiques de fibrose endocardique observées présentent les caractères décrits dans le cadre d'une atteinte médicamenteuse toxique par les substances sérotoninergiques comme le Y, de sorte qu'on peut établir un lien de causalité direct et exclusif entre la prise de Y et les lésions de fibrose endocardique.

6. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que la preuve du caractère du caractère défectueux du S et celle de l'imputabilité de la pathologie de Mme

N à la prise de ce médicament étaient rapportées par la réunion d'un ensemble de faits et présomptions graves, précis, concordants, et que les éléments de la responsabilité de la société Les Laboratoires Servier étaient constitués, sauf démonstration d'une cause d'exonération de celle-ci.

II. Sur l'existence d'une cause d'exonération de responsabilité

Sur ce point, se prévalant des études de M. K V AA et du Professeur C P, et de plusieurs rapports d'expertises judiciaires, la société Les Laboratoires Servier soutient qu'elle n'était pas en mesure, lorsqu'elle a mis le médicament S en circulation, de déceler l'existence d'un défaut de ce produit dès lors que les connaissances scientifiques ne permettaient pas, jusqu'en 2009, d'en déceler l'existence.

L'intimée s'appuie quant à elle principalement sur le rapport d'expertise ordonnée par les juges d'instruction mais aussi sur le rapport BB.

C'est au regard, et dans la limite de ces seuls documents, qu'il convient d'apprécier si sont réunies les conditions de l'article 1386-11 4° devenu l'article 1245-10 4° du Code civil, selon lesquelles le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut.

Il est d'abord constant que, une fois présente dans l'organisme, la molécule instable de Y est transformée, dès son absorption, en différents métabolites, parmi lesquels la norfenfluramine qui, selon les experts XX, YY et F, constitue la raison essentielle de l'activité du Y et son facteur de nuisance principal (p. 6) ; que la structure chimique du Y diffère de celle des fenfluramines par l'adjonction d'un groupe benzoyle à l'extrémité de la molécule ; mais que le métabolisme des fenfluramines chez l'homme entraîne également la formation de norfenfluramine au même titre que celui du Y.

Il ressort des données du rapport établi au cours de l'instruction judiciaire qu'il y avait dans les travaux de X et de quelques autres de 1967 à 1973 la majeure partie des éléments permettant de suspecter que l 'activité du médicament passerait par celle de la norfenfluramine ; que, en 1985, le travail de thèse de RP Richard permet de mieux cerner le métabolisme et, de fait, ses travaux serviront de base ou de référence par la suite ; qu'en 1993, un rapport de H précise enfin sans ambiguïté les différentes 1/2 vies des métabolites et leurs teneurs plasmatiques au cours du temps, ce qui signe la responsabilité de la norfenfluramine dans la pharmacologie du Y (p. 3 et 4).

Or, les autorisations de mise sur le marché des médicaments anorexigènes de la famille des fenfluramines, dont l'Isoméride et le Pondéral également produits par les Laboratoires Servier, ont été suspendues par les autorités sanitaires françaises en 1997, après une restriction de leur prescription en 1995 en raison de la démonstration de l'augmentation du risque d'hypertension artérielle pulmonaire. Une étude publiée dans la revue spécialisée New England journal of medicine a par ailleurs établi une relation entre la prise d'un dérivé de la fenfluramine et des lésions valvulaires (rapport BB p. 14) et le retrait aux Etats Unis des anorexigènes est intervenu à la suite de la publication d'observations de cas de valvulopathie.

De plus, en 1997, la revue Prescrire a publié un article s'interrogeant sur les conséquences cardiovasculaires du Y en précisant qu'il s'apparentait à certains anorexigènes et que ni le profil des effets indésirables ni leur fréquence n'étaient connus avec précision ; en 1998, après que les autorités suisses ont exprimé des craintes concernant le principe actif du Y incriminé dans des hypertensions artérielles et le développement de valvulopathies, les Laboratoires Servier ont renoncé à la distribution de leur produit dans ce pays ; en 2001, un premier cas français suspect de valvulopathie induite par le S a été signalé à l'agence du médicament, sans suite ; en 2003, il a été retiré des marchés italien et espagnol, là encore par le fabricant, mais après des hypothèses de complications valvulaires liées au Y (rapport BB p. 14).

Les experts XX, YY et F confirment que les premiers signalements d'J et de valvulopathie associées à la prise de Y se sont produits en 1998-2003 et que, à cette époque, on savait que la métabolisation du Y dans l'organisme entraînait la formation de norfenfluramine, elle-même impliquée dans le développement d'J graves et d'insuffisances valvulaires, selon des mécanismes physiopathologiques dont certains commençaient à être connus ; et, selon la fiche de l'Affsaps du 16 novembre 2010 relative aux propriétés pharmacologiques et mode d'action du S, produite par l'appelante, c'est en 2000 que la norfenfluramine a été identifiée comme possédant une action agoniste sur les récepteurs 5- HT-2B présents au niveau des valves cardiaques, des études ultérieures venant l'étayer.

Ainsi, il existait à partir de 1997 des données scientifiques sur les conséquences néfastes du Y, qui ont sans cesse et rapidement été affinées et complétées dans un sens systématiquement concordant, qui auraient dû provoquer de la part de la société Les laboratoires Servier des investigations sérieuses sur la réalité des risques signalés, la transmission d'informations et recommandations à l'intention des médecins et patients, voire, selon les experts XX, YY et F, la mise en œuvre de mesures drastiques (notamment la suspension de la commercialisation) de la part du laboratoire producteur du produit et des instances publiques responsables de la sécurité des médicaments.

Au regard de la parenté du Y et des fenfluramines, dont les experts XX, YY et F soulignent que leurs points communs sont essentiels et que la différence entre les deux métabolismes, compte tenu de la disparition immédiate du Y de l'organisme dès son administration, peut être simplifié à une différence de production quantitative de norfenfluramine et à la présence d'une proportion de la molécule initiale pour la fenfluramine ou de S422 pour le Y, les Laboratoires Servier ne peuvent, pour justifier leur inaction, se retrancher, au vu des études et rapports qu'elle produit, derrière la singularité de la structure et du comportement des fenfluramines, les effets anorexigènes réels ou supposés du Y, ou encore la répartition inverse des effets néfastes du Y et des fenfluramines entre les hypertensions artérielles pulmonaires et les valvulopathies ; l'ignorance revendiquée par la société Les Laboratoires Servier ne présentai ainsi, au vu des informations dont elle disposait, aucun caractère inéluctable et devait au contraire à déceler le défaut de son produit.

La société appelante ne peut pas davantage opposer à Mme N, la position des autorités de santé et de pharmacovigilance dont l'abstention ou la passivité jusqu'aux décisions de suspension puis de retrait de 2009 et 2010, ne la dispensait pas de prendre elle-même les mesures propres à s'assurer de l'innocuité du produit qu'elle commercialisait et à mettre un terme sans délai à ses effets toxiques. La faute de l'Etat, reconnue par la jurisprudence administrative, non versée aux débats mais citée par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 avril 2016 communiqué par l'intimée, ne présente aucun caractère exonératoire de la responsabilité qu'elle encourt envers la victime du fait du défaut de son produit.

En conséquence, tout au long de la prescription de S à Mme N qui a débuté en mars 2002, la société Les Laboratoires a méconnu l'état des connaissances scientifiques sur les risques causés par son médicament en maintenant la commercialisation de celui-ci sans le moindre avertissement, et c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'elle ne pouvait se prévaloir du risque de développement pour s'exonérer de sa responsabilité.

III. Sur les préjudices de Mme N

Les premiers juges, qui ont précisément détaillé la pathologie dont était atteinte Mme N par suite de la prise de S et rappelé les étapes des soins qu'elle a reçus, ont aussi très justement apprécié les éléments de son préjudice au vu du rapport d'expertise judiciaire du Dr BB, du rapport d'expertise du Dr T et de son sapiteur le Dr Z, et du rapport d'expertise sur dossier du collège d'experts Y complété par son avis du 19 avril 2016.

Compte tenu de ces éléments, ils ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, apprécié l'étendue des préjudices subis et fixé des indemnités les réparant entièrement, à l'exception du poste relatif à l'incidence professionnelle.

S'agissant de l'assistance par une tierce personne, ils ont à bon droit considéré, au vu de l'avis du collège d'experts et en dépit de l'avis contraire du Dr BB et de l'avis nuancé du Dr T, que celle-ci était nécessaire pour la période antérieure à la consolidation pour une durée et un coût qu'ils ont exactement quantifiés, mais qu'elle ne l'était plus, à titre définitif, pour la période postérieure.

S'agissant des pertes de gains, ils ont été exactement calculés pour la période antérieure à la consolidation du 1er février 2013. Mme N a ensuite été licenciée le 2 août 2013 pour inaptitude et a reçu à compter du 1er septembre 2013 une pension d'invalidité pour une réduction de sa capacité de gains des 2/3. Comme l'ont retenu les premiers juges, son licenciement est directement dû à sa pathologie et aux interventions qui ont suivi puisqu'elle ne pouvait plus conserver son poste spécifique de secrétaire assorti de tâches physiques dans une petite entreprise. Alors âgée de 56 ans, Mme N n'avait plus qu'une infime chance de retrouver un emploi adapté à son état. Dès lors, même si le Dr T a est estimé avec beaucoup de réserves que, " sur le plan des séquelles médicales pures, la patiente aurait été, au moins en dehors du contexte social difficile de l'emploi, capable de reprendre une activité professionnelle au moins à mi-temps ", il y a lieu de considérer qu'une reprise d'activité n'était pas envisageable et, comme l'ont fait les premiers juges, que Mme N a subi une perte totale de ses gains professionnels jusqu'à sa retraite sans procéder à l'abattement de moitié réclamé par l'appelante.

S'agissant des débours de la Caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes, critiqués en partie par l'appelante, ils ont été à juste pris en considération intégralement par les premiers juges au vu des décomptes détaillés produits comme se rapportant aux soins reçus par son assurée pour traiter la valvulopathie causée par le S. Les indemnités journalières et la pension d'invalidité ont par ailleurs été en totalité imputées sur les postes réparant les pertes de gains actuels et futurs de la victime.

S'agissant en revanche de l'incidence professionnelle, d'une part Mme N étant indemnisée de l'intégralité de sa perte de rémunération jusqu'à sa retraite, elle ne peut invoquer simultanément une dévalorisation sur le marché du travail ; d'autre part, il n'est pas justifié, comme l'ont au demeurant noté les premiers juges, que l'absence d'activité de Mme N depuis 2013 jusqu'à ses 62 ans ait eu une incidence sur ses droits à la retraite. Ce poste de préjudice ne peut dès lors faire l'objet d'une indemnisation.

S'agissant enfin des postes relatifs au déficit fonctionnel temporaire et aux souffrances endurées, ils ont fait l'objet, en cours de procédure, du versement d'une indemnité par l'Oniam pour un montant total de 16 237,90 euros. L'Oniam étant subrogé dans les droits de la victime en vertu de l'article 1142-24-7 du Code de la santé publique, cette somme doit venir en déduction de l'indemnité qui lui est due pour les mêmes causes par le responsable.

Il y a lieu en conséquence, dans cette double mesure, de réformer partiellement le jugement déféré et de limiter la condamnation principale de la société Les Laboratoires Servier envers Mme N à la somme de 140 936,69 euros.

IV. Sur les frais

L'appelante supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à Mme N la somme de 4 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ; Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation principale prononcée à l'encontre de la société Les Laboratoires Servier envers Mme Q L N ; Statuant à nouveau du chef infirmé, Condamne la société Les Laboratoires Servier à payer à Mme Q L N une indemnité de 140 936,69 euros en réparation du préjudice causé par le S ; Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens d'appel et à payer à Mme Q L N la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.